Voilà voilà c'est donc la fin, j'espère sincèrement que vous aurez aimé ce petit recueil comme j'ai aimé l'écrire
Merci pour votre lecture

J'ai aimé finir par là...


A BOUT PORTANT


Ses cheveux roux cuivrés virevoltent dans les airs, retombant en cascades sur ses épaules dénudées. Son rire éclabousse les murs, son parfum enivre les cœurs.

Elle se déplace, féline, et elle emporte tout sur son passage.

Quand elle pose les yeux sur sa victime, c'est simple, elle a déjà gagné. Il est tout à elle, docile, offrant sa gorge au prédateur.

La mission s'appelait « Natalia Roumanoff ». On lui avait tout expliqué, on lui avait sorti la liste impressionnante de ses exploits, on lui avait parlé de sa froideur, de son don de la manipulation.
Clint Barton était le meilleur. Archer redoutable, vision acérée, il n'y avait que lui pour réussir cette mission.

Pourtant, lorsqu'il croise son regard pour la première fois, alors qu'elle ne sait déjà pas qui il est, le mot qui s'impose à son esprit, c'est « Gamine ».

Pas de ces filles qui ouvrent leurs bras au monde, l'innocence gravée dans chacun de leurs gestes, non, de celles dont les yeux sont délavés par les cicatrices, celles qui regardent le monde avec des yeux d'adultes, celles au regard terne et flétri de ceux qui ont trop vu et beaucoup trop tôt.

Au début, il la suit. Seulement. Il veut apprendre ses techniques de combat. C'est son truc, connaître son adversaire afin de retourner ses propres attaques contre lui.
Il analyse le moindre de ses gestes, la moindre de ses techniques.

Elle est comme une danseuse. Elle pointe, elle arque, elle virevolte, et c'est au moment où la musique s'apaise qu'elle détruit tout. Elle attaque, c'est froid, maîtrisé, parfait. Le crime idéal.
Il aimerait parfois avoir cette propreté, mais lui n'a pas le souci du détail.

Il a choisi le 9mm. Parce que la flèche fait trop mal. Elle se plante, écorchant la peau, et brûle très fort avant de tuer. La balle, elle, est lisse. Il ne veut déjà pas trop la blesser.

Il a trop neigé cet hiver-là. Moscou a été ébranlée par le froid, ravageant les cœurs, brisant les arbres, coupant les routes. Le froid s'insinue partout alors qu'il arpente les rues silencieuses de la ville. Il l'a suit jusqu'à ce minuscule appartement qu'elle occupe.
Avec un silence prédateur, il s'est glissé jusqu'au couloir d'entrée. Dans le recoin, il peut voir qu'elle s'est déjà débarrassé de son manteau, le portant sur son bras, avant d'ouvrir la porte.
Il charge son arme. Il veut faire les choses convenablement. A bout portant. Il voit déjà la balle se loger derrière la nuque. Rapide et efficace.

En un bond, il est près d'elle. Les clés tombent à terre. Rejointes par le manteau.

Puis, il le croise. C'est à la fois la plus belle et la plus triste chose qu'il ne lui a jamais été donné de voir. Son regard, telle une biche effrayée. Dans les prunelles, elle a cette candeur mâtinée de froideur qu'on ceux qui voient encore passer les fantômes.

Finalement, il baisse son arme. Parce qu'il connaît ça. Il vit avec.

Il n'a pas le temps de réfléchir qu'elle a déjà lancé le pied, faisant voler l'arme à l'autre bout du couloir.
Rapide, elle s'élance sur lui, lui assénant un crochet du droit dans la mâchoire.

Il reprend ses esprits ainsi que ses positions. Au début, il pare les coups qu'elle lui lance avec un mécanisme rigoureux avant d'engager la riposte. Il bloque le poing, se fait contrer un coup de pied.
C'est comme une danse, un dispositif parfaitement huilé. Leur corps-à-corps s'enchaîne, sans qu'aucun deux ne prenne jamais l'avantage ou jamais trop longtemps. Son souffle est heurté, elle ne le quitte jamais du regard quand elle attaque, comme pour mieux jauger l'effet qu'ont ses charges sur lui. Lui est grisé, emporté par cette sensation électrisante qu'il sent déferler dans ses veines. Brutalement, il s'empare de son poignet, l'accolant contre le mur. Cette proximité brutale lui coupe le souffle. Il sent le sien galoper contre sa nuque, son regard le dévore, noir, enflammé. Elle renverse la vapeur, parant son étreinte avec aisance, mais il est rapide. Prenant appui sur le mur, il s'échappe, habile, avant qu'elle ne glisse à terre, l'emportant dans sa chute. Coinçant ses poignets entre ses mains, elle le domine de sa hauteur, un éclat de fierté absolu dansant dans ses prunelles.

Il sait que c'est contraire à son étique, contraire aux règles, mais il ne peut empêcher les mots de se déverser.

- J'ai une offre à vous faire.

Alors qu'elle le regarde avec surprise et émotion, il l'entend. Un battement de cœur désordonné qui s'échappe du rythme habituel.
Il le sait, c'est terminé. Il est fait comme un rat, elle le tient entre ses griffes acérées. Il ne pourra que tâcher de repousser l'inévitable tout en se battant pour son but. Celui d'être et de demeurer sans attache.