Hermione se souvenait vaguement d'avoir rêvé que son père l'avait portée dans ses bras jusqu'à son lit, comme lorsqu'elle s'endormait devant la télévision étant petite. Elle s'attendait presque à se réveiller dans sa chambre, et fut très surprise lorsqu'elle réalisa qu'elle se trouvait à l'infirmerie de Poudlard. Elle cligna des yeux et se remémora les événements de la nuit passée : Malefoy, le gui, le Plafond Magique, le sortilège... Le sortilège !

Elle se mit brutalement en position assise et regarda fébrilement autour d'elle, réalisant qu'elle n'était effectivement pas censée se trouver à l'infirmerie, mais sur un matelas au milieu de la Grande Salle.

— Ah, Miss Granger ! Vous êtes enfin réveillée ! s'exclama joyeusement Madame Pomfresh en l'apercevant alors qu'elle donnait une potion à un élève de première année couvert de boutons violets.

— Quelle heure est-il ? Pourquoi suis-je ici ? Où est Drago ? demanda précipitamment Hermione.

— Calmez-vous, lui commanda doucement l'infirmière en se dirigeant vers elle et en la forçant à s'adosser contre son oreiller. Tout va bien. Il est onze heures du matin, vous avez fait une belle grasse matinée. Monsieur Malefoy vous a déposée ici cette nuit, et est reparti aussitôt.

— Comment ça, déposée ? s'étrangla Hermione. Comment a-t-il fait pour passer à travers le champ de force du sortilège ?

— C'est une très bonne question, vous lui demanderez, répondit Madame Pomfresh en débouchant une fiole de cristal noire dont Hermione ne pouvait distinguer le liquide, et en l'agitant sous son nez. Que sentez-vous ? lui demanda-t-elle.

Hermione fronça les sourcils et huma la potion, notant que celle-ci était pourvue d'une délicieuse odeur.

— Du cuir, de la menthe poivrée et... du pamplemousse, je crois. Qu'est-ce que c'est ? questionna-t-elle alors que la petite femme, à son grand regret, rebouchait la fiole avec un léger sourire satisfait.

— De l'Amortentia, répondit-elle simplement.

— Quoi ? s'étonna Hermione en haussant un sourcil. Ce n'est pas possible, la dernière fois que j'en ai respiré je sentais du parchemin, de l'herbe coupée et du dentifrice !

— Les choses sont comme les gens Miss Granger, elles changent. Il semblerait que quelque chose vous ait fait changer d'avis depuis, ou plutôt quelqu'un.

Hermione avala sa salive de travers et manqua de s'étouffer.

— Il faut que je lui parle, murmura-t-elle d'une voix rauque en s'extirpant de son lit encore tiède.

Elle se rendit alors compte qu'elle portait toujours sa robe de bal, et que les seules chaussures dont elle disposait étaient sa paire d'escarpins blancs.

— Un Elfe de Maison les a ramenés cette nuit, précisa Madame Pomfresh en suivant le regard d'Hermione vers ses souliers.

Hermione se mordit la lèvre, se sentant plus que coupable d'avoir participé à la peine d'un pauvre Elfe de Maison. Elle se promit de descendre aux cuisines pour le remercier, et enfila à contre cœur les chaussures à talons, ses pieds étant encore douloureux de la veille.

— Avez-vous besoin d'une potion contre les ampoules ? demanda Madame Pomfresh en la voyant grimacer. J'en ai toute une réserve en prévoyance du bal. Déjà une dizaine de jeunes filles sont déjà passées ce matin...

— Non merci, répondit Hermione en s'efforçant de sourire.

Elle n'avait pas de temps à perdre avec ses problèmes d'ampoules.

— Comme vous voudrez ! répondit l'infirmière en haussant les épaules et en s'éloignant.

Hermione s'étira et se leva avec précaution, gardant tant bien que mal son équilibre et tituba vers la sortie, mais s'arrêta en chemin lorsqu'elle croisa son reflet dans un miroir.

Les tissus de sa robe étaient froissés, ses cheveux ébouriffés avaient repris leur habituelle épaisseur et elle avait perdu ses jolies boucles. En plus de cela, elle avait une mine affreuse. De larges cernes bleutées soulignaient ses yeux noisette. Elle passa inutilement une main dans ses cheveux pour tenter de les coiffer et poussa un soupir résigné avant de se diriger vers la Grande Salle, espérant y trouver un certain Serpentard.

Elle sentit le regard des élèves sur elle dès qu'elle passa la grande porte. Elle ne pensait pas qu'il y aurait autant d'élèves –il était onze heures !– mais apparemment ils avaient dû déplacer la fête dans leurs Salles Communes respectives, à en juger par leurs yeux vitreux et à la façon lente dont ils avalaient leur petit-déjeuner. Elle croisa le regard de Ron et Harry qui l'observaient avec les sourcils froncés, un mélange d'inquiétude et de surprise se peignant sur leurs visages fatigués. Elle déglutit et se tourna à contre-cœur vers la table des Serpentard.

Elle ne mit pas longtemps à le reconnaître –difficile de le rater, avec sa chevelure blonde et sa grande stature– et son cœur eut un raté lorsqu'elle aperçu dans son assiette une moitié de pamplemousse. Elle sera les poings et marcha d'un pas décidé en sa direction, ignorant les regards des Serpentard sur son passage.

— Malefoy, dit-elle une fois arrivée en face de lui. Il faut qu'on parle.

— Bonjour à toi aussi, Granger, répondit-il de son habituelle voix traînante en levant à peine la tête vers elle.

Maintenant, précisa-t-elle en grinçant des dents.

Il poussa un long soupir et leva enfin les yeux vers elle. Il marqua une courte pause avant de répondre :

— Granger. Retrouve Weasley et Potter. Mange quelque chose. Et par Merlin, met un gilet, tu trembles comme une feuille, au cas où tu ne l'avais pas remarqué, dit-il en désignant d'un coup de menton ses épaules nues.

— Mais je n'ai pas faim ! Je veux juste savoir comment tu as fait pour–

— Eh bien moi, crois le ou non, j'ai faim, et j'aimerais bien pouvoir finir mon déjeuner tranquille, la coupa-t-il.

Hermione lâcha une plainte exaspérée et se dirigea vers la sortie, se sachant de trop mauvaise humeur pour pouvoir parler à Harry et Ron qui la regardèrent s'éloigner avec des yeux ronds.

Elle faillit trébucher dans les escaliers vers la tour de Gryffondor à cause de ses talons et les déchaussa avec colère, finissant son chemin jusqu'au dortoir des filles pieds-nus. Elle attrapa au hasard dans sa valise un pantalon et un long gilet tricoté à la main dans une épaisse laine beige, car en effet elle grelottait de froid, puis avec enfin une paire de chaussures décente, elle descendit au cinquième étage, vers la Salle de Bain des Préfets. Celle-ci était un avantage dont elle n'avait presque jamais profité malgré son poste, et maintenant semblait être le meilleur moment pour apprécier un bon bain à bulles. Elle fut ravie de trouver la salle inoccupée et remplit l'immense baignoire d'eau chaude, ouvrant au hasard quelques robinets qui firent couler différents liquides aux odeurs les plus délicieuses les unes que les autres.

Une fois la baignoire remplie, Hermione laissa tomber sa fine robe sur le sol et se glissa avec délice dans l'eau chaude. Elle finit par se détendre, et les odeurs des différents savons l'assommèrent quelque peu, elle était donc sur le point de s'assoupir lorsqu'elle entendit un bruit.

Elle sursauta et ramena précipitamment de la mousse vers elle, craignant de se retrouver face à face avec un autre élève, mais poussa un soupir de soulagement lorsqu'elle se rendit compte que ce n'était qu'un hibou qui grattait à la fenêtre en face d'elle, fenêtre que l'on ne pouvait atteindre qu'en passant par la baignoire.

Elle nagea donc jusqu'à la vitre et l'ouvrit en frissonnant, car dehors la neige tombait à gros flocons, et le froid extérieur s'engouffrait par l'ouverture. Le majestueux hibou grand-duc lui tendit fièrement sa patte à laquelle avait été accroché un petit morceau de parchemin. Hermione le détacha avec précaution pour ne pas faire mal à l'animal qui s'envola aussitôt dans de grands battements d'ailes, une fois que le message fut tombé dans sa paume. Elle s'empressa de fermer la fenêtre et replongea un instant jusqu'à la nuque dans l'eau pour se réchauffer, puis elle s'essuya les mains sur une serviette non loin d'elle et déplia soigneusement le papier en évitant de le mouiller.

Un court message y avait été griffonné d'une écriture qui restait néanmoins fine et élégante:

Rejoins-moi dans le parc à seize heures.

D.

Pendant un instant, Hermione se demanda s'il ne s'agissait pas de Dean Thomas qui voulait encore lui demander de l'aide en Herbologie, mais l'écriture de Dean était bien plus grossière et maladroite, et à sa connaissance, il ne possédait pas non plus de hibou grand-duc. Elle serra la mâchoire et froissa la note au creux de sa main humide, puis comme l'eau de son bain commençait sérieusement à refroidir, elle se rinça à l'eau claire et enfila ses vêtements.

Il n'était maintenant pas loin de treize heures, et elle commençait à avoir faim. Elle n'avait rien pu avaler le soir précédent et l'odeur de l'Armotencia en se réveillant lui avait coupé l'appétit, ainsi que le comportement exaspérant de Malefoy.

Elle se rendit donc encore une fois vers la Grande Salle, où quelques élèves qui avaient sûrement pris leur petit-déjeuner plus tôt que les autres prenaient tranquillement leur repas du midi. Elle fut heureuse d'apercevoir Neville et Ginny, et se dirigea vers eux d'un pas enthousiaste.

— Hermione ! s'exclama la rousse lorsqu'elle se laissa tomber sur le banc à côté de Neville qui sursauta et faillit renverser son jus de citrouille.

— Hermione ! répéta-t-il. Tu... tu vas bien ? ajouta-t-il d'une voix nerveuse qui voulait dire qu'il savait tout.

— Ça va, répondit-elle simplement. Enfin, j'ai eu une longue nuit, mais...

Elle se tortilla nerveusement les doigts.

— Mais quoi ? insista Ginny en arquant un sourcil.

— Disons que Malefoy a... mûri, éluda-t-elle en se servant quelques pommes de terre et une tranche de rôti.

— ... Mûri ? répéta Ginny, en levant son autre sourcil.

Hermione l'ignora et avala une bouchée de viande.

— Est-ce qu'au moins il embrasse bien ? demanda soudain Ginny.

Hermione s'étouffa et Neville avala de travers, obligeant cette dernière à lui tapoter le dos pour qu'il puisse parvenir à nouveau à respirer, sous les éclats de rire de Ginny.

— Alors ? persista-t-elle pourtant une fois que le garçon fut certain d'avoir retrouvé l'usage de ses poumons.

— Enfin Ginny ! C'est Malefoy ! répondit Hermione, prise au dépourvu.

— Justement ! Renchérit son amie.

— Je... je ne sais pas, je n'ai pas… balbutia-t-elle. Ginny, j'étais bien trop occupée à m'inquiéter à propos d'autre chose ! se ressaisit-elle.

— Mais pourtant le sort a été défait pendant la nuit, répondit Ginny. Toute l'école est au courant, ajouta-t-elle en voyant l'expression atterrée d'Hermione. Vous avez bien dû vous embrasser une deuxième fois pour que ça marche.

— Je ne sais pas, avoua Hermione en haussant les épaules. Je me suis endormie dans la Grande Salle. Je me suis réveillée à l'infirmerie.

— Oh, le fourbe ! s'exclama Ginny.

— Tu sais, dit Hermione, il aurait très bien pu me laisser là. Au lieu de ça, il m'a sûrement portée à bout de bras jusqu'à l'infirmerie.

— Eh ben. Sacré gain de maturité, tu peux le dire. Avant, il ne t'aurait même pas touchée, remarqua Ginny. Là, en l'espace que quelques heures, non seulement il t'a embrassée, mais il s'est même donné du mal pour toi. On pourrait presque penser que...

— Penser que quoi ? s'enquit Hermione.

— Qu'il ne te détestait pas autant qu'il le laissait croire.

Hermione baissa les yeux vers son assiette d'un air confus.

— Tu sais ce que Trelawney a prédit ce matin ? demanda Ginny.

— La mort imminente d'Harry ? devina Hermione avec ironie, secrètement ravie du changement soudain de sujet.

— Non ! rit Ginny. Elle a dit que « le lion et le serpent seraient à nouveau réunis », en regardant dans les feuilles de thé.

Ginny avait dit cela d'une voix très calme, en regardant fixement Hermione qui s'immobilisa un instant, avant de soupirer :

— Tu ne crois tout de même pas à ces bêtises, Ginny...

— Je suppose que je ne le saurais jamais... répondit celle-ci d'une voix lointaine.

Hermione se concentra sur son assiette et Neville vint à son secours en questionnant Ginny sur l'avancée de son parchemin sur les Brotucs. Elle termina de manger en silence, et passa les deux heures suivantes dans la Salle Commune, près de la cheminée, plongée dans un roman de son auteur Moldue préférée, Jane Austen. Malheureusement, le roman qu'elle était en train de lire, Orgueil & Préjugés, lui donna inexplicablement une désagréable impression de déjà-vu.

Aux alentours de seize heures, elle posa son livre, enfila son long et épais gilet et s'entoura d'une grosse écharpe en laine, avant de descendre pour rejoindre Malefoy dans le parc. Le parc, pensa-t-elle. Il n'aurait pas pu être un tantinet plus précis ? Le parc de Poudlard était immense. Comment pourrait-elle le trouver sans plus d'indications ? Était-ce encore une blague ? Malefoy avait-il retrouvé ses vieilles habitudes ?

En chemin, elle tomba par hasard sur Ron et Harry, qui revenaient d'un entraînement de Quidditch.

— Hermione ! Où est-ce que tu vas ? demanda Ron en la voyant ainsi emmitouflée.

— Tu vas bien ? ajouta Harry. Tu n'avais pas l'air dans ton assiette ce matin. Il s'est passé quelque chose ? C'est Malefoy ?

— Non ! répondit Hermione en secouant la tête. Je vais juste... rendre visite à Hagrid, mentit-elle, craignant leur réaction si elle leur annonçait qu'elle allait en fait retrouver un ancien Mangemort qui avait passé plusieurs années à la tyranniser.

— Mince, grogna Ron. C'est vrai qu'on est pas beaucoup allé le voir ces temps-ci...

Une vague de culpabilité submergea Hermione à cette remarque, et elle se promit de réellement passer dire bonjour à Hagrid après s'être expliquée avec Malefoy, histoire de soulager sa conscience d'un mensonge trop lourd.

— On pourrait venir avec toi… proposa Harry d'une voix hésitante, visiblement peu enthousiaste à l'idée de remettre le nez dehors.

Non ! s'écria Hermione, peut-être un peu trop précipitamment. Désolée, s'excusa-t-elle en voyant le brun lever les sourcils, mais, sans vouloir vous vexer, vous êtes sales, et vous avez complètement l'air gelés...

— La tempête de neige s'est arrêtée en même temps que l'entraînement, ronchonna Ron en s'appuyant sur le manche de son balai.

Hermione, qui avait passé presque une demie-heure à regarder la neige tomber plutôt que de se concentrer sur son livre quelques instants plus tôt, hocha la tête.

— J'expliquerais à Hagrid pourquoi vous n'avez pas pu venir. Il comprendra, les rassura-t-elle d'une voix douce.

— D'accord, approuva Harry. A tout à l'heure alors ! ajouta-t-il en s'éloignant.

— A tout à l'heure ! répéta Hermione en les contournant. Une fois qu'ils furent hors de vue, elle poussa un long soupir de soulagement et se dirigea vers le parc, la gorge serrée.


Lorsqu'elle franchit la grande porte pour enfin arriver dans le parc, ses yeux mirent plusieurs secondes à s'accoutumer à la lumière étincelante qui rayonnait à l'extérieur. La neige avait bel et bien cessé de tomber, mais celle-ci avait recouvert d'une épaisse couche blanche chaque parcelle du vaste terrain. Hermione se blottit un peu plus dans son épais gilet de laine, ne laissant dépasser de ses manches que le bout de ses doigts, et fit un pas dans la neige. Elle ne put s'empêcher de sourire lorsque son pied s'enfonça dans plusieurs centimètres de poudreuse qui crissa sous son poids –elle avait toujours aimé la neige– et avança en contemplant la beauté du paysage.

Les arbres étaient recouverts de neige, et leurs branches étaient dotées de stalactites qui scintillaient à la lumière. Le Lac Noir était également gelé, et elle se rendit compte avec émerveillement que le parc de Poudlard n'avait jamais été aussi beau.

— Alors Granger, on profite de la vue ? demanda soudain une voix traînante familière à ses oreilles.

Hermione sursauta si brusquement qu'elle faillit glisser dans la neige et perdre l'équilibre, et elle serait très sûrement tombée si Malefoy ne lui avait pas attrapé un bras pour la maintenir debout.

— Bon sang, Malefoy ! s'exclama-t-elle alors que celui-ci l'aidait à se redresser.

— Si tu regardais autour de toi au lieu de rêvasser, on en serait pas là Granger !

— Et si tu avais été un peu moins vague dans ton mot, je n'aurais pas eu besoin d'errer dans le parc sans destination précise ! répliqua-t-elle en retrouvant son équilibre en s'accrochant au col de son long manteau noir.

Drago se contenta de la fixer avec amusement.

— Qu'est-ce qu'il y a ? demanda-t-elle en le lâchant et en faisant un pas en arrière.

— Tu es venue, déclara-t-il avec son habituel sourire en coin.

Hermione soupira.

— Oui, je suis venue Malefoy. Je suis venue parce que je pense que tu me dois au moins quelques explications, si ce n'est pas trop te demander.

— Il n'y a rien à dire, Granger, répondit-il d'une voix froide, toute trace de sourire à présent effacée de son visage. Le sortilège a été rompu. On a été libérés. C'est tout ce qui compte...

— Mais j'ai le droit de savoir comment !

— Tu es intelligente, non ? s'emporta-t-il. Tu sais très bien qu'il n'y avait qu'un seul moyen de briser ce foutu enchantement avant l'heure !

Hermione se contenta de se mordre la lèvre.

— Dis le moi, Malefoy. Je veux t'entendre le dire.

Il poussa un grognement, puis grommela dans sa barbe :

— Je t'ai embrassée.

Hermione inspira lentement ; et s'adossa au tronc humide de l'arbre à côté d'eux.

— Je ne comprends pas, finit-elle par admettre. On a essayé, au tout début. Ça n'a pas marché. Pourquoi est-ce que ça aurait marché quelques heures plus tard ?

— Peut-être que c'était parce que tu étais inconsciente...

— Non, éluda Hermione, un sortilège aussi puissant ne se limite pas à la conscience d'une personne, justement, il va bien au-delà...

Elle fronça les sourcils, cherchant quelque chose, un élément déclencheur qui aurait pu faire en sorte que le sortilège accepterait ce baiser plutôt que l'autre. Soudain, les paroles de Ginny résonnèrent dans sa tête. On pourrait presque penser qu'il ne te détestait pas autant qu'il le laissait croire.

— Malefoy ? demanda-t-elle d'une voix étrangement calme.

Pour toute réponse, celui-ci la regarda en fronçant les sourcils.

— Tu es sûr que le fait que l'on se retrouve tous les deux sous ce gui, à ce moment exact, était vraiment une coïncidence ?

Drago serra brusquement la mâchoire et la regarda d'un air stupéfait, qu'elle lui rendit en entre-ouvrant la bouche avec hébétude.

— Tu l'as fait exprès ! l'accusa-t-elle, frappée de stupeur.

— Granger–

— Tu ne m'as jamais vraiment détestée, pas vrai ? s'exclama-t-elle. Tout ce temps, toutes ces insultes... C'était du bluff ! Parce que j'étais amie avec Ron et Harry, parce que j'étais à Gryffondor, parce que j'étais Née Moldue... Parce que j'étais la seule chose qui t'étais inaccessible ! La seule chose que l'argent, ou le statut de ton père ne pouvait pas acheter !

Hermione porta la main à son front, les yeux écarquillés par la réalisation de cette vérité qui soudain prenait tout son sens.

— Pourquoi ? murmura-t-elle enfin en levant les yeux vers lui.

Pourquoi est-ce que tu as choisi la haine ?

Il la fixa d'un regard impénétrable pendant plusieurs secondes, avant de répondre, renonçant à nier :

— C'était plus facile.

— Évidemment, répondit-elle d'un ton amer en appuyant l'arrière de sa tête contre le tronc de l'arbre et en fermant les paupières.

C'était en effet la nature du Serpentard de choisir la facilité, comme c'était la nature de l'homme de désirer ce qui lui était interdit.

Ils restèrent silencieux pendant un moment, Hermione laissant entrer l'air hivernale, frais et pur, dans ses poumons, puis elle finit par rouvrir les yeux et rompre le silence :

— Donc quand tu m'as vue toute seule sous cette branche de gui, tu t'es dit que c'était le seul moyen de savoir, comprit-elle.

— Ça valait le coup, répondit-il.

Hermione tourna doucement la tête vers lui et le considéra d'un air chamboulé.

— Si c'était à refaire je le referais, Granger, dit-il en la regardant droit dans les yeux.

Hermione resta muette et continua de le dévisager avec un regard bouleversé.

— Enfin peu importe, soupira-t-il en haussant les épaules devant son manque de réaction. C'est terminé maintenant, ajouta-t-il en faisant mine de s'éloigner.

C'est à ce moment qu'Hermione laissa échapper un faible sanglot en faisant un pas précipité vers lui et passa brusquement ses bras autour de son cou.

Drago resta immobile, le souffle coupé. Il l'avait souvent vue enlacer Potter de cette manière, mais il ne s'était jamais attendu à ce qu'un jour ce soit lui. Elle le serra un peu plus fort, son menton posé sur son épaule alors qu'il était légèrement courbé et qu'elle se tenait sur la pointe des pieds. Ils restèrent un instant comme ça, puis il finit par se souvenir de la façon dont le balafré passait ses bras autour d'elle et l'imita doucement. Sa compassion était plus forte que sa rancœur, et ce fut comme si elle absorbait chaque once de désespoir qui l'avait envahi durant l'année précédente. Mis à part sa mère, Hermione devinait que Drago n'avait pas dû connaître de nombreuses formes d'affection jusqu'à maintenant. En effet, à part ses discours sur la supériorité de son sang, le pouvoir du Seigneur des Ténèbres et la répugnance pour les Moldus, son père n'avait transmis à Drago que sa haine et sa violence. Bien sur, il avait reçu l'adoration de nombreuses filles, à commencer par Pansy Parkinson, mais ce n'était jamais celles qui comptaient réellement, elle le comprenait désormais.

Lentement, il la pressa un peu plus fort contre lui, et alla jusqu'à se pencher pour enfouir son visage dans ses cheveux. Hermione inspira profondément avant de le lâcher, et une odeur de menthe poivrée vint lui chatouiller les narines. Elle se rappela soudain de la raison pour laquelle elle s'était précipitée sur Malefoy le matin même.

L'Amortencia.

Elle se sentit rougir alors que Drago scannait son visage d'un regard indescriptible.

— Malefoy, je crois que... je crois que Madame Pomfresh savait ce qui allait se passer, murmura-t-elle.

— Je le crois aussi, répondit-il.

— Ah bon ? s'étonna-t-elle en levant ses yeux chocolat vers lui. Toi aussi elle t'a fait sentir de l'Amortencia ?

— Quoi ? Non ! Elle m'a expliqué que c'était déjà arrivé. Avec les parents de Potter.

La mâchoire d'Hermione se décrocha et elle le regarda en clignant des yeux.

— T-tu veux dire que les parents d'Harry se sont aussi retrouvés bloqués plus longtemps que prévu sous du gui ensorcelé ? bégaya-t-elle.

— Apparemment. Je ne comprends pas trop pourquoi d'ailleurs, je veux dire, ils étaient tous les deux à Gryffondor, non ?

— Ils se détestaient ! s'exclama Hermione. Enfin, sa mère détestait son père, mais elle ne le détestait pas vraiment... c'est compliqué, soupira-t-elle.

Drago leva un sourcil mais ne posa pas plus de questions, au grand soulagement d'Hermione, mais celui-ci fut de courte durée car il enchaîna sur un sujet encore plus sensible.

— Attends une seconde, qu'est-ce que tu voulais dire par "Toi aussi elle t'a fait sentir de l'Amortencia" ?

Hermione déglutit avec difficulté avant d'expliquer en regardant ses pieds :

— Ce matin, quand je me suis réveillée, elle... elle m'a fait sentir de l'Amortencia, dit-elle en un murmure.

Drago haussa les sourcils.

— Qu'est-ce que tu sentais ?

— Je... je ne... c'était bizarre… bafouilla-t-elle en sentant une chaleur monter le long de sa colonne vertébrale alors qu'un sourire satisfait commençait à se former sur le visage du garçon qui commençait vaguement à comprendre où cela menait.

— Peu importe, coupa-t-elle en secouant la tête. Ce que je veux dire, c'est que les ces guis n'ont pas été placés là par hasard, Malefoy.

— Qu'est-ce que tu veux dire ?

— Tu es toujours Préfet, non ? demanda-t-elle. Tu étais là au début de l'année, quand McGonagall nous a fait son petit discours dans son bureau. Elle a été très claire, elle voulait la paix entre les Maisons.

— Et alors ?

— Alors, ils espéraient sans doute que deux personnes de Gryffondor et Serpentard se retrouveraient sous le gui ce soir-là, même si ceux-là avaient des différents, comme Lily Evans et James Potter des années auparavant, expliqua-t-elle.

— La meilleure amie et l'Elu et le Mangemort, comprit Drago en hochant la tête. Jackpot. Maintenant, reste à savoir si ça a vraiment marché.

— Comment ça ?

— Qu'est-ce que sentait l'Amortencia, Granger ?

Hermione se renfrogna et ferma ses bras autour d'elle en position défensive.

— Granger, insista-t-il devant sa moue obstinée.

— Toi ! s'exclama-t-elle finalement en laissant tomber ses bras le long de ses flancs. Elle sentait toi, Malefoy !

Cette fois, ce fut un large sourire qui illumina le visage de Drago, différents de tous ses rictus séducteurs ou narquois. Un vrai sourire, qui laissait dévoiler une rangée de dents aussi blanches que la neige autour d'eux.

— Tant mieux, dit-il.

Hermione eut un petit rire sarcastique avant de le regarder en penchant la tête sur le côté, avec elle aussi un léger sourire, cette fois plus timide et plus doux, dénué de toute ironie. Réel.

A ce moment, elle sentit quelque chose tomber sur le haut de sa tête et leva la main pour l'enlever de ses cheveux, mais Drago fut plus rapide qu'elle. Elle regarda ce qu'il tenait entre ses doigts et découvrit une petite bille blanchâtre vaguement familière.

— Est-ce que c'est... commença-t-elle en levant la tête vers l'arbre.

— Du gui, finit Malefoy en l'imitant.

En effet, sur une branche au-dessus d'eux, pendait une pousse de gui presque entièrement recouverte de neige.

— Ça devient une habitude, commenta-t-il.

— Heureusement qu'il n'est pas ensorcelé cette fois, remarqua-t-elle avec soulagement.

— Oui, répondit Drago d'une voix lointaine. Mais il parait que ça porte malheur de briser les traditions, ajouta-t-il en reportant son attention sur elle.

— Tu ne respectes jamais les traditions, Malefoy.

— Je vais faire une exception pour celle-ci, répondit-il en se penchant vers elle.


NDA: ew, qu'est-ce que c'est guimauve. Je suis sincèrement désolée, vous vous attendiez peut-être à quelque chose de plus dramatique, mais vraiment, cette fanfiction n'était au départ qu'un petit One-Shot tout mignon que j'ai divisé en plusieurs chapitres à cause de sa longueur !

Un grand MERCI pour toutes vos reviews et vos encouragements, vous n'avez pas idée à quel point ça m'a fait plaisir, vraiment.

Je vous embrasse, et j'espère que vous passez tous de bonnes vacances ! :)