Titre : Tout pour être à tes côtés.
Pairing : Kise x Kuroko.
Rating : T.
Genre : UA. Fantasy, Romance.
Disclaimer : Les personnages utilisés ne m'appartiennent pas et sont à Tadatoshi Fujimaki. Le thème englobe aussi le monde sous-marin, et je me suis grande inspirée du conte La Petite Sirène de Hans Christian Andersen, l'auteur de ce conte.
Note de l'auteur : Bonsoir tout le monde ! Je vous souhaite une bonne année remplit de merveilles et j'espère aussi que vous avez été gâtés à Noël !
Ce projet est avant tout un petit cadeau pour ma bêta Louna Ashasou - bien que son anniversaire était en Novembre. Ainsi cette histoire est ton cadeau d'anniversaire, de Noël, et tu sauras que ton petit papillon rouge en origami est posé à côté de mon ordinateur, éclairé par ma petite lampe de bureau.
Mais vous lecteurs, ne vous en faites pas haha ! Ce projet a été supervisé et corrigé par quatre mains qui appartiennent à ma chère Riddikuluss et Vyersdra que je remercie de tout coeur pour avoir aussi accepté de corriger ce chapitre et les suivants. Enfin, je vous remercie toutes les deux les filles, vous êtes extra.
Tout pour être à tes côtés
I
Dans des temps très anciens, une légende persistait parmi les mœurs de l'époque : une histoire surnaturelle qui alliait l'humanité et l'océan, une histoire que les mères contaient à leurs enfants pour les endormir et les faire rêver de mille et une merveilles. Cette histoire qui n'avait rien de très banal, qu'aucun aurait pu penser vraie, mais qui avait pourtant bel et bien existé : deux personnes ainsi que leur entourage l'avaient vue de leurs propres yeux. Sous terre, dans les profondeurs où l'accès y était improbable, des hommes sauraient décrire cette légende comme s'ils y étaient et voyaient sous leurs yeux l'histoire se dérouler.
A l'intérieur de ce monde, il existait un splendide palais reconnu de tous pour sa richesse, sa puissance et les cœurs nobles qui le peuplaient. Le Roi du royaume Jaune était apprécié de tous, et plus les années passaient, plus la puissance du royaume augmentait. Le domaine resplendissait comme les rayons du Soleil en pleine après-midi : chaud, doux ainsi que chaleureux, où il y faisait bon vivre. Le Roi devenait toutefois de plus en plus vieux, de plus en plus inapte à gouverner et commençait dès lors à sentir un vent défavorable souffler sur ses épaules. Ce Roi avait engendré trois beaux enfants ; les plus beaux du pays, dont notamment deux magnifiques filles qui avaient toutes deux déjà un époux dans les contrées voisines, ainsi que son dernier enfant qui se révélait être un garçon aux cheveux aussi blonds que les blés et au regard aussi sucré que le chocolat.
Dans une immense chambre qu'était celle du Roi, son serviteur personnel avait amené ce dernier enfant d'une élégance sans pareille sous la demande de son souverain attelé au lit.
« Oh mon fils, mon unique garçon… Ecoute-moi bien, ouvre grands tes oreilles. Je me fais vieux, je ne pourrais bientôt plus gouverner ce royaume, alors je veux que tu prennes ma place. Tu en seras capable, n'est-ce pas ? Tu es si grand et si fort, et beau par-dessus le marché. Tu réussiras. »
Tenant à l'intérieur de ses mains celle ridée de son père, le prince acquiesça péniblement. Il le vit esquisser un sourire sur ses joues creuses et sentit son cœur se contracter davantage. La chambre où ils se situaient, dans laquelle son paternel résidait pour se reposer, était des plus magnifiques : les décorations remplissaient chacun des murs d'ornements dorés en tout genre, des draps de soie qui s'alliaient parfaitement avec les meubles finement découpés qui entouraient le lit.
Le prince quitta la chambre pour laisser son géniteur se reposer et décida de rejoindre l'océan, sentir le vent marin caresser ses joues et entendre le bruit des vagues s'écrasant sur les rochers en remplacement de cette voix qui résonnait. Il ignora de ce fait ses serviteurs ainsi que les amis de la famille qui s'inquiétèrent de la santé de son père, continuant toujours d'avancer pour rejoindre la mer qui au fond de lui l'appelait. Il le sentait.
Les portes du château dépassées, le prince se mit à courir sans réellement s'en rendre compte. Une attraction particulière le poussa à retrouver au plus vite la mer, comme si cela en devenait un besoin vital. Son cœur rebondissait contre sa poitrine à chacune de ses foulées, son souffle se cala de lui-même à sa course et ses cheveux blonds aussi fins que le fil de la plus belle soie imaginable caressaient le vent gracieusement.
Sur le haut d'un rocher, le prince s'arrêta brusquement et se tint droit tout en faisant face à l'océan. Il reprit sa respiration par de grandes bouffées d'air avant d'étendre ses bras sur les côtés, fermant ses yeux pour rapidement se laisser bercer par ce vent qu'il avait tant désiré pendant ces dernières minutes. Le prince resta longtemps dans cette position. Il ne dit ni ne fit rien d'autre. Son unique but pour l'instant était de profiter de sa liberté, tant qu'il l'avait encore ; faire ce qu'il avait envie pendant autant de temps qu'il le souhaitait, sans que quelqu'un vienne le déranger pour le rappeler à l'ordre.
Diriger tout un royaume, contrôler des milliers de vie, le prince était effrayé. Il ne savait pas s'il était assez fort pour supporter un tel rôle. Il n'avait pas la carrure ni la prestance de son paternel. Rester le prince à tout jamais lui correspondait très bien. Finalement, le jeune homme s'assit contre le rocher sur lequel il était posé depuis un certain temps. Il entoura de ses bras ses genoux et posa ensuite son menton sur ces derniers, les yeux perdus dans l'immensité que lui offrait l'océan.
Le futur Roi du Royaume Jaune n'était sûrement pas conscient que derrière un récif une étrange personne l'observait attentivement. Petit à petit, la nuit commença à tomber sur l'océan, dont l'eau précédemment aussi éclatante que l'émeraude, se recouvrit désormais d'un voile aussi sombre que l'onyx. Le temps se rafraîchit mais le prince n'en ressentit rien. Il était perdu dans ses pensées les plus lointaines.
« Que dois-je faire ? Je ne puis dire non à mon père, mais je ne peux pas prendre sa relève. Je ne suis pas vaillant et préfère avoir le nez en l'air et flâner à longueur de journée plutôt que remplir tristement des documents. Que dois-je faire ? Pourquoi ne puis-je pas être aussi libre que l'océan ? »
A cause du calme qui englobait la totalité de la mer ainsi que la plage se situant derrière le prince, rien ne put faire obstacle à la propagation de sa question dans les environs. Les vagues continuèrent de frapper contre les rochers, l'écume venant parfois s'amuser avec les chaussures du prince qui était resté dans la même position. Par moment, le chant des oiseaux retentissait au-dessus de sa tête sans qu'il ne la relève. Le vent, quant à lui, continuait de jouer à emmêler ses cheveux pour en faire de légères bouclettes, comme si des doigts lui avaient pris quelques-unes de ses mèches pour les faire tourner tout autour dans une danse infernale avant de les relâcher et les laisser tomber pour en prendre d'autres.
« Pourquoi n'écouteriez-vous pas votre cœur, messire ? » Souffla une voix inconnue.
Le prince fut surpris de trouver écho à sa question. Il observa avec intérêt ce qui l'entourait, y prêtant une attention particulière pour chercher l'endroit d'où provenait cette voix aussi douce et légère que les vagues rejoignant la berge. Ses yeux ambrés fixèrent dès lors cette silhouette incertaine qui reposait sa main droite contre un petit récif non loin de lui. Les rayons de la Lune éclairaient ses cheveux aussi bleus que la mer en pleine journée tandis que ses yeux d'un bleu cristallin brillaient d'une lueur enchanteresse. Son torse dénudé dévoilait une musculature inexistante, mais une peau bien pâle. Le reste de son corps ne lui parut pas visible puisque camouflé par l'eau.
« Qui es-tu ? interrogea-t-il en se redressant sur ses jambes.
— Inutile de prendre peur ou de vous énerver, je ne vous veux aucun mal.
— Qui es-tu ? » Se répéta le prince d'une voix plus ferme que précédemment.
Un soupir emporta l'inconnu qui ferma un court instant ses yeux avant de les ouvrir de nouveau. Cet étrange garçon qui se baignait à une heure pareille avait un visage des plus sereins, aussi calme et doux que la mer sans intempérie.
« Ce n'est pas en vous énervant que vous obtiendrez ce que vous désirez, messire. Mon nom est Kuroko Tetsuya, enchanté. »
Un sourire se dessina sur le bord des lèvres de ce garçon qui fit tomber sa main du récif pour la plonger dans l'eau. Il nagea ensuite pour se rapprocher du prince. Le fait de ne pas avoir quitté des yeux Kuroko permit au prince de voir sa façon unique de nager : n'usant aucunement de ses bras, ce fut comme si il roulait sur les faibles vagues qui l'emmenaient de ce fait elles-mêmes à lui.
Les sourcils froncés, le prince chercha à comprendre. Il avait appris à nager comme tout le monde à son plus jeune âge et avait donc pris l'habitude de voir d'autres personnes nager tout comme lui. Seulement ce soir, c'était bien la première fois qu'il voyait une personne utiliser une telle façon pour avancer dans l'eau. La méthode utilisée par ce garçon était hypnotique. Ce même garçon qui attrapa dans le creux de sa main un des rochers où se trouvait le prince, son torse sortant une nouvelle fois de l'eau. Les gouttelettes ruisselèrent ainsi contre sa poitrine, éclairées par les rayons de la Lune.
« Et vous, qui êtes-vous messire ? »
La question surprit le prince. Son nom était connu de tous. Personne ne l'ignorait sans même qu'il n'ait eu besoin de le dire à voix haute, et sa réputation s'étendait au point où il n'avait pas à rencontrer un à un tous les habitants du royaume pour que son nom soit connu. Dans ce cas, pourquoi ce garçon l'ignorait ?
« Je suis Kise Ryōta, troisième enfant du Roi de ce Royaume.
— Et comment est votre Roi ? » S'intéressa dès lors Kuroko.
Davantage surpris par cette deuxième question, le dénommé Kise y répondit cependant. Il ne tarit pas d'éloges son père, contant le moindre de ses exploits avec de toute évidence une admiration sans borne décelable par l'intonation de sa voix. Le jeune homme accompagna ensuite ses récits par des gestes, mimant des combats d'épées où il en ressortit vainqueur sous les yeux émerveillés de Kuroko.
Une fois son histoire terminée, Kise s'assit de nouveau tout en se penchant vers le bord pour discerner son interlocuteur. Le prince n'avait pas peur du vide ni même de tomber dans l'eau par mégarde.
« Votre Roi semble admirable, mais il est impossible qu'il puisse battre le mien. »
L'audace de Kuroko énerva Kise plus que ne le surprit. Un autre Roi plus fort que son père ? Ce n'était pas possible. Kuroko ne pouvait que mentir et vanter son Roi stupide. Dès lors, le prince voulut répondre à l'affront de ce garçon mais subitement une voix l'appela. Il s'agissait de son maître d'études étant parti à sa recherche en ne le voyant pas arriver. Kise dut alors détourner son attention de Kuroko pendant un laps de temps, seulement, quand il se retourna pour lui répondre enfin, seules les vagues contre les rochers lui répondirent. Il n'y eut plus aucune trace de ce garçon.
Plongé à quelques mètres sous l'eau, Kuroko observa les rayons de la Lune se mélangeant avec l'eau à la surface. Il étendit ses bras avant de fermer les yeux et laissa sa nageoire caudale où deux plus petites nageoires bleuâtres s'agitaient de bas en haut à un rythme soutenu. Lentement il roula sur le côté avant de se mettre à nager pour rejoindre son palais, ses bras le long de son corps. Des personnes avaient sûrement remarqué son absence puisque il fut attendu à l'entrée du palais. Parmi ces deux personnes, le Roi de Kuroko le regarda fixement avant de lui confier de se méfier des humains. Personne ne pouvait savoir à quoi s'attendre avec cette espèce.
« Les humains sont néfastes, Tetsuya. Ils sont perfides, égoïstes et penseront toujours à eux avant de songer aux autres. Les humains sont mauvais, alors fais-moi le plaisir de ne plus jamais les revoir, Tetsuya. »
Les jours qui suivirent cette étrange rencontre sous les étoiles et l'air marin, Kise fut bien incapable de retirer le visage de cet homme de son esprit. Lorsque le soir il partait se coucher, la voix de Kuroko venait caresser ses oreilles telle une douce mélodie enivrante. Alors Kise se replongeait inlassablement dans le souvenir de cette soirée, la scène s'animant sous ses paupières tel un feu incapable de s'éteindre. Une chose jusqu'alors insoupçonnée s'était allumée en lui. Il était tout à fait possible pour Kise de se rappeler du moindre détail et pour rien au monde il ne pourrait oublier le regard atypique de ce garçon ; des orbes d'un bleu éclatant, ne rivalisant aucunement avec n'importe quelle pierre précieuse sans pour autant dévoiler tous leurs secrets. Un regard neutre, sans jugement et sans expression particulière, ne demandant qu'à être façonné par ce monde qui l'entourait.
L'erreur de Kise fut peut-être de ressentir le besoin évident de retrouver ce garçon, tout en ayant la ferme attention de le revoir un jour. Ou bien était-ce aussi bien la faute de ces instructeurs qui préféraient remplir la tête du prochain Roi en lui empêchant de découvrir le monde, ses mystères ainsi que ses joyeuses surprises. Personne ne pouvait rester enfermer indéfiniment dans une cage, aussi grande ou minuscule soit-elle.
De son côté, Kuroko n'avait de cesse de regarder les rayons du Soleil se hasarder par-dessus les vagues avant d'être camouflés. Ce n'était pas une histoire de découvrir si ces derniers comptaient revenir ou bien l'abandonner, le souci était que Kuroko avait la tête remplie de questions sans réponses. Que pouvait-il se trouver derrière ces marais ? Qu'avait-il après le ciel et les nuages ? Est-ce que les humains vivaient dans un palais submergé par l'eau, et pouvaient-ils ou non discuter avec les poissons et nager parmi un groupe de dauphins ? Savaient-ils chanter ? Kuroko tendit sa main droite vers le sommet de l'eau sans pour autant que ses doigts n'en dépassent. En tant que sirène il était dans l'obligation de demeurer sous l'océan sans pouvoir espérer une unique seconde pouvoir s'en échapper. Cet endroit était sa maison, sa prison, sa vie ainsi que sa prochaine mort. Tout allait se dérouler dans cet endroit.
« Pourquoi ne puis-je pas me promener hors de l'océan, mon Roi ? »
Un rictus s'étira sur les lèvres du nouveau venu qui ne pouvait décidément pas camoufler sa présence aux oreilles attentives de son compère. Kuroko fit dès lors retomber son bras pour se tourner dans sa direction et comprendre de quoi il en ressortait. Le passage de nombreux poissons créèrent de légères vagues tout autour d'eux, ainsi que des bulles qui eurent la chance de remonter jusqu'à la surface. Leurs cheveux dansaient majestueusement selon le courant de l'eau, créant un mélange de bleu et de rouge qui était la caractéristique de leur cuir chevelu.
« Que penses-tu y trouver là-bas, Tetsuya ? Ces humains tuent les poissons pour se nourrir. Ils ne font pas attention aux déchets qu'ils peuvent laisser dans l'océan et se croient assez supérieurs pour penser être la seule espèce surévoluées. »
Le Roi de Kuroko et du palais sous-marin était quelqu'un de très respectable de par son énorme prestance ainsi que pour ses talents d'orateur. De la sorte, sa voix ne fut ni trop ferme ni trop légère. Il formulait là un avertissement, celui de prévenir Kuroko de ne pas quitter ces eaux. Un poisson hors de l'eau ne servirait de toute façon pas à grande chose, et seule la mort l'attendrait au bout du chemin.
Cependant, Kuroko ne l'entendait déjà plus. Ses pensées l'avaient une nouvelle fois encore rattrapé et l'avaient enlevé à la réalité. Akashi sut bien rapidement que rien ne pourrait faire démordre la sirène bien capricieuse, et soupira. Ainsi malgré les bruits qui les entouraient et le passage excessif de bancs de poissons, Akashi se fit clairement entendre et dans ses yeux hétérochromes brillèrent une lueur de malice.
« Lie-toi d'amitié avec cet humain, Tetsuya, et tu verras. Tu te rendras compte que j'avais raison, les humains ne sont que des tortionnaires qui n'ont pas conscience de la valeur des plus petites choses qu'eux. Mais vas-y, je t'en donne l'autorisation. Ce soir ainsi que les suivants, attends-le. Attends-le et tu verras de tes propres yeux la fourberie de la nature humaine. »
Petit à petit, derrière un banc de poisson qui virevolta subitement autour de lui, Akashi disparut dans des milliers de minuscules bulles qui remontèrent à leur tour à la surface. Les animaux aquatiques se dispersèrent ensuite dans l'immensité de l'océan pour y laisser Kuroko dorénavant seul. Ce dernier suivit du regard les bulles laissées par son Roi de sorte à ce que son regard recroisa les rayons du Soleil qui transpercèrent l'eau pour venir se refléter jusqu'au plus bas de la mer.
Un appel résonna au plus profond de son être, un battement régulier qui fit frémir ses oreilles et toute sa personne. Serait-ce de l'anxiété, de l'impatience, ou tout aussi bien de la peur ? Un discret sourire se forma sur les lèvres de Kuroko qui glissa entre les vagues avec une facilité déconcertante, se rapprochant de plus en plus de la surface et de ce qui se trouvait de l'autre côté. Plus il se rapprochait de cette limite et plus son cœur battait de plus en plus vite, à un rythme tellement irrégulier que le jeune homme dut apporter sa main contre sa poitrine.
C'était le bonheur. Le bonheur de pouvoir enfin savoir ce qui se trouvait derrière l'océan.
Brusquement, et tout autour de lui, de légères vagues s'éparpillèrent au milieu de l'océan où il était apparu. Assez loin de la plage et des récifs, Kuroko sut que personne ne pourrait le remarquer alors il resta ainsi sans chercher à se cacher. A plusieurs mètres, aucun grain de sable ne se faisait fouler, les mouettes volaient tranquillement dans le ciel où se faisaient une beauté posée sur les rochers entre l'eau et le sable. Aucune menace ne semblait les déranger et elles se reposaient de leur long périple. Kuroko décida alors de se rapprocher, de venir au plus près de ce sable habituellement piétiné par l'espèce humaine. Il n'y avait pas un chat.
Déçu, Kuroko se rapprocha de ces récifs où il se cachait toujours pour observer les humains qui étaient en promenade. Il pouvait ainsi entendre les conversations, entrapercevoir entre deux pierres les enfants barboter dans l'eau et les parents les appeler à partir de la terre ferme. Cette terre que n'avait jamais foulée Kuroko, pas même effleurée. Ce territoire n'était pas le sien et il était dangereux ; mais c'était cette même dangerosité qui attirait la sirène, qui la poussait à s'interroger sur ce qui se trouvait derrière et les mystères qui l'entouraient inlassable. Une montagne de questions s'était formée dans son esprit sans qu'une seule n'ait obtenu une réponse. Kuroko ne pouvait que fabuler.
Ainsi bercé par ses illusions et ses fantasmes, assis sur un récif avec la moitié de sa nageoire immergée par l'eau, Kuroko ne vit pas l'apparition de la nuit. De dos à la plage, il ne fit non plus attention à cette lumière qui se déplaçait à une allure régulière, tenue par une main de ce qui avait de plus humain. Aux yeux de Kise, l'astre lunaire se reflétait parfaitement dans l'eau avec quelques distorsions causées par les multiples vagues qui venaient ensuite s'échouer à ses pieds. Son pantalon de soie retroussés jusqu'à ses mollets, Kise sentit l'eau glaciale de l'océan entourer ses jambes avant de repartir pour revenir peu de temps après. Parmi tout ce silence et cette inactivité ambiante, seul l'écrasement des vagues contre la berge montait à ses oreilles. Il tendit donc plus vers l'avant sa lampe, éclairant quelques mètres devant lui, mais malheureusement pas assez pour que quelque chose puisse attirer son attention.
Puis, une voix s'éleva dans cette pénombre sans que Kise ne puisse trouver sa présence. Une voix qui chantait un air qui vint ravir les oreilles du prince, et qui ne reconnut ni l'hymne de son royaume ni les chansons qu'il pouvait avoir déjà entendues. Un chant qui s'élevait distinctement, accompagnée par le bruit des vagues. Les animaux nocturnes vinrent s'accompagner à cette voix enchanteresse, rythmant davantage la chanson qui envoûtait de plus en plus Kise. Son corps se réchauffa de l'intérieur, il ne ressentait déjà plus le froid de l'eau qui montait jusqu'à ses mollets. Tout en fermant les yeux, Kise se laissa volontairement bercer par ce chant irrésistible, n'ayant bientôt plus conscience de rien hormis de ce dernier. Il se sentit flotter, tellement flotter que sa poigne autour de la lampe se relâcha et que la gravité emmena l'outil contre le bas. Un son qui ne convenait pas à la chanson et qui la fit s'arrêter immédiatement, sans demi-mesure, pour qu'ensuite le silence complet ne revienne habiter la mer.
Quand Kise rouvrit les yeux, ce fut pour distinguer le fait que désormais l'eau lui montait jusqu'au torse. Il écarquilla les yeux face à cette constatation, ne se souvenant même pas d'avoir avancé pendant son écoute.
« Messire va-t-il bien ? »
La question qui lui était destinée replaça davantage Kise dans la réalité. Ce dernier chercha autour de lui la personne qui l'avait interrogé, et après un certain temps il se rendit compte de la présence en face de lui. Simplement placée à quelques mètres de lui, l'obscurité rendant en partie son corps visible. Ses yeux d'un bleu cristallin étaient devenus translucides dans la nuit, contrastant avec ses cheveux clairs et sa peau pâle. Le rendu était des plus magnifiques.
« A moitié trempé, mais je vais bien. C'est toi qui chantais à l'instant ? S'enquit-il par la suite, fort intéressé.
— Oui. »
Les traits du visage de Kise s'illuminèrent d'une joie sans pareille, comme s'il avait déniché là un joyau inestimable. Un joyau si rare et si brut que tout pouvait être possible en sa possession, tout était à découvrir, à chercher, et à rendre encore plus beau. L'empressement élut dès lors domicile dans le creux de sa gorge pour rendre sa propre voix plus bancale, dépassée par le flot d'émotions qu'il ressentait.
« Tu dois venir avec moi ! Je ne peux pas être le seul qui puisse t'entendre chanter, tout le monde doit écouter ta voix. Tu es formidable, allez viens. »
Kise se retourna aussitôt, prêt à rejoindre la berge en compagnie de son nouvel acolyte afin de le présenter à tout le peuple ainsi qu'à son père et son personnel. Tout le monde devait savoir qui était Kuroko. Seulement quand Kise remit les pieds sur la plage et se tourna en arrière, Kuroko, lui, n'avait pas bougé d'un pouce.
« Allez, n'ait crainte ! Je serais toujours avec toi. Tu as une voix exceptionnelle.
— Ce n'est point que je ne veux vous suivre, messire. Simplement, je suis dans l'incapacité de le faire, révéla suavement Kuroko.
— Que me racontes-tu là ? Bien sûr que tu peux quitter cette mer, comme tout le monde par ailleurs. »
Kise avança davantage de quelques pas, montrant son dos à Kuroko qui soupira longuement. Des mots ne suffiront pas à cet homme pour comprendre la situation, il penserait que ce serait une mauvaise plaisanterie, qu'il se moquerait de lui, et il se fâchera. Kuroko ne voulait pas de tout cela, il voulait même devenir l'ami de cet humain si celui-ci était bien sûr d'accord. Alors Kuroko plaça ses épaules sous l'eau pour ensuite submerger complètement sa tête et voir ses cheveux onduler dans tous les sens.
Dans ce silence nocturne, rien n'aurait su perturber ce calme ambiant. Seulement, quand Kise atteignit les premières marches pour revenir dans son royaume, l'éclatement de gouttes d'eau au-dessus de la mer attira son attention. Il se tourna donc, agrandit ses yeux tout en ouvrant sa bouche devant le spectacle qui s'offrait à lui : un homme s'élevait au-dessus de l'eau, ou du moins la moitié d'un homme, le reste de son corps étant composé d'une immense nageoire d'un bleu étincelant. Le spectacle était des plus beaux, des plus uniques, avec pour fond la Lune qui brillait de mille feux qui illumina de la sorte la silhouette exceptionnelle de cette sirène. Kuroko dessina ainsi un cercle dans les airs avant de replonger dans l'eau comme si de rien n'était, pas même essoufflé, et remonta bien rapidement à la surface pour observer directement Kise.
« C'est impossible… je veux dire… comment ? Bredouilla le prince qui venait de perdre ses mots.
— Je suis une sirène, messire. Alors imaginez un poisson hors de l'eau, il ne tiendrait même pas une seule minute.
— Mais tu… tout le monde… oh mon dieu… »
Dans la tête de Kise, des milliers de possibilités se succédaient au point où il lui était impossible de formuler une phrase correcte. Il n'arrivait pas à le croire. C'était donc bien possible. Les sirènes existaient belles et bien, et ne restaient donc pas seulement des légendes dans ses livres imagées. Il en avait la preuve sous les yeux. Alors Kise se rapprocha, revint tremper ses mollets dans l'eau et se trouva désormais à quelques mètres de Kuroko dont la nageoire allait et venait dans l'eau.
« Je pourrais faire venir le peuple ici, qu'en penses-tu ? Proposa ensuite Kise dont l'esprit se calmait peu à peu.
— Le chant des sirènes n'est pas fait pour être entendu, messire. Il est mortel. »
A cet avertissement, Kise s'observa lui-même. Ses habits étaient trempés du bas jusqu'en haut et il n'avait aucun souvenir de s'être avancé dans l'eau. Ainsi, s'il n'avait pas lâché sa lampe et si Kuroko ne s'était pas brusquement arrêté, à tous les coups, inévitablement, il aurait continué d'avancer. Il aurait même pu très bien mourir par asphyxie sans la moindre douleur.
« Et tu ne peux pas le rendre tout juste moins mortel ? Tu as vraiment une voix magnifique, insista bêtement le prince devant l'exaspération de Kuroko.
— Autant ne pas chanter dans ce cas-là messire, vous ne pensez pas ? »
Un soupir emporta Kise qui comprit fort bien le problème et ne vit aucune solution à cela. Le chant de Kuroko et de toutes les sirènes, s'il y en avait d'autres, allait donc demeurer inconnu. Cela le rendait immensément triste. Une lumière vint néanmoins briller dans ses yeux quand il vit peut-être une alternative qu'il fit immédiatement partager.
« Mais si nous nous attachions aux rochers ou je sais quoi d'autre encore, peut-être que ça irait, non ? Ainsi nous ne serions pas emportés par les vagues. »
Aucune réponse ne revint à ses oreilles. Kise comprit bien rapidement que sa proposition venait d'être royalement ignorée et ne méritait même pas de prendre le temps pour être répondue. Alors Kise apporta son bras au niveau de sa nuque et soupira longuement. De toute évidence, il lui était impossible de faire profiter à son entourage la voix exquise de Kuroko.
Cependant, Kise ne partit pas pour autant et resta au bord de la mer pour être au plus près de Kuroko. Il lui posa différentes questions telles que l'endroit où il habitait, s'il était seul ou si d'autres sirènes étaient avec lui. De la sorte, Kuroko lui parla cette fois-ci de son propre Roi ; un homme fort, imposant, aux yeux hétérochromes qui savaient se faire respecter en de simples paroles et qui était un leader des plus efficace de son ère. Ce Roi insufflait le respect à quiconque pouvait croiser son regard unique. Il y eut donc forcément un débat entre le Roi de Kise et celui de Kuroko, chacun ne désirant pas démordre de qui était le plus fort. Face au dilemme où personne ne voulait lâcher le morceau et admettre que l'un des deux Roi était le plus fort, ou tout simplement qu'ils étaient au même niveau, finalement Kise plongea ses mains dans l'eau par énervement pour ensuite les relever brusquement et ainsi envoyer de l'eau vers l'avant. Peut-être y avait-il aussi ici une part de taquinerie pour faire taire cette bouche bien trop têtue pour ainsi lui tenir tête, et point se plier face à lui et son statut de prince. Cette dernière éclaboussa Kuroko qui par réflexe avait apporté son bras au niveau de son visage.
Face à cette agression aquatique, la sirène décida de renvoyer une autre offensive en se servant de sa nageoire, soulevant immédiatement beaucoup plus d'eau qui trempa davantage Kise ne comprenant pas immédiatement de quoi il en retournait.
« Tu veux vraiment jouer à ça ? » Prévint Kise joueur.
Un immense sourire recouvrit les lèvres de Kise qui s'avança davantage, oubliant complètement ses vêtements de toute façon déjà bien trempés. Il remplit de nouveau ses mains d'eau avant de l'envoyer à son agresseur. Un jeu s'amorça dès lors entre les deux garçons, ponctué par des éclats de rire et des débuts de conversations subitement coupés par l'arrivée de l'eau contre leur visage.
Cette soirée-là, une amitié fleurit entre un humain et une sirène sous l'astre lunaire où la mer pouvait elle-même en témoigner. Des soirées comme celles-ci, il y en aurait beaucoup d'autres, toutes plus enrichissantes les unes après les autres, et encore bien plus divertissantes. Loin de tout cela, quatre yeux observaient cette scène de nuit où deux personnes s'envoyaient de l'eau comme seule offensive. Les premiers, hétérochromes, dévisagèrent ce garçon aux cheveux blonds qui vint bientôt nager aux côtés de Kuroko qui tournait autour de cet être humain, sa garde complètement baissée. Les deuxièmes, des yeux d'un bleu étincelant dont les sourcils complètement abattus contre ces derniers rendaient une expression des plus renfrognées à son visage. Les rires provenant de la plage l'avait attiré, mais il était loin de s'attendre à apercevoir son prochain Roi patauger dans la mer avec un garçon qu'il n'avait encore jamais vu. Quelle était donc encore cette histoire ?