Chers lecteurs,

Merci à tous de faire vivre mon compte avec autant de rigueur. J'aime à vous retrouver chaque fois.

Aujourd'hui grande nouveauté dans mon registre de Fic'. Avengers est un film qui m'a beaucoup plu et écrire sur Natasha et Clint me paraissait presque évident
Vous connaissez trop bien mon attachement pour les personnages remplis de failles.
Ce sera un recueil de petits textes. Rien de trop présomptueux.

J'espère qu'il vous plaira. Sincèrement.
J'aspire à retrouver mes lecteurs, même si je ne pense pas que tous s'y pencheront.

J'en avais fait au départ un OS, mais ma meilleure amie m'a suggéré d'en faire une fic, donc si vous en êtes contents c'es à elle qu'il faut dire merci. D'avance un grand merci à ceux qui laisseront des RAnonyme et auxquels c'est tjs un déchirement de ne pas pouvoir répondre. Un petit coucou à Gwen Row dont le recueil de Noël sur les Avengers est absolument génial.

Bonne lecture

.


PAS DE DEUX


« Danser en temps de guerre c'est comme cracher à la gueule du diable. »

.

- J'aimerais exister en arrêt sur image.

Les paroles ont franchis ses lèvres, pèle mêle. Les mots sont sortis très vite, comme pour ne pas avoir à y penser, comme pour éviter de chercher à les retenir.
Le regard de Steve Rogers se pose sur elle, il n'est ni débordant de compassion ni empli de colère et c'est sans doute pour cela qu'elle a fini par ouvrir une brèche, aussi mince soit-elle devant lui.

Il attend. Une minute. Peut-être une heure, qu'elle se décide à s'expliquer. Elle est si imprévisible, Natasha que quand il la regarde il a l'impression qu'elle pourrait exploser en une seconde. Il attend. Comme on le fait devant un animal sauvage, farouche.

- J'ai la sensation de tenir une bombe entre les mains, un pas de trop, je fais tout voler en éclat.

- Barton ? Souffle-t-il à demi-mot.

Elle lui adresse un regard flamboyant, courroucé, un regard qui agite un rictus au coin des lèvres du Captain, tant il est mal placé.

- Il n'y a rien entre Barton et moi.

- Oui, dit-il d'un air entendu en faisant rouler son verre de whisky entre les mains.

Elle arque un sourcil, mais ne dit rien. Les minutes s'égrainent. Elle porte le verre à ses lèvres et avale le liquide ambré qui, depuis le temps, ne lui fait plus vraiment effet…

- Pourquoi vous continuez à boire, si ça ne vous atteint pas ?

Le visage de Steve s'assombrit légèrement. Il pince les lèvres mais consent néanmoins à répondre d'une voix morne.

- Quand mon meilleur ami est mort sous mes yeux sans que je ne puisse l'en empêcher, je suis rentré à la base plus anéanti que jamais. J'étais tout jeune, j'avais l'esprit vif, j'étais intrépide et désireux de me battre pour mon pays. On m'avait donné le pouvoir d'y arriver mais… Je n'étais pas préparé à cela. Je n'avais jamais subi de perte aussi profonde et à l'époque c'était une déchirure.

Il s'interrompt l'espace d'un instant et le silence qui flotte dans l'air est aussi lourd qu'une chape de plomb. Elle déglutit.

- J'ai bu tellement d'alcool que j'en ai perdu le compte. A chaque gorgée de trop c'était la même rengaine. Un fourmillement indistinct, un battement de cœur plus rapide, les prémices de l'enivrement et puis...Plus rien. La douleur vive, plus forte encore parce que mon corps combattait cela, même si mon esprit en avait besoin. Pourquoi je continue à boire ? Fait-il avec un rire amer.

Il soupire bruyamment.

- Je ne sais pas. Je cherche encore à capturer les sensations de l'oubli même si elles ne durent qu'une demie seconde.

Elle regarde ses mains. Et tout ce sang, tout ce sang qu'elle y voit encore couler.

- Est-ce que ça vaut la peine ?

Alors il la regarde. Il la regarde vraiment. Elle détourne le regard, troublée. Elle déteste qu'on essaie de lire en elle. Son cœur est troué, elle n'a pas envie qu'on en recolle les morceaux.

- Est-ce qu'une minute de bonheur vaut la peine d'être vécue ? Oui Natasha.

- Nous ne parlons plus de vous n'est-ce pas ?

Il a ce petit sourire, un sourire triste qui vient frôler ses lèvres sèches lorsqu'elle prononce cette phrase.

- Ma vie déborde de non-dits et de regrets, souligne-t-elle d'une voix atone.

- On ne construit rien là-dessus

Le Captain est un héros. Il est droit, fier et donne l'impression de ne jamais flancher. Pourtant il est rempli de failles. Son cœur est boiteux lui aussi.

- J'avais un rendez-vous. Une danse. Elle m'y attendait mais je ne m'y suis jamais rendu. Jusqu'à la fin, je n'ai pas voulu admettre que je ne pourrais pas… Vous savez ce que j'aurais donné pour avoir cette danse ?

Elle baisse les yeux. Il ne cherche pas une réponse.

Et puis il se lève souplement, sans un regard sur sa silhouette abîmée.

- N'attendez pas une opportunité, souffle-t-il en disparaissant dans l'encadrement de la porte.

Elle serre les dents.


Il passe la porte, la démarche voutée. L'odeur de la mort lui colle à la peau.

- Natasha.

Il la salue brièvement, sans surprise aucune de la trouver là, assise sur le rebord de son lit, dans une pièce à peine éclairée.

- Tu as failli y rester.

Il n'a pas senti les légers trémolos dans sa voix. Ou alors peut être que si. Il retire les bandes qui entourent son poignet. Et pose son arc à sa place, dans le coin de la pièce avec une douceur presque religieuse.

- Si Bruce n'avait pas…

- Natasha, coupe-t-il brusquement. N'en parlons plus.

Il ne la regarde pas. Pas encore. Il retire son tee shirt et elle détourne les yeux, le mouvement de ses muscles roulant sous ses omoplates imprimé dans la rétine.

- Clint.

Elle s'est levée et il finit par la regarder. Sur ses lèvres tremble un mouvement de recul, presque indistinct.

- Danse avec moi.

Un instant il la regarde comme si elle était folle mais c'est sérieux au fond de son regard.

- Je te demande pardon ?

- S'il te plaît.

Cette supplique arrachée au fond de sa gorge lui tord les entrailles. Qu'a t'il fait pour qu'elle se sente aussi vulnérable ?
En cet instant, elle a envie de lui lacérer le visage, d'arracher ce masque de surprise imprimé sur ses traits.

L'amour c'est pour les enfants. Merde.

Dans son monde, l'eau la débarrasse du sang qu'elle fait couler, ses images d'adolescence sont des leçons pour apprendre à tuer. Elle n'est pas faîte pour ça. Aucun d'eux d'ailleurs. Ni Tony et son implacable ironie qui masque cette peur de s'attacher parce qu'au fond ils savent qu'ils finiront tous par mourir. Ni Thor et son histoire guimauve à pleurer du Dieu qui aime une humaine. Ni Bruce et L'autre qui gagne chaque jour du terrain. Ni Steve et son anachronisme qui fend le cœur. Ni elle. Ni Barton.

Alors quoi ?

Qu'est-ce qu'elle fait là, le pied suspendu dans le vide ? Elle a l'air si conne avec ses grands yeux qui lui dévorent la moitié du visage.

D'une démarche maladroite il s'est rapproché d'elle, si vite qu'elle en a le souffle coupé. Une main glisse sur sa taille faisant courir des frissons le long de son épiderme.

Alors elle enroule ses mains autour de son cou et cette proximité lui fait un instant perdre pied. Elle voudrait que sa peau emplisse sa bouche, qu'il la serre l'en étouffer.

- Il n'y a pas de musique, fait-il d'une voix rauque.

Dans d'autre moment, elle aurait ri de sa gaucherie. Dans d'autre moment où elle n'aurait pas été elle-même dévorée par les tremblements.

Elle fait un pas puis deux, avant qu'il ne la suive, une légère hésitation transparaissant dans ses gestes. Elle sent ses muscles tendus à l'extrême, chaque mouvement qu'il fait en déclenchant la mécanique bien rodée. De pas aléatoires les gestes finissent par se coordonner. Elle pose la joue contre son épaule, le laissant glisser son nez dans les boucles rousses. Lentement ses doigts viennent s'échouer contre sa nuque. Il se raidit brusquement, amorçant un mouvement de recul.

- A quoi tu joues ? Siffle-t-il

C'était un accord tacite entre eux. Et elle franchissait les barrières. Pourquoi, elle n'en savait rien. Elle avait juste entendu les paroles du Captain pulser contre ses tempes lorsque Barton avait été projeté du haut de l'immeuble par l'homme qu'il était chargé d'éliminer.

Combien de fois elle avait entendu Clint souffler d'une voix grave : « Ta dette est réglée ».
« Pas encore ». Et le soulagement qui empreignait ses traits quand elle le lui disait.

L'amour c'est pour les enfants.
C'était comme une règle, un bonheur qu'ils s'interdisaient sans jamais oser en parler.

- Je voulais juste danser.

Elle reprend contenance mais sa voix a des accents qui se brisent.
Les traits de Clint s'affaissent légèrement. C'est à peine perceptible mais pas pour elle, qui observe le moindre changement de sa part.

- Juste danser ?

- Non.

Elle l'a dit. Si bas qu'elle se demande s'il l'a entendu.
Il fait un pas vers elle, sa main se lève avant d'effleurer la courbure de sa mâchoire d'un geste tendre. Lorsque son regarde rencontre le sien, elle se sent un instant étourdie d'y voir autant de sentiments se bousculer, autant d'émotions y danser avec frénésie.

Puis aussi rapidement, la main de Clint quitte sa joue laissant un vide atroce lui ronger le ventre.

Il serre la mâchoire, détourne le regard et elle sait que pour elle c'est le moment de partir.

Juste une danse, un instant d'étourdissement, une goutte d'alcool avant que la vérité ne la rattrape de plein fouet.

Merci Captain.

Une minute en vaut la peine.