Ahem... Une longue absence. Et je ne peux promettre une suite rapide.

Cependant, bonne lecture sur ce chapitre.


Chapitre 8 : Heures sombres

Un bruit d'échauffourée réveilla Stefan. Les sanglots de Doghaan avaient duré plusieurs minutes jusqu'à ce qu'il s'endorme, blotti contre son ami, et le jeune homme n'avait pas eu le courage de le réveiller. Fatigué de sa journée, il n'avait pas tardé à le rejoindre dans le sommeil. Tout comme El', remarqua-t-il, en avisant l'enfant enveloppé dans les couvertures.

A nouveau, des cris et le raclement d'une table se firent entendre. Doghaan grogna et ouvrit lentement un œil bouffi par ses pleurs. L'iris s'éclaircit pourtant dans la seconde et il se redressa d'un mouvement leste. Tout dans sa posture rappela à Stefan son frère aîné, guerrier, aux aguets.

- Nous devons nous en aller, souffla Doghaan en s'approchant du lit pour secouer l'enfant. El' sursauta et le Variag se jeta sur lui avant qu'un cri ne sorte de sa bouche. D'un mouvement du doigt, il lui fit signe de se taire et le relâcha quand l'enfant eut hoché la tête.

Ils entendirent l'aubergiste crier à la garde alors que de nombreux pas percutaient les marches menant à l'étage. El' blêmit tellement que Stefan craignit de le voir tourner de l'œil. Il prit l'enfant par la main et le tira hors du lit. Il sembla reprendre contenance et serra fortement sa main.

- Je ne te lâcherai pas.

El' le regarda longuement, indécis, puis un timide sourire éclaira son visage.

-Par ici, leur dit Doghaan qui venait de boucler une corde à la chambranle de la fenêtre. Stefan espérait que le bois soit assez solide pour soutenir leurs poids. Il attrapa Nédj et le fourra dans sa tunique malgré son glapissement de protestation. El' s'engagea le premier au-dehors, Doghaan le couvrant avec son arc qu'il avait encoché. Juste avant que Stefan ne le suive, le Variag l'attrapa par le bras et le retourna vers lui, le regard sévère.

- Qu'y-a-t-il ?

- Tu es un homme, Stéfann. Agi en tant que tel.

Il lui tendit un long poignard à la lame recourbée et le Terrien frémit violemment. S'apercevant que son ton était peut-être un peu trop brusque, Doghaan adoucit son propos en ajoutant :

- J'ai besoin que tu agisses en tant que tel, mon ami.

Stefan prit une grande inspiration et posa une main tremblante sur la garde du poignard. Doghaan le lâcha et son poids le surprit. L'arme était plus lourde qu'il ne l'aurait cru et, il s'en doutait, efficace.

- Vise le cou, lui conseilla Doghaan, le corps est bien souvent protégé.

Stefan acquiesça et accrocha le ceinturon de l'arme autour de sa taille avant d'empoigner la corde d'un air décidé et de se laisser glisser jusqu'au sol. El' ne dit rien sur son retard ; le poignard qui battait nouvellement sa hanche parlait pour lui. La corde s'enroula mollement sur le sol, bientôt suivie par le saut silencieux de Doghaan.

Le Variag les mena jusqu'à l'arrière-cour de l'auberge mais ils durent vivement se cacher dans les ombres du bâtiment. Des soldats tenaient la sortie.

- Corsaires, gronda sombrement Doghaan. Nous sommes coincés. Si l'arrière est tenu, l'avant est clôt.

Des soldats patrouillaient également dans la cour et ils durent se replier vers l'avant. Mais ils savaient que d'autres soldats les y attendaient et qu'ils ne faisaient que retarder la sombre échéance.

Les yeux de Doghaan se fixèrent sur la dizaine de corsaires qui tenait l'entrée de l'auberge. Sa main caressait son arc et il sortit soudain une flèche qu'il encocha en leur direction.

- Je vais vous ouvrir un passage. Faufilez-y vous.

- Tu ne pourras pas leur échapper ! contra Stefan en abaissant son bras. Le Variag soupira et se dégagea doucement.

- Je sais. Mais vous, vous le pourrez. Allez !

Stefan secoua la tête, refusant d'abandonner son ami derrière lui. Doghaan allait le pousser en avant lorsqu'un bruissement retint leur attention. Un gamin apparut dans les buissons où ils se cachaient.

- Ma Maîtresse m'envoie vous prêter main-forte, dit-il, coupant tout attitude belliqueuse de leur part. Il leur fit signe de les suivre. Doghaan regarda Stefan, indécis, et le Terrien haussa les épaules.

- Nous n'avons pas d'autres choix que de le suivre. Sans toi, El' et moi n'avons guère de chance de leur échapper.

Doghaan grogna mais rangea son arc. Stefan avait raison ; ils n'avaient d'autre choix que de faire confiance à l'aubergiste du Repos du Cheval. Le gamin les fit à nouveau rentrer dans l'auberge par une porte dérobée qui les mena dans une arrière-salle des cuisines. Sans perdre de temps, il déplaça un tapis qui révéla une trappe cachée qu'il ouvrit en silence.

- Ce passage secret mène à la rue voisine. Prenez-le et partez !

- Comment se fait-il qu'il soit ici ? demanda Doghaan, méfiant, en inspectant le fond de la trappe. Un tunnel s'y dessinait dans le noir.

-Une porte de sortie en tant d'incendie ou d'attaque subite, expliqua vivement l'enfant en regardant nerveusement l'entrée de la pièce qui laissait filtrer les bruits de l'extérieur. Maintenant partez ! Ma Maîtresse s'est déjà assez mise en danger pour Kinn-lai.

Doghaan porta sa main vers son cœur, paume ouverte vers lui.

- Transmettez-lui nos plus sincères remerciements. Doghaan fils de Khoïar des Variags n'oubliera pas son aide.

Il se retourna et prit El' sous le bras avant de sauter dans le tunnel. Stefan hocha la tête en direction du gamin, vérifia que Nédj était bien enveloppé dans sa tunique, et l'y suivit avec quelque peu d'appréhension. La peur enfla en lui lorsque la trappe se referma sur eux, les plongeant dans le noir total.

- Calme-toi, Stéfann, murmura Doghaan près de lui, le tunnel est étroit, tends la main et tu sentiras les parois.

Il fit comme il lui avait indiqué et musela sa peur tant bien que mal. Sa fierté l'y aida pour beaucoup ; il avait passé l'âge d'avoir peur du noir. Ils cheminèrent lentement, prenant garde à ne pas trébucher ou à se tromper de chemin. Heureusement, le tunnel s'avéra en ligne droite, sans fournir le moindre carrefour.

Au bout de ce qui leur sembla une éternité, une lueur perça les ténèbres et s'étendit à fur et à mesure qu'ils avançaient. Bientôt ils furent aux abords de la sortie, un simple trou camouflé par un épais amas végétal. Doghaan leur fit signe de se taire et s'engagea le premier hors de leur cachette.

- La voie est libre, leur souffla-t-il bientôt et ils le rejoignirent.

- Que faisons-nous maintenant ?

- Il nous faut rejoindre la foule, qui nous servira de camouflage, puis nous rendre auprès de mon clan.

-Vous oubliez que nous ne passerons pas inaperçu, le contra El'. Devant son regard intrigué, il se désigna puis pointa Stefan :

- Un Gondorien et un étranger. Même affublés d'une vestimentaire orientale, nous attirerons par trop l'attention.

- Nous ne pouvons guère faire autrement pourtant. Les étals s'étendent à partir des Portes et il nous faut sortir. Mon clan loge au-dehors.

Le visage du Variag s'assombrit.

- Bien que je sache point où désormais.

-Nous avons donc un problème. Il va sans dire que nous sommes certainement pourchassés or nous ne savons pas où se trouve notre seul refuge. Et nous ne pouvons pas le chercher sans nous faire remarquer par nos poursuivants.

Doghaan grogna son assentiment. Stefan venait de parfaitement résumer la situation catastrophique dans laquelle ils se trouvaient. El' soupira et se laissa glisser au sol, le désespoir inscrit sur son visage enfantin.

- Soyez assurés de mes regrets quant à cette situation. Je n'aurai jamais dû vous permettre de vous impliquer autant avec des problèmes qui me sont propres.

- Je ne serai point surpris d'apprendre que les agresseurs de mon clan sont liés à ceux qui vous pourchassent, El', car c'est Kinn-lai qui est visé par cette attaque, contra Doghaan. Il tendit une main vers El' et le redressa.

- Nous ne pouvons rester ici plus longtemps. Il nous faut tenter de quitter la ville.

Suivant le Variag, ils se faufilèrent dans des ruelles étroites, évitant le plus possible les grandes rues. Ils durent bifurquer de nombreuses fois car de nombreux corsaires patrouillaient au travers de la foule. L'homme qui les cherchait possédait assurément des moyens conséquents.

Ils leur échappèrent pendant une heure sans pour autant réussir à passer les Portes de Sturlurtsa Khand. Les corsaires y étaient nombreux et vigilants. Plus d'une fois, ils manquèrent de tomber directement dans leurs bras. Leur situation se dégrada d'autant plus que le temps passait et que l'étau de leurs poursuivants se resserrait autour d'eux.

Elle devint catastrophique lorsque des Orcs se joignirent aux corsaires et trouvèrent leur piste. Doghaan fut le premier à s'en rendre compte. Depuis quelques ruelles déjà, il avait remarqué qu'on semblait vouloir les mener quelque part. Et il sentait au plus profond de son être que les créatures des ténèbres étaient sur leurs traces.

Plutôt que de ralentir et se faire prendre par ceux qui venaient de l'arrière, le Variag accéléra en sortant son cimeterre de sa gaine.

- Que se passe-t-il ? s'écria Stefan lorsqu'il le dépassa en trombe.

- Orcs !

Le jeune homme blêmit et sa foulée ralentit. Des grognements dépités déchirèrent les ombres de la ruelle voisine et plusieurs des affreuses créatures en sortirent. Doghaan leva son cimeterre et se jeta sur les Orcs. Il en mit un à terre par la force de son élan et planta sa lame dans le torse d'un deuxième, virevoltant dans l'instant pour éviter un coup de massue qui visait son crâne. Malgré tout son talent, Stefan voyait bien qu'il était en train de se faire encercler et que le nombre allait bientôt le submerger.

- Il faut l'aider, siffla El' à ses côtés, prêts à rejoindre l'échauffourée alors qu'il tremblait de tous ses membres. Le cœur de Stefan se serra de culpabilité : un enfant aussi jeune pensait à combattre plutôt qu'à fuir et lui restait immobile à trembloter de terreur. Nédj, qui avait réussi à sortir sa tête de sa tunique, aboyait à s'en rompre les cordes vocales sur les Orcs, s'agitant férocement en leur direction. Stefan le posa par terre, autant pour dégager ses mouvements de sa présence encombrante que pour éviter qu'il ne déchire ses vêtements ; le conseil amusé de Djiröv lui était revenu en tête.

Djiröv qui était porté disparu suite à l'attaque des Orcs sur le campement variag. Stefan avait peut-être encore peur de cet homme mais il lui était devenu cher comme un ami et l'inquiétude lui broyait les boyaux depuis l'annonce de sa disparition. Tout comme il craignait pour la santé de Khoïar et de Tavù, pour la vie de Kharbynn et des autres avec lesquels il avait tissé un lien.

Alors il ne pouvait rester sans rien faire quand Doghaan se battait seul contre une multitude de créatures des Ténèbres.

- Prenez cette ruelle, murmura-t-il à El' en le poussant vers une petite rue encombrée et sombre. Il se souvenait de cet endroit qu'ils avaient croisé plus tôt en faisant leurs emplettes. Elle donnait sur un surplomb et des étals en contrebas qui profitaient de l'ombre qu'il apportait. Un aller vers la foule de la Grande Foire qu'ils cherchaient tant à atteindre. Si les Orcs ne les avaient pas arrêtés là, ils seraient passés à côté sans se rendre compte de cette porte de sortie : la ruelle n'était guère plus large qu'un homme.

- Allez ! dit-il plus fort en l'y poussant, dégainant dans la foulée le coutelas que Doghaan lui avait donné. El' le regarda fixement puis se dirigea en courant vers la ruelle. Stefan avait compris dans ce regard que l'enfant savait qu'il n'avait jamais combattu, et encore moins tué. Mais il était prêt à le faire si c'était pour sauver Doghaan.

Doghaan qui était présentement en grand danger alors que son cimeterre s'était coincé entre les plaques rouillées de l'armure de l'Orc qu'il venait d'abattre et qu'un deuxième fonçait sur lui par derrière. Il n'arriverait jamais à dégager son arme à temps pour contrer cette attaque.

Stefan décida de s'en remettre à son instinct, il arrêta de réfléchir, et courut sur la créature en poussant un cri étranglé, qu'il avait voulu être un cri de guerre mais dont il doutait de la force. Nédj bondit à sa suite en grognant, le dépassa aisément et mordit jusqu'à l'os le mollet de l'Orc, son sang noir éclaboussant son pelage d'ivoire. Stefan profita de l'inattention soudaine de la créature, prise dans sa douleur, pour l'attaquer maladroitement. Sa lame ricocha sur le plastron et il manqua de s'étaler par terre. Un glapissement lui apprit que Nédj avait été renvoyé plus loin. L'ombre de l'Orc se posa sur lui et il eut le réflexe de rouler par terre, retenant un haut le cœur lorsqu'il mit les mains dans le sang noir qui imbibait la terre, et la lame dentelée de son ennemi s'enfonça à quelques centimètres de son crâne.

Il se releva vivement et reprit ses distances, profitant du boitillement de l'Orc. Nédj lui avait presque arraché le pied et la créature soufflait de douleur, des yeux haineux posés sur l'humain qui lui faisait face. Si Stefan trembla devant un tel regard, il ne recula pas et raffermit sa prise sur son coutelas. Il venait de se rappeler du conseil de Doghaan : viser la tête.

- Qu'attends-tu, mon enfant ? se moqua l'Orc d'un ton suffisant. Aurais-tu peur ? Tu…

Il fut interrompu dans ses provocations lorsque Nédj revint à la charge, lui sautant à la gorge. Il ne lui fit pas grand mal, et se prit même un violent coup lorsque l'Orc lui asséna le pommeau de son épée sur la tête, mais cette action offrit à Stefan l'ouverture qu'il attendait. Sans hésiter, ou plutôt sans laisser à son cerveau le temps de réfléchir à ses actes, il courut vers son ennemi et lui enfonça son coutelas dans l'œil, se forçant à s'y maintenir jusqu'à ce que l'Orc ait arrêté de bouger.

L'instant d'après, il vomissait tout ce que contenait son estomac, les larmes dévalant ses joue alors qu'il serrait convulsivement ses mains recouvertes de sang. Nédj chancela en couinant vers lui et se colla à ses jambes. Sa petite tête était couverte de sang mais ses os épais semblaient l'avoir sauvés de la mort. Stefan l'attrapa pour le serrer contre lui. La sensation des os d'un autre crâne qui craquaient sous sa lame lui revinrent et il fut pris à nouveau d'un haut le cœur qui lui brûla la gorge.

Une main réconfortante se posa sur son épaule et caressa son dos. Il leva des yeux étonnés sur Doghaan, et frissonna en le voyant recouvert de sang, et retourna son attention sur l'avant de la rue. Plusieurs cadavres d'Orcs jonchaient le sol et les autres avaient fui.

- Ils vont vite revenir, croassa Doghaan en se massant la gorge. Une marque violette s'y étalait et le Variag semblait harassé. Son bras droit tremblait et un filet de sang rouge y ruisselait ; son cimeterre était maintenant tenu par sa main gauche.

- Tu as bien combattu, continua le Variag en le relevant, un éclat de fierté dans les yeux. Stefan frémit et détourna le regard, une main sur la bouche. Doghaan le serra brièvement contre lui.

- Tuer est un fardeau. C'est lorsque ça devient une habitude que nous devenons des meurtriers, et non plus des guerriers.

Il se dégagea de lui en rangeant son arme pour empoigner le coutelas toujours enfoncé dans l'orbite de l'Orc et l'en sortir pour l'essuyer et le lui rendre. Stefan prit une grande inspiration, regardant le coutelas avec hésitation, puis il l'empoigna en hochant la tête, le rengaina, et se pencha pour récupérer Nédj.

- El' est dans la petite ruelle.

Les yeux de Doghaan s'illuminèrent lorsqu'il avisa l'endroit qu'il lui indiquait. Il finissait de bander son bras lorsque des crissements se firent entendre dans les rues voisines : les Orcs revenaient à la charge.

- Dépêchons, souffla Doghaan en se faufilant vivement dans la petite ruelle, Stefan à sa suite. Il s'arrêta cependant pour déposer au travers du chemin tout ce qu'il trouva dans la ruelle pour se faire, espérant camoufler ainsi leur porte de sortie. Jusqu'à ce que les Orcs ne sentent leurs odeurs, à moins que le sang de leurs comparses ne soit suffisant pour dérouter leur flair. Pour être honnête, Stefan en doutait mais il préférait mettre toutes les chances de leur côté.

El' les attendait au bout de la petite ruelle, caché dans un recoin. Son soulagement fut perceptible lorsqu'il les vit arriver. Il ouvrit la bouche mais finit par ne rien dire, son seul regard leur transmettant ses remerciements. Stefan comprenait que l'enfant avait été sur le point de continuer à fuir seul.

- Bonne mémoire, Stéfann.

Doghaan venait de reconnaître l'endroit où la petite ruelle les avait conduits. Il lui sourit et tendit la main à El' pour le relever. La foule était juste devant eux, ils allaient pouvoir s'y cacher et sortir de Sturlutsa Khand.

Hélas, au moment où ils s'apprêtaient à sauter, des corsaires fendirent la foule, leurs yeux fouillant dans les moindres recoins. Doghaan attrapa vivement Stefan et le rencogna dans l'ombre de la ruelle, El' à leur suite. Les corsaires ne rapprochaient de plus en plus et les Orcs n'allaient pas tarder à retrouver leur piste.

- Par là, murmura Stefan en montrant qu'ils pouvaient grimper sur les toits. Doghaan le regarda avec de grands yeux étonnés et il haussa les épaules : avaient-ils d'autres choix ? L'avant et l'arrière leur étaient fermés. Le Variag commença à grimper, suivit de ses deux compagnons. Les maisons de cette partie de Sturlutsa Khand étaient petites et resserrées, ce qui fit que leur progression fut aisée. Juste avaient-ils peur de faire tomber une tuile et alerter leurs poursuivants. Ou qu'un passant, en levant la tête, ne les remarque et n'alerte les corsaires par sa surprise.

Et soudain, ce qu'ils craignaient se produisit : Stefan glissa sur une tuile, manquant dévaler jusqu'au sol, et fit un tel boucan qu'un nombre considérable de têtes se levèrent vers eux. Les cris des corsaires leur apprit qu'ils avaient été repérés et ils reprirent leur progression au pas de course.

Doghaan, qui était en tête, s'aperçut le premier qu'ils courraient vers la fin d'un ilot et qu'une grande rue les séparait du prochain amas de maison. Il pila aussi rapidement qu'il put, manquant de perdre l'équilibre, et se retourna pour les prévenir. Mais les deux autres avaient la tête tournée vers l'arrière pour étudier la progression de leurs poursuivants, et ne virent pas à temps qu'il s'était arrêté. Les trois jeunes gens chutèrent du toit sous des cris surpris et échappèrent au regard des corsaires qui leur courraient après.

Stefan crut qu'il allait mourir et se demanda vaguement si ce ne serait pas là sa porte de sortie pour rentrer chez lui. L'instant d'après, il atterrissait lourdement sur une surface piquante qui sentait le foin.

- Qu'est-ce que ça ?! s'exclama la voix surprise d'un homme. Stefan n'arriva pas à distinguer son visage, ni savoir si Doghaan et El' étaient en sûreté. Il vit noir sans pouvoir rien y faire et sombra dans l'inconscience.


Kinn-lai approchait des quais installés sur les rives du Pezarsan dans la ville elle-même lorsque l'appel de son nom lui vint aux oreilles, le faisant se retourner. Un enfant accourait vers lui, essoufflé par sa course, et il se pencha à sa hauteur.

- Qu'y a-t-il, petit ?

- Je viens de la part de ma maîtresse, l'aubergiste du Repos du Cheval. Des corsaires sont venus réclamer l'enfant aux cheveux bouclés. Et ils vous cherchaient aussi.

- Où est l'enfant ? lui demanda prestement Kinn-lai qui, perdant son calme sous l'afflux d'une soudaine inquiétude, l'empoignait par les épaules.

- N'ayez crainte, messire, ma maîtresse les a fait sortir de l'auberge par un passage secret. Ils ont fui.

Un souffle soulagé franchit les lèvres de l'Elfe qui se redressa en déposant deux pièces d'or dans la main de l'enfant.

- En remerciement de votre aide.

- A votre service, messire, dit l'enfant avant de déguerpir entre deux ruelles, laissant l'Elfe seul avec ses inquiétudes. Même si le jeune prince du Gondor s'était enfui, il restait perdu dans Sturlutsa Khand avec à ses trousses des hommes qui la connaissaient dans ses moindres recoins. Et peut-être même des Orcs, se dit-il en se rappelant l'attaque subite par le clan de Khoïar. Il lui tardait que Cuind reviennent avec des nouvelles des Variags.

Reprenant sa route vers le Requin Noir, Kinn-lai se forma un masque pour camoufler ses craintes sous de la sérénité. Ses ennemis ne devaient pas savoir qu'il était déstabilisé. Au moins tout cela lui indiquait-il clairement que les corsaires étaient réellement impliqués dans l'affaire. Et qu'Erianil avait de fortes chances d'en être détaché. Avec Ulwa pour le surveiller, le petit corsaire ne pouvait faire partie de ceux qui poursuivaient Eldarion. Peut-être avaient-ils trouvé en lui un allié improbable.

Le pont du Requin Noir grouillait d'hommes qui chargeaient la cargaison de leur maître et vérifiaient le bon état du bateau. Kinn-lai ne put qu'admirer le bâtiment à l'allure élégante sans qu'elle n'en altère son apparente efficacité. Le navire aux voiles noires portait bien son nom.

Ulwa se trouvait bien sur les quais à observer le Requin Noir en compagnie de Kitka et d'Erianil. Nolfarth se tenait plus loin, un regard attentif porté sur les hommes qui travaillaient sur les cordage du navire. Kinn-lai sourit par-devers lui : à ne pas en douter, le roi de Nurn étudiait en silence le bateau pour pouvoir en doter son peuple.

- Maître ! s'exclama Ulwa en le voyant arriver vers eux. Son sourire lui indiquait que ses négociations s'étaient bien déroulées et celui d'Erianil finissait de lui faire comprendre que le petit corsaire était également heureux en affaire.

- Quand partez-vous, capitaine ?

- Demain, dans l'après-midi. J'ai acheté des chevaux aux Variags destinés aux marchés de Ramlond. Il leur faut s'habituer avant que nous appareillons.

Kinn-lai hocha la tête. Au même moment, des cris et des hennissements se firent entendre en provenance des cales et Erianil pesta contre la délicatesse de son second. Il s'excusa auprès d'eux et monta vivement sur le bateau pour aller voir ce qu'il se passait avec les chevaux.

Une fois seuls, Kinn-lai fit discrètement signe à Ulwa de se rapprocher et Kitka se décala imperceptiblement vers eux pour les cacher de sa masse imposante. Si Nolfarth sembla se rendre compte de leur manœuvre, il ne changea en rien son attitude et resta à admirer le Requin Noir.

- Que se passe-t-il, Maître ?

- La hyène a fait fuir le lionceau. Il n'est pas seul mais perdu pour nous jusqu'à ce que je le retrouve. Nos plans risquent de changer.

La Balchoth siffla bassement, la main sur son cimeterre, mais Kinn-lai l'induit au calme d'un mouvement de la main.

- Il nous faut croire que l'enfant est sauf. Je le retrouverai.

- Et qu'en est-il du lion ?

- Il devra croire que son rejeton est en sécurité avec un Avari et les Mages Bleus. Je ferai en sorte que tel soit le cas lorsque vous reviendrez. Il ne doit pas savoir un mot de cela.

- Ma bouche restera close, Maître.

Ulwa se tourna vers le Requin Noir, serrant la garde de son cimeterre.

- Et qu'en est-il d'Erianil ?

- Tu étais avec lui tout ce temps. Dis-moi.

- Je les ai surveillés, lui, Iskit, et ses autres hommes. Aucun n'est parti hors de ma vue. Mais, Maître, un certain Ouril s'agitait chez les corsaires. Erianil le craignait.

Les yeux de Kinn-lai se plissèrent. Tout cela lui disait qu'il avait tout intérêt à se tourner son attention sur ce nom. Erianil était déjà une hyène d'envergure, cet Ouril ne pouvait qu'être un plus grand prédateur encore ; peut-être même cette hyène qu'il cherchait.

- Ramène-moi le lion, ordonna-t-il à sa disciple en faisant demi-tour. Ulwa lui sourit férocement, semblant lui indiquer qu'elle n'échouait jamais dans ses missions. Kinn-lai le savait et c'était la raison pour laquelle il ne s'inquiétait guère de ce côté-ci. N'en restait pas moins que la prudence était de mise.

- Il ne doit pas franchir les frontières. Ce serait une déclaration de guerre.

- Je maintiendrai le lion en laisse, n'ayez crainte, ricana la Balchoth et Kitka leva les yeux au ciel. Kinn-lai ne put s'empêcher de retrousser ses lèvres sous un petit rire. Cette jeune femme ne cesserait jamais de l'étonner.

- Mes salutations au capitaine Erianil, dit-il en s'en repartant en direction des Portes Nord de Sturlutsa Khand. Il espérait que le jeune Doghaan s'en était retourné vers les siens avec l'enfant. Malgré sa jeunesse, le Variag lui avait bonne impression et il ne regrettait pas de lui avoir confié la protection de l'héritier du Gondor, bien qu'il ignore à quel point sa mission était importante.

Alors qu'il tournait au coin d'une rue, s'apprêtant à rejoindre la foule de la Grande Foire, un cri angoissé lui fit relever la tête et Cuind se posa sur son épaule, lui présentant sa patte où un message était accroché. L'inquiétude revint en force : son ami était visiblement affolé, les nouvelles ne pouvaient être bonnes.

-Va chercher Hwendi, lui dit-il en dépliant le papier et le faucon reprit son vol en direction du Repos du cheval. Comme il le craignait, les nouvelles étaient mauvaises. Le clan variag avait subi de douloureuses pertes, en plus de la disparition du fils aîné de son chef. Et le message transmettait avec transparence la colère que Khoïar ressentait envers lui. Il savait que le chef variag lui vouait déjà du ressentiment pour son aide dérisoire dans l'affaire de l'usurpation du trône de Kyzilkum et il n'en faisait qu'enfler avec toute cette affaire.

Kinn-lai soupira en rangeant le message. Il devait aller voir Khoïar car son clan s'était retrouvé mêlé à des conspirations qui ne le regardaient en rien. Des explications s'imposaient. Et il ne pouvait qu'espérer que le jeune Doghaan soit bel et bien rentré chez lui. Dans le cas contraire, il doutait de pouvoir se faire écouter du chef variag.

Hwendi le retrouva deux rues plus loin et il put dès lors cheminer avec plus de facilité. Une fois en dehors de la ville, il lança le petit cheval au galop pour rejoindre au plus vite les Variags. Lorsqu'il passa près de l'ancien campement, une certaine culpabilité se logea dans ses entrailles ; il en était en partie responsable. Mais il était bien trop vieux et l'affaire bien trop importante pour s'en laisser abattre.

Les Variags avaient établi leur nouveau campement loin des routes, sur une petite colline, et en avaient hérissé les contours de piques. Seules quelques tentes étaient montées, pour les blessés certainement, et les chevaux étaient encore scellés. Les Variags se tenaient prêts à la guerre si elle devait venir à eux.

Cinq cavaliers armés d'arc vinrent entourer Kinn-lai et l'Elfe ralentit Hwendi pour leur présenter ses mains levés au ciel. Leurs visages fermés n'annonçaient pas un accueil chaleureux de la part de leur peuple, ce qu'il pouvait tout à fait comprendre.

- Je dois parler à votre chef.

Ils se regardèrent, indécis, puis son statut parla pour lui et ils lui indiquèrent sèchement de le suivre. Ce fut entouré de cette garde qu'il franchit l'enceinte de piques et rentra dans le campement des Variags. L'une des tentes montées servait de salle de conseils pour Khoïar et ses plus proches conseillers. Le cœur de Kinn-lai se serra en y avisant seulement sa femme et deux guerriers. Les fils du chef manquaient tous deux à l'appel.

Khoïar lui adressa un long regard sombre qu'il soutint sans baisser les yeux mais sans animosité non plus. Il n'avait pas à la pensée de faire de cet homme son ennemi, tout au contraire, en avait-il besoin comme allié.

- Votre fils Doghaan est-il venu à vous ?

Il doutait que cette question déclencherait des hostilités mais il devait en avoir la réponse. Le coup de poing que Khoïar assena à la table devant laquelle il était assis fut assez clair. Tavù ferma les yeux douloureusement et posa une main réconfortante sur l'épaule de son mari. Kinn-lai espérait avoir en elle une alliée pour calmer la fureur du chef variag.

- Où est mon fils ? grogna Khoïar d'une voix dangereusement calme qui poussa Kinn-lai à lui dire la vérité plutôt que d'essayer de la lui cacher pour l'apaiser.

- Des corsaires sont venus chez moi récupérer quelque chose que j'avais confié à votre fils, pensant qu'ils seraient en sécurité. Ils leur ont échappés.

- Stéfann est avec lui ? demanda Tavù.

- Quand je les ai quittés, ils étaient ensemble.

- Je commence à penser que votre aide est plus mauvaise que votre indifférence, Kinn-lai des Avari, gronda Khoïar. Sa colère bouillait en lui et transparaissait dans son regard. Kinn-lai baissa la tête pour lui indiquer qu'il était désolé de la tournure des évènements.

- Vous avez été mêlés à une sombre affaire, Khoïar des Variags. Une affaire qui met en danger tout l'Est. Mais j'ai à cœur de vous rendre votre fils Doghaan en bonne santé. Il est sous ma protection.

- Alors où est-il ?! explosa Khoïar, un sanglot perdu rendant sa voix rauque. Tavù resserra sa prise sur son épaule et il souffla longuement pour reprendre contenance. En face de lui, Kinn-lai ne disait rien.

- Ramenez-moi mon fils, Elfe, ou tous vos siècles ne vous sauveront pas de ma colère.

- Khoïar ! s'écria Tavù alors que Kinn-lai se tendait sous la menace. Mais le chef variag leva la main pour faire taire sa femme et ses conseillers affolés. Son regard déterminé indiquait qu'il ne reviendrait pas sur ses mots. Alors Kinn-lai s'inclina.

- Je vous ramènerai votre fils ou subirait votre colère, Khoïar des Variags, car alors je la mériterai.

- Soyez prompt. Mon autre fils a également disparu et il me faut aller à sa recherche.

L'Avari hocha la tête et fit demi-tour pour s'en repartir vers Sturlutsa Khand. Il n'obtiendrait rien de plus de la part de Khoïar en ce jour. L'homme n'avait en tête que son inquiétude légitime pour ses fils. Kinn-lai fut raccompagné par les mêmes cavaliers qu'à l'aller et s'en repartit de toute la vitesse de Hwendi vers la ville. Il lui fallait retrouver Doghaan au plus vite : pour tenir sa promesse à Khoïar autant que pour mettre en sûreté l'héritier du Gondor.


Djiröv secoua ses liens mais ils étaient par trop serrés. Khan galopait les oreilles couchés en arrière, tiré par la corde qui le reliait à un cavalier Warg. Le grand cheval n'osait se rebeller du fait de son cavalier juché sur son dos. Un coup d'œil aux alentours appris au Variag que ses camarades étaient dans la même situation : ficelés sur leurs montures qui ne les mettraient jamais à terre. Les Orcs utilisaient la fidélité de leurs chevaux contre eux.

Enragé, Djiröv essaya une nouvelle fois de se défaire de ses liens mais ne reçut en récompense qu'un coup de garde dans les côtés. La douleur lui soutira un sourd gémissement et il dut rester prostré quelques secondes pour la calmer et reprendre ses esprits. La situation ne pouvait pas être plus mauvaise. Ils étaient prisonniers et impuissants à s'échapper alors que Sturlutsa Khand s'éloignait de plus en plus. Le soleil se couchait, lui indiquant qu'ils chevauchaient déjà depuis plusieurs heures. Il ne pouvait pas se retourner mais doutait de pouvoir apercevoir Sturlutsa Khand même s'il l'aurait pu. D'après la position de l'ouest, ils allaient vers le nord, vers le territoire des Wainriders qui prisaient les esclaves variags pour leur habileté à cheval. Le désespoir commençait à s'installer dans le cœur de Djiröv.

La nuit tombait mais Grismack ne semblait pas prêt à arrêter leur course. C'était comme s'il voulait s'éloigner au plus vite de Sturlutsa Khand, y craignant un quelconque danger. Une attaque de son clan pour les récupérer était envisageable mais il doutait que les siens soient déjà en mesure de venir à leur secours. Alors c'était que l'Orc avait rompu ses engagements avec son supérieur et fuyait son ressentiment.

Du coin de l'œil, il avisa que Yusu peinait à rester en selle. Durant leur combat contre les Orcs, le bandage de fortune que son frère lui avait fait s'était détaché et son bras saignait à grands flots depuis lors. Le jeune homme dodelinait de la tête sur sa selle et seuls ses liens semblaient l'y maintenir encore. Yisu regardait son jumeau avec une inquiétude et une impuissance perceptibles. Djiröv tourna la tête vers Khonyk chez lequel il lut de la peine et de la colère dans son unique œil. Le vieux guerrier craignait visiblement un sort funeste pour leur compagnon. Dörtavn était blanc sur sa selle, sa jeunesse n'en étant que plus apparente. Djiröv aurait aimé ne pas l'avoir amené avec eux. Au moins Kharbyn était-il en sécurité, il n'aurait jamais survécu à cette terrible chevauché avec sa blessure.

-Cette mauviette nous ralentit ! grinça l'Orc qui tenait le cheval de Yusu. Le cœur de Djiröv s'affola lorsqu'il remarqua que le jeune homme s'était évanoui. A ses côtés, Khonyk détourna la tête et Dörtavn ne put retenir un sanglot en devinant ce qui allait certainement suivre.

- Laissez-le ! s'écria Yisu en gigotant vainement sur sa selle alors que Grimasck avançait son énorme Warg vers son jumeau. L'Orc n'eut cure de ses cris et attrapa violemment le visage de Yusu pour le tourner vers lui. Le jeune Variag respirait encore mais son souffle était court alors qu'il était en proie à la fièvre.

- Il ne survivra pas, statua Grismack en le lâchant. Un ricanement franchit ses lèvres qu'il léchait avec avidité.

- Nous le mangerons donc.

Une grande clameur secoua les rangs des Orcs tandis que les Variags blêmissaient. Yisu se recroquevilla sur sa selle, essayant de camoufler ses pleurs, déclenchant de plus grands quolibets chez leurs ravisseurs. Djiröv ne put en supporter plus.

- Tu perdras de l'argent s'il meurt !

Grismack se retourna vers lui avec de la colère dans les yeux et il sut que son ton avait été trop porteur de sa colère. Il devait faire montre de plus de soumission s'il voulait sauver le jeune Variag.

- Oses-tu me dire ce que je dois faire ? gronda l'Orc en rapprocha son Warg de Khan. Djiröv se lécha les lèvres et se força à baisser la tête. L'Orc l'empoigna par les cheveux pour lui relever la tête et il dut faire montre de toute sa volonté pour ne pas lui cracher au visage et garder les yeux baissés.

- S'il meurt, son jumeau ne tardera pas à le suivre. Mais imagine le prix que donneront les Wainriders pour deux jeunes cavaliers jumeaux du peuple des Variags.

Un violent dégoût le prit à la pensée qu'il était en train de vanter les qualités de ses hommes comme s'ils étaient des marchandises. Seul le regard reconnaissant de Yisu le fit se sentir un peu mieux, lui rappelant qu'il ne faisait ça que pour sauver la vie de Yusu.

Les yeux de Grismack se firent intéressés et il les tourna vers Yisu, semblant enfin remarquer de deux de ses prisonniers se ressemblaient étrangement.

- Laisse Khonyk l'examiner. Il arrêtera le saignement et le début d'infection.

Il espérait juste que cela suffirait à sauver Yusu qui avait déjà perdu beaucoup de sang. Grismack ne lui répondit rien mais il n'ordonna pas plus de reprendre la route. Alors Djiröv fit taire sa fierté et supplia leur tortionnaire.

- Pitié. Laisse-le vivre. Je t'en supplie.

Il s'en serait même mis à genoux s'il n'avait été à cheval. Au moins put-il abaisser la tête jusqu'à montrer sa nuque sans défense à son ennemi. Tous ses muscles tremblaient de protestation à cette humiliation mais il resta ainsi de longues minutes, priant pour que l'Orc soit sensible à cette flatterie.

-Ton homme peut soigner le gamin cette fois-ci. Mais il nous servira de repas si ce n'est pas suffisant.

Des grondements de dépit s'élevèrent des autres Orcs mais aucun ne remit en question la décision de Grismack. Un soupir de soulagement franchit les lèvres de Djiröv et il ne vit pas venir le violent coup que lui porta Grismack. S'il resta en selle, ce ne fut que parce qu'il y était attaché. Sa tête lui tournait et il sentit un fin filet de sang couler sur son œil droit, son front étant entaillé.

- Ne me parles jamais plus comme ça, esclave. Je suis ton maître jusqu'à ce que je te vende à un autre.

Khonyk n'était toujours pas détaché de sa selle et le souffle de Yusu erratique était le seul indice qu'il vivait encore. Alors Djiröv baissa à nouveau la tête et murmura d'un ton mâté :

-A vos ordres… Maître.

Grismack le lâcha en riant sombrement et fit signe aux siens de détacher le Khonyk et Yusu. Sur son chemin vers son patient, le vieux guerrier eut le temps de serrer le bras de Djiröv, le réconfortant un peu par ce simple geste. Tout comme le regard plein de larmes, rempli de reconnaissance, de Yisu lui fit espérer ne pas avoir prit une mauvaise décision. Yusu avait une chance de vivre et c'était tout ce qui importait… même si cette vie allait être celle d'un esclave.

"Non." se promit Djiröv en fermant les yeux pour essayer de se reposer un peu. "Je les sauverai. "