Disclaimer : Bien que cela me fende le cœur, je tiens à préciser que les personnages de la série Sherlock BBC ne m'appartiennent nullement. Ils sont la propriété des génialissimes Mark Gatiss, Steven Moffat et de Sir Arthur Conan Doyle. Par ailleurs, je ne touche pas un centime en publiant ce texte (Dommage car vu le temps que j'ai passé sur cette fic, j'aurais pu me faire un sacré petit pécule :) )
Citation de Miguel de Unamuno dans le titre.
Note : SomeCoolName, ma déesse de la Case !fic, si tu savais à quel point je tremble de te rendre ce cadeau d'anniversaire atrocement en retard ! À travers cet essai maladroit, j'espère pouvoir te rendre hommage, à toi et au talent fou de tes mots et de tes idées. J'espère que tu as conscience de mon admiration sans borne pour tout ce que tu fais. Je ne prétends pas un jour pouvoir atteindre ton niveau mais sache que sans toi, sans ton amour des Case !fic et sans ma volonté absolue de t'offrir quelque chose de spécial, jamais je ne me serais lancée dans une telle aventure. Alors voilà, cette Case !fic sur laquelle j'ai sué sang et eau, j'espère que tu l'aimeras, car j'ai tout donné et qu'elle n'existe que grâce à toi. Je t'embrasse très fort et te souhaite un Joyeux Non-anniversaire )
Remerciements : Pas de traditionnel déferlement de 'Merci merci merciii putain je vous aime' à la fin de ce chapitre. Il faudra prendre votre mal en patience et attendre le chapitre ultime ! Mais je vous aime quand même -)
Genre : Case !fic, aventure, romance. Sans doute OOC (faut pas trop m'en demander non plus :p ).
Fic comportant 6 chapitres déjà rédigés. Publication hebdomadaire sauf si je trouve entre temps la motivation d'écrire et de publier un ou deux petits OS (c'est beau de rêver).
Je tiens à préciser que cette histoire diffère de mon style habituel. Il n'y aura pas de drame, pas de déchirement, pas de cœur arraché et violement piétiné (je sais que je vais en décevoir certaines XD). De même, je me suis exercée à plus de dialogue et moins de descriptions interminables. Je suis navrée si cet essai vous semble maladroit et de moins bonne qualité. C'est difficile de sortir de sa zone de confort et de tenter quelque chose de différent. Cette fic est celle qui m'aura donné le plus de mal jusqu'ici et j'espère que je ne vous décevrais pas et que cette pseudo-enquête ne vous semblera pas trop ridicule.
Rating : T. Sentiments et attirance homosexuelle.
Pairing: Sherlock/John
Bêta-lecture : Parfois, il faut savoir rendre à César ce qui appartient à César. C'est donc avec humilité que je dépose mes lauriers à tes pieds, ma merveilleuse Amelia theFujoshi. Car il est grand temps que je dévoile cette vérité. Tu n'es pas la simple correctrice pour laquelle je te fais sans doute passer depuis tout ce temps. Tu n'es pas juste là pour me secouer les puces, supporter mes jérémiades et t'étouffer de rire devant les fautes impardonnables de mes textes. Tu es tellement plus que ça. Car au final, ces textes sont aussi bien les tiens que les miens. Et surtout celui-ci. Je ne te remercierais jamais assez pour tout ce temps que tu as passé pour m'aider à élaborer ce projet fou. Tu as été un véritable pilier dans cette aventure. Tu m'as épaulé, assisté, secondé. Toutes ces heures à écouter mes divagations, à y participer, à y mettre de l'ordre, à me proposer de magnifiques améliorations, à débloquer les impasses dans lesquelles je m'engluais, au détriment de ton sommeil, au détriment de tes propres projets. Je suis une horrible alpha abusive qui n'arrive pas à croire en sa chance de t'avoir trouvé. Merci ma douce, ce projet n'aurait pu voir le jour sans ta présence à mes côtés. Je t'aime.
L'Ennui fait le fond de la vie
xXx
Chapitre 1: Samedi
xXx
L'Ennui.
Qu'y avait-il de pire que l'ennui? Aucune personne saine d'esprit ne pouvait délibérément supporter cette atroce sensation de vide, cette infâme lassitude rongeant l'âme et dévorant le cerveau, cellule après cellule, jusqu'à ce qu'il n'en reste rien si ce n'est une mélasse putride et dégoulinante de neurones devenus inutiles.
Non, assurément, personne ne pouvait le supporter – et certainement pas Sherlock Holmes.
Ce fut d'ailleurs l'une des raisons pour laquelle ce matin-là, quand Lestrade requit sa présence sur une vulgaire affaire de disparition, il sauta sur l'occasion sans se poser plus de questions. Il en oublia même de râler pour la forme, ce qui lui valut un regard franchement étonné de la part de John. Mais pour sa défense, ils n'avaient pas résolu la moindre petite énigme depuis plus de trois semaines et l'Ennui, cet ennemi mortel, était à deux doigts de gagner la partie et de rendre le brun totalement fou – ou, à défaut, de pousser le blond au meurtre.
Il reconnaissait lui-même être particulièrement imbuvable en cette période de manque et louait l'infinie patience du médecin. Patience qui s'effritait pourtant inexorablement et semblait plus que jamais sur le point de voler en éclats – Sherlock le voyait au tremblement des poings de John lorsqu'il dépassait les bornes une fois de plus, au pincement sec de ses lèvres fines, à l'étrécissement de ses yeux virant à l'orage et au blanchiment de ses phalanges. Il quittait d'ailleurs de plus en plus fréquemment l'appartement sous prétexte de 'prendre l'air' et ne revenait parfois que tard le soir.
Raison de plus, donc, pour foncer tête baissée dans cette affaire insignifiante pour laquelle il n'aurait pas même levé un seul sourcil en temps normal.
Tout sauf l'Ennui. Tout sauf le départ de John.
Il ignora l'étrange douleur qui s'installa de façon pernicieuse sous son omoplate gauche rien qu'en y pensant – une sorte d'élancement, vif et pinçant – et se contenta d'enfiler manteau et écharpe. Pour finir, Il saisit le blouson de son colocataire et le lui jeta à la figure sans autre forme de procès.
« John, nous sortons.
— Dieu soit loué ! Où ça ?
— 45 Mount Pleasant.
— The Apple Tree ? Le Pub ? demanda-t-il en fronçant les sourcils, visiblement contrarié à l'annonce de leur future destination.
— Précisément. Un problème ?
— Si c'est pour une enquête ? Aucun, lui répondit-il en le regardant bizarrement. Dis-moi que c'est pour une enquête.
— Évidemment. Lestrade a appelé.
— Parfait ! Allons-y », s'exclama le blond, visiblement soulagé par sa réponse.
Sans doute John était-il tout autant en manque d'action que le détective. Ce qui expliquerait le soulagement clairement audible dans sa voix et l'empressement qu'il mettait à enfiler son blouson. En l'espace de quelques secondes, le médecin était fin prêt, poussait quasiment Sherlock hors de leur appartement et lui emboîtait le pas en dévalant les marches avec un enthousiasme non feint. Sherlock aimait ces moments plus que tout: l'excitation procurée par la promesse d'une nouvelle énigme, le frisson de l'inconnu et la présence bouillonnante et inébranlable de John à ses côtés.
.
.
Assis côte à côte à arrière du taxi, Sherlock ne tint plus et brisa finalement le silence pourtant confortable qui régnait dans l'habitacle.
« Ça aurait donc été un problème s'il n'y avait pas eu d'enquête. »
Cette constatation n'était rien d'autre qu'une question déguisée et tous deux en avaient parfaitement conscience.
« Précisément, répliqua John en parodiant sa façon de répondre et son air hautain, faisant ainsi légèrement frémir les lèvres du détective.
— Pourquoi ?
— Je connais cet endroit.
— J'avais compris », s'agaça Sherlock.
Le blond l'irritait à faire tant de mystères inutiles.
« Mais ça n'explique rien, reprit-il avec insistance.
— Y aurait-il une raison valable pour que toi et moi traînions ensemble dans un pub ?
— Ne sois pas stupide, je déteste ce genre d'établissement. Je ne comprends même pas pourquoi tu t'obstines à t'y rendre régulièrement.
— Nous sommes d'accord », répondit John, un sourire apaisé aux lèvres alors qu'il détournait le regard, mettant ainsi un terme à leur échange.
Sherlock fit la moue. Il avait la désagréable impression d'être passé à côté de quelque chose d'essentiel. Du coin de l'œil, il observa les traits détendus de son colocataire qui fixait sans le voir le défilement des rues à travers la vitre sale du black cab. Au moment où il crut déceler un élément inhabituel dans le pli de sa bouche, il réalisa soudain que John n'avait pas répondu à sa question. Pire, il l'avait même subtilement détournée – piégeant ainsi habilement le détective. Il n'y avait guère que John pour le rouler de la sorte, l'incroyable et étonnant John Watson. L'étourdissement inexplicable qu'il ressentait toujours lorsque cet homme arrivait à le surprendre – événement qui se produisait d'ailleurs bien trop fréquemment – s'empara une nouvelle fois de lui. Il se ressaisit aussitôt, secouant la tête pour chasser ce vertige inopportun, et s'apprêtait à protester quand le taxi s'immobilisa.
Avant que Sherlock ne pût réagir, le blond se faufila furtivement hors du cab. Mauvais perdant, il grimaça, furieux de s'être laissé distraire par le cours de ses pensées et de devoir mettre lui-même la main à la poche pour payer la course exorbitante – 10,80£ pour les ridicules 2.7 miles séparant Baker Street de Mount Pleasant.
Foutus chauffeurs de taxi et leurs foutus tarifs abusifs du samedi.
Foutu John…
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.
Sherlock manipula délicatement le papier vélin, frôlant de ses longs doigts gantés son nom finement calligraphié à l'encre rouge. Il comprit tout de suite mieux la raison pour laquelle l'inspecteur avait pris la peine de le contacter pour un simple cas de disparition. Difficile d'imaginer meilleure excuse qu'une enveloppe à l'attention de Sherlock Holmes découverte sur les lieux du 'crime'…
« Où l'avez-vous trouvée ? demanda-t-il, en abandonnant le pli sur le comptoir.
— Dans l'arrière-cour, là où Cathy Müller a été vue pour la dernière fois, hier soir, peu avant minuit, répondit Lestrade. Mr et Mrs Müller maintiennent qu'aucune enveloppe n'était présente, ni cette nuit, ni ce matin. Et pourtant, quand nous sommes arrivés sur place, elle était bel et bien là. Apparemment, quelqu'un l'a déposée dans la cour entre-temps.
— Autre chose ?
— Elle reposait à même le sol, dans un cercle de peinture blanche.
— Montrez-moi. »
Il laissa l'inspecteur le conduire jusqu'à ladite cour, jetant au passage un regard mauvais au sergent Donovan qui se tenait proche de John – trop proche. Ils discutaient avec les propriétaires de l'Apple Tree. Couple marié depuis plus de vingt ans, heureux en ménage, sans histoires extra-conjugales. L'homme, grand et roux, se distinguait par son crâne franchement dégarni et son ventre légèrement bedonnant – trop de bière. La femme, plus petite d'une bonne tête, blonde et fluette, possédait les mains les plus osseuses qu'il n'ait jamais vues – trop de stress. Tous deux avaient les yeux rouges, cernés, et les épaules voutées. Leurs vêtements, sales de poussière, sentaient la sueur rance caractéristique des gens en proie à une peur panique – le couple devait avoir veillé toute la nuit, parcourant le quartier à la recherche de leur fille évaporée dans la nature. Mrs Müller souriait faiblement alors que John s'adressait à elle, une main réconfortante posée délicatement sur son avant-bras tandis que le mari coulait sur lui un regard empli d'espoir et teinté de reconnaissance. Sherlock tiqua. John connaissait les gérants de l'établissement.
L'arrière-cour était typique d'un pub. Container poubelle à la saleté repoussante, empilements de caisses de bouteilles d'alcool vides, pavés poussiéreux et traces jaunâtres s'écoulant du tuyau d'évacuation qui transperçait le mur gris – preuve solide de la vapeur grasse et odorante s'y échappant en temps normal. Mais seul le cercle blanc de 39 pouces de diamètre tracé à même le sol attira vraiment l'attention du détective. Il s'accroupit, loupe miniature en main, et examina de plus près le trait grossier. À sa connaissance, aucune peinture ne présentait un tel aspect – poreux et friable. Lestrade était un imbécile. Il récolta rapidement un échantillon, perturbé par l'absence de John, resté en arrière avec Donovan et les parents de la jeune disparue.
« L'enveloppe était placée au centre du cercle, entendit-il prononcer l'inspecteur dans son dos, le faisant presque sursauter tant il avait oublié sa présence.
— Une raison particulière pour l'en avoir délogée ? » lança-t-il, agacé.
Il détestait quand le Yard fourrait ses sales pattes partout et déplaçait les pièces à conviction. Bien que s'il devait être honnête, la situation aurait pu être pire. Au moins Anderson, de par son absence, s'était-il abstenu cette fois-ci de faire dramatiquement baisser le quotient intellectuel déjà limité de l'équipe de police. C'était déjà ça.
L'inspecteur ne répondit pas, haussant seulement les épaules et se détournant de lui pour rejoindre les autres. Pas qu'il put de toute façon répliquer quoi que ce soit – les policiers sous ses ordres étaient pratiquement tous des imbéciles et il le savait. Sherlock refit le tour de la place et prit quelques photos avec son téléphone mais ne repéra aucun autre indice valable. Il revint finalement à l'intérieur et se plaça aux côtés de John. Ignorant le couple qui le regardait avec insistance, il s'empara à nouveau de l'enveloppe marquée de son nom. Ses yeux s'accrochèrent à ceux du blond, qui hocha la tête. Tous retinrent leur respiration alors qu'il ouvrait le pli et un sanglot déchira le silence pesant au moment où un pendentif en fut retiré.
« Oh mon Dieu ! C'est son collier ! Oh ma petite fille, mon petit bébé… geignit la femme en cachant son visage dans la chemise bleu pâle de son mari.
— Votre fille n'est-elle pas majeure de son état ? demanda t-il avec rudesse. Le temps des couches, des pleurs et de la bave semble révolu, tout du moins je l'espère, aussi bien pour vous que pour elle. À moins qu'elle n'ait un problème de taille ? reprit-il après un léger silence tout en se tournant vers John qui levait les yeux au ciel sans qu'il n'en comprenne la raison.
— Q-Quoi ?
— Votre fille. Il se détourna du blond pour fusiller la femme bégayante du regard. Pourquoi la qualifier ainsi ? Est-elle anormalement chétive par rapport aux mesures standards ? Serait-elle cul-de-jatte ?
— Comment osez-vous ? rugit l'homme au ventre proéminent et à l'affreuse cravate jaune.
— Répondez à ma question avant d'en poser vous-même. Ou plutôt non, abstenez-vous carrément d'en poser si elles doivent vraiment être toutes aussi stupides. Votre femme, débita-t-il à toute vitesse tout en la pointant du doigt, a employé par deux fois l'adjectif 'petit' pour désigner votre enfant et l'a même qualifié de 'bébé'. Alors je vous le demande une dernière fois : votre fille est-elle affublée d'une tare physique ? Est-ce si compliqué à comprendre ?! »
John s'interposa entre eux, les mains levées en signe d'apaisement.
« Sherlock la ferme. Miss Müller n'a aucune 'tare physique', grogna-t-il d'une voix sourde entre ses dents serrées.
— Bien. Psychologique alors ?
— Non plus, répondit-il sèchement tandis que le mari devenait dangereusement rouge. Mrs Müller ne faisait que s'inquiéter pour sa fille, tu sais, avec… affection ?
— Des sentiments ! renifla Sherlock d'un air hautain. Vous me faites perdre mon temps !
— Fais-moi plaisir veux-tu ? Tais-toi. JE vais poser les questions et pour une fois TU vas prendre des notes. Tu verras, c'est passionnant. »
Le sarcasme était flagrant mais allait bien à John. Sherlock était étrangement sensible quand son ami faisait preuve d'autorité. Il obtempéra donc en marmonnant et récupéra le carnet de notes, frôlant le poignet du médecin dans la manœuvre. Mr et Mrs Müller semblaient de toute façon bien trop idiots pour qu'il ne se fatigue à leur tirer les vers du nez. Attendant sagement que John prenne les rênes de l'interrogatoire, il adressa un rictus méprisant à l'attention de Donovan qui semblait encore plus sotte que d'habitude alors qu'elle les dévisageait de ses yeux ronds, la bouche entrouverte. Qu'avait-il donc fait pour être entouré d'une pareille bande d'abrutis?
La douce voix de John calma instantanément ses nerfs tandis qu'il menait l'interrogatoire. Son colocataire avait l'extraordinaire capacité de moduler son timbre pour le rendre chaud, apaisant et limite hypnotique lorsqu'il s'adressait à d'autres que lui. Il se surprit à être envieux de la considération du médecin pour le couple. Pourquoi John ne lui parlait-il jamais ainsi ? Il sentit comme une flèche lui transpercer le dos à cette question. Mais avant même qu'il ne puisse l'analyser, la sensation s'évapora.
« Je suis désolé, quelqu'un s'est levé du pied gauche ce matin, plaisanta le blond en désignant vaguement Sherlock de sa main. Mrs Müller, s'il vous plaît, pouvez-vous me répéter ce que vous disiez au sergent Donovan ? Quand avez-vous constaté la disparition de Cathy ?
— Hi… Hier soir, à la fermeture, vers 23h30, tu sais… comme tous les vendredis. Cathy faisait le service. On discutait un peu avec les derniers clients tout en les mettant gentiment dehors pendant qu'elle débarrassait les tables. Tu nous connais, on ferme rarement à l'heure. Elle sortait les poubelles dans la cour la dernière fois que je l'ai vue. Il a dû se passer à peine… dix minutes entre le moment où elle s'est rendue dans l'arrière-cour et celui où nous avons finalement souhaité une bonne nuit à nos habitués. Quand j'ai verrouillé les portes de devant, je ne me suis pas rendu compte tout de suite de son absence. C'est mon mari qui s'est étonné de ne pas la voir compter la caisse – ça fait partie intégrante de son travail. Du coup, il est sorti dans la cour, voir si elle s'y trouvait toujours, mais non, il n'y avait strictement personne. Nous avons regardé en cuisine et dans le garde-manger, personne non plus. On a vérifié à l'étage, dans nos appartements, mais tout était noir. Oh John, je ne comprends pas, elle n'était plus là ! Son portable ne répondait pas, et de toute façon nous l'avons retrouvé dans sa chambre en train de charger. De nos jours, quelle jeune fille de son âge sortirait sans son téléphone? On a appelé ses amis, on s'est même séparés pour la chercher dehors dans les rues, on y a passé la nuit ! Mais Cathy n'était nulle part ! Nous avons appelé la police ce matin à l'aube, quand nous avons perdu espoir de la retrouver ou de la voir rentrer. Je ne comprends pas, c'est une gentille fille, elle n'avait aucune raison de partir comme ça. Et jamais elle n'aurait ôté son pendentif ! John, John il lui est arrivé quelque chose, j'en suis sûre, je le sens, oh Cathy, ma petite chérie…
— Nous allons la retrouver Mrs Müller, je vous le jure, promit John avec ferveur, coupant court aux sanglots de la gérante. Je sais que c'est dur mais gardez espoir, nous allons vous aider. Sherlock est un mufle mais il la retrouvera, je vous en donne ma parole, vous pouvez me croire quand je vous dis que c'est le meilleur. »
Sherlock ne put s'offusquer de l'engagement que John prit en son nom, pas plus qu'il ne s'offusqua de l'insulte – si être qualifié d'extrémité de museau était bien considérée comme une insulte. Comment le pourrait-il alors que son ami mettait tant de conviction dans ces derniers mots? Non, Sherlock n'était pas offusqué. En fait, au vu de la chaleur qui se répandait doucement dans sa poitrine et qu'il dut sévèrement réprimer pour éviter à tout prix qu'elle ne s'étende sur ses joues, il se sentait même plutôt flatté.
« Mr Müller, ce collier… vous confirmez qu'il appartient bien à votre fille ? demanda l'inspecteur Lestrade, visiblement vexé que l'épouse réclame l'aide de John plutôt que celle du Yard.
— Oui, oui c'est bien le sien. Elle nous rabâche les oreilles avec depuis des jours. C'est un cadeau de son petit-ami.
— Son petit ami ? s'exclama Donovan d'une voix grinçante. Qu'est-ce que c'est que cette histoire ? Vous n'avez pas mentionné le moindre petit ami lorsque je vous ai demandé la liste des gens susceptibles de l'avoir accueilli ou qui seraient au courant pour sa fugue.
— Cathy n'a pas fugué ! Ma fille n'a pas fugué vous m'entendez ? Elle a disparu nom de Dieu ! objecta le père avec la plus véhémente conviction.
— Je suis certain que ce n'était pas que ce le sergent Donovan voulait insinuer, reprit John avec fermeté empêchant ainsi Sally de répliquer. Parlez-moi de lui, si vous voulez bien, le connaissez-vous ?
— Je… Nous ne l'avons jamais vu, c'est un garçon qu'elle a rencontré sur Internet. Elle l'appelle Mephi mais c'est un surnom et apparemment ils 'sortent ensemble' depuis trois semaines, même si je ne comprends pas comment on peut sortir avec une personne juste en s'échangeant des mails. Il lui a offert le collier y'a une semaine, un colis arrivé par la poste. Depuis, Cathy ne le quitte plus. Elle le portait encore hier soir.
— En savez-vous plus sur lui ? Son vrai nom ? Où il habite ? Ce qu'il fait dans la vie ?
— Non nous… nous n'étions pas vraiment favorables à toute cette histoire de petit copain virtuel… Elle nous parle très peu de lui. Elle semble juste très amoureuse et passe son temps à tripoter ce pendentif ridicule. Nous avons eu une dispute à ce sujet, ce n'est vraiment pas très hygiénique de se trimballer avec une mèche de cheveux dans un flacon accroché autour du cou quand on travaille dans la restauration. Je lui ai demandé de l'enlever mais ça l'a fait entrer dans une colère noire et elle a hurlé qu'elle ne s'en séparerait jamais…
— Une mèche de cheveux ? Quelle mèche de cheveux ? intervint Sherlock, soudainement agité.
— Dans le flacon du pendentif, ce sont les cheveux de son petit ami dedans.
— Il n'y a aucun cheveu, voyez vous-même. »
Sherlock brandit le collier, la chaîne enroulée autour de son index. À l'extrémité des maillons se balançait une figurine d'ange de la même teinte argentée que la chaînette. L'ange en lui-même surplombait un petit flacon de verre rempli à mi-hauteur de liquide transparent et fermé par un bouchon en liège. Mr et Mrs Müller fixaient la bouteille miniature, l'air hagard et vraisemblablement complètement perdus.
« Je-Je ne comprends pas. Qu'est-ce que c'est ? Hier encore il y avait une mèche de cheveux dans cette saleté de collier ! explosa le roux.
— Est-ce bien le même pendentif ? »
Sherlock menait à nouveau l'interrogatoire, toute agressivité envolée par l'attrait soudain que prenait cette affaire.
« Oui, c'est bien le même. Je reconnais la chaîne, l'ange, le flacon, c'est le collier de Cathy, il n'y a aucun doute. Mais je ne comprends pas ce qu-
— Cessez donc de vous répéter. Les cheveux, de quelle couleur étaient-ils ?
— Et bien…
— Noirs ? Bruns ? Auburns ? Châtains ? Blonds ? Roux ? Blancs ? pressa t-il le gérant, sa femme ayant décidé de rester muette depuis de longues minutes, les yeux dans le vague.
— B-Bruns je crois.
— Vous croyez ? gronda le détective.
— Oui, bruns ou châtains peut-être…
— Deux des trois couleurs de cheveux les plus communes sur terre, merveilleux. John on s'en va.
— Quoi ? s'exclamèrent en même temps Mr Müller, Sally et Lestrade.
— Sherlock, vous ne pouvez pas refuser l'affaire, il y a votre maudit nom sur cette maudite enveloppe ! protesta l'inspecteur.
— Il n'a jamais dit qu'il ne prenait pas l'affaire, Greg.
— En effet », se délecta Sherlock.
John, son cher John le comprenait toujours.
« Inspecteur réquisitionnez l'ordinateur portable de la demoiselle, découvrez l'identité du fameux petit ami, je suis sûr que votre brigade informatique fera des merveilles. Sergent je vous laisse perdre votre temps avec les amis de notre jeune disparue, le mien est trop précieux et cette liste est vôtre, après tout. Mrs Müller, sortez de votre rêverie, j'ai besoin d'ADN, la brosse à cheveux de votre fille fera l'affaire. Quant à nous John, rentrons, nous avons deux substances inconnues à analyser. Mr Müller, au plaisir. John et moi seront devant, à attendre, si votre femme pouvait rapidement sortir de son état catatonique et nous apporter ce que j'ai réclamé, ce serait parfait. »
.
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Finalement, ils ne rentrèrent pas aussi vite que Sherlock l'avait escompté. Il dut avant cela batailler avec l'inspecteur – les procédures du Yard empêchaient soi-disant le détective consultant d'emporter avec lui les preuves officielles liées à l'enquête. Ainsi, enveloppe et pendentif devaient être mis sous scellés puis analysés par les branquignoles de Scotland Yard. Il put toutefois prélever un échantillon du liquide présent dans le flacon et prit le pendentif en photo sous toutes les coutures. Pendant ce temps, John jouait les médiateurs entre les Müllers et Donovan, les premiers ne supportant visiblement pas la métisse, ce qu'il ne pouvait décemment pas leur reprocher.
Quand Sherlock et John poussèrent à nouveau la porte du 221B Baker Street, l'après-midi était déjà bien entamée et mille et une questions se bousculaient dans sa tête – et pas les plus pertinentes.
« D'où les connais-tu ? craqua-t-il finalement alors que des choses bien plus importantes requéraient son attention.
— Je te l'ai dit, je vais souvent à L'Apple Tree.
— Pourquoi ?
— À ton avis ?
— Pour 'boire un verre', prononça-t-il avec dégoût en mimant des guillemets de ses longs doigts effilés.
— Pourquoi me poses-tu la question si tu connais déjà la réponse ?
— Parce que tu ne me dis pas tout.
— Et il ne te vient pas à l'esprit que c'est volontaire de ma part ? »
John était acide et finalement, Sherlock décida que le sarcasme ne lui allait pas en toutes circonstances. Cela n'avait aucun sens, le pub était relativement éloigné de Baker Street et n'avait rien d'extraordinaire. Le bar était certes fourni et le menu relativement diversifié, mais un pub restait un pub. Alors pourquoi John s'embêtait-il à passer quinze minutes dans un taxi, vingt-cinq minutes dans le métro ou même quasiment une heure à pied pour une simple pinte de bière ? Alors même que des centaines de canettes s'empilaient sur les étals du Tesco du coin, à trois minutes de leur appartement ? Pour la compagnie ? Mrs Müller n'était pas le genre de John, trop petite, trop blonde et trop mariée. Leur fille de vingt-quatre ans, trop jeune. Et Mr Müller trop… homme. L'exaspérant 'Je ne suis pas gay' résonnait presque dans l'air comme si John l'avait une fois de plus vociféré avec ardeur.
Sherlock massa sans y penser son épaule à nouveau douloureuse. Il soupira, agacé. John connaissait bien les gérants de l'établissement, ils le tutoyaient mais lui les vouvoyait, ce qui trahissait une relation relativement récente, pas plus de trois mois. Mais il n'allait visiblement pas se détendre à L'Apple Tree pour les beaux yeux des Müllers. Pour quelqu'un d'autre alors ? John était-il engagé dans une relation en ce moment ? Il était sûr que non, il avait lui-même pris grand soin de détruire tout espoir avec la dernière en date, les dérangeant à chaque rendez-vous. Il fallait dire que John n'était pas très futé, il emmenait toujours ses conquêtes au même endroit, au Metropolitan Bar à deux pas de leur appartement. Et le blond ne s'y était pas rendu depuis plus de deux mois et … Oh !
OH !
Sherlock se permit un sourire éclatant et John se renfrogna dans son fauteuil sous le regard pétillant de malice.
« Et merde. Sherlock t'es qu'un sale chieur, tu sais ça ?
— Franchement, John… Pensais-tu pouvoir me le cacher encore longtemps ? The Apple Tree hum ? Soit, je saurais où venir te chercher la prochaine fois.
— Putain, non! J'en ai assez que tous mes rencards foirent par ta faute. Il va falloir que tu apprennes à te passer de moi, ça a très bien marché ces dernières semaines et je compte bien continuer ainsi.
— Ne sois pas ridicule. Ces femmes te ramollissent le cerveau. De toute façon maintenant que je sais où tu traînes, rien de m'empêchera de passer par le plus grand de tous les hasards dans ce pub les soirs où tu désertes notre appartement et que ta présence est requise – je déteste parler seul, le crâne ne remplit plus son office depuis longtemps. Et puis comme tu le sais, je suis un grand consommateur de pommes. Je trouve par ailleurs le vert foncé de la façade de ce bar tout simplement sublime ! Pas du tout vomitif. Et que dire de ces magnifiques pots de fleurs en suspension accrochés par dizaines en vitrine ? L'antithèse absolue de l'old school et de la ringardise. Oui, vraiment, je suis sous le charme. Sans oublier le plus important : Mr et Mrs Müller m'adorent déjà.
— Stupide con. »
Mais John souriait et il n'y avait rien de plus beau que cet éclat amusé et attendri qui brillait dans ses yeux. Subitement apaisé, Sherlock se mit au travail dans la cuisine, penché sur son microscope tandis que John lisait paisiblement son journal.
Et toute chose revint à sa place.
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Sa nuque était raide et ses yeux secs le piquaient. Il se redressa doucement, ménageant son dos crispé. Après des heures de recherches, il venait enfin d'analyser le fameux liquide. Autant la substance blanche fut ridiculement facile à identifier – carbonate de calcium et argile : de la bonne vieille craie, et non pas de la peinture comme l'avait stupidement supposé la police – autant le liquide lui avait donné plus de fil à retordre. Il ne s'agissait ni d'eau minérale, ni de liquide céphalo-rachidien comme il l'avait cru au premier abord – bien que les nombreuses similitudes en aurait fait douter plus d'un. Au bout d'un temps indéfini mais beaucoup trop long, il avait fini par isoler deux protéines essentielles et bien connues. S'il n'y avait pas pensé plus tôt c'est bien parce que lui-même n'en produisait que rarement de façon naturelle, pour ne pas dire jamais. Mais les résultats étaient là : eau, chlorure de sodium, lysozyme et lactotransferrines. Des larmes. Le pendentif était à moitié rempli de larmes humaines.
Avec ses 0.7 pouces de hauteur et son rayon de 0.19 pouces, le petit cylindre de verre pouvait contenir jusqu'à 1.4ml de n'importe quel fluide. Sachant qu'en moyenne, l'être humain produisait 0.1ml de liquide lacrymal par heure et si, comme il le présentait, toutes ces larmes visiblement fraîches appartenaient à la jeune Müller, cela ne sentait pas bon pour elle. Pas bon du tout. Mais l'heure n'était pas aux suppositions, seuls les résultats scientifiques comptaient à ce stade.
Il partit en trombe de l'appartement, sans se préoccuper de John. Il avait besoin de Molly pour effectuer un test ADN. Il savait bien que les cheveux de Miss Müller serviraient en temps voulu !
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Quand il rentra tard ce soir-là – il avait finalement admis à contrecœur qu'un comparatif ADN prendrait du temps, qu'il n'aurait les résultats que dans deux ou trois jours et que non, camper à Bart's et harceler Molly toutes les cinq minutes n'y changeraient rien – l'appartement était noir et silencieux. Sherlock grimpa les marches menant à la chambre de John sans un bruit et prit grand soin de ne pas faire grincer la porte quand il pénétra dans l'antre du blond. John ne dormait jamais dans le noir total. Les rideaux ouverts laissaient entrer les lueurs de la nuit – éclairage public et clair de lune – qui épousaient les contours de la silhouette allongée sur le lit.
John dormait paisiblement, sur le dos, la main gauche sous l'oreiller, la droite reposant mollement au creux de son estomac. Le souffle profond de sa respiration faisait gonfler et dégonfler son torse emprisonné dans le vieux tee-shirt militaire un peu trop petit qu'il portait en guise de pyjama et qui le moulait comme une seconde peau. Le drap blanc entortillait ses jambes et le couvrait jusqu'aux hanches. Il était serein. Et terriblement beau.
La première fois que Sherlock surprit le médecin en plein sommeil, il ne l'avait pas prémédité. Il s'était contenté de surgir dans sa chambre, un soir, pour réemprunter le laptop que son colocataire avait injustement récupéré. Mais il resta alors figé dans l'embrasure de la porte, complètement stupéfié par le spectacle d'un John profondément endormi après trois nuits blanches consécutives à courir dans le tout Londres à la recherche d'un assassin. Depuis, sans qu'il ne puisse s'en empêcher, Sherlock venait régulièrement le regarder dormir. Il lui arrivait même de passer des heures et des heures, appuyé nonchalamment contre le montant de la porte à le fixer intensément. Il s'était rendu compte que l'observer pendant qu'il dormait l'apaisait, faisait taire le millier de petites voix envahissant son cerveau, et lui permettait même de mettre de l'ordre dans son palais mental avec bien plus d'efficacité que lorsqu'il passait ces heures-là avachi dans le sofa du salon. Parfois, il lui arrivait de ressentir autre chose que ce calme tant recherché, une sorte d'euphorie étrange qui s'emparait sans raison de lui, faisant accélérer son rythme cardiaque. Il apprit rapidement à identifier ces moments – lorsque John s'agitait dans les draps ou qu'il poussait de petits soupirs ensommeillés – et quittait alors rapidement son poste d'observation.
Mais ce soir, John était parfaitement immobile et dormait du sommeil du juste.
Sherlock passa la nuit entière à contempler le visage calme de son colocataire, ressassant en boucle dans son esprit les éléments incongrus de l'enquête et cherchant en vain le rapprochement entre la disparition d'une jeune fille, un cercle de craie tracé au sol et une fiole remplie de larmes.
À Suivre …