Salut à tous.
Ceci est la traduction de la fiction The Squire of Dragonstone, d'EmynIthilien, que vous pouvez retrouver en version originale sur Archive Of Our Own (archiveofourown dot org / 3921901 / chapters / 8781790)

Il s'agit d'un univers alternatif où Eddard Stark décide de rester dans le Nord plutôt que d'accepter le poste de Main du Roi, et d'envoyer Jon découvrir un peu le vaste monde au lieu de partir tout de suite sur le Mur.
Et qui de mieux pour lui montrer le vrai visage de Westeros que Stannis Baratheon ? Pour une fois, le roi Robert aura peut-être eu une bonne idée...


Chapitre 1 : Winterfell

L'amitié – suivant ma définition – est bâtie sur deux choses. Le respect et la confiance. Les deux éléments doivent être présents. Et cela doit être mutuel. Vous pouvez respecter quelqu'un, mais si vous n'avez pas confiance, l'amitié s'écroulera.

Mikael Blomkvist, The girl with the Dragon Tattoo de Steig Larsson

Stannis méprisait la chasse. Du moins celles qui impliquaient Robert, car ledit Robert avait toujours sauté sur la moindre occasion de se montrer plus doué que Stannis dans toute activité qui impliquait plus de tuerie que de bon sens. Robert adorait galoper derrière des limiers en une poursuite haletante et délivrer le coup de grâce à quelques pauvre bête. De plus, chaque fois que les caprices de Robert lui suggéraient d'amener ses faucons, une mention et un rire narquois au sujet du défunt autour Fière Aile étaient toujours au rendez-vous.

Oui, Stannis méprisait totalement la chasse.

Et pourtant je la souffre quand même.

Robert souhaitait passer sa dernière nuit à Winterfell à festoyer de sanglier rôti, aussi toute personne qui comptait dans la suite royale avait sellé son cheval à l'aube pour suivre le roi et Lord Stark dans le Bois des Loups; Même le nain Lannister était venu, l'air parfaitement absurde sur un élégant destrier avec une épée courte attachée à sa ceinture. Stannis se retrouva à chevaucher à côté de Stark, qui semblait apprécier cette chasse autant que lui-même si son expression sérieuse et inquiète était une indication.

Pourquoi suis-je dans le Nord, déjà ?

Jon Arryn n'était pas mort depuis une journée que Robert annonçait qu'il se baguenaudait à Winterfell pour faire de l'honorable et dévoué Ned Stark sa nouvelle Main du Roi. Stark allait tout arranger ! Les dettes de la couronne, les Lannister et leurs complots, les enfants Targaryen de l'autre côté du détroit... Stark s'occuperait de tout cela ! Peu importait que le Seigneur de Winterfell n'eût pas mis les pieds à Port-Réal depuis la Rébellion et s'impliquât rarement dans des affaires en-dessous du Collet. Naturellement, Stannis comptait filer immédiatement à Peyredragon, sachant que la mort de Lord Arryn n'avait pas été le résultat de son grand âge.

Ce n'est pas une coïncidence qu'il soit mort une quinzaine avant de parler à Robert de l'inceste de Cersei et Jaime Lannister, et des bâtards conçus par leurs unions.

Mais Stannis avait été arrêté par Robert avant de pouvoir embarquer sur son navire. Sa présence était requise pour le voyage à Winterfell ! Oh oui, Robert l'avait ordonné, prétendant qu'il voulait être entouré de parents qui n'avaient aucun lien avec le nom Lannister. Donc, étant un seigneur obéissant et un frère loyal, Stannis avait accepté. Quoique avec réticence.

Stark avait à peine dit un mot de toute la matinée. Robert soit n'avait pas remarqué, soit s'en moquait, riant et blaguant à l'idée de tous les bons moments que le duo était sûr d'avoir à Port-Réal. La vie serait aussi insouciante qu'aux Eyriés, avec la petite exception que Lord Arryn n'était pas là pour les surveiller. Stannis se retint de dire quoi que ce fût, se concentrant avec détermination sur son cheval et les bois autour de lui.

- ... et puis le tournoi qui aura lieu en ton honneur ! Des chevaliers de tout le Sud viendront pour la gloire, désirant…

Robert s'arrêta, tendant la main pour serrer gentiment l'épaule de Stark.

- Quelque chose te met en carafe depuis ce matin, Ned. Tu es aussi sérieux que Stannis, et ton visage est aussi figé que les statues dans tes cryptes !

Stark soupira, se tournant vers Robert avec un faible sourire.

- J'ai simplement beaucoup de choses à l'esprit, Votre Grâce. Voyager jusqu'à Port-Réal et accepter le poste de Main ne sont pas un sujet à rire. Je serai loin de ma famille pour qui sait combien de temps.

- Je t'envie, Ned. Si seulement je pouvais quitter Cersei et ne jamais la revoir.

- Mais elle est la mère de vos enfants, répondit Stark, confus.

Stannis serra les doigts autour de ses rênes alors que Robert disait :

- Elle est belle, oui, mais plus froide que le Mur. Ce n'est pas Catelyn. Assez à son sujet ! Tes filles vont apprécier la Cour.

- Sansa ne cesse de sourire depuis des semaines, je vous l'accorde. Arya, pas tant que cela. Bran ne cesse de me demander quand il pourra rencontrer Ser Barristan, et Robb fera bien son devoir comme le Stark à Winterfell. Jon…

Stark soupira de nouveau.

- Je crains que Jon ne prenne une décision stupide, mais je n'ai pas le cœur à l'arrêter.

- Il veut épouser quelque jolie fille ? dit Robert avec un gros sourire.

Les yeux de Stark s'arrondirent.

- Se marier ? Il n'a que quatorze ans !

- Je me souviens comment j'étais à quatorze ans ! Si insouciant ! fut la réponse nostalgique de Robert.

Oui, songea Stannis, ta vie était tellement insouciante avant que nous ne voyions nos parents se noyer, incapables de faire quoi que ce soit.

Stark secoua la tête, dévisageant toujours Robert.

- Jon souhaite rejoindre la Garde de Nuit. S'il était venu me voir à l'âge d'homme, je lui aurais donné ma bénédiction, mais ce n'est qu'un gamin, qui n'a pas vu grand-chose du monde. Je m'inquiète qu'il n'en vienne à regretter son choix, et alors il sera voué par son serment à ne jamais quitter le Mur.

- C'est ce qui te ronge, mon vieil ami ? s'amusa Robert. Certainement, tu peux le convaincre de faire autre chose ! Envoie-le comme pupille chez un de tes bannerets, parce que bâtard ou pas, ils devraient considérer comme un honneur d'éduquer un des fils de Lord Stark !

Stark haussa les épaules.

- J'avais espéré que Jon resterait à Winterfell avec Robb, mais Catelyn insiste pour qu'il parte. Comme toujours.

- Comme je l'ai dit, tu ne devrais pas tant t'inquiéter, Ned !

Robert regarda par-dessus l'épaule de Stark en direction de Stannis, et son visage s'éclaira.

- Oublie cette idée de le faire élever chez un de tes seigneurs, envoie-le comme écuyer chez Stannis !

Stannis grinça des dents, priant pour que Robert cessât de parler et fût distrait par quelque chose d'autre. Ces limiers n'avaient-ils pas encore flairé un sanglier ? Malheureusement, Robert poursuivit, ayant décidé que sa solution était plus que brillante.

- Il aura l'occasion de voir Port-Réal et de tout apprendre des plaisirs du Sud ! Qu'il baise une fille et qu'il apprenne ce que c'est d'avoir chaud une fois dans sa vie – les dieux savent que ça te ferait du bien. De plus, Stannis n'a pas de fils à lui. Peut-être que la présence d'un jeune homme sur son île pouilleuse lui montrera finalement le chemin du lit de sa femme !

Stannis serra ses rênes encore plus fort, bien que pour une raison entièrement différente de la première fois. Son cheval secoua la tête, nerveux, mais Stannis ne remarqua pas l'agitation de l'animal avant qu'il ne se cabrât soudain, le jetant presque à terre. Cela fit taire Robert, et Stark regardait de l'un à l'autre avec une expression moitié surprise, moitié compatissante. Stannis jura en reprenant le contrôle de son cheval, décidant pour le coup qu'il en avait fini avec la chasse.

- Lord Stark, annonça Stannis en inclinant la tête, mes excuses, mais je dois retourner château, car il semble que mon cheval s'est blessé au pied.

- Je vous en prie, Lord Stannis, répondit Stark après une longue pause, avec un hochement de tête tout aussi formel.

Stannis fit volter son cheval et s'éloigna au galop avant que Robert pût dire autre chose, ignorant les regards ahuris que lui lançait le reste des chasseurs. Stark pouvait sans doute voir derrière ses minces excuses, car le cheval de Stannis n'était pas blessé, du moins pas autant qu'il pût le dire.

Je ne me soumettrait pas aux moqueries de Robert, au diable la politesse. Après tout ce que j'ai fait pour lui, le moins qu'il pourrait assurer est de me montrer un minimum de respect !

En atteignant Winterfell, Stannis passa par la porte principale et confia son cheval à un lad à la mine confuse dans les écuries. En y repensant, Stannis requit d'ausculter le cheval pour toute blessure, au cas où quelqu'un hors Stark et Robert s'enquît de son soudain départ de la chasse. Il lui fallait du temps pour réfléchir, réfléchir et reprendre le contrôle de ses émotions, lesquelles étaient des plus réactives depuis que Jon Arryn avait poussé son dernier soupir. Bien des hommes dans la situation de Stannis auraient filé droit dans une taverne, ou un bordel, ou même un septuaire – mais Stannis avait toujours méprisé la boisson, évité les putains, et gardé ses distances avec les crétins en robe qui débitaient palabres sur palabres sur la bonté de dieux qui n'avaient probablement jamais existé pour commencer.

En fin de compte, Stannis se dirigea vers le bois sacré de Winterfell. C'était toujours un endroit paisible, tellement silencieux qu'on pouvait y entendre le vent soufflant doucement à travers les arbres et les feuilles tombant au sol. C'était presque aussi apaisant que le bruit de la mer, particulièrement celui des vagues s'écrasant sur les rochers sous Accalmie.

Silence... Stannis avait presque atteint l'arbre-cœur et la mare chaude en-dessous quand il entendit un rire suivi d'une série d'éclaboussures. Il n'était pas le seul à rechercher le calme du bois sacré, apparemment. Quand Stannis vit la source des rires, prenant soin de rester caché derrière quelques jeunes barrals, il étouffa un grognement. Deux jeunes loups géants, un gris et un blanc, se pourchassaient autour de la mare tandis que leurs maîtres faisaient des ricochets. La fille portait une robe grise avec une bonne dose de boue maculant l'ourlet, et ses cheveux brun sombre étaient noués en une longue tresse qui s'était depuis longtemps défaite.

Arya, c'est le nom de la fille, la petite Stark qui court toujours dans tous les sens avec des robes sales et des cheveux défaits. Elle n'appréciera pas la court à Port-Réal, comme Stark l'insinuait.Je peux à peine supporter cette cour moi-même.

Le jeune homme à côté d'elle avait les mêmes cheveux sombres, et Stannis n'eut qu'à lui lancer un regard pour savoir qui il était.

Je m'éloigne des insultes de Robert concernant Jon Snow uniquement pour le retrouver ici.

Stannis n'avait jamais personnellement adressé la parole au garçon, mais il était impossible de s'y tromper tant il ressemblait à Ned Stark à la fois par les manières et l'apparence. En fait, Jon était le seul des fils de Stark à partager ses traits. Un peu comme Robert et ses bâtards, mais d'après ce que Stannis avait vu du couple Stark, il doutait assez que Dame Stark cocufiât son mari. Les Stark avaient fait de leur mieux pour cacher Jon durant la visite, depuis le fait de ne pas le présenter à la fête de bienvenue jusqu'à lui interdire d'aller dans la cour d'entraînement quand les enfants de Cersei et la Garde Royale étaient présents.

Stannis regarda Jon tendre la main pour ébouriffer les cheveux de sa soeur, à son évidente joie. Plus Stannis regardait Jon, plus il voyait Ned Stark, l'homme que Robert avait déclaré encore et encore être le vrai frère qu'il avait toujours voulu mais jamais obtenu. En quoi cela importa-t-il sur le garçon voulait rejoindre Garde de Nuit ? Le propre frère de Ned Stark avait pris le noir, et Benjen Stark semblait aussi satisfait de sa vie que n'importe qui d'autre. Tout comme il y avait toujours eu un Stark à Winterfell, Stannis voulait bien parier qu'il y avait toujours eu un Stark sur le Mur, légitime ou bâtard.

Si le Mur est son choix, laissons-le choisir et faire face aux conséquences.

Stannis décida de rester et d'observer le duo, n'ayant rien de mieux à faire ni aucune envie d'avoir la compagnie des résidents du château.

Arya tentait de faire ricocher des pierres sur la surface de la mare, mais n'ayant pas le même succès que son frère, elle jeta dans l'eau toute la pile de pierres qu'elle avait rassemblée. Son frère haussa les sourcils.

- Ce n'est pas juste ! Je peux monter aussi bien que Robb, pourtant je ne suis pas autorisée à aller à la chasse !

- C'est n'est pas une question de monter à cheval, petite sœur, dit Jon, tendant la main pour lui ébouriffer de nouveau les cheveux. Les chasses royales ne sont pas un endroit les filles, surtout les petites louves.

- Ça ne t'énerve pas de ne pas y être, là ?

- Moi ? Et manquer de passer du temps avec le prince Joffrey ?

- Sansa dit que tu es jaloux de lui.

Jon renifla.

- Évidemment que Sansa dit cela. Elle pense qu'il est son Florian tout droit sorti des chansons. Je maintiens ce que je t'ai dit avant : Joffrey est vraiment un petit merdeux.

Le louveteau gris aboya en réponse, et le blanc agita les oreilles comme s'il pouvait exactement comprendre ce qui se disait.

- Tu vois ? Même Nymeria est d'accord avec moi ! Fantôme aussi, si seulement il pouvait crier.

Il n'a pas tort, musa Stannis. Jon et Arya continuèrent dans la même veine pendant un moment, et Stannis fut surprise de voir la relation affectueuse qui unissait les deux.

Si seulement les choses avaient été aussi faciles entre Robert et moi, ou même avec Renly.

Stannis regarda Arya sauter sur ses pieds et empoigner un bâton, adoptant ce qu'elle pensait sans doute être la posture d'un guerrier.

- Je suis la reine Nymeria de la Rhoyne !

Jon suivit le mouvement, levant son propre bâton.

- Je suis le Jeune Dragon, le roi Daeron Targaryen !

Arya était clairement surclassée, bien que Jon fît de son mieux pour prétendre que c'était un combat équitable. Il souriait comme un idiot tandis qu'Arya tentait avec détermination de le frapper avec son bâton. Les loups suivaient le combat et au bout d'un moment le loup gris sauta et saisir le bâton de Jon, le menant à s'incliner devant sa sœur pour reconnaître sa défaite.

- Il semble que je sois pas de taille contre Nymeria, que ce soit la reine ou la louve.

Si seulement Shireen avait un frère ou un ami comme Jon.

Avec son visage balafré et ses manières calmes, elle s'intègre aussi bien qu'Arya avec ses habits boueux et ses duels. Bariol est loin d'être un compagnon idéal, et les fils de Davos sont trop formels avec elle. Non que je les blâme.

Stannis soupira et commença à s'en retourner vers le château. Si Robert n'avait pas empalé un sanglier à présent, il avait sûrement convaincu Stark d'expédier Jon à Peyredragon avec Stannis, car une fois que Robert se mettait une idée en tête, il en démordait rarement. Peut-être l'idée n'était-elle pas si mauvaise. Stannis avait approuvé d'accueillir l'unique fils et héritier de Jon Arryn, après tout, avant que Lysa Arryn et le petit Robert ne fuient aux Eyries. Ned Stark n'était pas un ami comme Lord Arryn l'avait été, mais c'était un homme de bien qui faisait toujours son devoir et acceptait la responsabilité de ses actes – telle que reconnaître son bâtard et voir à ce que Jon fût éduqué de la même façon que son héritier. Le garçon ne semblait pas une mauvaise graine, si la façon dont il parlait et jouait avec sa sœur était une indication.

Sa décision prise, Stannis résolut de parler à Ned Stark une fois que les chasseurs seraient rentrés.

Si Jon Snow doit devenir mon écuyer, ce sera selon mes termes plutôt que ceux de Robert.

# #

Jon était alors assis dans la cour principale de Winterfell, Fantôme restant silencieusement à ses côtés. Tout le château était d'une humeur sombre depuis la chute de Bran, et le départ du roi vers Port-Réal avait été reporté indéfiniment. Jon essayait toujours de rassembler le courage de visiter Bran sur son lit de malade, car Dame Stark n'avait pas quitté son fils depuis des jours.

Bran est toujours ton frère, quoi que Dame Lady Stark puisse vouloir. Et je ferai bientôt face à des dangers pires que Catelyn Stark.

Jon était pressé de rejoindre le Mur. Comme le roi, Benjen Stark avait retardé son départ de Winterfell. Jon présumait qu'il partirait avec lui, comme Père n'avait pas ouvertement refusé sa requête de prendre le noir. Mais Père n'avait pas donné sa bénédiction non plus, quelque chose que Jon souhaitait désespérément. Un hochement de tête et un sourire de la part de l'homme qu'il admirait plus que tout suffiraient. Jon avait besoin d'être certain de faire le bon choix.

Car quelle autre options ai-je donc ? Je n'ai pas d'héritage et les enfants bâtards sont vus avec méfiance dans tout Westeros. Un bâtard ne pourra jamais devenir Seigneur de Winterfell, mais il peut s'élever pour être Lord Commandant de la Garde de Nuit.

- Jon !

Une voix derrière lui tira Jon de sa rêverie. Il tourna la tête pour voir Jory, le capitaine des gardes de son père, qui lui souriait.

- Bonjour, Jory. Vous avez besoin de mon aide ?

- Non, mais Lord Stark souhaite te voir dans son bureau.

- Vraiment ? demanda Jon, son humeur s'allégeant.

Père avait passé la plus grande part des derniers jours au chevet de Bran et, étrangement, à se disputer avec le roi Robert.

Peut-être que maintenant il va me donner sa bénédiction pour aller au Mur.

- Immédiatement, si tu peux, répondit Jory.

Jon se releva, défroissant sa tunique et époussetant ses chausses. Fantôme s'apprêtait à le suivre, mais Jon lui ordonna de rester.

- Va jouer avec tes frères et sœurs, dit-il, ébouriffant la fourrure blanche du loup géant.

Jon gravit les escaliers menant au bureau de son père quatre à quatre, et reçut la permission d'entrer au premier coup sur la porte. Cependant, il sentit immédiatement que cette réunion ne concernerait pas ce qu'il souhaitait.

Car Père n'était pas seul.

Père était assis dans sa chaise habituelle derrière son bureau, les mains tranquillement posées devant lui. A côté de lui se trouvait Lord Stannis, assis le dos bien droit sur une chaise de bois, les bras croisés et la bouche pincée en une ligne mince. Ses yeux bleu sombre étaient durs tandis qu'ils le fixaient intensément, suivant chaque geste de Jon. Jon était surpris de la présence du frère du roi Robert, car il ne lui avait jamais parlé ou eu la moindre raison d'interagir avec lui. Jon avait observé que Stannis restait souvent seul et appréciait les festins et les réjouissances tenus en l'honneur du roi encore moins que la reine Cersei.

- Père, Lord Stannis, salua Jon avec une courbette assez raide.

- Assis-toi, mon garçon, dit son père avec chaleur, désignant une chaise vide devant le bureau.

Lord Stannis ne dit pas un mot, et son expression sévère ne changea pas.

- Je t'ai appelé ici pour discuter de ton souhait de rejoindre la Garde de Nuit, commença Père.

Jon attendit.

- La Garde de Nuit est une vocation honorable, mais même ton oncle Benjen avait vu plus d'années que toi avant de prononcer ses vœux. Je veux que tu fasses plus l'expérience de la vie avant d'aller sur le Mur, et en tant que Seigneur de Winterfell j'ai les moyens de te faire explorer d'autres chemins.

Jon lutta pour garder un visage neutre, car il valait mieux ne pas montrer sa déception.

- Alors vous m'interdisez d'aller sur le Mur ?

- Non, dit Père, son expression seigneuriale à présent en place. Je n'interdirais jamais rien de tel à quiconque. Mais je te conseille de ne pas y aller maintenant.

Quand Jon ne répondit pas tout de suite, Lord Stark radoucit son visage en celui de Père.

- Le Mur sera toujours là, fils.

- C'est aussi ce qu'a dit oncle Benjen, répondit Jon avec découragement en regardant ses bottes.

- Il a raison.

- Que dois-je faire alors ? Que – comment Père l'avait-il dit – quels autres chemins voudriez-vous me voir prendre ?

- Une autre option s'est présentée, une que je te suggère de considérer sérieusement.

- Dites-le, Lord Stark, s'impatienta Stannis.

Jon avait presque oublié que le seigneur se trouvait dans la pièce. Père jeta un coup d'œil à Stannis en haussant les sourcils, mais il n'y avait pas trace d'irritation dans son expression.

- Lord Stannis est d'accord pour t'accueillir sur Peyredragon, où tu le serviras aussi en tant qu'écuyer. J'ai de fort bons souvenirs de mes années aux Eyriés sous la tutelle de Lord Jon Arryn, qui m'a enseigné comment être un dirigeant juste et honorable. Tu peux apprendre beaucoup de Lord Stannis, et peut-être dans plusieurs années, quand tu t'en sera montré digne, il te fera chevalier.

Jon dévisagea les deux hommes, pris de court par les paroles de son père. La situation était totalement inattendue, et il ne savait pas trop comment répondre. Certes, Père avait présenté le voyage à Peyredragon comme un choix, mais Jon n'était pas assez naïf pour croire que c'était vraiment le cas.

Il n'y pas moyen que je refuse cela poliment. Stannis Baratheon n'est pas quelque petit chevalier des haies, mais l'un des plus puissants seigneurs du royaume avec un siège au Conseil Restreint.

Sans oublier un général réputé et le propre frère du roi Robert. Jon se demanda comment Père avait convaincu Stannis, car il avait l'impression que Stannis ne se souciait guère de Père, en dépit du fait qu'ils se conduisaient toujours de façon polie l'un envers l'autre. Quel honneur y avait-il pour un grand seigneur à prendre un bâtard comme écuyer ? N'empêche, la perspective de devenir chevalier…

- Puis-je emmener mon loup géant avec moi ?

Jon ne savait ce qui l'avait poussé à poser cette question parmi toutes celles qui tournaient dans son esprit, mais il savait par contre que partout où il irait il était nécessaire que vînt avec lui.

Père ne dit rien et regarda Stannis, qui haussa les épaules.

- Je ne vois pas ce qui l'empêcherait. Cependant, le loup sera sous ta responsabilité. Tu te chargeras de le nourrir et de veiller à sa santé, et s'il blesse quelqu'un, je m'attends à ce que tu règles le problème comme on le ferait pour un dogue enragé.

C'est raisonnable.

Les conditions de Stannis étaient à peu près les mêmes que celles que Père avait imposées le jour où Jon, Robb et Bran avaient trouvé les jeunes loups géants.

Jon se mordit la lèvre, regardant alternativement Père et Stannis. Il n'avait plus grand-chose à dire. Il savait qu'il devrait se sentir honoré, mais il ne s'était pas tout à fait remis du choc que constituait le refus de son père de le laisser partir au Mur. Oncle Benjen et la Garde de Nuit avaient été dans ses pensées pendant des mois. Jon prit une profonde inspiration et croisa le regard de Stannis.

- J'accepte votre offre, Lord Stannis. Je vous remercier de votre générosité, et je promets que vous n'aurez pas à la regretter.

- C'est donc réglé, répondit Stannis, négligeant les paroles de Jon et se levant de sa chaise.

Jon se retourna pour s'adresser à Père.

- Voyagerai-je donc à Port-Réal avec vous, père ?

- Non. J'ai décidé de ne pas devenir la prochaine Main du Roi.

C'était certainement une grande nouvelle pour Jon, mais il vit immédiatement que sa surprise n'était rien comparée à celle de Stannis, étant donnée l'expression ahurie et incrédule qui était soudainement apparue sur le visage du seigneur.

- Vous ne pouvez être sérieux, Lord Stark.

- Vous seriez surpris de voir ce que je peux ou ne peux pas être, Lord Stannis.

Stannis se rassit, secouant la tête et laissant échapper un rire sec.

- Vous ne l'avez pas dit à Robert.

Père fronça les sourcils.

- Pas officiellement, mais j'ai exprimé mes doutes depuis l'accident de mon fils.

Stannis continua à émettre ce son grinçant et Jon se sentit assez mal à l'aise.

- Dire qu'il sera mécontent est un doux euphémisme.

- Robert m'a demandé d'être sa Main, il ne me l'a pas ordonné.

- Notre noble roi n'a jamais appris la délicate distinction entre demander et ordonné.

- Winterfell est mon foyer, et mon devoir se trouve dans le Nord, dit résolument Père. Le Sud n'a pas été tendre avec ma famille et moi, et l'un de mes fils pourrait ne pas vivre assez longtemps pour voir demain matin. Il y a des problèmes au-delà du Mur, où mon frère Benjen croit que quelque chose de très dangereux s'agite. De même… - il fit une pause, son regard se posant sur Jon – il y a eu des signes étranges. Savez-vous comment mes enfants sont entrés en possessions des louveteaux, Lord Stannis ?

Stannis secoua la tête.

- Non, mais je vous en prie, dites-moi.

- La mère louve avait tué un cerf, mais le cerf lui avait rendu la monnaie de sa pièce avec un bois à travers la gorge. Ses petits, quatre mâles et deux femelles, tels que les enfants que j'ai élevés, étaient abandonnés. Je crains que quelque chose de similaire n'arrive si je me rends dans le sud comme Main du Roi, et que les Anciens Dieux tentent de m'avertir.

Jon n'avait jamais pensé aux jeunes loups géants de cette façon. Nul doute que son père parlait sincèrement des Anciens Dieux, et cela lui fit songer à ce qu'il pouvait y avoir de symbolique au fait que Fantôme avait été découvert séparé de ses frères et sœurs, faisant son petit chemin tout seul… Stannis avait momentanément fermé les yeux, son expression incrédule toujours intacte. Il marmonna quelque chose entre ses dents d'un ton de dérision qui ressemblait assez à « dieux ».

- Pouvez-vous comprendre mon raisonnement ? poursuivit Père.

- Assez bien, répondit Stannis, mais il semblait à Jon qu'il pensait que Père avait légèrement perdu la tête. Ceci dit, ce n'est pas moi que vous devez convaincre, Lord Stark. Il m'importe – il y eut une légère pause – peu que vous choisissiez d'être Main ou de chasser les farfadets et les gobelins sur le Mur. Soyez reconnaissant que le droit des invités existe, ou Robert demanderait certainement à voir votre tête sur une pique.