Un grand merci à ma fidèle Shima-chan, toujours prête à endurer mes égarements, pour sa correction rapide et efficace.

Merci à vous, qui continuez à me lire, malgré un délai toujours de plus en plus long et incertains. J'espère que ce chapitre, à défaut de combler vos attentes, vous aidera à endurer la suivante ;).


L'héritage du Temps

Il fallut une semaine à Merlin pour retrouver Brocéliande. L'Enchanteur dut traverser la moitié du royaume franc. Il ne s'était encore jamais enfoncé aussi loin dans cette partie du continent. Plus il avançait, plus le climat changeait, de plus en plus chaud et sec, et les habitants parlaient d'autres langues. Même leur physionomie était différente : ils étaient plus bruns, plus trapus, plus semblables à ceux que Merlin avait vus dans ses visions du passé, qui se faisaient appeler « les Romains ». Le soleil triomphant dans ces régions imprégnait jusqu'à leur corps, les rendant plus nonchalants et plus enflammés à la fois. Les paysages étaient tantôt arides, tantôt luxuriants et éclataient de couleurs chaudes et agressives. Même le bleu de la Mer et du Ciel paraissait plus intense.

Lorsque Merlin retrouva enfin Brocéliande, cette dernière avait établi ses quartiers sur un plateau rocheux recouvert d'une forêt dense et surplombant une rivière profonde. Forcément, le refuge des druides se distinguait par la brume épaisse qui formait une nuée opaque en plein milieu du plateau. Merlin traversa la brume, l'appréhension lui mordant le cœur.

Dès qu'il fut au sein de Brocéliande, il marcha instinctivement vers le campement des druides. Ces derniers semblaient l'attendre : en le voyant arriver, ils furent nombreux à interrompre leur activité pour venir à lui. Merlin chercha des yeux Mélusine, ainsi que Gorlois et Balinor, et s'inquiéta de ne pas les trouver. Lorsqu'il s'enquit d'eux, on le mena près d'une petite grotte, tapissée de mousse et de lierre. En s'engouffrant à l'intérieur, il trouva Mélusine, repliée sur une couche constituée de fourrures. Ses longs cheveux noirs répandus autour d'elle semblaient, dans la pénombre, ne faire qu'un avec les poils sombres. Sa nuque blanche jaillissait de cette grande toile d'ébène telle une lune dans un ciel sans étoiles.

Lorsqu'elle entendit Merlin approcher, elle releva la tête. Lorsqu'elle reconnut son père, elle se leva d'un bond et courut vers lui les bras tendus. Merlin la serra contre son cœur, éberlué par ses yeux rouges, encore bouffis par les larmes. En jetant un coup d'œil vers le lit improvisé, il reconnut le petit corps inerte de Gorlois. Un nœud se forma au fond de son estomac.

– Est-il… ?

Il n'osa pas poursuivre.

– Fiévreux, compléta Mélusine, des sanglots dans la voix. Ça fait deux semaines à présent. J'ai tout essayé. Je n'arrive pas à le guérir. Je ne comprends pas ce qu'il a…

Il y avait tant de détresse dans sa voix, que Merlin crut bien que la mère était à l'agonie tout comme l'enfant. Avec douceur, il se détacha de Mélusine et s'approcha de la couche de Gorlois.

Même dans les ténèbres de la grotte, Merlin pouvait voir que son petit visage était luisant de fièvre. Ses bras nus, dépassant de la couverture, étaient rouges et reposaient de part et d'autre de son corps. L'Enchanteur approcha sa main de sa poitrine et fut soulagé de sentir un pouls. Certes, fort et erratique, mais présent. Il glissa ses doigts dans ses boucles noires : elles étaient humides et coulantes. Le petit était brûlant.

Gorlois poussa un geignement léger en sentant la main de son grand-père contre sa peau. Il fit un mouvement de tête dans son sommeil, comme pour chercher plus de contact. Un élan d'amour douloureux traversa le corps de Merlin. Instinctivement, sa magie sonda le corps de Gorlois, à la recherche de l'infection qui l'avait mis dans cet état. Mais à sa grande surprise, il ne trouva rien. Rien à part les symptômes d'une fièvre nerveuse, mais rien pour l'expliquer.

Alors qu'il sondait le petit être, il sentit la magie de ce dernier lui répondre, l'appeler. Il décida alors de pousser plus loin son introspection et de commuer directement avec l'esprit de Gorlois. Aussitôt, il eut le sentiment d'être happé par celui-ci. L'enfant semblait n'avoir attendu que cela. Désespérément en manque d'attention et de contact. Lorsque Merlin fouilla son esprit, il vit partout des images d'Yann.

Le jeune forgeron hantait littéralement l'esprit du petit garçon : Yann lui souriant, Yann le faisant sauter sur ses genoux ou voler au-dessus de sa tête, Yann tenant sa mère dans ses bras, puis son frère, puis lui. Le serrant tellement fort à l'en étouffer. Son visage devint soudain plus mélancolique. Gorlois voit des larmes aux coins de ses yeux, mais il ne comprend pas d'où elles peuvent venir et pourquoi elles sont là. Son père lui apparait comme une force solide et inébranlable. C'est pour lui inconcevable qu'il puisse avoir la moindre faiblesse. Puis petit à petit, son image s'efface. Il cherche son père partout et ne le trouve nulle part. Il voit sa mère préoccupée. Elle ne sourit plus et ne rit plus comme avant. Elle s'occupe toujours de lui et de Balinor, mais elle semble le faire machinalement. Ses pensées sont ailleurs. Les jours passent, les saisons… Finalement, Brocéliande se déplace à nouveau. La Forêt s'installe à nouveau près du château où vit leur père. Chaque jour, sa mère quitte Brocéliande et ne revient qu'à la nuit tombée. Chaque jour, elle parait plus impatiente, plus dépitée et plus inquiète. Gorlois aussi est impatient et inquiet. Il veut revoir son père et ne comprend pas pourquoi sa mère ne l'emmène pas le voir, comme elle le faisait avant. Balinor, lui ne comprend pas non plus ce qui se passe, mais il est trop petit pour que cela l'inquiète. Un soir, leur mère revient : ses yeux sont rouges, elle est toute échevelée… Elle semble agitée comme si elle avait perdu quelque chose qu'elle n'arrive pas à retrouver. Puis Brocéliande se déplace de nouveau, sans que Gorlois et Balinor n'aient pu voir leur père. Le petit est furieux. Il crie. Il pleure. Il veut Yann. Il veut que tout redevienne comme avant. Les efforts que déploie Mélusine pour le calmer sont sans effet. Un jour, après une grosse crise de colère, il ose demander quand il reverra son père. D'un coup le visage de sa mère se durcit. Sans ambages elle lui répond : « Jamais ». La sentence est si brutale et sans appel que Gorlois n'ose même pas riposter. Il reste figé. Il a froid. C'est comme si une pierre venait de lui tomber au fond de l'estomac.

Merlin retira sa main du front brûlant de son petit-fils et se tourna vers Mélusine. Cette dernière le fixait anxieusement. L'Enchanteur remarqua qu'elle avait beaucoup maigri et que son visage était exsangue. Elle lui rappela étrangement Morgane. Les yeux du père et de la fille se rencontrèrent et il osa lui poser la question :

– Que s'est-il passé avec Yann ?

Mélusine ne dit rien. Mais ses yeux s'assombrirent. Elle se leva brusquement et marcha vers l'entrée de la grotte.

Merlin poussa un profond soupir. Il allait devoir avoir une explication avec elle. Mais pour le moment, il ne pouvait pas quitter Gorlois. Il resta toute la journée auprès du petit, l'entourant d'attention et écoutant en silence ses angoisses et ses tourments. Peu à peu, Gorlois s'apaisa et sa fièvre finit par tomber. En fin de journée, Merlin parvint même à emmener le petit dehors pour qu'il profite un peu du grand air. Gorlois resta dans ses bras, agrippé au cou de son grand-père et refusant de le lâcher.


C'était étrange pour l'Enchanteur, de jouer ainsi les nounous pour son petit-fils. Ses pensées dérivèrent par moment vers Lohot, qui venait aussi d'être brutalement séparé de ses parents. Et pour la première fois depuis qu'il avait quitté Camelot, Merlin craignit d'avoir pris la mauvaise décision en encourageant Arthur à envoyer son fils unique au loin. Les adultes considéraient les enfants comme des êtres purs et innocents, de petites créatures gaies et vaillantes, en perpétuel changement et impossibles à faire chanceler, ignorant les dégâts qu'une séparation brutale pouvait provoquer chez eux. Il en voyait les effets sur Gorlois. Il avait été témoin du chagrin du petit prince. Combien d'innocentes victimes sa guerre contre Mordred allait-elle encore faire ?

Lorsque Gorlois fut suffisamment rétabli, Merlin le laissa aux bons soins des druidesses, qui s'occupaient déjà de Balinor, et alla trouver Mélusine. Cette dernière s'était réfugiée près d'une rivière, où elle s'occupait à créer des formes animées dans l'eau. Merlin s'assit calmement près de sa fille, faisant peser son regard sur elle. Mélusine ne daigna pas se tourner vers lui, ni lui adresser un mot. Mais il pouvait voir, à la raideur de ses membres et aux mouvements de moins en moins fluides de ses formes animées, qu'elle était contrariée.

– Je suis passé par l'ancienne contrée de Brocéliande. Je pensais t'y trouver.

Mélusine ne dit rien.

– Là, j'ai été abordé par des hommes du château, poursuivit Merlin, qui m'ont pratiquement trainé devant le seigneur du domaine : le baron Grégoire. Je suppose que tu le connais…

– Je n'ai jamais parlé au baron Grégoire, répondit froidement Mélusine. Je n'ai jamais été seule en sa présence.

– Il m'a dit des choses peu agréables. Que je ne te répèterai pas. J'ai vu le père des garçons aussi. Très brièvement.

La bulle qui était en train de se former à la surface de l'eau éclata brusquement.

– J'ai lu dans l'esprit de Gorlois, qu'il n'a pas vu son père depuis plus d'un an. Il ne sait pas pourquoi. Et il ne comprend pas pourquoi tu ne veux plus le voir. Mél, j'aimerais comprendre moi aussi. Que s'est-il passé ?

Ce qu'il s'est passé ? gronda-t-elle entre ses dents. Yann m'a trahie, voilà ce qu'il s'est passé !

Elle se leva d'un bond et arpenta la berge de long en large.

– Je lui ai fait confiance ! Je lui ai tout donné ! Et lui… Dès que j'ai eu le dos tourné… Il en a épousé une autre ! Contre un domaine et un château, il a renié l'engagement qu'il avait pris envers moi !

Elle était de plus en plus agitée. Ses lèvres tremblaient, des larmes coulaient sur ses joues. Merlin se leva à son tour et alla la prendre dans ses bras. Mélusine se lova dans son giron et éclata en sanglots.

– Je croyais qu'il m'aimait, gémissait-elle. Mais il s'est seulement servi de moi…

Merlin la serra plus fort. Etrangement, il se sentait plus impuissant face aux larmes de sa fille que devant un dragon ou un sorcier maléfique. Il lui caressa doucement les cheveux, dans un geste d'apaisement. Il aurait voulu trouver des paroles réconfortantes. Mais il n'existait pas de formule magique pour guérir d'un chagrin d'amour.

– Mél, murmura-t-il à son oreille. Je comprends ta douleur et mon cœur est avec toi. Mais crois-tu qu'il soit juste de faire souffrir les enfants pour un différend qui ne regarde que leur père et toi ? Gorlois n'a même pas eu droit à une explication sur la disparition de son père…

Aussi brusquement qu'elle s'était lovée dans ses bras, Mélusine s'en arracha avec rage. Elle jeta sur lui ses yeux bleus, si sombres. L'expression de son visage était devenue farouche, au point qu'un instant Merlin eut l'impression de revoir Morgane.

– Qui es-tu pour me dire comment je dois élever mes enfants ?!

Merlin ne s'attendait pas à cette répartie et demeura figé sur place.

– Toi qui, depuis ma naissance, passe ton temps à jouer les courants d'air ! Si je n'étais pas tombée devant ce foutu cheval, il y a quinze ans, tu n'aurais même pas été au courant de mon existence. Et d'ailleurs, je me demande encore comment vous avez pu avoir un enfant tous les deux. Mère n'a jamais voulu me dire ce qu'il s'était passé. A elle aussi, tu lui as fait de belles promesses pour ensuite l'abandonnée au profit de ton Roi adoré ? Que lui avais-tu promis ? L'as-tu faite chanter ? Ou pire ?! Qu'est-ce qui s'est passé entre vous deux ? De quoi suis-je le fruit ? D'un marché de dupe ? D'une transaction sordide ? Ou d'un acte encore bien pire que ma bouche refuse de qualifier ?...

– Je n'ai jamais contraint ta mère à quoi que ce soit ! se défendit vivement Merlin.

Ce dernier était choqué des paroles de Mélusine. Depuis combien de temps échafaudait-elle de telles théories ? C'était donc cela l'image qu'elle avait de ses parents ! De lui et de Morgane…

– Jamais je n'aurais fait une chose pareille ! Jamais je ne lui ai promis quelque chose que je ne pouvais ou ne voulais pas lui donner. Comment peux-tu avoir de telles pensées ?

– Et comment pourrait-il en être autrement ? Je ne sais rien de vous deux ! Depuis que je suis enfant, vous m'avez toujours caché la vérité. J'ai bâti ma vie sur des non-dits et des silences. La seule chose dont je sois sûre est que mes propres parents sont pour moi de parfaits étrangers !...

Chacune de ses accusations blessa profondément Merlin. D'autant plus qu'il les savait légitimes. Les secrets gangrénaient son existence et celle de sa fille depuis trop longtemps.

– Mélusine, dit-il, j'ai eu des torts envers ta mère. Tout comme elle en a eu envers moi. Il fut un temps où nous étions amis, puis nous sommes devenus ennemis.

– Pourquoi ?

– A cause de choses qui se sont produites bien avant ta naissance. C'est… C'est compliqué à expliquer. Je ne sais même pas par où commencer.

– Essaie !

Mélusine devint impétueuse, autoritaire. Il y avait dans cet ordre un besoin avide de combler les trous de son passé, de sa propre existence. Mais Merlin ne voyait pas par où commencer. Comment lui faire comprendre le doute et la peur qui avaient empli toute sa jeunesse et empoisonné ses rapports avec Morgane ?

– Tu la détestais donc tant !... s'épouvanta Mélusine en interprétant son silence.

– Non ! J'ai… j'ai été en colère. Pendant longtemps. Je lui en ai même voulu à une époque. Mais je n'ai jamais pu haïr ta mère…

– Pourquoi ?

– Parce que… j'aurais pu être à sa place et elle aurait pu être à la mienne. Ce n'est pas Morgane, ni moi qui avons voulu que les choses tournent ainsi, c'est… le hasard, le destin, la volonté des dieux… En somme, les noms que les hommes donnent aux choses qui échappent à leur contrôle…

– L'as-tu aimé ? Même un peu, même brièvement… Juste… le temps d'une respiration.

– …Oui.

Cela il pouvait le dire. Il avait aimé Morgane. Même s'il n'avait jamais pu le lui avouer. Il avait aimé la jeune femme forte et courageuse. Il avait admiré sa détermination et son sens de la justice. Son cœur s'était brisé en la voyant sombrer dans les ténèbres, sachant qu'il y avait sa part de responsabilité.

– Tu mens, s'énerva Mélusine.

– Je ne te mentirai jamais sur cela.

– Donc tu l'aimais et tu l'as abandonnée.

– C'est compliqué Mélusine…

– Comme toujours, tu fuis les explications. C'est bon, j'en ai assez !

Elle lui tourna le dos et s'enfonça dans la forêt.

– Si c'est tout ce que tu as à dire : me faire des reproches et refuser de me donner tes raisons, tu peux retourner d'où tu viens. J'ai assez donné avec les mensonges !...

Elle avait disparu, laissant Merlin le cœur lourd près de la berge.


Merlin resta un long moment seul et désemparé. Devait-il obéir à Mélusine et partir ? La laisser tranquille et cesser de la tourmenter avec le fardeau de ses secrets. Peut-être était-ce la solution après tout : se détacher d'elle une bonne fois pour toutes et lui permettre de s'épanouir sans lui, de trouver enfin la paix et la sérénité qui lui manquait tant, à lui.

– Elle ne sera jamais sereine tant qu'elle ignorera une part de son passé.

Merlin se retourna pour faire face à l'esprit de Brocéliande. L'Esprit de la Forêt avait revêtu l'apparence de Morgane, une fois encore. Mais Merlin éprouva du réconfort à revoir le visage de la jeune femme, même s'il avait conscience qu'il ne s'agissait que d'une illusion.

– Tu savais, n'est-ce pas ? demanda-t-il. Tu savais que les choses tourneraient ainsi… avec son forgeron.

– Je ne sais pas tout, Merlin. Mais il y a des choses que je devine. Que je sens. Les humains appellent cela l'intuition. Pour une déesse, c'est un peu plus que ça. Mais ça s'en approche. J'avais des doutes. Les relations entre les druides et les simples mortels se concluent rarement de manière agréable pour les deux partis.

– Tu aurais pu agir ! Empêcher cela…

– Et qu'aurais-je dû faire selon toi ? Punir ce garçon pour une faute qu'il n'avait pas encore commise ?

– Tu aurais pu prévenir Mélusine. Lui dire de se méfier…

– M'aurait-elle seulement écoutée ?

– Tu es Brocéliande !

– On n'écoute personne lorsqu'on est amoureuse ! Elle l'était. Elle l'est encore. Et elle le restera un long moment.

– N'y avait-il aucun moyen pour qu'elle ne souffre pas ?

– Certaines douleurs sont nécessaires, car elles nous poussent à avancer. Elles nous enseignent la prudence.

Comme toujours, Brocéliande paraissait sereine et détachée.

– Les douleurs, maugréa Merlin, j'ai l'impression d'en avoir bouffé à m'en faire éclater l'estomac. A quoi ça rime, dis-moi ? Toutes ses épreuves, pour au final voir les miens souffrir : Arthur être séparé de son fils unique, Guenièvre perdre son frère et son enfant à naître, Gauvain qui n'a plus son épouse, Mithian son mari… Et ma fille qui se retrouve le cœur brisé ! Pourquoi suer sang et eau pour parvenir à un résultat aussi minable ?!

– Un royaume prospère. Une Albion forte, indépendante et unie. Soutenue par un Roi juste et brave. C'est cela que tu appelles un résultat minable ?...

– Pour combien de temps ? Les fondations de ce royaume sont en train de s'effondrer. Chaque jour, l'ennemi à sa porte devient plus puissant…

– Il n'y a que dans l'adversité que l'on mesure sa véritable force. Celui qui n'a connu ni la peur, ni le doute, ni l'échec… Peut-il vraiment prétendre qu'il a triomphé de tout ?

Merlin s'agenouilla sur le sol d'humus et se prit la tête dans les mains.

– Si seulement j'en voyais la fin, soupira-t-il. Mais pour chaque catastrophe évitée, une plus grande fait son apparition.

– Et les choses iront encore en empirant, avant de s'améliorer.

– Tu as le don de me remonter le moral.

– Je ne suis pas venue pour ça.

– Pourquoi alors ?

– Te mettre en garde, Merlin. Un cataclysme terrible est sur le point d'arriver. Mordred a réveillé des forces destructrices, bien plus puissantes que tout ce que Camelot n'a jamais eu à affronter. La mort d'Elyan, la perte de l'enfant à naitre de Guenièvre… Tout cela fait partie d'un rituel mis en place par Mordred pour déstabiliser Albion et fragiliser les scellés de la Porte du Néant.

– Comment ?

– « Le sang du frère sur les mains de la sœur », « l'enfant tué par la mère en son sein »… Ces manœuvres ont pour but de fissurer les remparts dressés par la Magie, et permettre au Néant d'infiltrer le Royaume d'Albion.

Merlin sentit son sang se glacer dans ses veines.

– C'était donc cela… Son but. Lorsqu'il a enlevé Lionel pour le monter contre son frère1… Quand il a poussé Doorm à enfreindre les règles de l'hospitalité en assassinant Lavaine sous son toit lors d'un banquet(2)… C'était pourquoi il avait choisi Médée pour ensorceler Guenièvre… Il comptait sur son passé d'infanticide…

Les larmes lui brûlèrent les yeux. Comment avait-il pu être aussi aveugle ?

– Ne te fait pas trop de reproches, lui dit doucement Brocéliande. Mordred est déterminé. Et il œuvre dans l'ombre depuis un long moment. Tu as toutefois un avantage sur lui.

– Lequel ?

– Mordred est seul. Le Néant se sert de lui. Il le vide peu à peu de son essence vitale. Le Temps joue donc en sa défaveur, car plus tard le lien sera rompu, plus terribles en seront pour lui les conséquences.

– En attendant, des gens meurent à cause de lui.

– C'est pourquoi il est vital que tu te réconcilies avec Mélusine. En l'absence du soutien de Mâab, seul l'union de ta chair et de ton sang peut garantir ta force.

– Que dois-je faire alors ?

– Dis-lui. Dis-lui qui elle est. Ou plutôt qui était sa mère…

– Non, je ne peux pas. Elle n'est pas prête…

– Elle l'est, crois-moi. Elle l'est depuis longtemps. Ne commet pas la même erreur qu'Uther : ne la laisses plus dans l'ignorance. C'est de toi qu'elle doit apprendre la vérité et de personne d'autre.

Merlin sentit sa gorge se serrer.

– Et les Dieux ne peuvent-ils rien faire ? C'était initialement leur combat, après tout.

Pour la première fois, il vie le visage serein de Brocéliande se tordre. Elle détourna ses yeux – les yeux verts, perçants, de Morgane – et les fit couler sur la rivière.

– Les Dieux n'ont plus leur puissance d'autrefois. Mâab t'avait prévenu : de grands changements s'annoncent au sud. L'ordre du monde est sur le point de basculer.

– Dois-je aussi m'inquiéter de cette menace ?

– Non. Tu es trop jeune et encore trop humain, pour que cela puisse te concerner. Occupe-toi seulement de rassembler tes forces. Lorsque la Porte du Néant s'ouvrira, aucun dieu ne pourra vous venir en aide.


Au soir, Merlin regagna le campement des druides. Gorlois courut vers lui, ses petits bras tendus, et lui sauta au cou. Mélusine les observa de loin. En voyant son père revenir, elle n'avait pas tenté d'empêcher son fils de le rejoindre. Mais elle n'avait pas fait un geste pour l'imiter non plus.

L'Enchanteur prit calmement sa place autour du feu de camp et partagea leur repas dans le silence. Lorsque la nuit fut tombée, Balinor avait rejoint son frère dans le giron de leur grand-père. L'heure du couché arrivant, les deux petits garçons réclamèrent une histoire. Ils pressèrent Merlin de leur raconter une de ses aventures. Gêné, ce dernier vit les druides autour du feu de camp se rapprocher : depuis le temps qu'ils voyaient le Grand Sorcier faire des aller-retour dans leur monde et celui des hommes, tous brûlaient d'envie d'en connaître un peu plus sur ses actions et ses responsabilités.

Merlin risqua un nouveau regard vers Mélusine. Celle-ci n'avait pas quitté sa place et semblait ne prêter aucun intérêt à l'attroupement qui se formait autour de son père et de ses fils. Comme tous avaient les yeux rivés sur lui, Merlin prit une profonde inspiration et commença son récit.

– Il était une fois, dans un lointain royaume, un roi et une reine bons et sages tous les deux. Leur territoire était modeste mais prospère. Ils régnaient avec douceur et équité sur leurs loyaux sujets, qui les aimaient et les révéraient en retour. Le roi avait pour meilleur ami un chevalier, noble, loyal et généreux. Et ce chevalier avait pour épouse une très belle dame, qui était magicienne. Ils vivaient tous les quatre dans un immense château où ils occupaient leur temps à rire et festoyer. Mais dans cette existence douce et heureuse, une chose manquait cependant à leur bonheur. En effet, en dépit de tous leurs efforts, le roi et la reine n'avaient pas d'enfant.

« Par une nuit sans lune, le bon roi entra par mégarde dans la chambre du chevalier, alors que ce dernier était parti guerroyer. Il ne restait que l'épouse de ce dernier, qui dormait seule dans son lit. Comme il faisait nuit noire, le roi crut qu'il s'agissait de son propre lit et de son épouse, la reine. Il se coucha donc comme à son habitude dans le lit, aux côtés de celle qu'il pensait être sa femme et passa toute la nuit avec elle(3). Ce n'est que le lendemain que le roi et la femme du chevalier se redirent compte de leur erreur. Ils se promirent de n'en souffler mot à personne et d'oublier toute cette histoire.

« Mais neuf mois plus tard, la femme du chevalier mit au monde une fille. Une enfant si gracieuse et si belle, que tout le monde la comparait à une princesse. Le chevalier et son épouse lui donnèrent pour nom Morgane.

Du coin de l'œil, Merlin vit Mélusine tendre l'oreille. Prenant une profonde inspiration, il resta focalisé sur Gorlois et Balinor qui ne perdaient pas une miette du récit.

– Le roi en fut mortifié. Car il savait que cette enfant était la sienne. Mais, comme il avait juré de ne rien dire, il ne pouvait pas la reconnaître. La reine, de son côté, ne se doutait de rien. Mais la grâce et la vivacité de la petite fille ne lui rappelaient que plus durement qu'elle-même ne pouvait pas avoir d'enfant. En effet, les druides lui avaient confirmé depuis longtemps que son ventre ne pouvait accueillir de bébé et qu'elle ne pourrait donc jamais porter la vie de manière naturelle.

« Si Morgane faisait la joie de ses parents, elle ne faisait en revanche que rappeler cruellement au roi et à la reine leur propre malheur. Si bien qu'un jour, le roi alla trouver une magicienne très puissante, nommée Nimue, et lui demanda si elle pouvait faire en sorte que sa femme tombe enceinte.

« - Bien sûr, lui répondit Nimue. Mais pour cela, il y aura un prix à payer. Car la Magie ne donne rien sans prendre…

Plus Merlin parlait, plus les mots lui venaient naturellement. C'était comme un cours d'eau qui, après avoir été retenu pendant des lustres par un barrage, retrouvait enfin le lit de sa rivière et s'y coulait paisiblement. Il parla du pacte d'Uther et de Nimue, de la naissance d'Arthur, de la mort d'Ygerne et des conséquences pour l'ensemble de la communauté magique d'Albion. Il évoqua brièvement Mâab et la destinée qu'il avait voulu tracer pour lui. Il s'attarda plus sur Balinor et Hunith, sur son enfance à Ealdor et son arrivée à Camelot. Et sa rencontre avec Arthur…

– Le jeune prince était devenu un guerrier fort et courageux. Mais des années passées sous la coupe de son père avaient gâté son caractère. Il était orgueilleux, vaniteux, tyrannique mais surtout terriblement seul. Le prince Arthur avait besoin qu'un ami le guide sur le chemin de la sagesse. Contrairement à la jeune Dame Morgane qui avait grandi en beauté et que la perte prématurée de ses parents avait rendue compatissante et soucieuse du bien être des petites gens. Les deux jeunes gens s'aimaient comme un frère et une sœur. Qu'il arrive malheur à l'un et l'autre était désemparé…

Merlin insista beaucoup sur l'attachement qu'Arthur et Morgane avaient eu l'un pour l'autre. Il se nourrit de leur aventure de jeunesse, des combats qu'ils avaient menés ensemble. Imperceptiblement, il vit Mélusine se rapprocher du groupe. Ses grands yeux bleus ne le quittaient plus à présent. Maintenant qu'il avait toute son attention, Merlin devait choisir avec plus de soin ses mots. Surtout lorsqu'il dut aborder l'épisode de l'empoisonnement :

– Le jeune magicien comprit qu'il ne pourrait pas sauver la cité de Camelot sans faire de mal à son amie. C'est le cœur lourd et empli de remords qu'il versa du poison dans une flasque et proposa à Morgane d'en boire. La jeune femme avait le cœur pur et accepta sans méfiance le cadeau qui lui était tendu. Le jeune garçon serait longtemps hanté par le désespoir qui envahit son regard, autrefois si doux, lorsqu'elle comprit que celui en qui elle avait le plus confiance venait de la trahir.

Merlin dut s'interrompre un instant, la gorge nouée, car Gorlois secoua la manche de son manteau :

– Et que s'est-il passé ensuite ?

L'Enchanteur ravala sa salive. Dieux, qu'il était difficile de ranimer tous ces vieux souvenirs !

– La sorcière Morgause fit irruption dans la salle du trône, alors que Morgane expirait, inconsciente, dans les bras du jeune valet. En comprenant ce qu'il avait fait, elle entra dans une colère noire. Elle menaça le garçon, lui promit milles tourments.

« - Je peux encore la sauver, dit-elle. Dis-moi quel poison tu as utilisé et je trouverai l'antidote.

« - Libérez Camelot du sort que vous lui avez jeté, répondit le valet sans faiblir, et je vous donnerai le poison.

« La Sorcière s'exécuta et le garçon fit de même. Morgause disparut dans un nuage de poussière en emportant Morgane avec elle. Durant deux longues années, le roi Uther et le prince Arthur demeurèrent inconsolables. Ils envoyèrent des chevaliers aux quatre coins du Royaume et même au-delà des frontières, pour tenter de retrouver la jeune Dame disparue. Arthur lui-même mena plusieurs expéditions, pensant que c'était de sa faute si Morgane avait été enlevée, parce qu'il n'avait pas su la protéger. Son jeune valet se trouvait toujours à ses côtés. Lui savait la vérité mais ne pouvait rien dire. Il était partagé entre l'espoir que Morgane soit toujours vivante et la peur qu'elle ne revienne à Camelot et raconte au roi ce qu'il avait fait.

« Finalement, un jour, presque par hasard, au fond d'un sous-bois, la jeune Dame fut retrouvée. Elle était transie de froid, ses vêtements déchirés, il y avait des branches et des brindilles dans ses longs cheveux, mais elle était bel et bien vivante. Le Roi et le Prince furent fous de joie de la retrouver. A l'extérieur, elle paraissait être toujours la même : toujours douce, aimante et brave. Mais dans son cœur, bien des choses avaient changé. Et cela, le jeune serviteur n'allait pas tarder à en faire les frais…

A partir de là, son récit devint plus sombre. S'enchainèrent les complots et les trahisons au sein même de la cour de Camelot. Les meurtres aussi. Morgane s'enfonçant dans sa colère et sa haine. Lui s'empêtrant dans ses mensonges et ses secrets. Arthur au milieu de tout cela, qui apprenait à être un meilleur roi que son père, qui découvrait ce qu'est l'amour véritable auprès de Guenièvre… Les chevaliers, l'avènement de la Table Ronde…

Jusqu'à l'ultime tentative de Morgane pour s'emparer du trône et son dernier échec(4). Qui avait conduit à leur isolement dans la forêt et de la conception de Mélusine.

– Ils arrivèrent à la frontière du Royaume d'Arthur. Là, le Magicien lui dit de marcher droit vers l'horizon, sans se retourner. Blessée dans son orgueil, Morgane lui demanda pourquoi il l'avait sauvée d'une mort certaine, si c'était pour la jeter sur les routes telle une mendiante.

« - Autrefois, dit-il, je t'ai empoisonnée alors que tu étais innocente, aujourd'hui je te sauve alors que tu es coupable. Ainsi nous sommes quittes."

Ces mots, Merlin s'en souvenait comme s'il les avait prononcés la veille. La même amertume lui monta à la bouche. Avait-il manqué de courage, ce jour-là ? Ou bien de lucidité ? Bien sûr, il ne pouvait pas se douter à ce moment-là que Morgane portait son enfant…

– Et qu'est-il arrivé ensuite ? demanda la petite voix ensommeillée de Gorlois.

Balinor s'était déjà endormi à poings fermés dans les replis du manteau de son grand-père. Quasiment tous les enfants du groupe sommeillaient à présent. Seuls les adultes étaient encore attentifs. Il faisait nuit noire. Le feu était mourant.

– Il est plus que temps d'aller au lit, lança Mélusine d'une voix douce en s'approchant pour prendre Gorlois dans ses bras.

Le petit protesta faiblement, mais Morphée était déjà en train de l'emporter. Merlin s'occupa de Bal et le ramena dans la grotte, à la suite de Mélusine et de Gorlois. Ils couchèrent les deux garçons côte à côte. Enveloppés dans les couvertures, leurs boucles noirs se perdant dans les poils des fourrures. Ainsi dans la pénombre, ils étaient si semblables qu'on aurait pu les prendre pour des jumeaux.

Attendri par ce spectacle, Merlin se tourna vers Mélusine. Celle-ci couvait ses garçons d'un regard sombre et brûlant. Il n'y avait plus de colère dans ses yeux. Juste de la fatigue et une profonde mélancolie. Avant que Merlin n'ait pu dire un mot, elle lui lança :

– Je vais me coucher. Cette journée m'a exténuée. Je te dis à demain, Père.

Merlin fut soulagé de ne sentir aucune animosité dans sa voix. Il lui rendit son bonsoir et alla se coucher à l'entrée de la grotte.


Au matin, Gorlois et Balinor dormaient toujours serrés l'un contre l'autre. Mélusine avait quitté sa couche. Merlin la retrouva non loin, occupée à faire cuire des victuailles pour le petit-déjeuner.

Merlin s'approcha d'elle à pas de loup, ne voulant pas la déranger dans sa tâche. Le silence n'était plus inconfortable entre eux, même s'ils savaient l'un et l'autre qu'il faudrait le briser tôt ou tard.

– Ainsi donc, Arthur est mon oncle.

Mélusine avait dit cela d'une voix neutre, comme elle aurait pu parler de la fraicheur de l'aurore ou de la cuisson des œufs.

– Oui, répondit Merlin.

– Sait-il que j'existe ?

– Non.

– Vas-tu lui dire ?

– Veux-tu que je le fasse ?

Mélusine était en train d'étaler de la bouillie sur des tranches de pains. Elle suspendit son geste, comme si formuler une réponse à cette question lui réclamait toutes ses facultés cognitives.

– Je suppose que ça changerait beaucoup de chose, qu'il soit au courant…

– Pour toi, certainement.

– Et pour toi aussi.

Elle termina de préparer les tartines et les disposa sur une planche découpée dans un rondin de bois.

– Sera-t-il en colère contre toi ?

– Il y a des chances. Au début, du moins…

– Et après ?...

– Je n'ai pas la réponse à cette question. Sincèrement, Mélusine ! dit-il en la voyant froncer les sourcils. Cela fait tellement longtemps que je me demande si j'ai raison ou tort de continuer à lui cacher la vérité. Une partie de moi voudrait tout lui dire : par respect pour toi, pour ta mère et pour lui… Mais l'autre craint les conséquences : pour toi et pour les enfants.

– Tu penses qu'Arthur pourrait nous vouloir du mal ?

– Non, pas lui ! Mordred. Dès l'instant où tout le royaume saura qu'Uther à une autre descendance – des sorciers de surcroit –, tu peux être sûre que les vieilles tensions vont refaire surface. Mordred va vouloir se servir de vous pour diviser le Royaume et nous diviser, moi et Arthur. Monter les amis les uns contre les autres. La sœur contre le frère. La mère contre le père. Le père contre la fille… Je m'en veux de t'avoir mêlée à tout ça. Car tu l'es, même si tu n'en as pas eu conscience pendant longtemps. Je voulais que tu aies une chance de grandir loin de toute cette folie. Que tu trouves cette paix et ce bonheur qui me sont à jamais refusés…

Il sentit une pression sur sa nuque. C'était la main de Mélusine : un geste tendre et compatissant, d'une fille aimante envers son vieux père.

– Laisse-moi t'aider. Je peux porter ce fardeau avec toi.

– Mél…

– C'est pour ça que Mordred veut nous diviser !

Elle s'était déplacée pour se mettre à genoux devant lui.

– Parce qu'il sait qu'unis nous serons toujours plus forts que lui ! Avec ou sans l'aide du Néant…

– J'ai promis à ta mère que je te protègerai quoi qu'il en coûte.

– Et tu l'as fait ! Je suis assez grande maintenant. Je suis assez forte. Tu n'es plus obligé de garder tous ces secrets pour toi. Tu peux les partager avec moi. Je veillerai sur toi, quand toi tu veilleras sur Camelot. Je serai ton alliée secrète. Et à nous deux, nous serons invincibles !

Emporté par son enthousiasme, Mélusine noua ses bras autour de son cou. Et Merlin sentit un poids immense quitter ses épaules. Il avait de nouveau vingt ans et tout lui semblait possible, à portée de main. Il suffisait qu'il y croie.


1. Voir chapitre 54.

2. Voir chapitre 64.

3. Bien sûr, Merlin édulcore beaucoup ce passage. D'une, parce qu'il s'adresse à des gamins de quatre et trois ans. De deux, parce qu'il ignore au juste ce qui s'est réellement passé entre Vivianne et Uther, et par conséquent ne peut pas vraiment donner de détail. Si vous voulez plus d'info, je vous renvoie à ma fic Les Morts aussi ont de la Mémoire. ;)

4. Voir Merlin, fin saison 4.

Voilà, j'espère que ça vous aura plus. J'attends vos impressions dans les commentaires. A bientôt ;)...