Créatrice de la saga Twilight : la fabuleuse Stephenie Meyer

Auteure de Wisp : la formidable Cris

Traductrice de la version française intitulée Brindille : Milk40

Merci énormément pour tous vos commentaires, et bonne lecture.

Chapitre 63 (Épilogue)

« Emily ? Suis-je une orpheline ? »

Emily inclina la tête sur le côté, réfléchissant à la question. « Où as-tu entendu ce mot ? »

« Nous avons regardé le film Annie hier. »

« Je vois. » Emily se cala dans la chaise de vinyle moulé dans la chambre de Bella. Ce n'était pas un mauvais endroit, tout bien considéré, mais elle savait que Bella le détestait. Il y avait trop de gens partout autour d'elle, et Bella ne voulait se lier d'amitié avec aucun des autres patients. La seule chose qu'elle voulait c'était retourner à Forks, où elle se sentait en sécurité, aimée et protégée. « Un orphelin est quelqu'un dont les parents sont morts. Tu as dit que ta mère est morte lorsque tu es née, mais jusqu'à présent personne n'a été capable de localiser ton père. S'il est toujours vivant, techniquement tu n'es pas une orpheline. » Elle fit une pause. « Je sais cependant que ce n'est pas ce que tu veux dire. Le fait de vivre ici te donne l'impression d'être une orpheline. »

Bella hocha la tête, l'air morose. Elle était restée à l'hôpital pendant trois jours à la suite de son accident automobile – pas parce que ses blessures étaient graves, mais parce que cela avait été très difficile de lui trouver une place. Emily avait argumenté énergiquement avec son travailleur social et un juge, insistant sur le fait que placer Bella dans un établissement psychiatrique de haute sécurité ne serait pas au mieux de ses intérêts – qu'il lui fallait un environnement qui convenait mieux à ses besoins. On avait finalement trouvé une chambre pour elle à Brookside, un centre de réadaptation pour les adultes avec un handicap de développement apprenant à vivre seuls. Bien qu'elle n'eût pas les mêmes problèmes que les personnes avec qui elle partageait les lieux, c'était le mieux que l'État pouvait lui offrir. Elle devait acquérir des compétences similaires à celles des autres patients, et ici ses progrès seraient observés attentivement.

« Je veux rentrer à la maison, Emily. »

« Je sais que c'est ce que tu veux. Malheureusement, ce n'est pas une option en ce moment. »

« Edward est bon. Il est désolé d'avoir parlé à Tanya, je sais qu'il l'est. » La main de Bella vagabonda sur le plâtre rigide gainant sa jambe droite, seul vestige physique rappelant son accident. Elle avait été vilainement meurtrie et avait eu une grosse bosse sur la tête, mais ces choses avaient guéri au cours des deux semaines depuis qu'elle avait été soustraite aux soins d'Edward.

« Je suis certaine qu'il est terriblement navré, et je sais qu'il n'a pas fait ça intentionnellement. » Emily avait répété la même chose à Bella plusieurs fois déjà. « Mais les règles sont les règles. »

« S'il a des ennuis pour avoir parlé à Tanya, je devrais avoir des ennuis pour avoir pris la voiture de Scott, » argua Bella.

« Te rappelles-tu quand Scott et moi te l'avons expliqué avant ? Tu étais encore à l'hôpital, et tes médicaments peuvent t'avoir rendue amnésique. Normalement, quelqu'un qui vole une voiture fait face à de gros ennuis, mais tu ne le savais pas, et tu étais très perturbée. C'est ce qu'on appelle des circonstances atténuantes, et Scott et le juge ont décidé que ta jambe cassée te suffisait comme punition. »

« Pourquoi ne pourrais-je pas aller vivre avec Mère ? Ou avec Rose ? »

C'étaient des questions que Bella avait posées à maintes reprises, mais Emily ne manquait pas de patience. Cette fille sentait qu'elle avait tout perdu, et le moins qu'Emily pût faire était de l'écouter, dût-elle entendre les mêmes souffrances jour après jour.

« Bella, je te l'ai déjà expliqué, tu te rappelles ? » Dit-elle gentiment. « Ce n'est pas comme ça que ça marche. »

« Mais j'ai l'impression d'avoir des ennuis pour quelque chose qu'Edward a fait ! »

« Je sais que c'est ce que tu ressens. Mais les lois sont là pour te protéger. Quand Edward a dit à Tanya des choses qu'il n'aurait pas dû lui dire, il ne faisait pas bien son travail de tuteur. Il t'a fait du mal, même si ce n'est pas comme ça que tu le perçois. »

« Ceci me fait beaucoup plus mal ! »

Ce qui était exaspérant c'était que Bella avait raison. Emily comprenait qu'Edward avait enfreint les règles, et que la conséquence de ses actes était la révocation de son agrément de foyer d'accueil de Brindille. Mais la lui retirer faisait inévitablement mal à Bella, autant sinon plus qu'à lui. Elle avait besoin de stabilité et d'une routine, ce que Brookside pouvait lui procurer, mais elle avait aussi besoin d'affection, plus que peut-être n'importe quelle autre personne qu'Emily connaissait. Les employés ici étaient plutôt aimables, d'une manière clinique, mais ils étaient surchargés de travail et constamment occupés. Ils n'avaient ni le temps ni le désir de devenir amis avec leur nouvelle petite patiente – certainement pas comme Edward l'avait fait, lui accordant une place dans son cœur presque instantanément. Esmée et Carlisle Cullen s'étaient portés volontaires pour prendre Bella chez eux, mais un juge avait déclaré qu'ils étaient trop proches de la situation originelle, et que par conséquent Bella devait quitter Forks.

« Je sais que tu n'es pas à l'aise ici. Je sais que tu n'aimes pas ça. Mais c'est un bon endroit pour toi en ce moment, et tu apprends des choses dont tu auras besoin à mesure que tu acquerras de la maturité. » Les mots semblaient vides même aux propres oreilles d'Emily. Bella ne voulait pas acquérir de nouvelles compétences. Pas sans Edward. Pas sans sa famille.

Au moins sa photo n'avait pas été divulguée à la presse. Cela tenait du miracle. L'histoire de l'enlèvement de Chase en relation avec une affaire de trafic d'êtres humains avait fait la une à travers le globe, mais personne, heureusement, n'avait révélé le nom de Bella, sa photo ou sa localisation, aussi le monde continuait-il de se demander qui était cette fille mystérieuse. Emmett et Rosalie refusaient de répondre aux questions inquisitrices au sujet de la fille, se concentrant plutôt seulement sur la joie d'avoir récupéré Chase, et sur leur résolution de traîner en justice tous ceux qui étaient associés à Felix. Ils avaient rendu visite à Bella une fois, s'assurant de ne pas être suivis par quelque camionnette de médias d'information que ce soit, et elle avait pleuré quand elle avait vu Chase en sécurité dans les bras de Rose, où était sa place. Emily elle-même était revenue s'installer temporairement à Seattle pour aider Bella à s'adapter dans sa nouvelle maison, mais cette semaine elle devrait retourner à Forks et à ses autres patients. Bella avait besoin d'apprendre à compter sur elle-même, qu'elle le veuille ou non.

Parce qu'encore plus de changements étaient en vue, et Emily ne savait pas s'ils s'avéreraient en définitive bons ou mauvais aux yeux de Bella. On avait retiré son dossier à Scott Williams, son travailleur social, et il avait été officiellement réprimandé pour l'avoir laissée seule dans la voiture, car son manque de vigilance avait causé la situation dans laquelle elle avait pu s'enfuir avec le véhicule. Ayant elle-même fait partie de l'incident, Emily ne savait toujours pas ce qu'elle éprouvait au sujet de celui-ci. Bien sûr elle regrettait le choix qu'elle et Scott avaient fait. Et avec le recul, elle pouvait voir leur erreur. Mais au moment où c'était arrivé, l'idée que Bella allait voler la voiture n'était même pas dans le champ des possibles – c'était une chose tellement inhabituelle de sa part. Qu'elle soit Brindille ou Bella, la fille était normalement docile et obéissante. Elle faisait ce qu'on lui disait. Elle se pliait, agissait selon la volonté d'autrui plutôt que la sienne. Il était cependant très clair qu'elle avait été poussée trop loin ce jour-là. Elle avait réagi de la seule façon qu'elle sentait contrôlable pour elle. Emily éprouvait un pincement de culpabilité chaque fois qu'elle voyait le plâtre sur la jambe de Bella, mais en même temps elle ne pouvait pas vivre dans le passé.

Surtout pas maintenant.

Dans deux jours, Bella allait rencontrer un nouveau juge du tribunal de la famille, soi-disant pour voir comment elle s'acclimatait à son nouvel environnement. C'était un peu inhabituel, mais là encore, le cas de Bella était totalement inhabituel. Emily était contente qu'un juge soit disposé à intervenir, puisqu'il y avait eu tellement de confusion et de bouleversement dans la vie de Bella. Celle-ci n'aimait ni l'endroit où elle avait été placée, ni sa nouvelle travailleuse sociale, une dame d'origine sud-américaine, âgée, avec de surcroît une lourde charge de travail. Peut-être qu'un juge serait en mesure de lui expliquer qu'à défaut d'avoir ce qu'elle voulait, elle devait se contenter de ce qu'elle avait. Cette situation n'était pas idéale, mais avec les services sociaux, rien n'était jamais idéal. L'État faisait de son mieux.

ooo

Trois jours après que Bella eut été retirée de ses soins, Edward emballa ses affaires et retourna dans son appartement à Seattle. C'était trop difficile d'écouter le silence anormal du cottage sur la propriété de ses parents, trop difficile de s'endormir chaque nuit dans ce lit sans le poids chaud de sa douce Brindille ancrée à lui. Il s'évertua à se lancer à corps perdu dans son travail, mais souvent il se retrouvait en train de fixer le vide de son domicile froid et inhospitalier qui lui était tellement étranger à présent, ne sachant plus où il était rendu. La vue grise et sans relief que lui offraient ses immenses fenêtres se moquait de lui avec son néant. Là où il avait jadis trouvé du réconfort dans les lumières clignotantes des bateaux sur le Puget Sound, l'eau, maintenant, n'était qu'un peu plus de vide. À l'instar de ses jours, elle n'avait plus de sens. Il tenta d'écrire, retournant sans cesse à son livre dont la date de publication allait désormais implacablement être différée, mais les mots refusaient de venir à lui comme ils avaient l'habitude de le faire. Il se plongeait dans la lecture d'importants articles dans des revues académiques, seulement pour constater au bout d'une demi-heure qu'il n'avait aucune idée de ce qu'il venait de lire. Ou alors il n'arrêtait pas de relire la même phrase encore et encore, ses yeux passant sur les lettres, mais son esprit ne retenant rien.

Être seul dans le lit de son appartement était légèrement plus facile, étant donné que son corps n'avait pas la mémoire musculaire de la chaleur de Brindille enroulée autour de lui, mais inconsciemment il cherchait encore à l'atteindre. Ses nuits étaient tourmentées par l'insomnie, et par conséquent il dormait de plus en plus tard pendant la journée. Des parties normales de sa routine commencèrent à être abandonnées – répondre au téléphone, faire les courses. Ses cheveux avaient l'air d'un nid d'oiseaux quand il se regardait dans le miroir, mais il ne sortit pas de chez lui pour aller les faire couper. Une étrange grisaille s'abattit sur lui, comme le gris perpétuel à l'extérieur de ses fenêtres. Il se rappelait la couleur, comme il se rappelait la sensation du corps moelleux de Brindille dans ses bras. La musique de ses faibles gloussements. Mais tout cela était perdu pour lui dans le moment présent.

Emmett et Rosalie avaient rendu visite à Bella – quelque chose qu'on avait dit à Edward qu'il ne pouvait pas faire – et avaient assuré à Edward que, même si elle n'était pas particulièrement heureuse d'être là, elle était dans un bon endroit. Les employés étaient professionnels, et elle avait toutes les séances d'ergothérapie et de thérapie physique qu'il lui était possible de caser dans son emploi du temps. Emily était avec elle, et bien qu'il y eût déjà un physiothérapeute parmi les membres du personnel, on laissait Kate venir pour voir Bella tout spécialement. Bête aussi était avec elle, même si d'habitude le règlement n'autorisait pas autre chose que les animaux ayant une fonction thérapeutique. Rose avait même expliqué en riant qu'ils avaient fait passer une sorte de test à Bête, qu'elle avait réussi, et qu'elle était maintenant officiellement l'animal de thérapie de Bella. La chatte était équipée d'un gilet et de tout l'arsenal des animaux de thérapie.

Il était content de tout ça – que des gens essayent de donner à Bella tout ce qu'ils pouvaient pour atténuer le choc du changement. Mais il ne pouvait pas être là pour aider, pour apaiser ses craintes et la réconforter, et cela le dévastait. Il l'avait perdue par ses propres actions, et il n'y avait rien qu'il pût faire pour régler ce problème. Ni pour lui, ni pour elle.

Tanya essaya d'appeler deux fois, mais il laissa ses appels basculer directement sur sa boîte vocale. Dans les deux cas elle ne laissa pas de message, et elle ne l'appela pas de nouveau. Il espérait qu'elle avait compris le sous-entendu.

Finalement, conscient qu'il était en train de sombrer dans la dépression, mais ne sachant pas quoi faire à ce sujet, Edward fit ce qu'Emily lui avait conseillé de faire depuis le début. Il passa des appels à la ronde jusqu'à ce qu'il trouve un thérapeute qui semblait prometteur, et il se força à sortir de son appartement-condo pour aller à son rendez-vous.

Cela n'arrangea pas les choses, et le fait qu'il fût si pénible pour lui de passer ces appels téléphoniques et de se rendre à son rendez-vous montra à Edward qu'il était tombé très bas. Une partie de lui n'était pas sûre que cela valût la peine de s'extirper du trou sombre qu'il avait creusé pour lui-même.

Deux jours après son second rendez-vous avec son nouveau thérapeute, la sonnette retentit.

Le bruit inhabituel sortit Edward de sa stupeur et il se retrouva en train de se lever et de se diriger vers la porte dans un geste d'automate avant que son esprit ne rattrape son corps. Les démarcheurs n'étaient pas autorisés dans l'immeuble, et il ne voulait parler à aucun de ses voisins de la copropriété. Il supposa qu'il pouvait s'agir d'Esmée venue voir comment il allait – il n'avait pas répondu au téléphone depuis des lustres, après tout – mais il ne pouvait vraiment pas le dire à coup sûr.

Il ouvrit la porte sans regarder dans le judas, agissant avant de pouvoir changer d'avis. Il écarquilla les yeux, et se demanda s'il avait des hallucinations.

Parce que Bella se tenait là, juste devant lui. Sur des béquilles, oui, mais debout.

« Bella, » murmura-t-il. Son esprit refusait de lui fournir d'autres mots. Son cœur martela, vite et fort, et des taches dansèrent dans son champ de vision pendant un moment. Il se demanda s'il allait s'évanouir.

« Edward. » La tension sur le visage de Bella disparut instantanément quand elle le vit. Si belle. En l'espace de six semaines, l'image mentale qu'il avait d'elle était devenue floue sur les contours, mais à présent voilà qu'elle était là, entièrement réelle, devant lui.

Et debout.

« Es-tu réelle ? »

Ses lèvres roses veloutées se retroussèrent en un petit sourire perplexe. « Je pense que oui ? »

Elle tanguait un peu sur ses béquilles, et l'esprit d'Edward revint vivement à la réalité. « Merde, » jura-t-il en reculant, trébuchant sur lui-même dans son effort pour lui céder le passage. « Entre – peux-tu entrer ? Que puis-je faire ? Devrais-je – »

Elle l'ignora, toute sa concentration fixée sur l'utilisation de ses pieds et de ses béquilles pour passer le seuil de la porte et avancer lentement dans son logement. Edward déglutit péniblement, réussissant tout juste à ne pas la prendre et le faire pour elle, ses mains s'agitant le long de son corps. Elle fit quatre petits pas prudents, puis elle fit halte en plantant ses quatre 'membres' – une jambe enveloppée dans un plâtre encombrant – et le regarda avec ses grands yeux bruns qui le tuaient à chaque fois qu'ils se tournaient vers lui.

« Edward, » dit-elle, et dans sa voix il y avait tout ce qui lui avait manqué pendant si longtemps – la chaleur, la couleur, la vie. Elle tendit un bras vers lui, sa béquille tombant au sol avec fracas.

Ayant maintenant eu la permission, Edward se rapprocha et l'enveloppa étroitement dans ses bras. Bella – sa douce Brindille – elle était ici. Ici. Son corps se moula parfaitement contre le sien, et il sentit la chaude humidité révélatrice des larmes lorsqu'elles ruisselèrent dans son cou.

« Bella, » dit-il, l'étreignant farouchement. Il ne savait pas combien de temps il l'aurait avec lui cette fois-ci avant que la vie ne l'entraîne à nouveau loin de lui – une demi-heure ? Davantage ? – et il n'avait pas l'intention de gaspiller ce temps. Il inspira profondément, sentant sa poitrine prendre de l'expansion comme elle ne l'avait pas fait depuis plus d'un mois maintenant. Peut-être qu'elle n'était plus sa Bella, mais pour ce moment il était prêt à prétendre que c'était toujours le cas. Il était à elle, après tout, peu importe ce qui était arrivé. Rien ne pouvait changer ça.

Elle le serra aussi fort qu'il l'étreignait, l'autre béquille tombant au sol. Edward ferma la porte d'un coup de pied et prit Bella dans ses bras, les amenant dans son salon. Le contact du sofa en cuir noir contre sa peau lui donna froid au début, et c'était complètement différent du divan moelleux au cottage de ses parents. Mais Bella était dans ses bras, et il ne se souciait de rien d'autre.

« Edward, » dit-elle finalement, reniflant dans sa chemise. « J'ai pris ma décision. »

« À propos de quoi, ma Chérie ? » Il se pencha en arrière, écartant ses longs cheveux soyeux de son visage. Elle frotta ses joues humides et le regarda avec ses immenses yeux sombres.

« Je t'aime, » déclara-t-elle, sa voix claire malgré ses larmes. « Je ne veux plus être séparée de toi. »

« Je ne veux pas être séparé de toi non plus, » répliqua Edward, effleurant les traces humides de ses larmes sur sa peau. « Mais Bella, cette décision ne me revient pas. Tu le sais ça. »

Un sourire lent et triomphal se répandit sur son visage, et ses yeux brillèrent d'un éclat radieux. « Non, » dit-elle. « Elle me revient. C'est finalement à moi de décider. »

« Que veux-tu dire ? »

« La juge me l'a dit. Il a fallu du temps pour tout arranger – je ne sais pas vraiment pourquoi, mais ça s'est réglé. Bref je suis allée voir la juge et elle a dit que j'étais intelligente et que je devrais être capable de prendre mes propres décisions. Je dois avoir un cu-curateur, » dit-elle, trébuchant sur le mot, « pour m'aider, mais c'est bon. Carlisle va le faire. »

« Ah oui ? »

Bella hocha la tête, son sourire encore plus lumineux. « Il a dit de le considérer comme mon père – un bon père, pas comme celui que j'avais avant. Il est là pour m'aider à prendre les bonnes décisions et pour m'apprendre. »

Edward eut l'impression d'avoir le tournis. C'était… beaucoup d'informations à assimiler. Ainsi donc Bella n'était plus une pupille de l'État, et si elle avait un curateur pour s'occuper d'elle, cela signifiait qu'elle n'était plus considérée mentalement incapable. Elle était effectivement une adulte maintenant, aux yeux de l'État. Une personne à part entière.

« Je peux choisir, » dit-elle en levant doucement les mains pour prendre ses joues en coupe. Une barbe d'une semaine couvrait sa peau et elle la caressa gentiment avec ses doigts. « Je peux enfin choisir. »

Edward inspira lentement alors que le visage de Bella frôlait le sien. Il aurait eu le temps de détourner son visage, mais il ne le fit pas – il en était incapable. Son souffle chaud effleura sa joue, puis ses lèvres touchèrent les siennes avec douceur et légèreté. C'était le baiser le plus délicat qu'il avait jamais connu – le contact le plus agréable, plus agréable que tout ce qu'il aurait pu imaginer. Si doux. N'osant pas respirer, il bougea à peine sa bouche et lui retourna son baiser. Pendant si longtemps il s'était dit qu'il ne pouvait pas avoir ceci – qu'il ne pouvait pas l'avoir. Elle était défendue, et il se l'était répété jusqu'à ce qu'il soit ni plus ni moins convaincu qu'il ne voulait pas d'elle. Pas de cette manière-là.

Mais le fait de la voir devant sa porte – debout – avait… changé quelque chose. Quoi exactement, il ne pouvait pas le dire. Mais ses bras tremblaient légèrement alors qu'il la tenait, et il savait en l'embrassant qu'il n'y avait plus de retour en arrière possible à partir de là. Il lui avait appartenu dès le moment où Carlisle l'avait mise dans ses bras, blessée et inconsciente. À présent il lui donnait la partie restante de lui-même, la dernière chose qu'il avait gardée cachée, convaincu que ce qu'il vivait actuellement ne pourrait jamais se concrétiser.

Le baiser fut lent, et presque douloureux dans sa brièveté. Edward sentit un grognement de déception s'élever dans sa gorge, pratiquement audible, alors que la bouche de Bella quittait la sienne. Elle reprit son souffle, ouvrant des yeux de velours brun foncé remplis à la fois de contentement et d'émerveillement. « Je t'ai choisi. »

Bon, d'accord. Edward ne voulait plus résister. Elle n'était pas rétablie par magie – il y aurait encore des épreuves à surmonter pour tous les deux. À certains égards, il était possible qu'elle ne devienne jamais vraiment 'normale'. Mais ça ne voulait rien dire pour lui. Il n'était pas parfait, loin de là, et si elle était prête à essayer, alors il l'était lui aussi.

« Je t'aime, » lui dit-il, caressant son dos avec la paume de sa main, de sa nuque jusqu'au bas de sa colonne vertébrale.

« Plus de Tanya. » Elle chercha ses yeux, les siens implorant son approbation.

« Plus personne. Juste toi et moi, Bella. » Il embrassa doucement son front, puis laissa tomber son menton afin de pouvoir à nouveau la regarder. « Je ne sais pas ce qui va se passer – je ne peux pas prédire l'avenir. Mais je suis prêt à essayer avec toi, ma Chérie. » Peut-être que cela ne fonctionnerait pas. Mais il ferait tout en son pouvoir pour s'assurer du contraire.

Une heure plus tard, après s'être abondamment excusé de ne pas avoir de nourriture dans l'appartement, Edward servit à Bella une pizza livrée par le restaurant, s'assurant qu'elle était à l'aise sur le canapé, soucieux au sujet de sa jambe cassée.

« Je n'arrive pas à croire que tu aies fait tout ce chemin par toi-même, » commenta-t-il, incroyablement fier d'elle.

Elle sourit la bouche pleine de bacon et d'ananas. « C'était angoissant, » avoua-t-elle, « mais nous avons appris à voyager en autobus la semaine dernière, et Carlisle m'a donné ton adresse. » Elle déglutit. « Il voulait venir avec moi pour que je ne me perde pas, mais je lui ai dit que je devais le faire toute seule. »

Edward n'aimait pas l'idée de Bella vagabondant seule dans Seattle, mais il comprenait. Elle avait besoin d'apprendre à faire des choses pour elle-même, et ceci avait été un test couronné de succès. Elle était là, en toute sécurité, avec lui.

« Je suis tellement heureux que tu aies trouvé une juge qui était disposée à te donner une chance, » dit-il, et il le pensait du fond du cœur. « Mais, Bella, je veux te parler de quelque chose. »

« Quoi ? » Elle le regarda avec circonspection, et l'anxiété sur son visage l'abattit. Sa confiance automatique en lui avait été sérieusement endommagée par les événements des quelques derniers mois – Tanya, puis leur séparation forcée. Elle lui faisait encore confiance, mais ce n'était plus inné. Il faisait le deuil de cette perte, alors même qu'il savait que leur relation, comme toute relation, devait changer. Le changement était inévitable.

« Chut, Trésor, ce n'est rien de mauvais. C'est-à-dire, pas trop mauvais, » rectifia-t-il. Il se laissa tomber sur le plancher devant elle, la laissant enrouler un bras crispé autour de son épaule. « Je veux juste te parler au sujet de l'établissement où tu restes. Rosalie et Emmett m'ont dit que c'était un bon endroit. »

Elle haussa les épaules, chipotant sa pizza. « Nous apprenons beaucoup de choses, » concéda-t-elle. « Mais je n'aime pas être séparée de toi. »

« Tu n'as pas à être séparée de moi, » jura-t-il. « Plus maintenant. Je promets, Bella. Mais je pense que les choses que tu apprends sont importantes. »

Sa lèvre inférieure trembla. « Est-ce que tu me renvoies ? »

« Non, » dit-il vivement, et n'eût été sa jambe cassée, il l'aurait ramassée et prise sur ses genoux. Il se contenta de prendre ses mains et baissa la tête jusqu'à ce qu'il rencontre ses yeux. « Je ne ferais pas ça à l'un de nous, mon Cœur. Que penserais-tu d'un compromis ? »

« Comme quoi ? »

« Que dirais-tu de vivre là-bas juste un peu plus longtemps ? »

« Non. »

« Ou de vivre ici avec moi, » contra-t-il, sachant qu'elle ne serait pas satisfaite de sa première suggestion, « et d'aller là-bas pendant la journée ? »

Elle réfléchit. « Alors ce serait comme aller à l'école ? »

« Ouais, en un sens ce serait la même chose qu'aller à l'école, » approuva-t-il en lui offrant un sourire.

« Je préférerais retourner à la maison, » déclara-t-elle, baissant momentanément les yeux. « Mère et Carlisle, et Rose et Chase et Alice sont tous là-bas. Mais… » Elle déglutit. « Mais tu es ici. »

« Nous pouvons faire des visites à Forks, » lui assura Edward. « Et nous pouvons discuter au sujet de la possibilité de retourner y habiter dans le futur. Mais en ce moment, Seattle offre énormément de choses qui sont bénéfiques pour nous. Il n'y a pas d'endroits comme Brookside à Forks, personne pour t'enseigner. »

« Si je peux rester avec toi, je peux faire face à n'importe quoi, » décida-t-elle, tirant sur son épaule. Edward se redressa sur ses genoux, rencontrant sa bouche dans un doux baiser.

« Je ne te veux nulle part ailleurs, » promit-il. « Je suis à toi, Bella. Ton Edward. »

« Mon bon Edward, » dit-elle avec un petit sourire. « Tu l'as été, tu sais. Depuis le début. »

« J'ai fait beaucoup d'erreurs. Et je ne peux pas promettre que je ne vais pas foirer à nouveau. Je suis loin d'être parfait. »

Bella haussa les épaules, ses bras le tenant tout près d'elle. Elle sentait les ananas et le shampoing fruité, et Edward adorait ça. Quelque chose en lui se réchauffa et se répandit, le détendant et l'apaisant. Elle était là avec lui, là où était sa place. « Je t'aime, » dit-elle, « et je fais des erreurs moi aussi. Je veux juste… tout ce que je veux c'est être aimée, Edward. Je pense que c'est peut-être ce que j'ai toujours voulu. »

Bien sûr que ça l'était – c'était la seule chose qu'on lui avait refusée toute sa vie.

« Tu es tellement aimée, Bella, » lui dit Edward, incapable de mettre en mots ce qu'elle signifiait exactement pour lui. « Pas seulement par moi. Tu as Esmée et Carlisle, et Rosalie et sa famille, et Alice et Jasper. Tu as une famille entière maintenant, des gens qui t'aiment et qui seront toujours là pour toi. »

Elle pleurait de nouveau, mais Edward soupçonnait qu'il s'agissait de larmes de bonheur et il ne tenta pas de les arrêter.

« J'ai presque envie de remercier J-James, » dit-elle en serrant Edward, « pour m'avoir enlevée. Il m'a fait des choses terribles, mais il m'a aussi amenée à toi. Sans lui, j'aurais pu être avec F-Felix pour toujours. »

Edward l'étreignit plus fort, refusant d'admettre ce scénario. L'imaginer être maintenue en esclavage et privée de son humanité et de sa conscience pour le reste de sa vie… non. Non. Il ne pouvait même pas le concevoir. Il valait beaucoup mieux que James l'eût perdue au jeu dans un pari de la dernière chance, car au moins maintenant elle n'appartenait à personne d'autre – pas même à Edward ou à l'État – qu'à elle-même.

Elle était libre.

« Tanya a dit que tu n'étais pas mon prince charmant, » dit-elle, caressant la joue barbue d'Edward en lui souriant. « Mais je me suis réveillée cette nuit-là et tu étais là. Je crois qu'elle avait peut-être tort. »

« Je ne t'ai pas sauvée avec un baiser, » argua Edward. « Et je t'ai fait souffrir en emmenant Tanya dans nos vies. « Je ne suis guère le prince charmant des contes de fées. »

« Pas un baiser – pas même un dé à coudre. » Elle sourit de plus belle, l'ombre d'une fossette creusant une seule de ses joues. « Tu m'as sauvée avec une banane et un bain, mais tu m'as sauvée quand même. »

Edward appuya son front contre le sien, se délectant de la chaleur de son corps. Selon toute probabilité, elle aussi l'avait sans doute sauvé.

ooo

Lorsque finalement ils retournèrent vivre à Forks, un an et demi plus tard, c'était pour un emploi.

Edward vendit son appartement, à peu près certain qu'ils en avaient tous les deux eu assez de la ville. Dès le début Bella n'avait pas aimé la vie citadine, et Edward préférait lui aussi être près de sa famille et de ses amis. Chase était devenu un bambin robuste, et Alice et Jasper s'étaient mariés. Il était temps de rentrer à la maison.

« Revoilà ma jeune demoiselle, » lança Garrett au cours de leur fête de bienvenue. Il prit la main de Bella dans les siennes et la regarda avec des yeux étrangement lumineux. « Tu nous as manqué, petite. Cette bonne vieille ville n'est tout simplement pas la même sans ta présence. »

Bella le surprit en enroulant ses bras autour de lui dans une étreinte légère mais chaleureuse.

« Tu es comme ma propre fille, » dit-il, essuyant rapidement un œil avec sa vieille main noueuse. « Si ma femme et moi en avions eu une, j'aurais voulu qu'elle soit comme toi. »

Ils avaient une fête pour célébrer leur retour à Forks plutôt qu'une pendaison de crémaillère parce qu'ils se réinstallaient dans le cottage au lieu d'acheter leur propre maison. Essayer de trouver une maison à Forks depuis Seattle s'était avéré difficile, et Edward avait fini par abandonner. De l'avis d'Esmée et Carlisle, ils pouvaient vivre dans la maisonnette sur leur propriété aussi longtemps qu'ils le souhaitaient. Edward préférait un nouveau départ dans une nouvelle maison, mais Bella semblait aimer l'idée de retourner là où tout avait commencé, et il se plaisait à lui donner tout ce qu'elle voulait. Plus tard ils pourraient discuter à propos de déménager dans un nouvel endroit, mais pour l'instant il était satisfait.

Qui plus est, ce n'était pas lui qui commençait un nouvel emploi la semaine suivante.

L'arthrite de Garrett avait progressé au point où il ne pouvait plus dessiner sans éprouver de douleur intense. Il était en semi-retraite, déterminé à former son successeur puis à s'éclipser tranquillement alors que Bella prendrait graduellement le relais. Il était extrêmement fier d'elle, tout comme l'était Edward. Elle était affolée face à tant de nouvelles fonctions qu'elle n'était pas sûre de pouvoir bien remplir, mais Garrett était là pour lui enseigner, et toute sa famille allait la soutenir dans son apprentissage. Elle allait bien s'en tirer, Edward en était certain.

Ils avaient décidé, peu de temps auparavant, qu'il valait mieux qu'ils n'aient pas d'enfants. La pensée de Bella tenant son propre bébé dans ses bras était tentante pour Edward, mais il lui arrivait encore de traverser des périodes difficiles, parfois, et ni l'un ni l'autre ne pouvait dire avec certitude qu'elle serait en mesure de se consacrer pleinement à un autre être humain. Elle-même avait encore besoin de beaucoup d'aide. Elle avait encore des cauchemars, bien que moins fréquemment qu'avant, et parfois elle avait aussi des hallucinations qui la réveillaient. Il y avait des jours, plusieurs d'affilée à l'occasion, où elle luttait pour faire ne serait-ce que les choses les plus élémentaires pour elle-même. Au cours de ses journées 'Brindille', comme elle les appelait, elle avait absolument besoin des soins qu'Edward était toujours plus que disposé à lui prodiguer. Emily et son psychiatre disaient qu'il était possible que cela ne s'en aille jamais complètement, et c'était quelque chose qu'Edward acceptait avec sérénité comme étant une autre cicatrice qu'elle portait de son passé. Elle faisait du mieux qu'elle pouvait, et il l'aimait farouchement, indéfectiblement, avec les cicatrices et le reste.

Carlisle continua d'être son curateur, bien qu'à ce stade-là son rôle se limitât en grande partie à en endosser uniquement le titre. Esmée et lui la considéraient comme la compagne d'Edward et comme leur fille, et même si la perspective de ne pas avoir de petits-enfants les décevait, ils comprenaient. Le bien-être de Bella passait en premier. Ils gâtaient Chase et attendaient avec impatience tous les autres enfants que leur famille improvisée pourrait produire. Edward leur en était reconnaissant. La dernière chose dont Bella avait besoin était de la pression pour faire quelque chose qu'elle-même voulait au départ. Mais elle avait beau désirer donner à Edward un enfant bien à lui, elle avait pris la décision avec lui. C'était pour le mieux, et ils ne manqueraient pas d'amour ou de bonheur dans leur vie.

Alors qu'Edward regardait sa douce compagne dans le salon bondé du cottage, il sentit un picotement révélateur derrière ses yeux. Elle était magnifique – gracieuse, affectueuse, belle, et par-dessus tout tellement courageuse. Elle avait vaincu tant de choses pour parvenir là où elle était. Et il y avait encore des questions restées sans réponse, des fils laissés en suspens dans le récit de sa vie. Felix et le Dr Gerandy n'avaient pas encore été retrouvés, et son père non plus. Mais ils avaient trouvé son certificat de naissance et le certificat de décès de sa mère. Edward avait enfin été en mesure de l'emmener voir la tombe de celle-ci – le seul lien physique qu'il restait à Bella de la femme qui l'avait mise au monde. C'était un peu comme tourner la page, et aussi comme un nouveau départ lorsque Bella se leva de l'herbe humide du cimetière et glissa sa main dans la sienne.

Mais elle refusait toujours de l'épouser.

Pour elle, le mariage était relié à l'église, et elle gardait ses distances de tout ce qui était religieux après son temps passé avec le prédicateur fou à Puyallup. Edward trouvait que c'était tout à fait rationnel. Pendant des années la bible lui avait été enfoncée dans le crâne avec des raclées. La rejeter maintenant était donc très logique.

Il souhaitait encore qu'elle l'épouse, mais pour l'instant il devait accepter sa réponse. Elle l'aimait, et il le savait. Peut-être un jour. Elle avait surmonté tellement d'épreuves.

Observant Rose transférer le petit corps vigoureux de Chase dans les bras de Bella, il sourit à la scène remplie d'émotion. Elle commencerait à travailler – elle avait un boulot - la semaine suivante, et ils étaient de retour à la maison avec leur famille, là où ils se sentaient vraiment chez eux.

Sa petite Brindille. La fille douce et apeurée qui était venue à lui avec tellement de besoins à combler.

Les yeux de Bella trouvèrent les siens par-delà la tête de Chase, et elle lui adressa ce sourire spécial qui était juste pour lui. Son sourire, sa Bella.

Felix était peut-être encore en liberté quelque part, mais il n'avait pas gagné. Bella avait gagné, et jamais Edward n'avait rencontré quelqu'un d'aussi grand qu'elle, du haut de son mètre cinquante-sept. Adorable et adorée. Oui, elle avait gagné.

o ~ O FIN ~ O ~ o

Merci mlca66 pour toutes les heures que tu as passées à relire mes chapitres.

Un gros merci au nom de Cris à tous ceux et celles qui ont pris le temps de lire et de commenter cette histoire. J'espère qu'elle vous a plu.

Passez un très bel été, et je vous reviendrai à la fin de celui-ci avec le Futuretake que Cris avait écrit en 2012, en complément à l'histoire principale.

Milk