Hey ! Ça fait longtemps que je n'avait pas posté peu de temps après le dernier chapitre sorti :D j'avoue avoir galéré avec ce chapitre (parce qu'en vrai, il était déjà bien avancé la semaine dernière) ; parce qu'il s'y passe pas mal de choses.

Mais bon. Place au Drama

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Okay, alors il fallait déjà poser les bases : Percy avait bu (plus que Nico et Annabeth réunis), il se sentait anxieux et oppressé depuis des heures, et ses émotions lui retombaient dessus comme un raz-de-marée.

Et, d'accord, ceci ne justifiait en rien ce qu'il était en train de faire, il en était encore conscient, mais il fallait bien qu'il se trouve une excuse, ou bien il finirait par littéralement imploser à cause de toute cette histoire. Et par « toute cette histoire », il entendait exactement cela. Absolument tout. Parce que rien n'allait plus, et hey, il n'essayait même pas de le cacher — ce serait hypocrite de sa part, non ? Mais au moins, la présence de Nico à côté de lui était toujours bien réelle, ses épaules musclées encore visibles parce que son blouson était négligemment retombé le long de ses bras, ses cheveux trop longs et adorables, son cou clair et bien trop tentant pour Percy (quoi ? Il était à peu près sûr que n'importe quelle personne saine d'esprit penserait comme lui).

Et, non, Percy ne savait pas se contrôler. On le lui avait dit — Chiron, surtout, tant de fois que maintenant, il le disait avec une monotonie presque drôle, « Percy, évite d'inonder le pavillon d'Arès, s'il te plaît », « Percy, n'insulte pas un Dieu devant lui, tu seras gentil », ce genre de chose —, mais ça ne changeait rien au problème. Ce n'était pas de sa faute s'il avait des sentiments. Colère, attirance, cela revenait au même ; il ne savait pas gérer tout ça. Annabeth devait être habituée à son comportement, mais il ne savait pas, il ne s'en souvenait pas exactement. Il se souvenait beaucoup mieux de Nico, ce qui était un problème en soi.

Le fait de marcher à quelques mètres derrière Annabeth, l'épaule si proche qu'elle frôlait presque celle de Nico — qu'il venait d'embrasser, il y a genre deux minutes —, était à la fois horriblement dangereux et moche de sa part. Mais Annabeth était devant, elle ne faisait même pas attention à eux, peut-être parce qu'elle était perdue dans ses pensées. Parfois, elle faisait semblant de s'arrêter pour les attendre, près des barrières qui longeaient la plage principale, et regardait la mer avec une expression concentrée, comme si elle y cherchait un quelconque signe de la part d'Hécate. Puis, en remettant quelques mèches rebelles derrières ses oreilles, elle reprenait son chemin, oubliant même pourquoi elle s'était arrêté. C'était l'impression qu'elle donnait.

Nico restait silencieux, lui aussi, mais ses joues étaient rouges et ses lèvres encore humides. De temps à autres, il relevait le visage et croisait le regard de Percy. Ses yeux brillaient étrangement, dans un sens qui donnait à Percy l'impression qu'il perdait la tête — il avait alors une irrépressible envie de le prendre par le poignet et de l'amener contre lui pour l'embrasser à nouveau, mais. Vous savez. Il n'allait pas faire ça comme ça, il n'était pas idiot à ce point.

Une partie du groupe de plus tôt semblait progresser directement sur la plage, sûrement à la recherche d'un bar, et en voyant Annabeth de plus haut, ils lui adressèrent de grands signes de la main. Percy sentit qu'il n'avait que quelques secondes, alors il ne réfléchit pas plus que ça ; il entraîna Nico quelques pas plus loin, entre deux bâtiments, où personne ne pouvait les voir.

Le sourire du jeune homme était teinté d'ironie mais aussi de plaisir, et Percy sut qu'il pouvait se pencher, qu'il pouvait franchir la distance entre eux encore une fois. Et il fit juste ça. Il plaqua ses lèvres contre celles de Nico avec une avidité qu'il reconnaissait à peine, laissa sa main se glisser dans le bas de sa nuque en caressant doucement la peau pâle et douce. Le baiser en lui-même était incroyablement incohérent ; ses lèvres étaient encore gorgées d'alcool et sa tête commençait à tourner, leurs dents s'entrechoquaient avec des bruits désagréables, leurs lèvres étaient peu coordonnées. Mais, honnêtement, qui se souciait de ça ? Pas Percy. Percy trouvait même ça juste comme il fallait, particulièrement lorsque Nico commença à s'activer dans le baiser, laissant échapper un bruit à la limite de l'érotisme qui provoqua un faux battement du coeur de Percy.

Lorsqu'il recula, à la recherche d'air, il aima le spectacle qu'il avait sous les yeux. Nico était toujours coincé entre le mur et Percy, sa poitrine se soulevait irrégulièrement, ses lèvres étaient d'un rouge qu'il n'avait jamais vu chez lui. Merde, pensa Percy. Mais parce qu'il ne pouvait pas faire autrement, il s'empressa de retourner auprès d'Annabeth, suivi par Nico.

Merde, merde, merde.

Il commençait à croire qu'il ressentait vraiment quelque chose pour Nico, quelque chose de fort. Il ne savait pas comment l'expliquer. Percy se rendait compte qu'à oublier ses souvenirs d'Annabeth, il en oubliait aussi les sentiments qu'il avait pour elle — et ça ne faisait que renforcer ce qu'il avait pour Nico. Il était complètement fichu, voilà. Il se disait ça dès que Nico, commençant à prendre de l'assurance, lui lançait un sourire en coin de temps à autre, ou passait sa langue sur ses lèvres, probablement sans même s'en rendre compte. Fichu.

C'était comme si embrasser Nico une fois avait rappelé à Percy à quel point il était bourré — sa vision était réduite et il devait s'agripper à lui pour marcher droit, en profitant pour glisser son visage jusqu'au cou du jeune demi-dieu, y laissant une ligne de baisers humides d'une façon plutôt discrète. Il entendit Nico déglutir et dû réprimer le sourire idiot qui se dessinait sur ses lèvres lorsque Annabeth se retourna vers eux.

— Vous voulez rentrer maintenant ? demanda-t-elle.

Nico, qui soutenait encore Percy, soupira.

— Moi, ça va, mais je pense que Percy vomirait si on partait en vol d'ombre maintenant.

La remarque fit rire Annabeth. Percy ne pu s'empêcher de noter que son rire était un peu crispé, comme si elle se forçait.

Mais il ne pouvait que donner raison à Nico. Le vol d'ombre était étourdissant, vous pouviez dire ça.

— Une demi-heure ? fit Annabeth. Ça te suffit, Percy ?

Il hocha la tête.

— Écoute, dit Annabeth, je vais aller chercher de l'eau, ok ? Il y a un bar ouvert par là-bas, je vais demander. Et n'essayez même pas de suivre, ça va prendre trois heures avec l'état dans lequel vous êtes, ajouta-t-elle.

Hum- l'état dans lequel Percy est, protesta Nico.

— Pas faux. Mais je préfère que quelqu'un reste avec lui.

Nico haussa les épaules, et lança un long regard énigmatique à Percy, alors qu'elle tournait les talons et s'en allait vers les rues du bourg.

Percy s'adossa à un lampadaire, prenant au passage la main de Nico. Ses doigts étaient longs et fins et froids, mais il ne trouvait pas cela gênant. Il observa un moment les détails de son visage sans avoir à s'en cacher, de la courbe de ses pommettes à son nez pointu et à sa mâchoire parfaitement dessinée ; plus Percy regardait Nico, plus il le trouvait beau.

Pretty Boy, s'entendit-il prononcer à voix basse.

— Je suis censé prendre ça comme un compliment ?

Percy haussa un sourcil, réprimant un rire.

— Bien sûr que c'est un compliment. Qu'est-ce qu'il y a dans « Pretty Boy » qui ne ressemble pas à un compliment ?

Nico haussa les épaules.

— J'sais pas. On m'a déjà dit ça, avant, et ça ne ressemblait pas à un compliment. Bien sûr, c'est beaucoup mieux quand c'est toi qui le dis.

— On t'a déjà dit ça ? s'offusqua Percy, comme si c'était inadmissible.

— Ouais… Mais c'était plus ironique qu'autre chose, je suppose…

Cette remarque énerva Percy, parce que qui irait dire ça comme ça à Nico, et avec ironie ? Il se pencha et posa ses lèvres contre sa tempe, puis sa joue, puis ses lèvres.

— Moi je le dis sans ironie, fit-il remarquer.

Contre ses lèvres, Nico sourit. Il rendit timidement son baiser — comme s'ils ne venaient pas de s'embrasser déjà pour la deuxième fois de la soirée. Mais Nico recula la tête.

— Percy, dit-il, est-ce que tu as conscience que nous sommes à la vue de tout le monde ?

— Mmh, marmonna-t-il, lampadaire…

— Percy, un lampadaire ne cache absolument rien.

— Huh, le temps qu'Annabeth revienne, et-

Percy.

Il regarda l'air fatigué de Nico et releva le visage.

— Tu sais, reprit Nico, si tu veux m'embrasser, je ne vais pas te refuser ça. C'est ce que je veux aussi. Parce que je sais que je t'aime, depuis déjà trop longtemps, tu vois ? Si je dis ça, c'est pour toi, parce que je n'ai pas envie que tu fasses quelque chose que tu regretteras après, et-

Il fut interrompu par Percy, qui se pencha pour l'embrasser à nouveau. Fichu, pensa-t-il encore. Maintenant, les mots « parce que je sais que je t'aime » étaient coincés dans son esprit et y résonnaient, y résonneraient pendant des jours et des jours, et Percy ne savait pas comment y répondre. Aimer, c'était un mot fort. Il aimait Nico, mais il ne savait pas s'il était amoureux de lui, comme il avait été amoureux d'Annabeth (parce qu'il avait oublié ces sentiments-là). Mais à ce moment-là, il voulait être avec Nico, et le reste pouvait aller se faire foutre.

Les mains de Nico se glissèrent jusqu'à son torse, et il l'enlaça à la taille, laissant son corps reposer contre le lampadaire pour se concentrer dans le baiser. Tout était brûlant et humide, et il ne savait plus bien ce qu'il faisait exactement avec sa langue, mais c'était agréable, et ça l'était probablement pour Nico aussi, vu la façon dont il laissait échapper quelques soupirs dès que Percy s'éloignait pour recommencer aussitôt après. Nico laissa échapper un rire gêné contre ses lèvres, que Percy comprit comme un signe positif. Il embrassa tendrement le coin de ses lèvres et s'attaqua à sa lèvre inférieure avec un sentiment d'excitation — il voulait qu'après ça, les lèvres de Nico soient gonflées et rouges, juste parce qu'il l'avait embrassé ainsi.

Mais Percy n'alla pas jusque-là, principalement parce qu'il se prit un verre d'eau en pleine figure et dû se redresser brutalement, cognant sa tête au lampadaire. Il lui fallut un moment pour se souvenir d'où il était, et se concentrer sur ce qui se passait face à lui.

L'eau venait du gobelet qu'Annabeth tenait dans sa main. Percy sentit son coeur s'arrêter de battre, et le silence retomba sur la ville entière. Nico se dégagea, et Percy n'entendait plus rien — ses veines ne s'enflammaient plus, sa respiration ne tremblait plus (est-ce qu'il respirait même ?), son esprit ne fonctionnait plus.

Annabeth lâcha le gobelet qu'elle avait déjà écrasé entre ses doigts, et sans un mot, elle commença à faire demi-tour et à s'effacer dans l'obscurité, un peu plus loin. Percy fit la chose la plus logique à faire : il courut après elle, essayant d'empêcher cet état nauséabond qui s'emparait de lui de le stopper. Il cria le prénom d'Annabeth, d'une voix enrouée et tremblante. À un moment, il trébucha, puis se releva et courut plus vite.

Il devait attraper Annabeth. Il n'avait aucune idée de ce qu'il faisait. Il aimait toujours Annabeth. Il était le pire des connards, mais il ne voulait pas ça. Pourquoi n'avait-il rien fait pour empêcher ce genre de situation, pensa-t-il, même quand Nico lui avait dit de faire attention ? Non, non, le problème ne venait pas de là — pourquoi avait-il embrassé Nico, déjà ? C'était une question idiote, Percy savait très bien pour il l'avait embrassé ; parce qu'il avait tourné cela en une obsession et qu'il n'avait pas réussi à résister à la tentation plus longtemps. Et Nico lui avait dit que ça arriverait, il l'avait prévenu, il avait essayé d'empêcher ça. C'était comme si lui, comme si Percy l'avait fait exprès. Et pourquoi ferait-il exprès ? Il aimait Annabeth, d'accord ? Il ne se souvenait pas du pourquoi ou du comment, mais ses sentiments étaient toujours présents, non ?

Le coeur au bord des lèvres, il accéléra et attrapa le poignet fin d'Annabeth pour la faire ralentir.

— Anna-beth, dit-il, essoufflé, attends, s'il te pl-

— Lâche-moi, Percy.

— S'il-te-plait, je-

Lâche-moi.

Son ton était autoritaire et il lui obéit.

— Écoute, fit-il, écoute.

— Pas envie.

Lorsque Percy eut enfin un aperçu de son visage, il retint un gémissement. Les lèvres d'Annabeth tremblaient, et ses yeux étaient aussi furieux qu'humides. Percy n'avait jamais reçu un regard aussi froid de sa part, et il comprenait maintenant pourquoi les autres étaient apeurés si facilement par ça. C'était comme être transpercé en plein par une lame fine et particulièrement tranchante.

— A-attends, reprit Percy, je peux expliquer-

— Oh, vraiment ? Tu sais, je crois que la scène était assez claire comme ça.

Percy déglutit. Ce n'était qu'un baiser, pensa-t-il, il pouvait trouver une excuse — quelqu'un leur avait lancé un défi, c'était un jeu d'alcool, quelque chose.

— Ça ne sert à rien de réfléchir à ce point pour trouver un mensonge, Percy, reprit-elle d'un ton froid. Je ne suis pas idiote, tu sais.

Percy aurait voulu être en colère, mais il y avait de la douleur dans la voix d'Annabeth, comme pour lui rappeler qu'il n'était qu'un pauvre connard qui ne méritait même pas de lui parler.

— Annabeth, dit-il calmement, tu ne sais pas-

— Si, je sais ! s'exclama-t-elle. Tu crois que je n'ai pas remarqué votre petit jeu, Percy ? Combien de fois vous êtes-vous embrassé, ce soir ? Tu crois que je suis aveugle à ce point ?

— N-non-

— Et je sais qu'il y a la magie d'Hécate, mais bordel, Percy, je ne pensais pas que ça irait jusque-là ! Si tu sentais qu'elle jouait avec tes sentiments, au point de te faire ressentir quelque chose de plus pour Nico, tu aurais dû-

— Hécate ne manipule pas mes sentiments ! l'interrompit Percy. Ce n'est pas elle qui… il s'arrêta brusquement, mordant sa lèvre avec panique.

— Oh, fit Annabeth. Dans ce cas, amusez-vous bien tous les deux. J'y vais.

Merde merde merde merde merde- Il ne faisait rien pour aider, il empirait les choses, voilà ce qu'il faisait !

— Non, ce n'est pas ce que je voulais dire !

Percy, tu viens clairement de me dire que tu ressentais vraiment quelque chose pour Nico, et qu'Hécate n'y est pour rien, je ne vois pas bien où tu veux en venir en me retenant. Bien. Tu aimes Nico, Nico t'aime, de toute façon, je m'en vais. Je ne vais pas vous gêner plus longtemps. Parfait, non ?

Son ton était à la limite de l'hystérie, et Percy vit bien qu'elle ne parlait pas sérieusement. Elle était réellement blessée — bien sûr qu'elle l'était, combien d'années avaient-ils passés ensemble, déjà ?

— Ne pars pas, demanda-t-il.

— Ça, il fallait y penser avant de t'amuser avec Nico-

Annabeth-

— Oui, il fallait y penser avant ! répéta-t-elle. C'est quoi ton problème, au juste ? Est-ce que tu as conscience, au moins, que tu es en train de foutre en l'air une relation qui dure depuis- depuis— ah, c'est vrai, tu ne dois pas t'en souvenir, fit-elle en étouffant un sanglot. Et Nico, alors ? Tu sais qu'il a vraiment des sentiments pour toi, non ? Tu vas me demander de rester et briser son coeur à lui ? À quoi est-ce que tu pensais, Percy ?

— C'est ma faute.

La voix surgit de nulle part, et Percy se retourna pour trouver Nico. Il semblait effrayé et plus pâle que d'habitude, et les regardait avec peine.

— C'est ma faute, Annabeth, fit-il, j'ai- j'ai initié ça et- et Percy ne m'a pas repoussé parce qu'il avait peur de me blesser, mais-

— Oh, Nico, dit Annabeth, je sais bien que ce n'est pas de ta faute, ça ne sert à rien de mentir.

— Mais je-

— Je vous ai vu, Nico. Percy ne faisait pas ça par obligeance. Avec un peu de chance, il retourne tes sentiments. Ça tombe bien, hein, puisque vous restez ensemble pendant que je rejoins Hécate ?

Nico baissa les yeux et n'en rajouta pas plus.

— C'est- c'est de ma faute, reprit Percy, mais ne part pas comme ça, on peut en parler et-

— Il n'y a rien à ajouter, Percy. Nous en parlerons après toute cette histoire, et c'est peut-être mieux que nous soyons à l'écart un moment. Si je rejoins Hécate maintenant, elle ne devrait pas jouer avec tes souvenirs plus longtemps. Tu peux attendre que je revienne et en reparler, ou tu peux continuer avec Nico. Ce n'est pas moi qui vais te dire quoi faire de ta vie.

Si le visage d'Annabeth exprimait mille émotions, sa voix était à présent dépourvue de toute humanité. C'était comme si elle était en mode automatique. Percy ne trouva pas le courage de lui répondre, tout simplement parce qu'elle avait raison. S'il mettait de côté la partie sur le fait qu'il soit attiré par Nico parce qu'Hécate le voulait — ce qu'il n'arrivait pas à croire —, chacun des mots qu'elle avait prononcés étaient corrects, comme on pouvait s'y attendre de la part d'Annabeth Chase.

Impuissant, il la regarda s'enfoncer dans la nuit.

Nico restait à l'écart, toujours accroché au sol. Percy se sentait horrible — il était trop chanceux d'avoir quelqu'un comme Nico, qui était prêt à mentir pour le défendre, alors qu'il ne faisait probablement que jouer avec lui et- non. Il ne souhaitait pas jouer avec lui. Il ne voulait jouer avec personne, surtout pas avec Nico. Il n'était pas supposé le blesser. Peut-être que c'était ce que le fils d'Hadès avait insinué plus tôt, lorsqu'il avait dit à Percy qu'il s'attendait à ce qu'il le rejette — au moins, il n'y avait pas de tels malentendus. Le pire dans tout ça, c'était probablement que Percy sentait qu'il avait cherché à ce que cette situation arrive. Il n'avait pas fait attention à se cacher, et l'alcool avait beau être une bonne excuse, il était encore assez sobre à ce moment-là pour comprendre qu'il y avait quelque chose de volontaire dans tout ça.

— Allons nous assoir quelque part ? proposa Nico, lorsque Percy resta planté là sans rien dire.

Il hocha la tête, et suivit le jeune homme sur la plage. Le sable était froid, sec mais toujours froid. Percy laissa ses doigts traîner et s'enfoncer dedans, et essaya de penser à autre chose.

— Percy ?

— Mmh ?

Des larmes lui picotaient les yeux, mais il fit de son mieux pour les contenir. Nico avait déjà l'air assez inquiet comme ça, et Percy ne voulait pas empirer les choses — si c'était encore possible.

— Pourquoi est-ce que tu as fait ça ? demanda le jeune demi-dieu.

La réponse silencieuse de Percy n'était pas d'une grande aide. Il prit le temps de réfléchir à quoi dire exactement pour être logique, mais au bout d'un moment, il se dit que le plus simple serait juste de déballer tout ce qu'il avait sur le coeur sans filtrer ses paroles. Peut-être que ce sera la chose la moins blessante à faire.

— Je suis un idiot, commença Percy. J'suis qu'un pauvre minable, tu vois. Je mérite pas d'être avec des gens comme toi, ou Annabeth.

Nico était assis en tailleurs, proche de lui, mais pas assez pour que Percy puisse le toucher — ce qui était une bonne chose. Il se demanda s'il le faisait exprès ; s'il empêchait Percy de faire quelque chose qu'il regretterait plus tard. Ce qui ne serait pas le cas, comment pourrait-il regretter cela ? Ce qu'il regrettait, c'était son attitude à lui, pas le fait d'avoir embrassé Nico.

— Je sais bien que tu es un idiot, dit Nico, je veux juste savoir pourquoi est-ce que tu as laissé ça arriver.

— Je- d'accord. Mais je ne suis pas sûr de ce qu'il s'est passé exactement dans ma tête, alors c'est confus. D'accord ?

— D'accord.

Percy prit une grande inspiration.

— Ce que je t'ai dit tout à l'heure, je le pensais. Je ne sais pas du tout où j'en suis, mais deux choses sont sûres : d'une, je suis amoureux d'Annabeth, c'est évident, même si j'ai oublié beaucoup de choses. De deux, j'ai développé des sentiments pour toi.

Nico fronça les sourcils et commença à jouer avec l'ourlet de son pantalon.

— Attends- je ne dis pas ça bien, reprit Percy. La- la magie d'Hécate a vraiment un drôle d'effet. Tu peux sentir ça aussi, n'est-ce pas ?

— Fatigue, fit Nico. Maux de tête.

— C'est cela. Me forcer à penser à elle me donne la migraine. Je sais que je tiens à elle, mais sans les souvenirs qui vont avec, j'ai l'impression que les sentiments que j'ai pour elle sont infondés. Tu vois ce que je veux dire ? C'est une situation vraiment désagréable, et- et je m'y prends très mal pour expliquer ça, mais ce que j'essaye de dire, c'est… Ça me fait vraiment peur, ok ?

Nico pencha la tête, comme pour dire qu'il le suivait plus ou moins.

— Et puis- et puis il y toi, avec ton visage adorable et tes cheveux que j'ai toujours envie de toucher et ta façon de voir les choses autrement et- enfin, il y a toi aussi.

— Mais moi, je suis de trop. Peut-être que tu penses juste à moi parce que, justement, tu as peur de cette histoire avec Annabeth.

— Je- non ! C'est pas ça, c'est juste- ! Je ne sais pas, mais, je parle sincèrement ! Ce n'est pas Hécate qui m'oblige à penser comme ça, sinon, j'aurai eu la même chose qu'avec Annabeth : fatigue et maux de tête. Quand je suis avec toi, je me sens vraiment… Bien, et… Différent ? Je ne sais pas comment l'expliquer. Et puis, au départ, je me suis dit d'accord, j'ai plein de choses en commun avec Nico et c'est cool, en fait, Nico devrait être mon meilleur ami ! Sauf qu'il y a plus que ça, tu vois ?

Nico haussa les épaules, mais il respirait très lentement et ses joues étaient colorées — Percy savait qu'il écoutait très attentivement.

— Et quand je me suis rendu compte que c'était plus que de l'amitié, j'ai- enfin, tu sais, j'avais oublié Annabeth, et je me suis approché de toi naturellement, comme si elle n'existait pas — parce que j'avais oublié qu'elle existait ! Comment est-ce que j'ai pu oublier un truc pareil ! Mais je l'ai oublié, et là aussi, j'ai trouvé que c'était un moment, huh, agréable. Quand je suis avec Annabeth, je me sens oppressé à cause de la fatigue et l'angoisse, mais quand je suis avec toi, je me sens heureux, et forcément, j'en viens à me poser des questions.

— Mais tu ne peux pas juste ruiner une relation comme celle que tu as avec Annabeth juste parce que quelque chose comme de la magie intervient, fit Nico. Et d'ailleurs, tu n'avais pas oublié Annabeth, juste avant. Je t'avais dit que rester en plein milieu de la rue serait dangereux mais tu ne m'as pas écouté. C'était idiot, Annabeth avait toutes les chances de nous trouver !

— Je sais !

— Alors tu l'as fait exprès ? demanda Nico, incrédule. Tu l'as volontairement laissé nous voir comme ça ? Tu- tu sais que tu l'as vraiment blessée, Percy ?

Percy serra les dents. Il avait la nausée, et commençait à ressentir le froid, qui envoyait quelques frissons le long de son corps.

— Je ne voulais pas la blesser, dit-il. Je n'ai pas réfléchi, et… Je ne sais pas, le fait de mentir est tout aussi horrible, non ?

— Tu aurais juste pu me repousser, rétorqua Nico.

— Mais je n'ai pas envie de faire ça.

Nico le regarda avec un air irrité qui obligea Percy à détourner le regard. Le jeune homme semblait faire de son mieux pour être compréhensif, mais apparemment, Percy allait trop loin.

— On ne peut pas avoir tout ce qu'on veut dans la vie, dit Nico. Tu ne peux pas juste décider de- je ne sais même pas ! Être en couple avec elle et me voir dès qu'elle a le dos tourné ?

Tourné comme ça, sûr que ça ne faisait pas bien. Mais, en même temps, Percy avait vraiment merdé. S'il avait pensé auparavant ne jamais pouvoir merder autant, eh bien… Il s'était trompé.

— Je ne veux pas ça non plus, soupira-t-il. Enfin, à la base, non. Et je suis vraiment désolé, Nico. J'ai l'impression d'avoir profité de vous deux et je me sens vraiment trop naze. Pourquoi est-ce que quelqu'un voudrait être avec une personne aussi pathétique que moi ?

— Ne dis pas ça, répondit Nico. Il y a plein de raisons pour lesquelles je veux être avec toi — et je ne parle même pas de sentiments romantiques, tu sais ? Mais ce n'est pas la discussion. Et c'est vrai que tu as un peu agi comme un gros connard.

— Je suis désolé, Nico.

— Arrête de t'excuser en permanence ! Tu n'es pas le seul en tord, de toute façon.

Percy releva la tête, observant l'expression hésitante que Nico abordait.

— Bien sûr que si, répondit-il. J'ai… J'ai provoqué tout ça.

Nico secoua la tête. Ses cheveux retombèrent devant ses yeux, cachant son regard fatigué.

— J'ai profité de la situation, murmura-t-il.

— Nico, tu sais bien que ce n'est pas vrai-

— Et quel hypocrite ça fait de moi, hein ? Je te dis d'arrêter, parce que c'est une affreuse idée, et juste après, je-

— C'est ma faute ! s'exclama Percy. Ne commence pas à prendre des responsabilités qui ne t'appartiennent pas !

— De toute évidence, j'aurais pu empêcher ça, reprit Nico. J'aurais pu dire non, tu sais ? Tu n'es pas irrésistible au point que je sois incapable de te refuser quelque chose, tu sais ?

Percy se rebuta un peu en entendant son ton s'endurcir. Il laissa sa tête reposer contre ses genoux repliés, et soupira longuement.

— Ce n'est pas ce que je voulais dire, protesta-t-il. Mais ça ne change rien au fait que je suis celui qui a provoqué cette situation, et je dois trouver un moyen de réparer ça.

Dans sa position actuelle, il ne pouvait pas voir les expressions de Nico — juste les deviner. Il sentait l'envie de pleurer grandir au fond de sa poitrine, et se dit que c'était peut-être la chose la plus naïve qu'il n'ait jamais dite. Réparer ça ? Comment, au juste ? Non seulement Annabeth refusait maintenant de lui parler, mais Nico allait forcément refuser de le revoir, aussi. Il ne voudrait pas venir à la Colonie des Sang-Mêlé avec eux. Il ne voudrait pas lui parler comme il le faisait maintenant.

Et oui, peut-être que Percy avait provoqué tout ça, parce que si Annabeth les voyait, alors au moins, il serait forcé de prendre une décision. Il ne devrait même pas avoir à y réfléchir, c'était ce que la partie rationnelle de son esprit lui criait : c'était beaucoup trop tôt. Aujourd'hui, il découvrait qu'il avait ses sentiments pour Nico, mais rien ne disait qu'ils allaient rester, rien ne disait qu'il avait le droit de foutre le bordel dans sa vie et celle de deux personnes auxquelles il tenait vraiment, juste pour une chose aussi nouvelle et potentiellement éphémère. Pourtant, le fait même d'avoir à y penser en disait long. Il ne devrait pas avoir ce genre de pensée, pourtant, le voilà, recroquevillé sur le sable froid de Quiberon, à se demander comment Nico était devenu si essentiel pour lui.

Il avait provoqué tout ça, mais ça ne rendait en rien le choix plus aisé. En fait, il n'avait même plus à faire de choix, pas vrai ?

— Tu sais quoi ? fit Nico. Pour le moment, concentrons-nous sur la quête.

— Huh ?

— Annabeth a besoin d'espace. Tu ne penses pas clairement. Je n'ai pas envie de penser à ça maintenant. Quand on en aura fini avec tout ça, et que tu auras toute ta tête, peut-être que ce sera mieux. Tu ne penses pas ?

Nico avait raison, bien sûr. Percy essaya de se convaincre qu'il n'était pas un petit peu déçu.

— On garde nos distances pendant ce temps, reprit Nico. On ne fait rien de stupide, et… Peut-être que retourner avec Annabeth après ça sera plus simple ?

Percy sentit son ventre se serrer en se rendant compte que Nico ne se considérait même pas comme une option. De son point de vue, il devait se considérer comme une tentation, tout au plus. Mais Percy voulait éviter de le blesser davantage, alors il hocha la tête. C'était plus simple ainsi, probablement.

— On en reparlera ? demanda-t-il d'une petite voix.

— D'accord.

— Je tiens vraiment à toi, d'accord ?

— Moi aussi.

Après ça, le silence retomba sur la longue plage. Percy perdit toute notion du temps, ressassant les souvenirs des dernières heures, encore et encore. Ils allèrent de sa migraine, aux lèvres de Nico, au regard brisé d'Annabeth. Et parfois, il se faisait interrompre par des rires, des bruits de pas derrière lui, quelqu'un qui criait quelque chose en français. Sans s'en rendre compte, il s'endormit, et lorsqu'il ouvrit ses yeux à nouveau, il avait du sable plein les cheveux.

Le ciel était en train de changer — il adoptait une étrange couleur qui s'étendait vers un pâle teinté de rose —, signalant la fin de la nuit. La première pensée qui lui vint à l'esprit concernait Nico ; il ne le voyait plus à côté de lui. Percy se leva précipitamment, si bien que sa tête commença à tourner et qu'il dû fermer les yeux pour ne pas retomber sur le sol. Et après ça, avancer était tout aussi difficile. Il chancelait et sentait quelque chose cogner dans son crâne, mais essaya de ne pas y faire attention.

Nico était assis plus loin, au bord de l'eau. Il avait l'air épuisé, de larges cernes soulignaient son regard sombre, à présent dirigé vers l'horizon. Percy hésita à interrompre ce moment de méditation, mais sa présence seule suffit apparemment à sortir Nico de ses pensées. Le jeune demi-dieu porta ses iris noirs vers lui, comme s'il regardait une fausse image. Percy, mal à l'aise, s'éclaircit la gorge, et le geste sembla faire sursauter Nico, dont le regard se clarifia immédiatement.

— H-hey, il fit d'une petite voix.

Percy le regarda amener ses jambes contre son torse, et baisser la tête. Il avait l'air tout abattu, peut-être plus encore qu'à son arrivée en France — il n'avait pas besoin de chercher bien loin pour trouver le responsable de son état.

— 'Lut, répondit Percy avec un rire nerveux.

— Bien dormi ?

Il haussa les épaules.

— Pas vraiment… Toi ?

Nico imita son geste, toujours en évitant de rencontrer son regard.

— Bof. J'ai connu mieux.

Percy essaya de faire un peu la conversation, mais les mots qu'ils échangeaient semblaient tellement bizarres, et faux, qu'il arrêta rapidement, et se laissa retomber sur le sol avec un grognement. Il avait une sacrée migraine, et des courbatures partout. Au moins, contempler la mer était une activité à son gout ; surtout lorsque les reflets dorés apparaissaient doucement sur la surface de l'eau, de temps à autre. Il les regardait sans vraiment les regarder. Il les regardait en pensant au gout des lèvres de Nico, et à la sensation de sa peau fine contre la sienne.

Il ne pourrait pas dire combien de temps passa. Peut-être une heure, peut-être moins. Le ciel changea à peine de couleur, mais le temps avait eu le temps de balayer des kilomètres de nuages au-dessus d'eux. Ce fût Nico qui parla en premier.

— Peut-être qu'il faut rentrer, maintenant, dit-il. Annabeth doit être sur le point de partir. Il faut que tu lui dises que tu l'attendras, et que tu l'aimes.

— Nico…

— Attends, laisse-moi finir. Dis-lui que rien ne va se passer entre nous, d'accord ?

Percy mordit sa lèvre inférieure avec frustration.

— Il faut absolument que nous restons unis, reprit Nico. Annabeth ne peut pas se retrouver toute seule là-bas sans être sûre de pouvoir compter sur nous.

— Je sais ! s'exclama Percy. Je suis mort de trouille, à l'idée de la laisser partir. Je- je n'ai pas envie qu'elle parte.

Nico grimaça, puis soupira lourdement.

— On ne peut pas faire autrement, objecta-t-il. Nous avons déjà parlé de ça plein de fois, Percy.

— Mais les choses sont différentes, maintenant.

— Pourquoi ? Parce que nous nous sommes embrassés ?

La voix du jeune homme monta dans les aigus, et Percy s'en voulu d'avoir relancé un sujet aussi sensible. Contre le sable, la main de Nico tremblait légèrement.

— Oui, dit Percy d'une voix piteuse. Oui, pour ça.

— C'était idiot, fit Nico.

— Oui.

— Et ça n'a fait que troubler tout le monde.

— Je sais…

— On n'aurait vraiment pas dû faire ça…

— Je sais !

— Alors il faut retourner au mobile-home, et dire à Annabeth que c'était juste une erreur, ok ? Il faut essayer d'arranger les choses avant qu'on soit séparés.

Percy vit l'air fatigué de Nico, et décida de ne pas protester. Il redoutait déjà assez comme ça le moment où il reverrait Annabeth — et il pouvait, il savait que ce n'était pas le genre de personne que vous vouliez vous mettre à dos —, alors essayer de la convaincre de rester… Ne ferait que le mettre dans une situation encore plus délicate.

Percy se redressa, résigné, et tendit une main à Nico pour l'aider à se relever. Il l'ignora soigneusement, et se leva sans lui jeter le moindre regard. Percy ne fit pas de commentaire ; il n'avait que ce qu'il méritait.

— — —

— — —

Le vol d'ombre jusqu'au camping fut encore plus désagréable que d'habitude. Tenir la main de Nico était presque douloureux, et rendait Percy nerveux au point qu'il sentait son ventre se tordre douloureusement. Le trajet jusqu'au mobile-home ne fut pas mieux : il avait l'impression que toutes les personnes qu'ils croisèrent le toisaient avec mépris, comme s'ils savaient que Percy avait foiré à ce point.

Il n'y avait pas beaucoup de monde, pourtant. Quelques personnes qui déjeunaient, quelques gosses qui n'avaient pas vraiment de notions de l'heure.

Quand il posa sa main sur la poignée, Percy sut que quelque chose n'allait pas. Il ne pouvait pas donner d'explication logique, c'était une sorte de pressentiment, mais son coeur se mit à battre trop rapidement dans sa poitrine. Il ne fut qu'à peine surpris en voyant qu'Annabeth n'était déjà plus là.

— Merde, laissa échapper Nico.

Une désagréable sensation de déjà-vu s'empara de Percy. Annabeth avait disparu, encore, mais cette fois, ces affaires étaient parties avec elle. Leur chambre était à moitié vide, et tous les bouquins qui d'habitude étaient empilés sur la table basse du salon s'étaient aussi volatilisés. Percy sentit la nausée lui revenir. Quand était-elle partie ? Avait-elle même attendu ce matin ?

— P-Percy ? demanda Nico. Ça va ?

Il semblait plus agité que lui — il n'arrêtait pas de bouger ses mains, de regarder partout, comme si Annabeth allait surgir d'un placard en criant « Surprise ! ». Percy sentit ses yeux s'humidifier, mais ne fit pas grand-chose pour y remédier.

— Il faut qu'on y aille, dit-il.

Quoi ? Non, on ne peut pas faire ça, fit Nico.

— Je- je vais y aller seul, alors, tu peux rester ici, mais-

— Non, Percy, écoute-moi. Ce serait rompre le contrat que l'on a avec Hécate. Si nous nous pointons là-bas, elle va croire que c'est pour l'affronter, ou je ne sais pas qu-

— J'en ai rien à foutre, dit Percy. Je ne vais pas laisser Annabeth seule comme ça !

— Il fallait y penser avant de m'embrasser ! rétorqua Nico.

— Ce qui est fait est fait !

— C'est facile à dire !

Le ton commençait à monter, et Percy sentit toute la frustration de la situation se déverser dans ses paroles.

— J'ai merdé, ok ? Mais je ne peux pas laisser Annabeth comme ça ! C'est toi qui disais ça, tout à l'heure, non ? On est censé pouvoir se parler, et échanger sur la quête, non ? Elle est partie sans même laisser un mot, tu crois vraiment qu'elle va s'amuser à faire ça maintenant ?

Nico lui lança un sale regard, soupirant furieusement.

— Oh, génial, et c'est quoi le plan ? On se ramène à l'improviste et on avise ?

— Quoi, tu as une meilleure idée ?

Oui, j'en ai une : on reste ici et on fait ce qu'on a prévu. Annabeth a beau être en colère, elle ne va pas volontairement ruiner le plan !

— Tu n'as qu'à rester ici, alors, s'énerva Percy. Comme ça au moins, quelqu'un suit toujours le plan. Mais hey, c'est le plus important, non ? railla-t-il.

Le fils d'Hadès shoota dans une tennis qui trainait par terre.

— Tu as conscience que c'est dangereux pour nous trois, au moins ?

— Je t'ai dit que tu n'avais pas à me suivre !

— Je ne vais pas te laisser partir seul, Percy !

— Vas-y, alors, essaye un peu de m'arrêter.

Le regard de Nico était tellement noir que Percy sentit des frissons le secouer.

— Ne sois pas comme ça, répéta le jeune homme. Ne sois pas stupide.

— Je vais dire à Hécate que je rejoins Annabeth, dit Percy en l'ignorant. Tu n'as qu'à rester là et-

Quoi ?

— Hécate ne peut pas refuser, explicita Percy. Elle ne pourra qu'être contente. Et si tu restes ici, ça nous laisse toujours quelqu'un en dehors au cas où.

Il s'attendait à une réponse cinglante, ou à entendre Nico crier pour lui rappeler à quel point c'était une décision stupide, mais rien de tout ça n'arriva. Nico resta silencieux, les épaules tremblantes et la mâchoire serrée.

— D'accord, dit-il froidement. Je comprends. Moi non plus, je n'aimerai pas rester avec moi. Vas-y. Je suis habitué à rester seul, de toute façon.

Il s'avança avec raideur et s'assit sur le canapé. Sa posture dégageait une tension et une colère froide qui donna des frissons à Percy. Chacun des mots prononcés par Nico le transpercèrent avec sécheresse. Il ouvrit la bouche, pour la refermer aussitôt, et sentit ses phrases se disperser. Percy n'était pas doué avec la langue, il ne savait jamais comment s'y prendre correctement pour exprimer ce qu'il pensait vraiment, et la dernière chose qu'il voulait était de donner à Nico ce genre d'idée. Il ne voulait pas laisser Nico seul, il voulait voir Annabeth. Ça n'avait aucun rapport. C'était lui qui voulait rester, non ?

— A-attend, fit Percy, ce n'était pas ce que je voulais dire.

— Ce n'est pas grave, reprit Nico. J'ai compris.

Mais l'application que le jeune homme avait à garder une expression détachée était telle que Percy savait qu'il ne le pensait pas.

— Non, tu n'as pas compris, dit-il calmement, je ne voulais pas tourner ça comme ça-

— Pas la peine de revenir là-dessus, Percy. Tu n'as qu'à y aller, plutôt que de te préoccuper de moi. Je m'en fiche.

— Non ! s'exclama Percy. Je suis désolé, je ne voulais pas insinuer que je voulais volontairement te laisser derrière, ok ?

— Mais tu le penses probablement de toute façon, alors je ne vois pas où est le problème.

— Bien sûr que non, bien sûr que je ne pense pas ça-

— Je t'ai dit que c'était bon, Percy.

— Mais ce n'est pas bon !

Nico releva ses yeux sombres vers lui, pétillants de colère. Percy essaya de se calmer, mais n'y parvenait pas. La situation était trop délicate pour lui, et à ce stade, il ne pensait pas réussir à dire ou faire quelque chose en parvenant à ne pas blesser un de ses amis.

— Est-ce que tu pourrais essayer, parfois, d'être un peu moins compliqué ? demanda soudainement Nico. Tu aimes Annabeth, mais tu m'embrasses quand même. Tu fais une scène parce que tu veux voir Annabeth, puis tu me dis qu'en fait non ? Ça ne sert à rien d'essayer de me préserver, ou je ne sais quoi ! C'est normal, que tu préfères être avec elle. Et c'est bon, je te dis. J'vais pas t'en empêcher, Percy, tu fais ce que tu veux, t'es assez grand pour ça. Juste- arrête d'être aussi flou.

Percy sentit un rire nerveux lui frôler les lèvres. Compliqué, lui ? Il n'était pas compliqué. Il n'était pas assez futé pour ça, probablement. Il essayait juste de ne pas foirer plus — ce qui était raté, apparemment.

— Je- commença-t-il, la gorge sèche, ce n'est pas que je n'ai pas envie d'être avec toi, je te jure. Je ne peux pas laisser Annabeth toute seule, tu comprends ?

— Mais tu me laisses tout seul, dit Nico d'un ton froid. Oui, je comprends.

— Non ! La situation est différente !

Nico haussa les épaules, comme pour dire qu'il s'en fichait. Mais il n'avait pas l'air de s'en foutre, vu le regard sombre qu'il avait.

— Nico, écoute…

— Mhh ?

— On y va tous les deux ?

Percy s'avança jusqu'au canapé, et s'assit à côté de son ami. Sans vraiment y penser, il laissa sa tête reposer contre l'épaule de Nico, et ferma les yeux.

— Je sais que j'ai du mal à penser clairement dans ce genre de situation. Mais il faut qu'on y aille, tu comprends ? Je n'ai pas envie de laisser Annabeth toute seule, et… Et tu as raison : je ne veux pas non plus que tu restes seul. J'ai envie qu'on reste tous les trois.

— Hécate pourrait se montrer agressive, protesta faiblement le jeune homme.

— On s'en fiche, de ça. Hécate a besoin de nous trois pour la prophétie. Elle ne peut pas nous tuer maintenant.

— Alors on va rester là-bas ?

— Ou bien on rentre.

— Elle ne va pas tolérer une telle chose.

Nico soupira, et se lova contre Percy ; sa tête se calant confortablement au-dessus de la sienne. Ses cheveux sombres virent former une sorte de voile contre le front de Percy. La sensation n'était pas désagréable.

— Mais d'accord, dit Nico.

Son ton s'était adouci.

— Je n'ai pas envie de me disputer avec toi, reprit Percy.

— Moi non plus…

— Je suis désolé.

— Arrête, dit Nico, tu ne fais que de t'excuser, depuis hier soir.

— Parce que j'ai mal agi, fit Percy.

— Moi aussi, je t'ai embrassé, auparavant. Ça ne se faisait pas. Je n'aurai pas dû le faire.

Le souvenir paraissait lointain à Percy, pourtant, la scène était encore toute récente. Il repensa aux lumières vibrantes contre la surface lisse de l'eau, et à l'atmosphère paisible qui régnait encore sur le camping. Maintenant, tout était différent.

— Ce n'est pas pareil.

Nico ne répondit pas. Ils restèrent tous les deux dans cette position rassurante, pendant quelques minutes. Percy faillit s'endormir, il avait passé une nuit horrible, et ce devait être le cas de Nico aussi. Mais il ne devait pas dormir maintenant. Il se força à se relever, jetant un coup d'oeil au visage fatigué de son cadet.

— On y va à pied, dit Percy, par le chemin du parc. Ça te va ?

Nico hocha la tête, et ses cheveux démêlés formèrent une cascade sombre autour de son visage rond. Ses pommettes pointues étaient pâles, et ses paupières paraissaient lourdes. Mais il ne fit pas de commentaires supplémentaires, et se leva. Il n'avait plus l'air en colère. Percy se dit que c'était provisoire : il finirait bien par avoir une vraie dispute avec lui. Nico se rendrait compte que Percy avait agi comme un vrai connard, et ne lui adresserait probablement plus la parole pendant des jours, ou quelque chose comme ça. Pour l'instant, ils semblaient être en trêve.

Le chemin jusqu'au parc n'avait pas l'air réel. Il était tôt, et il n'y avait pas grand monde ; deux trois gosses qui restaient silencieux, encore trop endormis pour déborder d'énergie comme pendant le reste de la journée. Le métal clair du toboggan reflétait le ciel encore taché de traces roses, et Percy eut du mal à en détacher son regard. Il se résolu à s'enfoncer dans le passage étroit, rejoignant la forêt opaque.

Les amas d'arbres coupaient la lumière matinale, et le chemin s'amincissait à chacune de leurs enjambées. Nico trébucha et faillit tomber, mais Percy le rattrapa, saisissant la manche de son blouson. Il glissa sa main dans la sienne, et serra ses doigts longs et fins. Nico répondit au geste avec un sourire lointain. Percy essaya de se souvenir quand est-ce que ce genre de choses (rechercher le contact de Nico, le plus possible) étaient devenues naturelles. Depuis pas longtemps, certainement. Pourtant, le geste était aujourd'hui spontané pour lui.

Percy essaya de regarder à droite et à gauche du chemin, pour voir s'il parvenait à trouver un élève d'Hécate, ou Annabeth, ou une école. Il ne trouva rien, jusqu'au champ de menhirs. Ils étaient dressés avec une élégance qui avait échappé à Percy, leur large base baignée dans un brouillard épais et mauve.

— La Brume, chuchota Nico.

Percy se sentit attiré par le lieu. Il passa par-dessus la barrière qui entourait le champ, et mit les pieds dans l'herbe invisible à cause de la Brume, suivi de près par Nico. Un pas, et un deuxième, il répéta le geste sans réfléchir, jusqu'à se retrouver au milieu presque exact des pierres géantes. Il ne voyait plus ses pieds, mais cela ne l'inquiétait même plus. Contre sa paume, celle de Nico s'agita légèrement, sans pour autant s'en détacher.

— Hécate ! cria Percy. Nous souhaitons discuter. Nous souhaitons rejoindre ton école, nous aussi. Nous venons en amis.

Ses paroles se faufilèrent parmi les obstacles, et il eut l'impression qu'elles furent amplifiées par magie. Il entendit sa voix, encore et encore, comme un écho. Il était presque sûr qu'il n'y avait personne ici, à part lui et Nico. Mais la voix d'Hécate gronda dans son esprit, comme une mélodie à peine audible.

Bienvenue à vous, fils de Poséidon, fils d'Hadès. Je ne vous attendais pas si tôt. Mais j'accepte votre demande avec joie.

Le jeune demi-dieu sentit un frisson lui parcourir l'échine, et se rendit compte qu'il avait du mal à respirer. Il avait l'impression que le ciel devenait de plus en plus sombre — c'était forcément une illusion — et qu'il allait les englober, lui et Nico.

Mais ils restaient ensemble, pas vrai ? Rien ne pouvait être réellement catastrophique.

La Brume s'épaissit encore, si c'était possible, et les engloba entièrement. La dernière chose dont Percy fut conscient fut la main de Nico, qui serra soudainement la sienne.

Et après ça, tout devint noir.

— — —

— — —

Fin de la première partie ! (Je pense l'avoir déjà précisé plus tôt, mais il n'y a pas réellement de coupures entre les parties, donc ne vous inquiétez pas, tout restera sur cette fic !). J'espère que le chapitre vous aura plus ; v ; !

J'en profite pour préciser que je ne travaille pas que sur ce projet-ci. J'ai une autre fic percico en cours (complètement différente, en revanche xD), et un OS (bon, ok, séparé en deux chapitres, mais c'est uniquement parce que ce site ne veut pas me laisser poster des chapitres un peu longs -_-) terminé depuis cet été. (Oui oui, y'a pas assez de Percico ici alors j'essaye de remplir un peu la catégorie ;_;).

Je crois que c'est tout, haha. Merci encore pour tout le soutient que je reçois :D à la prochaine !

Bisous !