Description : UA, SasuNaru. Konoha est une mégalopole du monde moderne. Vie de jour habituelle, vie de nuit régie par différents gangs. Ceux-ci évitent de s'entretuer afin d'échapper à la police qui, sans relâche, tente de faire tomber les couvertures de leurs membres. Mais voilà qu'un jour, Naruto et Sasuke, de deux gangs différents, apprennent tous deux les activités illicites de l'autre.

Disclaimer : Naruto appartient à Masashi Kishimoto. Je ne tire aucun profit pécuniaire de cette fanfiction.

Mot de l'auteur : Bonjour à tous ! Voici enfin le dernier chapitre du Venin ! Merci à tous les lecteurs qui sont passés lire cette histoire, qui l'ont complimentée, suivie, ajoutée à leurs favoris. J'espère qu'elle vous plaira jusqu'au bout.

J'ai pris un énorme retard dans mes réponses aux commentaires et je m'en excuse vraiment. Mes cours se terminent à la fin du mois et disons que ces dernières semaines ont été assez intenses – il fallait finir et présenter les projets.

Quoi qu'il en soit, j'ai expérimenté pour la première fois une fiction longue sur Naruto avec publications régulières et je dois dire que c'est un procédé assez plaisant. Je n'ai jamais aussi régulièrement échangé avec les lecteurs.

Pour la suite, sachez qu'il me reste pas mal de one-shots et d'histoires longues en réserve. A priori, la prochaine est composée de cinq chapitres – mais beaucoup plus conséquents. Elle s'intitule Au nom de l'Alliance et il y a de fortes chances – je sais que ça plaira à certains – que je m'y essaye à quelques scènes un peu plus « osées ». Je ne sais pas vraiment quand elle sortira ; je vous invite donc, si cela vous intéresse, à me « suivre » pour être tenus au courant de mes publications.

Merci encore à tous. Je vous souhaite une excellente lecture. N'oubliez pas de commenter !

Amicalement,

Désespérine


LE VENIN

Chapitre 8


MERCUTIO. – (…) Malédiction sur vos deux maisons ! Elles ont fait de moi de la viande à vermine... (Acte III, scène 1)


Le regard de Naruto se posa sur les restes de l'ancienne muraille qui avait autrefois entouré Konoha. Comme il s'y était attendu, des policiers avaient été mobilisés pour la garder et interroger les passants lorsque ceux-ci leur semblaient suspects. Sous le couvert des arbres, le jeune homme ne leur était pas visible. Aussi en profita-t-il pour passer une main nerveuse à l'arrière de son pantalon. Là, passée à sa ceinture, son arme pesait plus lourd que d'habitude. Il y avait entré une première cartouche. Les deux autres étaient cachées dans les poches du sweat de Sasuke qu'Ino lui avait rendu la veille au soir. Trois cartouches. C'était tout ce qu'il lui restait. Il espérait qu'il n'aurait pas à s'en servir.

Quelques heures plus tôt, alors que le soleil se couchait, Shikamaru, Choji et Ino lui avaient fait leurs adieux. Ils avaient vainement tenté de le convaincre de venir avec eux mais Naruto avait refusé. Il n'y avait que lui pour arrêter Sasuke. Et malgré tout ce qu'il s'était passé entre eux, il ne pouvait pas ainsi l'abandonner. Ses amis ne l'avaient pas compris, ils le savaient, mais lui avaient longuement jeté des regards en arrière avant que les moteurs ne se missent à vrombir furieusement et que les motos ne s'élançassent dans la poussière du désert.

Naruto avait peu dormi. Il s'était couché aussitôt ses compagnons partis. Mais il s'était passé trop de choses en si peu de temps, trop d'horreurs qui hanteraient longtemps ses cauchemars, et il se posait rop de questions pour trouver le sommeil. Il avait longuement réfléchi. Si Sasuke tenait à détruire le gang des Aigles, il lui faudrait le réunir. Rien n'était mieux indiqué pour cela que la succursale du centre. Et rien n'était sans doute plus opportun – ou plus malvenu – que les circonstances actuelles pour provoquer une rencontre intempestive.

Il s'était finalement endormi d'épuisement, tout en se jurant de retourner à Konoha par tous les moyens.

Il s'était levé aux aurores : l'abri ne disposait d'aucun rideau et la forte luminosité du soleil – désormais printanier – avait cogné ses paupières à les ouvrir. Il était en train de grignoter quelques biscuits qu'il avait retrouvés dans une sacoche lorsque le portable que Sasuke avait glissé dans les poches du sweat avait vibré. Un SMS, court et incisif. Et il disait :

« Ce soir, fin des Aigles. Tu veux venir assister au spectacle ? »

Naruto avait bondi. S'était précipité pour préparer son arme, ses munitions, les quelques gadgets dont il disposait encore qu'il pourrait utiliser et qui seraient faciles à cacher. Il avait encore un petit sac de randonnée avec lui. Il l'avait fourré de plusieurs choses, avait terminé sa bouteille d'eau et était sorti en trombe de l'abri, sans prendre la peine de refermer la porte qui avait claqué contre les murs ocres sous le vent.

Naruto s'était d'abord tant bien que mal dirigé vers l'ancien hangar de son gang, lui aussi situé dans le désert. Le bâtiment avait été vidé de toutes ses armes. Et il s'était figé de surprise tandis que la compréhension se faisait jour dans son esprit.

Escalus.

Les hommes d'élite savaient déjà où se trouvaient leurs points de rencontre stratégiques. Et ils avaient tout pris.

Naruto avait fouillé parmi les décombres, sans rien trouver à part un vélo en mauvais état qu'il s'était échiné à réparer avec les quelques outils qu'il avait pu trouver.

A midi, sans prendre la peine de manger, il l'avait enfourché et s'était mis à furieusement pédaler vers l'Est. Son but était d'atteindre la forêt dans laquelle le fleuve de Konoha, au sortir de la capitale, se mettait à serpenter. C'était un lieu rêvé pour des promenades en famille. L'air était doux, l'hiver était fini et le printemps commençait. Il ne pouvait douter de la fréquentation du lieu.

C'était ainsi qu'il s'était retrouvé à attendre, à l'orée du bois, sur la rive gauche du fleuve couverte de bruyère, le bon moment pour passer sous le nez des gardes. Il avait épousseté du mieux qu'il avait pu ses vêtements pour paraître le plus banal des étudiants. Il avait passé son visage à l'eau du fleuve et avait tenté d'ordonner, sans grand succès, ses mèches rebelles.

Enfin, des rires et des cris d'enfants se firent entendre derrière lui. Naruto se redressa sur son vélo et jeta un œil par-dessus son épaule. Il vit apparaître, illuminés par la lumière de fin d'après-midi, une mère, son fils et ses deux filles, souriants et insouciants. Naruto eut à peine un ris avant de prendre un air atterré et d'agiter vigoureusement le bras.

« Hé ! Excusez-moi ! s'écria-t-il. »

La petite famille le rejoignit et s'arrêta à ses côtés.

« Vous avez un problème, jeune homme ? demanda la mère. »

Naruto prit un air contrit.

« Ben… en quelque sorte. Je faisais une balade avec un ami qui a voulu me jouer un tour. Il est rentré et m'a laissé là. Et je ne suis pas de Konoha alors je ne suis pas sûr de pouvoir retrouver mon chemin tout seul…

-Oh ! répondit la mère en comprenant la situation. Mais il n'y a pas de souci, nous pouvons vous guider. Où habite votre ami ?

-Heu… dans le centre, je crois. Près d'une grosse succursale.

-Ah ! oui, je connais cet endroit. Venez, on va vous y emmener. »

Les enfants hochèrent la tête en souriant et Naruto ne put s'empêcher de répondre. Son plan marchait parfaitement. La famille reprit sa route avec lui et lorsqu'ils approchèrent de la muraille, il retint à peine son souffle.

De loin, ils semblaient tous former une heureuse famille. Il pouvait sans peine passer pour l'aîné qui accompagnait sa mère et ses cadets lors d'une balade à vélo sur les bords du fleuve. Il passa ainsi sans crainte sous les arcs de la muraille – la mère avait adressé un sourire radieux et un salut de la main aux forces de l'ordre et cela avait servi son plan.

Ils voyagèrent ainsi jusqu'aux abords du centre. La famille le laissa à un rond-point en lui indiquant la route à suivre. Il les remercia chaleureusement – tant pour l'avoir aidé à passer que pour la bonne humeur et la sympathie qu'ils lui avaient témoignées. Puis, une fois seul, son visage s'assombrit à peine. Il jeta un coup d'œil au rond-point, méfiant, et se remit à pédaler.

Le jour déclinait. Il ne lui restait plus beaucoup de temps.


Un brouhaha sans nom éclata à son apparition. Les dirigeants et la plupart des agents du gang des Aigles se levèrent de leurs chaises en criant et en levant le poing, impeccables dans leurs costumes et le regard menaçant. En surplomb de l'assemblée, Sasuke les toisait d'un petit balcon avec un visage impassible. Il était arrivé quelques minutes plus tôt à la succursale. Les dons des différents membres de l'Akatsuki lui avaient permis d'organiser toute cette mascarade. Sasori avait brillamment piraté le système du gang et une grande majorité des agents des Aigles avaient reçu une invitation à une rencontre urgente pour décider de l'avenir du gang et des moyens de protéger ses membres.

Tous avaient pensé que l'ordre venait d'en haut. Tous étaient à dans la succursale. Tous s'y étaient retrouvés enfermés sans comprendre pourquoi. Et voilà que le cadet des Uchiha, le meilleur agent de l'équipe Hebi, peut-être un des jeunes tueurs à gages les plus talentueux, apparaissait de nulle part et annonçait que c'étaient l'Akatsuki et lui qui les avaient bernés et avaient organisé cette réunion.

Les injures et les exclamations de mécontentement ne tarirent pas ni ne décrurent. Sasuke se contenta d'une légère grimace de dégoût qui froissa amèrement ses lèvres. Sa main alla chercher à l'arrière de son pantalon son semi-automatique argenté. D'un geste vif, il s'en saisit, tendit le bras, visa et tira.

La détonation retentit dans la succursale puis se répercuta contre les murs en un inlassable écho. L'homme touché eut le souffle coupé et son visage se colora de surprise avant que son corps ne chût et que la foule, autour de lui, s'espaçât.

Un long silence s'étira dans la salle. Puis les cris reprirent, les dirigeants se tournèrent vers lui avec mépris et colère dans un flou total. Une voix plus forte, néanmoins, intima l'assemblée au calme et demanda d'un ton courroucé :

« Sasuke ! Qu'est-ce que tout cela signifie ? Pourquoi as-tu convoqué tout le gang ? Qu'est-ce que c'est que cette machination ? »

Sasuke resta imperturbable, ramena son arme près de son visage. Et répondit :

« Vous êtes là parce que je le veux. Et parce que vous avez des comptes à me rendre. »

Le silence revint peu à peu parmi les rangs. L'homme qui s'était adressé à lui serra les poings et les dents.

« Quel genre de comptes ? demanda-t-il. »

La sueur perlait à ses tempes et il savait sans doute de quoi voulait parler Sasuke – sans pour autant vouloir y croire. Le jeune homme eut un léger et narquois sourire à ce constat. Puis ses traits se refroidirent et son ton devint implacable.

« Il y a quinze ans, mes parents, Fugaku et Mikoto Uchiha, ont annoncé qu'ils souhaitaient quitter le gang des Aigles. Mon père était un des dirigeants et ma mère faisait partie du réseau d'espionnage. Ils avaient deux fils qu'ils voulaient protéger de l'univers des gangs – sauf que l'aîné était en passe d'intégrer une prestigieuse équipe de tueurs à gages et était devenu un élément plus que prometteur. Vous ne vouliez pas perdre cet atout et vous ne vouliez pas prendre le risque de les voir se retourner contre les Aigles. Ils vous avaient pourtant promis de ne jamais vous trahir, de ne jamais parler. Et ils l'auraient fait. »

Il se tut un instant, tandis que des murmures troubles émanaient de la foule. Ses sourcils se froncèrent et son expression se fit plus dangereuse.

« Seulement, vous n'avez pas voulu leur faire confiance. Et vous avez voulu récupérer Itachi et par la même, son petit-frère. »

Son regard se fit orageux.

« Moi, souffla-t-il. »

Son menton se redressa et une telle aura de puissance l'entourait que les murmures disparurent aussitôt.

« Vous avez organisé l'accident qui leur a coûté la vie. Sans jamais rien dire à personne. Puis vous avez fait en sorte qu'Itachi et moi soyons pris en charge par des membres du gang. Vous nous avez enrôlés en nous faisant croire que c'était ce que nos parents voulaient. Vous nous avez entraînés pour que nous devenions vos meilleurs agents. Vous avez envoyé Itachi infiltrer Escalus, sûrs qu'il réussirait. Ce à quoi vous ne vous attendiez pas, c'est que cela lui permette de découvrir la vérité et le pousse à se retourner contre vous. »

Il y eut des exclamations de surprise. Puis un autre homme, engoncé dans son costume, s'écria :

« Qu'est-ce que tu essaies de nous dire ? Qu'Itachi voulait de nous couler ? »

Sasuke eut un léger ricanement, amer, sordide, fou. Et la foule eut un mouvement de recul.

« Pas seulement vous. Mais tous les autres gangs aussi. »

Il eut un vague geste du bras quelque peu théâtral.

« Vous pensiez vraiment que toutes ces rencontres de plusieurs gangs en mission étaient dues au hasard ? Itachi manœuvrait bien la chose. Il avait compris à quel point les gangs étaient pourris par la corruption, l'argent et le pouvoir. Il avait compris à quel point on nous avait leurrés, lui et moi. Il avait compris que détruire tous les gangs et Escalus était le seul moyen d'assurer la paix à Konoha. »

Ses lèvres tremblèrent à peine.

« Et que c'était le seul moyen de me protéger. »

De nouveaux cris fusèrent. Une femme demanda :

« Itachi était un traître, alors ? »

Un autre homme reprit :

« Tu ne peux pas comprendre… Il fallait les éliminer. C'était trop dangereux. »

Plusieurs voix s'écrièrent :

« Alors c'est pour ça que les gangs ont disparu les uns après les autres…

-Qu'est-ce que tu vas faire ?

-Arrêtez-le, bon sang, arrêtez-le ! »

Sasuke eut un mouvement d'épaule. Ses mains se posèrent négligemment sur ses hanches tandis qu'il observait d'un air sardonique la panique gagner peu à peu la foule.

« Vous savez très bien ce que je vais faire… »

Il leva les mains avec un air dément, le sourire aux lèvres et les yeux écarquillés.

« Je vais venger mes parents et poursuivre le dessein de mon frère. Je vais tous vous détruire et après ça, je m'attaquerai à Escalus. »

L'agitation saisit véritablement la foule. Plusieurs personnes se saisirent d'une arme et tirèrent sur le balcon. Mais Sasuke l'avait déjà quitté et descendait prestement les escaliers de secours. Au dehors, il retrouva les membres de l'Akatsuki qui l'attendaient sagement. Ils barrèrent et cadenassèrent la porte derrière lui puis se dirigèrent vers un camion où ils entrèrent tous. Sasuke prit place à l'avant et se tourna vers Deidara.

« Les explosifs sont en place ? »

L'agent eut un sourire terrible et désigna l'interrupteur qu'il avait en main.

« Bien sûr… »

Sasuke boucla sa ceinture.

« Parfait. En avant. »

Le camion démarra, Kisame au volant. Deidara se déplaça vers le fond du véhicule pour observer la succursale par la vitre arrière. Il pressa le bouton avec un plaisir non feint et susurra :

« Boum. »


Naruto n'était qu'à quelques mètres de la succursale lorsque l'explosion survint. La première chose qu'il perçut, ce fut la vive lumière qui encercla le bâtiment avant que celui-ci ne se disloquât. Puis il reçut l'onde de choc en même temps que le vacarme de la détonation l'abrutissait. Ses mains lâchèrent instinctivement le guidon et le vélo s'envola tandis que son corps était propulsé vers l'arrière. Il retomba sur une épaule et roula le long d'un trottoir heureusement vide de tout passant.

Il lui fallut quelques secondes pour comprendre ce qu'il venait de se passer et qu'il avait retenu sa respiration tout ce temps, quelques secondes pour que le sifflement qui retentissait à ses oreilles cessât. Son souffle reprit, tremblant, et il jeta un regard hagard autour de lui tandis que les cris des gens alentour se faisaient entendre et que les alarmes des voitures se déclenchaient. Il y eut une intense chaleur qui le recouvrit et l'air devint soudain irrespirable. Il roula sur le dos et se redressa sur ses coudes pour voir, effaré, le bâtiment défait et en proie à des flammes prodigieuses dans la pénombre du crépuscule.

« Non… souffla-t-il. »

Il se releva difficilement, chancela, se rattrapa à un mur. Ses grands yeux bleus se posèrent sur l'incendie et il s'approcha en murmurant :

« Sasuke… »

Puis ses jambes reprirent en vigueur et il s'élança, éperdu, vers la succursale.

« Sasuke ! s'écria-t-il, paniqué. »

Il voulut s'approcher au plus près du bâtiment, dans le vain espoir de retrouver des survivants, mais de surprenantes et puissantes vagues de chaleur l'en empêchèrent. La fumée lui piqua les yeux et il les protégea tant qu'il put, s'agitant autour des flammes.

« Merde, lâcha-t-il avant de se mordre l'intérieur de la lèvre. »

Au loin, il reconnut les sirènes des pompiers qui approchaient. Il s'éloigna à regret, peu désireux d'être interrogé par les forces de l'ordre, et chercha en vain son vélo. Son cœur se comprima, sa gorge se serra. Et il aurait sans doute fondu en larmes, par désespoir, si le portable laissé par Sasuke ne s'était pas mis à furieusement vibrer dans la poche droite de son pantalon. Il l'en sortit non sans peine – ses gestes étaient fébriles et son corps subissait encore les effets du choc.

C'était un message. De Sasuke. Qui disait :

« Rendez-vous au Temple du Nord. C'est là-bas que tout va se terminer. »

Sa main se crispa sur l'objet. Et, sans aucune hésitation, il se mit à courir vers la bouche de métro la plus proche.


La nuit était tombée lorsque Sasuke se glissa hors du camion. Nonchalamment, il remplaça la cartouche de son semi-automatique. Puis il jeta un vague coup d'œil à l'intérieur du véhicule. Les membres de l'Akatsuki y gisaient, inertes, le visage livide et figé dans une expression de pur hébétement.

Il avisa une des bouteilles de liqueur qu'il leur avait offertes ; lâchée par Hidan, elle avait roulé à terre et s'était retrouvée bloquée par un des cadavres.

Impassible, Sasuke songea que le poison qu'il leur avait administré avait été diablement efficace. Ces hommes avaient été un redoutable atout. Mais à présent, il n'avait plus nul besoin de leurs services.

Il se détourna et poursuivit son chemin.

Ils s'étaient garés non loin du parking-relais désert qui jouxtait le terminus d'une des lignes de métro de la ville. Elle débouchait à la limite de la ville, en plein Nord-Ouest. A partir de là, il n'y avait plus que des domaines agricoles, de vastes plaines qui frémissaient sous le vent. Quelques lampadaires se succédaient sur les bords d'une petite route de campagne. Au loin, il pouvait voir ceux qui illuminaient les ruines du vieux Temple du Nord.

Dans le ciel, piqueté d'étoiles, la lune était absente.

Il repassa son arme à sa ceinture et se mit en marche, arpentant la route en direction du vieux Temple.

Si son plan fonctionnait, la presque totalité des forces d'Escalus serait présente aux abords du Temple. Il n'y avait plus qu'à espérer que les mines et les explosifs de Deidara porteraient leur fruit.

Et que Naruto se montrerait bon tireur.


Naruto avait l'impression de n'avoir jamais autant couru de sa vie. Il avait bousculé tant de personnes, avait marmotté tant d'excuses par simple civilité, avait vu les arrêts défiler avec tant de fébrilité, était ressorti au terminus avec tant d'anxiété – et pourtant de soulagement à la pensée qu'il avait traversé la capitale sans se faire interpeller -, avait découvert les corps des membres de l'Akatsuki avec tant d'effroi qu'il n'était plus capable de penser ni d'agir correctement. Il s'était contenté de s'élancer sur la route qui menait au Temple du Nord. Un seul mot revenait sans cesse à son esprit. Et c'était le nom de la personne qu'il aimait le plus au monde.

Sasuke, Sasuke, Sasuke…

Naruto avait compté peu de proches dans sa vie. Ses premières années à l'orphelinat n'avaient été que solitude et tourments ; il avait souvent servi de souffre-douleur et n'avait pas eu d'amis. Puis il avait rencontré Kiba, Shikamaru et Choji ; mais Kiba était mort et Shikamaru et Choji avaient fui vers le Sud. Il avait rencontré Iruka et bien d'autres personnes en intégrant le gang des Aigles ; mais qui pouvait dire si Iruka était en vie ?

Et puis Naruto avait rencontré Sasuke. Et que ce fût parce qu'ils étaient tous deux membres d'un gang ou parce qu'il n'y avait pas de secrets entre eux, il n'avait jamais aimé quiconque de cette manière – inconditionnellement.

Sasuke avait pourtant tué Kiba. Il avait pourtant abattu son propre frère pour lui. Il avait pourtant mené les Aigles à l'assaut et avait détruit son gang. Il avait pourtant exterminé le sien. Rien n'y faisait. Son cœur y était encore attaché. Et si Naruto n'était plus sûr de rien – des raisons qui avaient poussé Sasuke à agir de la sorte, de l'amour qu'il lui portait encore ou non, de ses desseins, de son désir de le tuer lui aussi ou non -, il était cependant certain d'une chose : il était hors de question qu'il vît Sasuke disparaître.

Le souffle commençait à lui manquer et sa poitrine le lançait à chaque inspiration. Ses jambes le brûlaient et le sifflement qui avait retenti à ses oreilles après l'explosion revint tandis que la lumière des lampadaires s'intensifiait et laissait voir les pierres défaites de l'ancien lieu de recueillement. Au centre des colonnes, Naruto distingua une silhouette en mouvement. Il n'eut pas besoin de s'assurer qu'il s'agissait bien de Sasuke. Il le sut aussi tôt. Et cria :

« Sasuke ! »

Le nom se répercuta dans la nuit et le long des ruines du vieux Temple du Nord. Sasuke s'arrêta. Tout n'était que silence, alentour. Ils se trouvaient en périphérie de la ville, seuls parmi les décombres et les arcs à moitié défaits, seuls au milieu des champs qui s'étendaient à perte de vue, mer noire d'encre sans la lumière de la lune.

Tout n'était que silence, Naruto le savait. Mais il lui était impossible de le distinguer. Il ne percevait que le vacarme infernal de sa respiration hachée, le bruit assourdissant de ses pas lorsqu'il atteignit les pavés.

Lentement, Sasuke se retourna. Naruto cessa sa course à trois mètres de lui et ses épaules se secouèrent comme il tentait de reprendre son souffle. Ses mèches blondes avaient un éclat flavescent à la lumière des lampadaires et ses grands yeux bleus brillaient d'incompréhension, d'un reste d'espoir et d'angoisse.

Il vit Sasuke retenir une grimace et devina qu'il s'obligeait à garder un visage impassible. Avant qu'il eût pu dire la moindre chose, il avisa la main droite de son vis-à-vis qui se portait à l'arrière de son pantalon. Son arme, pensa Naruto, c'est son arme qu'il cherche. Sasuke s'en saisit et, avec dextérité, la pointa sur lui.

Il eut un sursaut en reconnaissant la pointe argentée du pistolet. Ses yeux s'écarquillèrent et son corps entier se figea de stupeur.

Puis, lentement, son regard glissa du canon au visage de Sasuke. Ses traits se délestèrent de la surprise pour endosser une triste résignation. Il imita le geste de son vis-à-vis, empoigna sa propre arme. Ses doigts se crispèrent autour, ses yeux se voilèrent à peine de regret. Avec une lenteur exaspérante, son bras se leva.

Et il le mit en joue.


Un long silence s'étira entre eux, seulement troublé par la respiration difficile de Naruto. Celui-ci sentait la sueur couler le long de ses tempes et la chaleur de sa course rougir ses joues. Il passa une main nerveuse sur son visage pour l'essuyer et reprit aussitôt son arme. Sasuke le vrillait de son regard, illisible, et Naruto sentit le découragement poindre dans son cœur. Ses yeux le piquèrent et il étouffa dans un hoquet un début de sanglot.

« Qu'est-ce que tu fous, bordel ? s'écria-t-il. »

Sasuke, face à lui, resta imperturbable et muet. Naruto se mordit la lèvre de colère et de dépit.

« Qu'est-ce que tu fous, putain ! Il fallait vraiment que tout ça arrive ? Que tu massacres ton gang comme le mien ? Et l'Akatsuki ? Pourquoi tu les as tués, eux aussi ? Je croyais que c'était l'équipe de ton frère !

-Itachi les aurait tués à un moment ou à un autre, le coupa Sasuke d'un ton incroyablement calme. »

Naruto retint ses larmes, courroucé et pourtant blessé au plus profond de son être.

« Qu'est-ce que t'as foutu, merde… souffla-t-il d'une voix chevrotante. Pourquoi il a fallu que tu tues autant de gens ? »

Sasuke ne répondit pas immédiatement, se contenta de tirer la culasse de son arme vers l'arrière avant de la relâcher. Naruto le regarda faire avec méfiance et une peur inconsciente. Il n'osa pas l'imiter. La voix grave, enfin, se fit entendre :

« Itachi avait compris. Ce qu'étaient véritablement les gangs. Il avait compris ce qu'il fallait faire. Qu'Escalus n'était pas le seul ennemi à abattre. Que les gangs l'étaient aussi. Et que tant qu'ils vivraient, personne ne serait en sécurité – et surtout pas moi. »

Les épaules de Naruto se voûtèrent à peine tandis qu'il fléchissait les genoux, usant de son arme comme d'un bouclier et d'une menace, bien qu'aucune munition ne fût engagée dans la chambre. Les yeux de Sasuke se plissèrent à peine.

« J'ai fini par comprendre, moi aussi. Ça n'a pas été simple. D'accepter sa mort. D'accepter que c'était moi qui l'avais tué. C'était comme… revivre la mort de mes parents, je dirais. »

La sérénité avec laquelle il prononça ses mots força Naruto à se tendre plus encore. Ses lèvres s'entrouvrirent sous la pression.

« Mais j'ai fini par faire mon choix. Itachi a toujours été le plus sage de nous deux. S'il faisait tout pour monter les gangs les uns contre les autres, c'est qu'il avait de sérieuses raisons. J'ai simplement fini son travail. Et je t'ai rendu service : à cause de moi, ton gang se serait un jour ou l'autre retourné contre toi. Et je ne pouvais pas le permettre. »

Les sourcils de Naruto se froncèrent dangereusement.

« Qu'est-ce que tu veux dire ? demanda-t-il d'une voix blanche. »

Le visage de Sasuke s'obscurcit.

« Réfléchis, Naruto. Un simple intimidateur qui veut se la jouer tueur à gages alors qu'il a été traumatisé par les photos du meurtre de sa mère au point de refuser de tuer qui que ce soit, c'est déjà suspicieux. Mais quand, en plus, il laisse passer un mois sans rien faire, il est facile de comprendre pourquoi on en envoie d'autres remplir cette mission à sa place. »

Naruto déglutit difficilement tandis que le jour maudit de la mort d'Itachi repassait devant ses yeux.

« Ils n'avaient plus confiance en toi et ta couverture était grillée. Tu avais peut-être de vrais amis dans ce gang mais je peux t'assurer qu'ils n'étaient pas nombreux. Et j'ai tout fait pour qu'ils échappent à l'Akatsuki. »

Naruto écarquilla les yeux à l'annonce.

« Quoi ? »

Les lèvres de Sasuke s'étirèrent à peine en un vague sourire.

« Tu crois sincèrement que deux intimidateurs en motos auraient pu nous échapper aussi facilement ? Shikamaru peut être aussi intelligent que tu le prétends, ça ne change rien. Ils s'en sont sortis – et toi aussi – parce que je l'avais décidé. »

Naruto cilla à peine tant le choc était grand.

« Tu veux dire que… mais… et les Aigles ? »

Sasuke baissa à peine la tête et son regard, devenu plus noir, lui parut effrayant.

« Je ne pouvais pas les laisser vivre. Pas après ce qu'ils ont fait à mes parents. Et puis ils auraient trouvé le moyen de se débarrasser de moi un jour ou l'autre. Un agent dont la tête est mise à prix et qui est à l'origine d'une querelle avec un autre gang, ce n'est pas un bon investissement. Sans compter qu'ils auraient fini par te traquer, eux aussi. Tout comme l'Akatsuki. C'était une raison suffisante pour les éliminer. »

La tension qui avait ceint le corps de Naruto disparut soudainement. Ses bras retombèrent lentement, sans que ses mains cessassent de tenir son arme. La bouche ouverte et les yeux ronds, il regardait son vis-à-vis avec ahurissement.

« Mais c'est… tu as fait tout ça… pour me protéger ? »

C'était insensé. Illogique. Tellement injuste. Et pourtant, les yeux désolés et le faible sourire de Sasuke confirmèrent sa pensée.

« Je sais que tu ne le comprends pas. Et que tu ne l'acceptes pas. Mais je ne regrette rien. Si je devais le refaire, je le referais. Parce que je ne laisserai personne d'autre que moi te tuer. »

Naruto continua de le dévisager avec une surprise totale. Sasuke se fit plus moqueur et désigna du menton l'arme noire zébrée d'orange qu'il tenait.

« Mais ce n'est pas vraiment dans mes projets pour l'instant. En attendant, prépare-moi ça. Ce n'est pas terminé. »

Son visage se referma aussitôt et Naruto cligna plusieurs fois des yeux avant de laisser échapper une exclamation de gêne et de se hâter de tirer sur sa culasse. Puis il jeta un regard timide à Sasuke. Celui-ci lui indiqua de s'approcher d'un léger mouvement de tête. Naruto acquiesça, reprenant un air sérieux, puis le rejoignit en quelques pas. Sasuke se retourna et leurs dos se touchèrent bientôt.

« Qu'est-ce qu'on fait, maintenant ? demanda Naruto dans un souffle.

-On finit Escalus et on se barre.

-Et comment on fait ça ?

-Grâce aux petits joujoux de l'Akatsuki.

-Sasuke, j'ai jamais tué personne, souffla Naruto en inspectant les lieux du regard.

-Je sais. Mais tu vas bien faire une exception pour moi, non ? »

Naruto pinça les lèvres.

« On va devoir parler, toi et moi, quand tout ça sera fini. »

Sasuke hocha lentement la tête.

« Je sais. »


ROMEO. – De cette même main qui faucha ta jeunesse, je vais abattre celle de ton ennemi. (Acte V, scène 3)


Les premières explosions retentirent à la droite de Naruto. Deidara, aidé de Kakuzu et de Kiame, avait miné tous les champs qui entouraient le Temple et piégé la structure de celui-ci. Il y eut du mouvement dans les champs. Les agents d'Esclaus, surpris par les mines, s'éparpillèrent avec méfiance sans se douter qu'ils allaient à leur perte. Plusieurs déflagrations et détonations se succédèrent tandis que les mines explosaient et que des tirs automatiques, déclenchés par les pièges, pleuvaient sur les hommes armés.

Naruto, crispé, le cœur battant à tout rompre et le visage perlé de sueur, attendait le signal de son compagnon. Sasuke, quant à lui, calme et composé, analysait chaque bruit avec attention. D'un geste, il attira Naruto au sol.

Une première salve de balles ricocha contre les pavés tandis qu'ils se réfugiaient dans les décombres. A l'aide de quelques gestes de la main, Sasuke expliqua la démarche à suivre. Naruto hocha la tête, terrorisé et pourtant plus que jamais concentré. Il partit discrètement vers une large fissure depuis laquelle il voyait le reste du Temple et notamment le côté duquel étaient venus les tirs. Sasuke, après une brève inspiration, s'élança au milieu du terrain pour abattre les premières silhouettes qui se découpaient dans la lumière des lampadaires. Ce fut sans hésiter que Naruto le couvrit, tirant sur les hommes venus les tuer.

Lorsque la première vague d'attaquants fut défaite, Sasuke revint vers Naruto et l'entraîna dans un labyrinthe de corridors et de colonnades. Ils débouchèrent bientôt sur l'entrée des catacombes où Sasuke l'entraîna.

« Ils approchent, murmura-t-il sans cesser de courir. Ça va faire mal. »

Il y avait, à l'opposé, une sortie recouverte de végétations que l'affaissement d'un mur avait créée. Elle donnait sur la route de campagne de laquelle ils étaient venus. Ils se plaquèrent contre un mur, attendant que tous les hommes déployés se rendissent dans le Temple. Sasuke désigna les hautes herbes au pied du lampadaire le plus proche.

« J'y ai caché une moto. On rejoint la forêt là-bas en direction des falaises. Les Aigles y ont creusé un tunnel bien caché. On le prend, on traverse la montagne. Et on part vers le Nord. »

Naruto se pencha pour jeter un œil à l'endroit indiqué avant de reprendre sa place.

« Et pour Escalus, on fait quoi ? demanda-t-il en montrant les catacombes du pouce. »

Sasuke eut un petit sourire.

« Sois prêt à tirer. »

Naruto déglutit à nouveau. Mais la main qui enserra la sienne le rassura quelque peu.

« A trois, dit Sasuke. »

Il hocha la tête.

« Un… »

Retint sa respiration.

« Deux… »

Entendit des voix résonner dans le corridor et des bruits de pas approcher.

« Trois ! »

Ils s'élancèrent hors du Temple et se retournèrent aussitôt vers celui-ci pour abattre les hommes qui étaient montés sur le toit. Agile, Sasuke n'en manqua aucun tandis que Naruto évitait les balles et ripostait tant qu'il pouvait. Et puis il y eut une succession d'explosions.

« A terre ! cria Sasuke. »

Il entraîna Naruto dans sa chute tandis que derrière eux, le Temple volait en éclats. Naruto ferma les yeux et se protégea des gravats qui volèrent jusqu'à eux. Mais déjà, Sasuke se relevait et le tirait pour qu'il fît de même.

« C'est notre ouverture. Viens ! »

Naruto se remit debout maladroitement et se laissa entraîner jusqu'aux hautes herbes. La moto s'y trouvait bien et Sauske alluma le moteur en un rien de temps avant de l'enfourcher. Naruto se retourna pour constater que les agents d'Escalus ne les pourchassaient pas encore – peut-être même ne s'étaient-ils pas encore relevés. Le champ des explosions avaient été si large qu'il ne restait sans doute que peu de survivants.

« Naruto ! s'impatienta Sasuke. »

Le jeune homme monta promptement derrière lui et l'engin démarra aussitôt. Il roula entre les hautes herbes jusqu'à un petit sentier de pierre où il fila jusqu'à atteindre la forêt.

Naruto se retourna une dernière fois. Il n'y avait nul hélicoptère, nulle voiture, nulle balle qui cherchait à les atteindre. Il se tourna vers Sasuke, enserrant sa taille de ses bras.

« Comment tu as fait ? »

Un rire étouffé par le vent échappa au jeune homme.

« Un faux ordre donné pour un vaste déploiement qui devait rester discret. Je ne les ai pas tous eus mais c'est suffisant pour qu'Escalus ne soit en plus état de faire quoi que ce soit pendant un moment. J'ai aussi publié le nom de tous les agents en ligne. Tu peux être sûr que les survivants des gangs s'arrangeront pour les trouver et se venger.

-Mais comment tu pouvais être sûr qu'on s'en sortirait ? »

Sasuke haussa les épaules.

« Je ne l'étais pas. Mais je savais qu'avec toi, je pouvais y arriver. »

Un large sourire étira les lèvres de Naruto tandis qu'ils entraient dans la forêt. Sasuke tourna à peine la tête vers lui.

« Hé… tu es toujours prêt à me suivre ? »

Le sourire de Naruto se fit plus féroce.

« Evidemment, enfoiré ! »

Sasuke répondit à son sourire avant de se concentrer sur le chemin devenu cahoteux. Une irrépressible envie de rire se saisit de Naruto tandis que les falaises, au-delà des cimes des arbres, se dessinaient, noires, sur le ciel étoilé.


Désespérine