Bonjour/Bonsoir/Bonne nuit à toi, mon lecteur préféré. Que viens-tu chercher en cette contrée égarée ? Les archives de cette œuvre ne sont pas très réputées - à mon grand désarroi. Mais si tu es là par toi-même, de ton gré, je te dis chapeau bas. Car c'est que tu as du goût pour les belles choses, pour les beaux mots, pour les belles lettres. Et ça, je ne refuse pas.

Mais puisque tu as le temps, prends-en donc un bout pour lire ce qui est écrit plus bas. Je te présente aujourd'hui un poème ma foi, bien particulier, de ma vision du Petit Prince. En effet, j'adule ce conte, il m'attendrit autant qu'il me fait pleurer. Quand l'inspiration me manque, c'est mon remède ultime. J'ai donc décidé d'écrire dessus, de continuer le mythe le temps de quelques minutes de lecture.

Ce poème, donc, est en fait un dialogue - totalement dénué de sens - entre deux personnages primordiaux dans le récit : le Serpent et le Renard. Je te laisse découvrir la suite par toi-même, car de toute façon, il n'y a rien à ajouter. Je ne pense pas que cette prose soit "résumable" d'une quelconque manière... D'ailleurs, n'en cherche pas une signification profonde, tu serais déçu. C'est juste une suite de mots, sans recherche aucune, qui m'est venue comme ça un soir de printemps. J'espère tout de même qu'il te plaira.

Il se lit de cette manière : à chaque saut de ligne (ou nouveau paragraphe, pour être plus compréhensible), on change de rôle. Le premier paragraphe est donc déclamé par le Serpent, le second par le Renard, puis le Serpent etc... C'est facile, tu verras, il n'y a que deux personnages.

Je rappelle que l'œuvre originale du Petit Prince appartient à l'admirable Antoine de Saint-Exupéry.

Bonne lecture, et n'hésite pas à reviewer ~


Renard, cher ami, que fais-tu allongé là ?
À terre, sans personne, comme un croyant sans la foi
Allons, tu peux tout me confier
Ne te noie pas dans un malheur absolu,
Et parle-moi, je n'aime pas te voir torturé

Je pleure, dit le Renard. Je pleure car j'ai perdu
Le mouton l'a emporté sur mon Prince corrompu
En quelques mots cette immonde Bête Noire
De la flamme en mon cœur a brisé les remparts
Peu à peu l'enfant miracle qui me faisait frissonner
Se transforme en une simple brebis de berger.
Alors oui, je pleure de le savoir ordinaire
De connaître son absence à l'appel de ma chair
Plus de nos détours au Pays des Larmes
C'en est trop pour moi, je ne veux plus de ses charmes.
Pourquoi m'apprivoise-t-il, si c'est pour me délaisser ?
Pour partir sans remords avec le premier invité ?
Il me rejette, je ne trouve plus mes repères.
Je n'ai jamais demandé à souffrir, et pourtant sans le vouloir
Il m'inflige la torture, m'emprisonne, me condamne.
Ah! Si j'avais su que l'amour faisait mal...

Cesse de sangloter, Renard.
Et relève-toi
Tout d'abord je t'assure que je comprends ton désarroi
Moi-même inconsciemment, je me suis risquée à l'ivresse
D'un amour sans barrière, d'un royaume de tendresse
Et voilà le résultat
Dorénavant je suis punie pour avoir été en émoi
Mes lèvres sont scellées, car si je les entrouvre
Mon venin, sans pitié, à mes hommes je découvre
Je ne peux plus laisser parler mon cœur

Je ne comprends pas
Explique-moi, Serpent

J'ai connu tout comme toi une paire d'yeux aguicheurs
Ceux vermeil de la Rose, cette fleur enjôleuse
Dont j'ai aimé des pétales la démarche voluptueuse
Oui, de cette simple tige, qui ployait sous le vent
J'aurais donné corps et âme, je me serais dévouée à Satan
Mais je l'aimais aveugle, et en effleurant sa peau
J'ai entendu un présage aux ailes noires de corbeau
Il disait "Vipère, cette Rose tu ne mérites point
N'altère pas les anges pour satisfaire tes besoins
Va, ne délivres plus tes fièvres factices
Puisses-tu de tes crochets goûter la saveur de tes vices"
Et ainsi l'amour me fut à jamais refusé
Je ne me contente à présent que de quelques histoires inachevées
Quelques fusions de corps aux relents d'immondice

Je ne te crois pas.

Ah non, vraiment ?

Vraiment.
Rien n'est aussi simple que cela.
Toi qui prétends ne pas connaître l'amour
Qui te contente de tuer de ta langue de velours
Je sais que tu sais autant que moi.
Alors pourquoi te caches-ainsi de tes sentiments ?

Je tue sans cesse la Nuit pour voir poindre le Jour.

Je ne saisis pas tes mots, sois plus loquace

Chez moi l'indifférence règne et l'émotion trépasse.
J'ai éprouvé la peine autant que la joie d'être désirée
Autrefois j'étais reine d'un cœur d'homme à aimer

Reine ? Serpent, serais-tu donc femelle ?

C'est ainsi.

Miséricorde ! Voilà pourquoi tu me semblais si belle
Mais... Et la Rose ?

Tu sais, Renard,
Tu seras sans doute trop jeune pour comprendre
Mais j'aimerais si tu veux bien t'avouer une chose
L'homme est infidèle, je l'ai appris à mes dépens
Il se fait maître de ton corps rien que pour un instant
Mais vite il te laisse de côté
Lentement de tes écailles il finit par se lasser
Et aucune langue de velours ne peut retenir
Son cœur de vautour de chercher à te nuire

Alors c'est pour cela que tu es condamnée à rester seule ?
Par chagrin ?
C'est ma foi une bien triste fin.
Car même si mon Prince a choisi le mouton,
Je suis bien heureux d'avoir connu la Passion

Seule, moi ? Malheureux, que c'est laid d'entendre ça !
Non, seule, je ne le suis pas
Rien de la solitude ne sied en mon âme
J'ai juste, à défaut d'homme, choisi d'aimer les femmes.