Chapitre 36 : Epilogue

L'infirmerie, à nouveau. Je suis allongé tout habillé sur un lit. Je porte des vêtements moldus. Dans une heure, le professeur McGonagall viendra me chercher pour m'accompagner jusqu'à Pré-Au-Lard où un Portoloin m'attend. Au cours des deux prochaines semaines, je vais tenter de reprendre pied dans la réalité. Je vais tenter de reprendre ma vie là où je l'ai laissée.

Un hibou a été envoyé à mes parents pour les avertir de ce qui s'est passé et les prévenir également de mon retour. Ma mère m'a envoyé un courrier pour m'annoncer qu'elle m'aiderait à refaire surface. Mon père a ajouté qu'il ne me laisserait pas tomber et que je pourrais toujours compter sur lui.

Je prends tout ça de loin. Peter, James et Sirius sont partis il y a moins de cinq minutes. Ils m'ont tenu compagnie depuis que Dumbledore m'a traîné jusqu'ici. Avery est dans un autre lit, un peu plus loin. Son visage est caché par un amas de pansements. Picotti n'a pas survécu à son vol plané mais Peter pourra dire avec fierté qu'il a bien servi sa patrie. Quant à Timothée, il est parti il y a deux heures pour Azkaban en compagnie de deux aurors. Il a dix-sept ans, il sera donc en mesure de purger sa peine pour le meurtre de sa sœur cadette.

Je ferme les yeux mais je n'ai plus de larmes à verser. La douleur est figée dans ma poitrine. Lucrèce est morte parce que je n'ai pas su la protéger.

« Vous vous sentez mieux ? »

J'ouvre les yeux, vois le visage de l'infirmière penché sur moi. Je secoue la tête.

« Vous allez vous en remettre, j'en suis sûre. »

Elle pose la main sur mon épaule, me sourit doucement.

« Je suis tellement désolée que ça se soit passé ainsi. »

Moi aussi je le suis.

« La blessure mettra du temps à se refermer mais un matin, vous vous rendrez compte que ce n'est plus aussi douloureux. Vous referez surface. Et si jamais vous avez des doutes, si jamais vous avez besoin d'en parler, je serais là. »

Son sourire s'élargit.

« Et je sais que vos amis seront là eux-aussi. »

Je sais. Je ne leur ai pas décroché un mot depuis… depuis des heures mais ils ont tenus à rester auprès de moi tout de même. S'ils sont partis, c'est pour aller déjeuner bien que je devine qu'ils ne vont pas manger beaucoup ce soir. J'aimerais avoir la force de rester avec eux mais mon univers s'est écroulé et je n'ai en moi plus que des ruines et des sanglots.

Je reste là, allongé sur un lit, le regard fixé sur le plafond. J'ai tellement pleuré que j'en ai mal à la tête. L'infirmière resserre brièvement son étreinte sur mon épaule puis s'en va à son tour.

Je suis seul. J'ai toujours été seul, je le serais jusqu'à la fin de ma vie. Peut-on connaître deux fois l'amour ? Peut-on se relever après avoir perdu ce qui comptait le plus au monde ? Lily m'a dit que Lucrèce ne pouvait pas être le véritable amour de ma vie puisqu'elle était la première mais, au fond, elle n'en sait rien. Je crois qu'elle n'a dit ça que pour tenter de me remonter le moral.

Je tourne la tête sur le côté, avise la silhouette d'Avery sous ses pansements. Mademoiselle Pomfresh a mis presque une heure à lui retirer une à une les aiguilles de Picotti à la pince à épiler.

En un autre temps, en une autre époque, j'aurais pu en rire. Mais l'information peine à arriver jusqu'à mon cerveau et ne m'arrache même pas un sourire. Ai-je perdu mon sens de l'humour ? Pour les prochaines semaines, assurément. Ensuite… eh bien ensuite, on verra bien.

« Monsieur Lupin ? Vous êtes prêt ? »

McGonagall se tient sur le seuil de la porte. Une heure est déjà passée ? Possible. Je me lève avec des gestes lents. Mes jambes ne tremblent pas, mes genoux ne se dérobent pas. J'avance droit devant moi, le regard fixé sur un point lointain, un visage qui n'est plus de ce monde. La main de McGonagall se pose sur mon épaule et nous nous avançons dans le couloir. Quelques élèves nous regardent. Poudlard semble être soudainement devenu silencieux. Personne ne parle, personne n'a l'audace de rire ou de faire la moindre remarque. Je regarde droit devant moi, toujours. Ma douleur se lit-elle sur mon visage ? Aux regards de pitié que je croise, je devine que oui.

La mort n'est qu'un passage.

C'est en tout cas ce que m'a dit Dumbledore il y a… je n'en sais rien. Le temps n'a plus d'importance. Il va et il vient, guérit les blessures ou, au contraire, les rouvre.

Le temps n'est peut-être qu'une illusion ? De même que la mort…

De même que l'amour.

L'obscurité s'est abattue sur mon esprit et a tué la lumière. Mon âme hurle de douleur, se tord de désespoir.

Nous avons en chacun de nous un part d'ombre et de lumière. Il ne tient qu'à nous de ne pas briser cet équilibre.

Mais aujourd'hui, j'ai échoué, et j'ai tout perdu…