Précisions: Slash, Univers Alternatif, dix chapitres prévus, violence.

Disclaimer: Pas à moi.

Note: Bonne lecture.


Chapitre un

A nos âmes vendues


Fils de pute.

New York. Été 1979. A l'aube d'une nouvelle décennie.

Le démocrate James Earl Carter Jr est président (des Etats-Unis). Chuck Berry est en prison (pour évasion fiscale). Margaret Hilda Thatcher est la première femme Premier Ministre (du Royaume-Uni). Blondie se fait connaître (avec Heart of Glass). Léonid Ilitch Brejnev est secrétaire général du Parti Communiste (de l'Union des Républiques Socialistes Soviétiques). Skylab s'est désintégrée (lors de son entrée dans l'atmosphère).

La radio crache continuellement Bad Girls (de Donna Summer).

Evsei Agron sème la terreur (sur Brighton Beach).

Carmine Cigar Galante est mort (assassiné).

(Pendant ce temps-là, le Diable faisait tranquillement ses courses à New York. Les âmes seraient-t-elles en rupture de stock?)

Et les longues rues, sombres, froides la nuit, remplies de junkies.

A se piquer à l'héroïne, surtout dans le coin d'Alphabet City.

Quelque chose se prépare, tu peux le sentir.


Il y a une semaine, ton avion privé s'était posé quelque part dans cette foutue ville, sous un ciel orange.

Une heure plus tard, sur le siège arrière d'une Jaguar XJ série 3, Tony Stark.

– Pas de presse quand on arrive à la tour. Pas de photos. Ouais, je sais, c'est l'évènement du siècle: Stark Industries débarque à New York, bla, bla, bla. Pas d'interviews. Pepper, dis à ces… Merde, c'est vrai, Pepper est restée à Los Angeles. Je parle tout seul. Génial. Quelqu'un? Happy?

– Vous avez dit quelque chose? demande Happy en se retournant.

– Regarde la route. Pas de journalistes. Je ne veux pas de journalistes. Oh. On est presque arrivé là, non? C'est des journalistes. Je vois des journalistes. Happy, emmène-moi loin d'ici dans un bar que je puisse me bourrer la gueule avant de l'envoyer en l'air avec une pute newyorkaise, s'il te plaît. Happy. Mais tu m'écoutes?

Et à ce moment-là, tu ne le savais pas encore. C'étaient tes rêves et tes espoirs, réduits en cendres.


Machine à écrire. Eclats de voix. Le stylo qui gratte le papier. Si ce n'était que ça.

Oh, si ce n'était que ça.

Nick Fury tend l'oreille. Il grimace. Il lève les yeux au ciel. Il hurle:

Hill! Qui a encore allumé la putain de radio?

Maria Hill se retourne. Elle grimace aussi.

– C'est Barton, Chef.

Nick Fury se prend la tête entre les mains.

– Faites-lui donc passer le message suivant: je commence à en avoir ma claque d'entendre putain de Donna Summer TOUTE LA FOUTUE JOURNÉE!

Maria Hill hoche la tête et disparaît.

Nick Fury est assis à son bureau. Il lit un paquet de feuilles. Tu vois son œil qui parcourt le texte. Toujours la même chose.

Toujours, toujours, toujours les mêmes conneries. Foutue paperasse administrative.

Il pose enfin les feuilles face à soi et se penche en avant.

(Pourquoi ils nous envoient pas des mecs plus costauds?)

– Donc ton nom…

– Steve Rogers.

Hill! Combien il en reste encore?!

Maria Hill réapparaît dans le bureau. Donna Summer s'est enfin tue. Dieu putain de merci. Maria lance:

– C'est le dernier, Chef.

Steve jette un regard curieux à Maria Hill. Elle dit:

– Beaucoup de jeunes comme toi ont récemment été mutés à New York. Il a eu pas mal de pertes et nous avons besoin de nouvelles recrues. La Pizza Connection…

– D'où tu viens? grogne Fury, interrompant Maria.

– Du Kansas.

– Il y a quoi, dans le Kansas?

Steve ne dit rien. Fury grimace. Il demande:

– T'as vraiment vingt-neuf ans?

– Oui.

Nick Fury. Chef de la police de New York. Aussi: NYPD.

Nick Fury, craint par ses subalternes. Voir: détesté.

– Dorénavant, ça sera "Chef". Compris, Rogers?

– Bien, Chef.

– Bienvenue, grogne Fury.

Fury grogne beaucoup. Histoire que tu saches. Et tu parles de bienvenue, tiens.

Fury observe Steve. Fury soupire. Fury réfléchit. Fury se lève. Il se met dos face à Steve. Il regarde par la fenêtre. Il observe longuement la ville. Pensivement. C'est une après-midi où il fait chaud.

Un long moment de calme dans la pièce. Puis:

– Rogers.

– Oui, Chef?

– Dis-moi pourquoi t'es dans la police.

Steve ne dit rien. Il hésite. Il finit par hausser les épaules. Nick Fury est toujours dos à lui.

– Moi, je sais pourquoi. Je vais te le dire. T'es dans la police parce que tu crois au flic honnête. Le type qui fait respecter la loi. Qui maintient l'ordre. Un sauveur. Un patriote. Un justicier. Une connerie comme ça. Voilà pourquoi. Je me trompe?

– Non. Chef.

– C'est bien ce que je pensais. T'as une tête à ça.

Fury, il dit: Hill. Il dit: la porte.

Maria s'exécute. Silence. Steve est ébloui par les rayons de soleil. Il plisse les yeux.

– Rogers.

– Oui, Chef?

– Tu sais ce qu'est un flic honnête, de nos jours, dans cette fichue ville?

– Non, Chef.

Fury se retourne.

– C'est juste un putain de mythe.

Derrière la vitre, à présent, les nuages cachent partiellement le soleil. Maria est appuyée contre la porte fermée. Elle soupire:

– Tous corrompus. Achetés. Même le Commissaire.

– Et pendant ce temps-là?! se met à hurler Fury. Pendant ce temps-là, il y a des fils de pute qui viennent foutre le bordel dans New York City!

Steve reste muet.

– Mais tu vois, Rogers…

Maria ferme les yeux.

– On a ces putains d'Italiens. La Cosa Nostra et toutes ces foutues Cinq Familles. Des mafieux. D'ailleurs, les Bonanno m'emmerdent. Leur parrain a été descendu la semaine passée. T'en a entendu parler?

– Non, Chef.

Fury grimace.

– Vous avez pas d'journaux dans le Kansas?

– Si. Chef.

– On dirait pas. Bon. Ces foutus Italiens m'emmerdent. Mais eux, au moins, ils ont des putains de principes d'honneur. Des trucs qui font d'eux des mecs… gérables. Ces salauds-là, ils sont pas si violents que ça, au fond. Ils fonctionnent de manière ultra-structurée. Et c'est pas n'importe qui. Cigar? On connaît pas les commanditaires du meurtre mais une chose est claire: il est mort pour une raison. Il a pas été dégommé pour le plaisir.

Steve hoche la tête.

– J'espère que t'as déjà entendu parler de tous ces trucs parce que j'ai pas que ça à foutre de te parler de ces conneries. J'ai d'autres choses à te raconter.

– Oui, Chef.

Les codes d'honneur. Les rites d'initiation. Les règles. Le mobspeak. L'Omertà. Les interdits.

– Ces derniers mois,… Tu es au courant de la situation actuelle, Rogers?

– Je… Non. Chef.

Fury fait un signe à Maria. Elle sort deux dossiers. Fury ouvre le premier. Il en contemple le contenu.

Dans son unique œil, danse une étincelle.

Une promesse de vengeance?

Fury lève enfin la tête de sa paperasse.

– Ces derniers mois, Rogers, on a constaté en ville l'apparition d'une nouvelle race de fils de pute.

Son ton est agressif. Il continue:

– On connaît pas leurs principes. On sait pas comment ils fonctionnent. On peut pas les arrêter: pas un seul témoin, pas une seule preuve. Intimidation, chantage, corruption, menaces. Le topo habituel. On sait même pas combien ils sont exactement. Ils possèdent des hôtels, des clubs, des bars. Ils touchent à tout: trafics divers – ils font passer de l'héroïne par je ne sais quel tour de passe-passe–, rackets, assassinats, vols, jeu, prostitution, que sais-je encore. Et ils tuent en masse.

Il y a un silence dans la pièce. Fury se met à nouveau à contempler le dossier. Il dit enfin:

– Et il y a lui. Celui qui est au-dessus et qui tire les ficelles dans l'ombre.

Fury tourne le dossier vers Steve.

– Loki Laufeyson. Surnommé aussi "Le Démon". On sait presque rien sur lui, si ce n'est à quoi il ressemble. Ce fils de pute-là nous vient apparemment de l'Europe du Nord. Comment il a grimpé les échelons? Mystère. A mon avis c'est parce que c'est un putain de psychopathe. Ils le craignent. Tous.

Steve jette un œil au dossier. Il reporte son attention sur Fury.

– Et encore faudrait-il savoir qui sont tous ces "tous", commente Maria.

Fury pousse un grognement. Il ouvre le second dossier.

– Il a un garde du corps qui le suit partout et tout le temps. Plutôt: une garde du corps. Natasha "Veuve Noire" Romanoff. Arrivée à New York grâce à l'amendement Jackson-Vanik. Russe juive – ou se faisant passer pour. Protégée d'Evsei Agron – cette raclure de Brighton Beach ou devrais-je dire "Little Odessa". Sans doute.

Fury jette presque le deuxième dossier qui atterrit sur le premier. Une photo s'en échappe. Steve la ramasse et la pose sur le bureau.

Les dossiers sont minces, composés majoritairement de clichés flous.

– On connaît leur gueule. On sait où les trouver. Mais pour le reste? Dieu seul le sait, encore que je suis pas sûr qu'il soit au courant de se qui se trame en enfer.

– Pourquoi me raconter tout ça, Chef?

– Je te raconte ça parce que cette putain de ville est en train de tomber sous le contrôle des pires fils de pute que j'ai jamais vu en trente-et-un ans de carrière.

Et la voix de Fury monte et monte et monte encore d'un ton.

– Et je jure sur mon unique œil que tant que je serais Chef de la police de New York, pas un seul de ces fils de pute aura cette FOUTUE VILLE!

Quelque part, hors du bureau, on peut à nouveau entendre Donna Summer.

– Venons-en au fait. J'ai fondé une unité spéciale, non officielle, pour nous débarrasser de ces raclures. Elle est composée des quelques rares types qui refusent de voir New York tomber dans les mains de Laufeyson. Des gars qui tentent d'épaissir un tant soit peu ces dossiers et qui, y'a intérêt, vont m'aider à foutre ces salopards en cage.

Et Maria dit: le SHIELD.

Fury dit: tu as le choix. Il dit: tu peux en faire partie. Il dit: ou rejoindre les autres pourris.

Steve ne décolle pas les yeux de la table. Il fixe les dossiers. Les images et les rapports étalés devant lui.

Sur la photo, flou, noir et blanc, Loki Laufeyson.

Sur la photo, flou, noir et blanc, Natasha Romanoff.

Les démons de New York.

Et Steve, il dit: je vous suis. Il dit: chef.

Fury dit: tu fais bien. Il dit: parce qu'on va l'avoir, ce fils de pute. Il dit: lui, sa salope, tous les chiens à sa botte et ces sales ripoux. Il a le poing sur la table. Il crie: parce qu'on va leur montrer, à ces enfoirés.

De son index, il martèle le bois.

Il hurle: parce que. Il hurle: rappelle-toi. Il hurle: rappelle-toi.

Il hurle: il n'y a pas un seul type honnête dans cette putain de ville de New York.


La Veuve Noire. Toxique.

Venimeuse.

Tu le portes bien, ton sobriquet.

Natasha Romanoff.

Chacun son surnom. Un truc qui te colle bien à la peau.

Natasha "Veuve Noire" Romanoff.

Sa façon de parler est reconnaissable entre mille. Elle a le ton sec. Elle roule les "r".

Et des fois tu te sens vachement heureux de savoir que ton nom n'a jamais été prononcé avec cet accent-là.

– Orenstein!

Elle regarde à gauche, elle regarde à droite, elle est assise sur un tabouret au comptoir, jambes croisées, robe noire.

L'homme en question accourt et se présente face à Natasha.

Elle ne fait pas de gestes quand elle parle.

– Il paraît qu'il a eu une embrouille au Liberty's? C'est quoi cette histoire, hein?

Donna Summer chante son tube de l'été. Le bar commence à se remplir.

– J'en ai aucune idée. Première fois que j'en entends parler, pour sûr.

– T'as intérêt à en entendre parler au plus vite. Toi et Tjäder, vous allez ramener votre cul là-bas et me rapporter des infos. Понял? *

– Pour sûr, que j'ai compris.

– Alors magne-toi. Давай. **

Essaye un peu de lui désobéir.

Elle crache ses phrases d'une traite sans s'arrêter pour respirer. Natasha parle vite.

Natasha suit Orenstein des yeux. L'homme s'éloigne vers la sortie. Il disparaît.

Natasha se retourne soudain. Elle est la seule à l'entendre s'approcher.

Loki Laufeyson. Il dit:

– Problème?

Loki Laufeyson. Le Démon. Surgissant des ténèbres.

Un regard pour qu'ils s'agenouillent. Un mot pour qu'ils adjurent d'avoir pitié.

Un claquement de doigts et ils hurlent d'épouvante.

Ils s'écartent quand ils te voient arriver. Ils se laissent tomber à terre et supplient.

Celui dont il faut avoir peur.

A force, ça te rentre dans la tête.

– Le Liberty's.

– Oui?

Loki s'assied à côté de Natasha.

– J'ai envoyé Orenstein sur le terrain.

– Hm?

– T'es déjà au courant, fais pas comme si tu savais rien.

Le verre que Natasha tient tremble dans sa main.

Loki sourit.

– Tu as le feu vert. Après tout, on fait comme convenu. Il faut bien conserver au moins quelques principes.

Principes? T'as dit principes? Il y a de quoi se marrer, pour sûr.

Natasha pose son verre sur le comptoir. Elle regarde Loki dans les yeux.

– Je vais le déchirer en morceaux.

– Attends d'abord une confirmation.

– Si c'est vrai, je le déchire en morceaux.

– Mais je n'en doute pas une seconde.

Natasha esquisse un sourire.

– Tu as quelque chose à me dire, Loki?

Il lui sourit en retour.

– Juste un mot.

– Lequel?

– Stark.

– Compris.

Et Loki se lève.

Le démon retourne dans sa tanière.


Tu sais, c'était l'été 1979.

Steve est dans la rue. Il rentre chez soi.

Et sois-en sûr: il sait garder ses promesses.

Nick Fury est dans la rue. Une radio est allumée, quelque part. C'est le tube de l'été qui passe. Fury entend la musique. Il réalise qu'il connaît toutes les paroles du morceau de Donna Summer. Il se met à jurer. Fils de pute de Barton.

Et sois-en sûr: si Fury n'arrive pas à débarrasser New York de la vermine, alors il y foutra le feu.

Et il n'en restera que des cendres.

Et puis la nuit tombe et un coup de feu perce le silence nocturne. Deux coups de feu.

Bang.

Bang.

Et puis plus rien.

Une nuit comme les autres dans la ville où le sang coule à flots dès qu'il commence à faire un peu sombre dans ces rues mal famées.

Et rappelle-toi, rappelle-toi.

Et rappelle-toi, rappelle-toi; il n'y a pas un seul type honnête dans cette putain de ville de New York.

Que des fils de pute.

Et ne t'inquiète pas, ne t'inquiète pas.

Et ne t'inquiète pas, ne t'inquiète pas; il n'en restera que des cendres.


* "Понял?": "Compris?"

** "Давай.": "Vas-y."


A suivre.