/ Salomé

Bad boys ain't no good, Good boys ain't no fun


Personne ne parlait de Salomé sans parler des garçons. A tort ou a à raison.

Elle n'y pensait pas du tout à ce moment là. Son chat était introuvable depuis deux jours, elle avait écopé d'une retenue par McGonagall, et elle allait peut-être devoir rester à Poudlard pour les vacances.

Elle se posa dans son fauteuil habituel en attendant que ses camarades libèrent la salle de bain du dortoir. Elle n'aimait pas trainer là-bas. Leurs regards se posaient toujours sur elle et ils n'étaient pas bienveillants. Elle s'en souciait peu mais c'était quand même plus agréable d'être lovée dans le calme de la salle commune, sans devoir écouter leurs commérages, qui souvent, la concernaient.

Elle remarqua alors la présence d'un autre élève sur le fauteuil d'à côté. Il lisait un grimoire. C'était le frère de Sirius. Il lui ressemblait un peu, un air de famille. Ils avaient tous le même chez les Blacks. Sirius était plus beau.

Etrangement elle ne le connaissait pas bien. Il n'avait jamais cherché à la draguer, à lui parler dans le but de la séduire. Il était trop calme et trop solitaire pour qu'elle s'intéresse à lui outre mesure. Enfin calme ce n'était pas tout à fait vrai.

Il ne se passait pas une semaine sans qu'il ne se bagarre ou provoque en duel quelqu'un. Et il gagnait toujours.

Ca n'était pas suffisant pour titiller l'intérêt de Salomé.

Non, ce qui l'intéressait c'était le livre qu'il tenait. Elle pencha la tête pour lire le titre et nota que ses yeux à lui restaient fixes et que sa main était crispée sur le papier. Il ne lisait pas.

« Runes et langages magiques, quel pouvoir contiennent les anciennes écritures ensorcelées ? »

-Il est naze ce livre, trop succinct, indiqua-t-elle alors.

Il releva la tête, lentement.

-Tu l'as lu ? S'étonna-t-il.

Salomé avait toujours aimé les yeux clairs, sûrement parce que les siens étaient trop sombres à son goût, que l'iris se confondait presque avec la pupille. Et c'est pour ça qu'elle le regarda droit dans les yeux en répondant, pour en profiter un peu.

-Oui, j'aime bien la linguistique. J'ai un don pour les langues.

Le garçon étira un sourire vicieux. Elle le lui rendit. Elle aimait bien la provoc', les phrases à double sens. Mais il ne rebondit pas. Pas de « Alors tu pourrais me donner des cours » ou une boutade banale du même acabit.

A bien y penser elle regardait toujours les gens dans les yeux et ceux qui soutenaient son regard étaient de suite placés en haut de la liste.

Lui, il avait détourné les siens. Mauvais point. Mais il ne l'avait pas fait rapidement, de manière fuyante. Non, plutôt lentement, presque à regret, presque par obligation. Elle aimait ça, elle aimait provoquer le trouble chez la gent masculine. Elle jouait, elle se jouait d'eux. A quelques exceptions près. Avec Sirius, ils jouaient ensemble. Avec Lucius elle n'avait plus voulu jouer, elle aurait dû.

-Alors pourquoi tu n'as pas pris cette option ? souffla-t-il.

Ca sonnait comme une invitation à la conversation. Mais elle n'avait pas envie de parler avec lui. Il n'était pas assez malléable pour un petit jeu rapide et pas assez intéressant pour prendre son temps. Elle était fatiguée. Elle était née fatiguée.

-J'ai raté les inscriptions, il n'y avait plus de place, se contenta-t-elle de répondre, espérant mettre fin à la conversation.

Elle ratait souvent le coche. Toute situation confondue. Elle arrivait toujours en retard, elle réalisait ou agissait trop tard.

Et puis à quoi bon se presser ? Elle s'en sortait toujours d'une oeillade, d'un ton minaudé ou d'un partage de sucreries. Elle avait beau faire les quatre cent coups, les professeurs lui pardonnaient tout. Elle n'avait jamais été renvoyée. Elle savait comment se faire pardonner lorsqu'elle avait atteint la limite. Tout le monde lui passait tout, un jour ou l'autre. Tout le monde était trop indulgent avec elle. Après la tempête, elle savait se faire si douce, si calme, si sucrée, si belle. Rien n'était de sa faute. C'était Salomé, personne ne lui tenait rigueur pour quoi que ce soit.

Sauf les filles de son âge. Ses camarades, c'était une autre paire de manches. D'ailleurs elle avait un problème de taille. McGonagall lui avait interdit de se mettre en binôme avec un garçon pour le prochain devoir. Elle devait surement penser que le mâle accepterait volontiers de faire tout le boulot à sa place. Résultat, Salomé allait être obligée de travailler.

Cette funeste conclusion lui tira un bref éclat de rire, immédiatement interrompu par un horrible bruit de chute dans les escaliers. Une fille venait de tomber dans les marches. Parfait, ce serait sa porte de sortie.

Salomé se leva prestement pour s'enquérir de l'état de la malheureuse. L'empotée n'avait rien de brisé. Ou du moins pas encore. La façon dont elle fixait Régulus – lui aussi venu voir ce qui se tramait – faisait peine à voir. Salomé pouvait déjà prédire ce qui allait arriver au coeur innocent de cette pauvre fille. Cela lui rappela le sien.

Et à ce moment précis elle se tourna vers Régulus. Il serait le meilleur moyen d'apaiser l'amertume qui la consumait.

:::

Lorsqu'elle se réveilla il dormait toujours. Il avait gardé sa main sur sa cuisse et sa gourmette éraflée, en or massif, rafraichissait sa peau brune. Salomé se dégagea. Encore une somptueuse nuit. En même temps avec celui-là on ne perdait jamais au change, il était une valeur sûre.

La sorcière se leva, se rhabillant sans se presser. Sa culotte était encore humide. Elle s'apprêta à passer la porte lorsque son partenaire de la nuit l'apostropha :

-Pas de deuxième round aujourd'hui ?

-Non, dit-elle dans un sourire contrit. D'ailleurs il n'y aura plus de round du tout j'en ai bien peur...

-Quoi ? Tu plaisantes ? Et en quel honneur ? S'offusqua-t-il, profondément étonné qu'on puisse le délaisser.

-C'est comme ça.

-Oh allez Salomé, toi et moi nous ne sommes pas comme les autres. Ne me dis pas que tu t'es lassé de moi, je sais que c'est faux.

Il était vraiment beau. Et agréablement sûr de lui. Tout était séduisant chez lui : de l'inflexion de ses lèvres, aux gestes de ses mains. Un aimant à filles. Un amant inconstant.

-Tu sais que personne ne peut se lasser de toi, pas même moi, le consola la métisse. Mais pour le moment ce n'est plus possible. J'en suis autant fâchée que toi, tu peux me croire.

-Pour le moment.. je peux espérer un revirement de situation, donc ?

Pour toute réponse, elle rebroussa chemin et déposa doucement ses lèvres sur les siennes.

-Ca se pourrait bien, continue à pratiquer pour quand ce jour arrivera !

-Evidemment, répliqua-t-il en déboutonnant d'un cran le chemisier de la jeune fille avant de la laisser partir, le regard déjà nostalgique.

-Hey, Salomé... l'appela-t-il encore. Je voulais te dire. Ca reste entre nous mais... t'es quand même vachement téméraire, pour une Serpentard.

-Je te retourne le compliment, monsieur le déserteur de foyer familial.

-Entre rebelles on se reconnaît... badina-t-il, son regard trahissant une certaine amertume.

-C'est bien la première fois que tu me dis quelque chose de sérieux.

-C'est pour ça que ça reste entre nous. Tu aurais dû aller à Gryffondor.

-Plutôt être emportée par un être marin.

Elle déposa un dernier baiser sur son torse, sa main glissant subrepticement vers l'entrejambe du garçon, qui réagit au quart de tour, mais la sorcière se dirigeait vers la sortie.

-Hey ! Protesta-t-il.

-Désolée, ma main a glissé !

-Tu ne peux pas me laisser comme ça.

-Si je peux, regarde-moi faire.

Et elle ferma doucement la porte, un sourire aux lèvres. Il lui fallu un moment pour digérer ce qu'elle venait de faire. Elle venait de troquer un frère pour un autre. Elle voulait Régulus, Régulus celui qui se battait en duel, celui qui était plus dangereux qu'il n'y paraissait et qui venait d'intégrer les intimes de Lucius. Et elle devait avoir les mains libres pour s'attaquer au petit frère.

Bientôt Régulus marcherait dans les pas de Malfoy. Il serait façonné de la même manière. Il goûterait à la magie noire et participerait aux mêmes réunions. Peut-être même se ferait-il le même tatouage si sombre sur l'avant-bras. C'était une aubaine pour Salomé. Une aubaine de retenter ce qu'elle avait raté. Elle s'était laisser prendre, laisser perdre avec Lucius. Lucius et son danger, Lucius et son charisme, Lucius et son indifférence.

Oui, Salomé avait été brisée et cette fois elle serait le bourreau. Elle serait plus forte que le danger, tout tatoué qu'il serait, Régulus ne pourrait qu'admettre sa défaite face à la force de manoeuvre de Zabini. Non, elle ne serait plus jamais utilisée, plus jamais laissée pour compte. Elle allait rester gravée dans son esprit. Il ne pourrait pas passer à autre chose. S'il ne l'était pas déjà, il se damnerait pour elle. Elle voulait qu'après elle il y ait le néant. Elle ne voulait plus être une passade, un simple fantasme évanescent. Non elle était réelle et digne d'être la seule et l'unique et elle le prouverait. Elle avait échoué avec Lucius.

Oui c'était une aubaine. Elle allait briser Régulus Black. Elle allait le mettre à genoux et le piétiner.