Note de la traductrice : Vos reviews m'ont tellement bouleversées que je ne me sentais pas de vous faire attendre davantage. Voici donc le dernier chapitre, et je vous à dans deux semaines pour le premier chapitre de "Un vide en ce monde". Mycroft est intelligent, mais fais parfois des erreurs. Pour la cruauté dont il n'aurait pas fait preuve, il a préféré le risque.

Concernant la "jalousie" et "possessivité" de Moriarty, c'est dans le sens où il se considère comme le seul à avoir le droit de "faire de son coeur un tas de cendre". Il est exclusif, la souffrance de Sherlock lui revient à lui et lui seul.

(1) Échange de bons procédés, à ne pas confondre avec "quiproquo".


Chapitre 4 :

Mycroft se tenait dans la salle d'observation, observant James Moriarty à travers la vitre sans tain, qui était assis sans faire un bruit, tordant ses doigts entrelacés, comme si il menait une symphonie silencieuse. Moriarty n'avait rien dit depuis sa capture, et semblait même assez heureux de s'être muré dans son silence. Mycroft laissa son regard tomber sur Anthea qui entrait dans la pièce, fermant la porte derrière elle.

"- Monsieur, j'ai d'importantes nouvelles à propos de votre frère et du Docteur Watson. Je crains qu'elles ne soient pas très bonnes. Ils ont été attaqués par des délinquants à Regent's Park, et le Docteur Watson a été poignardé. Il est aux urgences, le couteau a touché son artère fémorale."

Mycroft perdit toute contenance durant quelques secondes.

"- Et Sherlock ?"

"- Il n'a pas été blessé, monsieur. Il a appréhendé les suspects et a pratiqué les premiers soins en attendant l'ambulance. Il semblerait qu'il ait sauvé la vie du Docteur Watson."

Mycroft se reprit un peu, s'autorisant à ressentir un faible éclat de soulagement et de fierté envers l'efficacité de son petit frère, qui avait su contrôler la situation.

"- Merci Anthea. Tenez-moi informé des changements concernant l'état du Docteur Watson, s'il-vous-plaît."

Il reposa toute son attention à la vitre devant lui, regardant les doigts de Moriarty tracer paresseusement des lettres dans le vide.

oOoOo

Une semaine plus tard, marchant le long d'un couloir à l'éclairage vif en direction de la salle d'interrogatoire, Mycroft revêtait avec précaution son masque froid et imperturbable, bien qu'intérieurement, la peur et le dégoût tentaient de prendre l'ascendant sur l'autre. James Moriarty était un monstre. Et être à proximité de ce fou ne donnait qu'une envie à Mycroft, l'urgent besoin d'une longue douche brûlante.

Anthea l'attendait au bout du couloir, près des deux gardes du corps. Une démonstration de leur professionnalisme était qu'aucun d'entre eux (un homme, une femme, tous deux attirés par le sexe faible) ne prêtait aucune attention à elle.

"- Monsieur ? Je dois vous parler en privé, dès que vous aurez un moment. Cela concerne la surveillance."

Mycroft, connaissant le nombre de projets en cours requérant une surveillance, su directement à quelle affaire Anthea faisait référence. Il la conduisit plus loin dans le couloir, jusqu'au petit bureau qu'il lui avait été désigné le temps de venir à bout de cet entretien forcé, en ce centre de détention secret. Il referma la doucement la porte, puis se retourna, un sourcil levé posant à lui seul sa question.

"Monsieur, le Docteur Watson a eu une altercation cet après-midi dans un restaurant japonais, à Londres."

Mycroft ouvrit de grands yeux, totalement surpris.

"- Pardon ? Il vient à peine de se rétablir de son agression !"

John Watson ne cesserait jamais de le surprendre.

"- Il semblerait qu'il n'ait pas fait les choses à moitié, monsieur." Anthea afficha un rictus. "Il a attaqué un des autres clients, dans les toilettes pour hommes. L'homme en question s'est rendu à au Royal Hospital de Londres, cet après-midi, et son dossier annonce une arcade zygomatique fracturée, commotion cérébrale, de nombreuses contusions au niveau du crâne et du visage, ainsi que de sérieuses ecchymoses le long de la trachée et du larynx."

Les sourcils de Mycroft montèrent si haut qu'ils se seraient fondus dans ses cheveux si ils n'en avaient pas été si éloignés.

"- Qu'est-ce qui a causé accrochage ?"

"- Il n'y a pas de vidéo-surveillance dans les toilettes pour hommes, pour d'évidentes raisons, nous n'avons donc pas d'enregistrements de la confrontation. Cependant, étant donnée l'identité de la victime, je pense que nous pouvons aisément deviner quel a été le sujet de la conversation. Son nom est Sebastian Wilkes."

Sebastian Wilkes.

La soirée précédente seulement, Anthea lui rapportait le fruit de ses recherches et lui annonçait que seul deux Sebastian se trouvaient sur la liste d'étudiants de Cambridge. L'un d'entre eux était Sebastian Wilkes. Mycroft avait encore le dossier dans son attaché-case. Il ne perdit pas plus de temps et le sortit immédiatement pour commencer de le lire. Anthea quitta silencieusement la pièce.

oOoOo

"Sherlock ?"

Le détective continua à regarder la plaquette placée sous son microscope.

"- Hmm ?"

"- Sherlock."

John arriva dans la cuisine et posa une petite boîte en bois verni sur la table, près du microscope. Un élégant "H" argenté et en relief honorait le couvercle, près des mots "Highland Park Single Malt Scotch 40 Ans d'Âge"

Sherlock leva un sourcil, avant de jeter un coup d'œil à John.

Le bon docteur était en train d'observer la petite carte accompagnant visiblement le Scotch.

Ivoire 243g, papier 100% coton, manufacturé à Abredeen, les armoiries de la famille Holmes apposées en haut-relief. Une carte de remerciements personnelle de Mycroft. Évident.

Sherlock pencha sa tête pour replonger dans la contemplation de son expérimentation.

"- Eh bien, John ? Tu as dû faire quelque chose d'incroyablement bien pour que mon frère aille jusqu'à t'offrir ce cadeau extrêmement couteux. Intéressant."

John relit la note une seconde fois et fronça les sourcils.

Docteur Watson,

Je pense que nous sommes quelques peu partis du mauvais pied, l'autre jour. Acceptez, s'il-vous-plaît, ce simple gage de ma très haute estime. Je ne vous considère pas uniquement comme le compagnon digne de mon frère, mais également comme un homme qui, disons-le, ne laisse pas traîner les choses lorsqu'il est question de 'châtiment rigoureux'.

Vous avez mon admiration, John, et mes remerciements.

– M. Holmes

oOoOo

Mycroft prit une grande inspiration, invoquant solidement tout son sang-froid, avant d'entrer dans la cellule. Deux yeux noirs, froids, brillèrent vers lui. James Moriarty, assis sur le sol, le dos reposé contre le mur en béton, étudia Mycroft de son regard pendent que celui-ci s'avançait à grands pas calmes, jusqu'au centre de la pièce. Mycroft maintint délibérément son regard sur Moriarty, refusant de reconnaître le prénom de son frère, gribouillé sur chaque surface disponible de la cellule. Voir "SHERLOCK" réécrit un nombre incalculable de fois par la main d'un psychopathe le rendit intérieurement malade, mais personne n'aurait pu s'en apercevoir, d'un point de vue extérieur.

Moriarty était détenu depuis onze jours désormais, et n'avait pas dit un seul mot. De nombreuses méthodes avaient été employées afin d'encourager sa coopération, mais il semblait avoir une volonté de fer. Et maintenant, il scrutait Mycroft avec un regard tranchant, désagréable, attendant visiblement une réaction.

Mycroft éleva un sourcil.

"- Vous appréciez votre séjour, James ?"

Le silence de Moriarty n'était pas réellement une surprise. Mycroft commença à se balader dans la pièce, les mains groupées derrière son dos.

"Votre obsession envers mon frère est fascinante, James. Bien entendu, je comprends tout à fait. Sherlock est fascinant. Oh, toutes les histoires que je pourrais vous raconter…"

Il marqua une pause, abaissant un regard froid vers ces deux yeux noirs, yeux qui s'illuminèrent brusquement avec intérêt.

"Évidemment, je ne vais pas vous ennuyer avec mes histoires, James. Il serait grossier de me lancer dans un monologue sans fin à propos de mon frère, n'est-ce pas ? Les dialogues sont tellement plus… intéressants."

Moriarty ne répondit rien, et Mycroft soupira de manière très audible, s'apprêtant à s'en aller.

Quand soudainement une voix, rauque de n'avoir pas servie depuis un certain temps, s'éleva derrière lui.

"- Un petit quid pro quo(1), et vous entrez dans la machine. C'est ce que vous me proposez, mon vieux Mycroft ?"

Mycroft fit lentement demi-tour, ne laissant au triomphe la chance d'envahir son expression.

"- Exactement. Et si nous entamions ce dialogue dès maintenant ?"

oOoOo

Leur "quid pro quo" s'étala sur plusieurs jours. Mycroft tentait du mieux qu'il pouvait de raconter les plus innocentes histoires concernant Sherlock, bien qu'inconfortablement conscient que ce psychopathe en apprenait bien plus sur son frère qu'il ne le voudrait.

Toutefois, il y avait peut-être un moyen de se rattraper un minimum dans cet étrange marché passé avec Moriarty. Durant le quatrième jour d'interrogation, lorsque Mycroft et son équipe conclurent avec regrets qu'ils n'obtiendraient rien de plus venant de Moriarty, sans violer un bon nombre des Conventions des Droits de l'Homme, l'ainé des Holmes décida néanmoins d'avoir une toute dernière conversation avec l'auto-proclamé "criminel consultant".

"- James, j'ai en ma possession une autre information croustillante à propos de Sherlock, qui pourrait bien vous intéresser. Cependant, je crains que de vous en parler ne mette en péril la vie d'un de vos nombreux contacts financier."

Moriarty leva un sourcil, l'air sardonique.

"- Et votre cœur saignerait pour ce pauvre et innocent individu, n'est-ce pas, Mycroft ?"

"- Non, pas vraiment. Je dois bien avouer que je ne serais pas triste du tout d'entendre parler de l'infortune de l'homme qui a fait une telle chose à Sherl–… mais vous n'avez pas besoin d'en savoir plus à ce sujet."

Moriarty changea de position, et Mycroft sut qu'il le tenait. Il n'y avait aucune chance de se tromper, c'était bel et bien de la possessivité, et de la jalousie que reflétait ces yeux sans âme. Oui, Moriarty parviendrait certainement à régler ce problème radicalement.

"Je crois bien, James, que vous connaissez un certain Sebastian Wilkes…"

oOoOo

Mycroft était installé dans un des sièges moelleux et en cuir du club. Les années n'avaient pas modifié son appréciation du Diogenes Club. Il remercia d'un signe de tête l'impeccable majordome qui venait de déposer près de lui une tasse de thé parfaitement préparée, et déplia son journal en vue de lire les gros titres.

"Un Homme d'Affaire Londonien Tué dans un Étrange Accident d'Escalator

Cet après-midi, la police s'est rendue sur la scène d'un tragique accident dans les bureaux de Shad Sanderson, la banque internationale. Sebastian Wilkes, 35 ans, a été retrouvé mort, complètement broyé à l'intérieur du mécanisme des escalators se trouvant à l'entrée. La cause du décès a été jugée accidentelle, même si jusqu'à présent il n'existe rien pouvant expliquer de quelle manière Mr Wilkes s'est retrouvé coincé dans la machine…"

Mycroft replia le journal, se détendit dans son fauteuil, et sirota son thé.

~~~
FIN
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Note de la traductrice : Je tiens à préciser, que Mycroft n'a pas organisé "l'accident" de Wilkes. Il a dit à Moriarty ce qu'il s'était passé, et c'est ce dernier qui, par jalousie, à fait en sorte que Sebastian se retrouve mystérieusement coincé dans le mécanisme d'un escalator.