Chapitre 1
Le bébé dormait. La femme le regarda avec une pointe de crainte et se tourna vers l'homme qui se tenait dans l'embrasure de la porte, derrière elle. Il contemplait la scène le regard neutre, froid. Il regardait le désordre évident autour d'eux, les objets en lambeaux qui jonchaient le sol, le corps frêle et désormais froid qui était étendu entre celui de sa femme et du bébé survivant.
-Lucius… Crois-tu que ce soit vraiment…
-Il n'y a pas de doute. Dépêche-toi, à tous les coups quelqu'un a été envoyé pour le récupérer !
La femme déglutit et enjamba le corps de la morte pour pouvoir se pencher vers le lit à barreaux à peu près intact. Elle se pencha, prit délicatement le bébé potelé entre ses mains et vint le caler contre son cœur, entre ses bras. Le bébé gémit un instant et elle le berça inconsciemment, ce geste devenu une habitude avec son propre fils. Son regard se posa sur la cicatrice rougeoyante qui zébrait le front de l'enfant et elle frémit. Oui, c'était bien là la preuve irréfutable que cet enfant serait connu dans « leur » monde et que tous ceux qui avaient souffert ces dernières années voudraient le rencontrer. C'était aussi, par ailleurs, la preuve que cet enfant était la source de la destruction de leur maître, de celui que la famille Malfoy avait suivi depuis le tout début.
Voldemort n'était plus.
Elle se retourna vers son mari et hocha la tête nerveusement, pour lui signifier que tout était bon. Sa mâchoire se contracta et il se dépêcha de la rejoindre dans la salle lorsqu'il entendit le vrombissement d'un appareil venant du ciel.
-Vite ! C'est ce lourdaud de Hagrid qui a été envoyé !
Il tendit la main, attrapa fermement l'épaule de Narcissa, et transplana.
Lorsque Hagrid entra dans la maison détruite de James et Lily, il fut pris de lourds sanglots en voyant l'état déplorable dans lequel elle avait été mise. Il se surprit à prier le ou les dieux moldus dont il avait entendu parlé dans l'espoir impossible qu'il les trouverait encore en vie. Mais en montant une à une les marches il avait dû se rendre à l'évidence.
Il découvrit le couple étendu à terre, sans vie, et s'approcha du berceau de celui que déjà toute l'Angleterre et même les pays avoisinants appelaient le Survivant. Et là, quel ne fut pas le choc, lorsqu'il découvrit que l'enfant qu'il était venu chercher avait… Disparu !
Il regarda partout autour de lui, affolé. Il était pourtant sûr que l'enfant avait été là encore quelques minutes auparavant, parce que Dumbledore avait vérifié à l'aide d'un sort. Il resta interdit, affolé. Il avait failli à sa mission : le bébé Potter avait été emporté par quelqu'un d'autre !
Dumbledore était avec miss McGonagall en train d'attendre devant la maison de la seule famille qui restait désormais au bébé : son oncle et sa tante moldus, ainsi que leur fils gras et intenable. Ils virent enfin arrivé la moto du garde-chasse de Poudlard dans une pétarade et le demi-géant se gara, se leva, puis se dirigea à grandes enjambées vers eux, l'air totalement paniqué.
Dumbledore remarqua que quelque chose n'allait pas et demanda, inquiet :
-Hagrid, où est l'enfant ?
L'interpelé ne réussit pas à répondre, tellement il était secoué. De grosses larmes s'écrasaient sur ses joues. Minerva essaya de le calmer comme elle put, posant sa main sur le bras de Hagrid.
- Il… Il n'était plus là… Je suis arrivé trop tard !
-Quoi !?
Les deux sorciers plus âgés regardaient avec incrédulité le plus jeune (mais qui les dépassait largement en taille). Dumbledore se ressaisit rapidement, sortit sa baguette et invoqua un sort de localisation, craignant le pire. Et ses craintes furent confirmées.
-Merlin ! Ils ont osés !
-Qu'avez-vous vu Albus ? demanda la sous-directrice.
-Les Malfoy. Ils ont emporté Harry chez eux !
La vieille maison familiale se dressait devant le couple et l'enfant toujours endormi dans les bras de la femme. Celle-ci regarda son mari et souffla :
-Qu'allons-nous faire maintenant ? L'élever ? Et Drago dans tout ça ?
-Nous ferons ce que nous avions prévu Narcissa. Nous élèverons Drago comme le fils qu'il est, et nous donnerons à Harry un foyer de « vrais » sorciers. Nous forgerons ainsi son caractère sans pour autant lui montrer l'affection que nous portons à notre fils !
Sa femme acquiesça lentement et regarda l'enfant qui reposait contre son sein. Ce n'était peut-être pas son fils, il avait peut-être fait disparaître le mage noir, mais elle sentait que ce bébé accomplirait encore de grandes choses.
Ils rentrèrent et elle se dépêcha de monter jusqu'à la nurserie. Son fils, son petit Drago aux cheveux si blonds dormait dans son beau lit, inconscient du changement qui allait s'effectuer à partir d'aujourd'hui dans la vie familiale. Le lit était tellement grand que Narcissa décida de posé le brun sur le même matelas pour cette nuit en tout cas. Elle trouva une turbulette dans un tiroir, en couvrit son nouveau fils et l'allongea à côté de Drago.
Elle sortit à reculons, éteignit la lumière et s'apprêta à fermer la porte de la chambre d'enfants lorsqu'elle entendit des coups à la porte d'entrée. Elle sursauta, regarda au bas de l'escalier son mari se diriger vers la porte, sa baguette à la main. Il lui fit signe de rentrer à nouveau dans la pièce puis ouvrit. Dumbledore entra dans la demeure des sangs purs, son visage ne laissant aucune expression faciale lui échapper, sans attendre que Malfoy l'invite à l'intérieur. Il regarda l'homme aux longs cheveux blonds qui le menaçait de sa baguette.
-Nous savons tous les deux que cette baguette vous serait inutile contre moi Lucius !
Lui-même n'avait pas même pris la peine de sortir sa baguette. A la place, un sourire malicieux éclairait son visage. Il plissa les yeux et dit assez fort pour que toute la maison l'entende, ne quittant toujours pas du regard son hôte :
- Je suis venu chercher le jeune Harry qui est ici. Je vous suis reconnaissant d'avoir bien voulu le… Baby-sitter quelque temps mais je ne voudrais pas vous encombrer d'un autre enfant que le vôtre plus longtemps !
-Voyons Dumbledore mais que racontez-vous !? demanda moqueusement Lucius Malfoy, en resserrant cependant sa prise sur le bois de sa baguette.
-Dois-je vous rappeler que vous êtes allé chercher Harry à Godric's Hallow et que vous l'avez pris avec vous ici ? Je ne pensais pas que vous aviez déjà oublié ce détail pourtant ! Je pense qu'il est temps que cet enfant retrouve la place qui lui est destiné dans une famille qui l'accueillera sans se préoccuper de ce qui vient d'arriver quelques heures auparavant. Vous me suivez, n'est-ce pas ?
Malfoy père se raidit et gronda :
-Ce n'est pas un vieux barbu décati qui me dira ce que je dois faire ou pas ! Le garçon restera ici, que cela vous plaise ou non ! Nous avons décidé de l'éduquer, vous devriez être surpris et même reconnaissant de notre geste… Monsieur le Directeur !
Dumbledore l'écarta en souriant sans rien ajouter et monta les marches menant à la chambre sans se préoccuper et des insultes derrière lui. Il anticipa le sort paralysant que Malfoy lui jeta et s'écarta juste à temps pour ne pas se le recevoir en plein dos. Il atteignit la pièce et ouvrit la porte. Il soupira simplement et voyant Narcissa, elle aussi armée, qui lui faisait front.
-Vous ne toucherez pas aux enfants Dumbledore !
-Voyons Narcissa… Je m'attendais à plus de gentillesse dans cet accueil de votre part !
Elle ne bougea pas et l'homme continua :
-Finit de plaisanter. Laissez-moi passer pour récupérer cet enfant qui n'aurait pas dû être amené ici en premier lieu, bien que je sois agréablement surpris par votre sens si protecteur et maternel auprès de cet orphelin. Je pense que vous me comprenez et que vous ferez le bon choix en abaissant votre baguette et en me laissant passer.
Ne sachant quoi répondre, la mère se décala en plissant les yeux et regarda le vieil homme s'approcher. Il se pencha vers le lit et hoqueta de surprise. Les deux bébés, dans leur sommeil, s'étaient tournés l'un vers l'autre et se tenaient par leur petite main potelée. Il fronça les sourcils et regarda cette scène déroutante.
-Comment…
Narcissa sourit, fière de cet évènement inattendu qui déstabilisa le grand magicien.
-Vous ne vous attendiez pas à ça n'est-ce pas ? Je les ai retrouvé ainsi à peine deux minutes après les avoir couché l'un à côté de l'autre ! Il semblerait qu'ils soient heureux d'avoir un compagnon de jeu de leur âge !
Dumbledore regarda les deux bambins profondément endormis et sentit son cœur fondre à cette image attendrissante. Il ne pouvait cependant pas laisser Harry Potter ici.
-Et puis, où l'auriez-vous mis sinon ?, poursuivit la femme. Vous ne pouvez pas nier qu'être élevé dans une famille de sang pur ne peut qu'être bon pour lui ! Il recevra une éducation magique, avec un autre enfant de son âge, et il sera à l'abri du besoin.
-Mais vous…
-Si vous vous inquiétez pour lui, retentit une voix dans son dos – celle de Lucius-, je peux vous assurer que nous ne ferons pas de lui un esclave et que nous veillerons à ce qu'il ne soit pas trop en contact avec les autres sorciers… Qui pourraient l'effrayer avec la renommée qu'il aura chez eux.
Dumbledore resta silencieux de longues secondes puis rencontra le regard décidé du père de famille. Il avait au départ voulu le faire grandir chez les Dursley pour que justement il ne rencontre pas de sorciers qui lui monteraient la tête avec cette histoire de Survivant, etc. Il pouvait être sûr que chez les Malfoy il ne serait pas du tout traité en héros pour ça. Mais pouvait-il délibérément accepter de laisser cet enfant chez ceux qui avaient été partisans de Voldemort ?
Il sursauta, pensant tout à coup à quelque chose et sourit, avant de leur dire :
-Bien, j'imagine que cet enfant peut très bien grandir ici sans problème. Cependant, je tiens tout de même à vous avertir que cet enfant bénéficiera toute son enfance d'une surveillance à distance. J'espère que vous comprenez que sa place est dans une famille qui le permettra de grandir avec insouciance mais intelligence… Et qu'un arrivé forcé à Poudlard avant l'âge approprié ne lui serait pas forcément profitable !
Le couple d'anciens mangemorts acquiescèrent, légèrement étonné qu'il rende les armes aussi vite et leur laisse la garde de ce petit enfant si spécial aux yeux du monde magique. Dumbledore descendit donc et sortit de chez eux après avoir été sûr qu'ils avaient bien compris et qu'ils étaient conscients de ce que cela impliquait. Ils avaient peut-être gagné l'autorisation d'élever le fils Potter, mais le directeur de Poudlard serait toujours là pour veiller à ce que tout ce passe bien !