Note d'auteur :
Cette fanfiction (tome 4) reprend la trame de JK Rowling et la détourne pour relater l'histoire d'un OC (Megan) de son propre point de vue. La trame originale appartient donc à JK, seul ce qui relève de Megan m'appartient.
N'hésitez pas à laisser des reviews, la critique est constructive, et ça fait toujours plaisir (et des encouragements) de savoir qu'il y a des lecteurs :)
1
UN FANTÔME DU PASSE
Meganna Buckley.
J'ai entendu Snape dire ton nom, et c'est un nom que j'ai souvent entendu il y a treize ans. Je suis certain que tu es la fille de Meredith et Sylvius Buckley. Si c'est le cas, alors je ne vois pas ce que tu fais aux côtés de mon filleul. Je ne m'attendais pas à ce qu'il se lie d'amitié avec une Serpentard. J'ai été très touché par ce que tu as fait pour moi, mais je te demanderai de ne plus t'approcher de Harry.
Sirius.
Elle relut encore une fois la lettre avant de pousser la porte des Boyd.
- C'était bien ? lança Emily depuis la cuisine.
Son rendez-vous avec Kevan Garrow, son petit ami, aurait sûrement été infiniment plus agréable si un oiseau tropical aux couleurs tapageuses ne les avait pas interrompus pour délivrer cette lettre inattendue.
Comment Potter pouvait-il la poursuivre jusque dans le Wiltshire ? Pourquoi Sirius Black, à la fuite duquel elle avait contribué au cours de l'année passée, venait-il lui demander ça ? Non seulement elle n'avait pas besoin qu'on lui dise de ne pas fréquenter Harry Potter outre mesure, mais elle détestait par-dessus obéir à des ordres. Elle savait que son nom évoquait de douloureux souvenirs à ceux qui avaient connu Voldemort au pouvoir et la terreur que faisaient régner ses fidèles Mangemorts, dont les plus craints étaient ses propres parents – elle l'avait découvert l'été dernier lorsque l'aîné de la fratrie Weasley, Bill, avait reproché à Arthur et Molly de l'héberger. Cependant l'ancestrale famille Black était elle-même très connue pour son soutien aux projets de Voldemort à l'égard des « Sang de Bourbe » et des Moldus aussi loin que remontait la lignée, tous ses membres étaient passés par Serpentard – tous sauf Sirius. Il était mal placé pour lui reprocher son arbre généalogique.
La demande de Sirius n'avait aucun poids, elle pouvait très bien choisir de l'ignorer – surtout qu'elle n'avait aucun plaisir à se trouver près de Potter. Mais de quel droit se permettait-il de lui donner des ordres ? Il ne la connaissait même pas. Elle fréquentait qui elle voulait. Notamment Ronald et Hermione, ses deux meilleurs amis.
- On va bientôt dîner ! l'informa Emily tandis qu'elle gravissait les escaliers pour retourner dans sa chambre.
- Pour l'instant, je suis occupée, affirma Megan.
Elle ferma la porte de sa chambre et jeta la lettre sur son bureau. Ce dernier ployait sous les piles de manuels de Défense contre les forces du mal, de Métamorphose ou de Potions. Les brouillons de ses dissertations pour la rentrée s'accumulaient entre les livres, noircis d'encre.
Elle sortit une plume d'un tiroir et tira un parchemin vierge d'une pile coincée sous une bouteille d'encre à moitié vide.
Sirius Black.
De la part de quelqu'un qui ne compte parmi ses ancêtres que des Mangemorts ou des partisans de Voldemort, ta remarque est plutôt déplacée. Mes parents étaient Sylvius et Meredith Buckley, mais tu ne sais pas tout sur eux et je t'interdis de parler d'eux.
Petit détail qui t'aura échappé sur la couleur de ma robe : je ne suis pas à Serpentard mais à Gryffondor.
Je n'ai aucun plaisir à fréquenter Potter : ce n'est pas mon ami. Mais il se trouve que Ron et Hermione sont à la fois ses amis et les miens.
Et je n'ai aucun ordre à recevoir de ta part. Je fréquente qui je veux.
Sans prendre la peine de se relire, elle plia le parchemin et le fixa à la patte d'Eleyna.
- Je ne sais pas où il se cache, mais il doit y faire très chaud, dit-elle à sa chouette. Donc ça doit être loin, alors fais bien attention à toi.
Eleyna ulula joyeusement puis prit son envol. Megan la regarda partir par la fenêtre ouverte de sa chambre. Elle avait passé l'année précédente à construire le puzzle de l'innocence de Sirius Black et n'avait jusque-là ressenti aucune animosité à l'égard du sorcier, mais cette lettre lui avait laissé un goût amer.
Elle se laissa tomber sur son lit. Le fumet d'un bon repas flottait dans l'air, elle savait que les Boyd l'attendaient pour dîner, mais elle n'avait pas envie de descendre et de les voir lui sourire et lui demander de leur parler de Kevan et de leur « sortie ». Elle avait plutôt envie de se battre avec quelqu'un, d'extérioriser cette colère qui l'étreignait. Il en fallait peu pour la mettre dans cet état, et il en fallait beaucoup pour l'aider à se calmer.
Elle attrapa le dernier exemplaire de la Gazette du Sorcier qu'elle avait reçu la veille et l'ouvrit distraitement. Le départ à la retraite d'un ancien joueur de Quidditch qui s'était cassé au moins une fois chaque os du corps en vingt ans de carrière, un sorcier andalous tué par un Dugbog tandis qu'il tentait de protéger ses précieux plants de Mandragores, Adalbert Waffling (un célèbre théoricien magique) qui sortait son cinquante-huitième ouvrage… Megan parcourut avec un peu plus d'attention l'article consacré à la réunion de la Confédération internationale magique des mages et sorciers qui s'était tenue trois jours plus tôt, sorte d'équivalent de l'organisation Moldue des Nations Unies. La plume acérée de Rita Skeeter, la pire reporter de la Gazette, en dressait un portrait assassin, mettant en lumière ses échecs historiques (notamment la déclaration d'illégalité de la chasse aux trolls) et le caractère conservateur de la plupart des membres. Elle décrivait notamment Albus Dumbledore, Manitou Suprême de la Confédération et accessoirement directeur de Poudlard, comme un « vieil ahuri d'un autre âge ». Megan avait beau ne pas apprécier Skeeter, elle trouvait la description relativement juste. Dumbledore et elle avaient une relation tumultueuse, et la jeune fille doutait souvent de la capacité du vieil homme à voir les choses telles qu'elles l'étaient réellement elle lui reprochait surtout son caractère manipulateur. Elle ne lui avait jamais pardonné d'avoir demandé au Choixpeau Magique de l'envoyer à Gryffondor trois ans auparavant, ni de l'avoir confiée à un couple de Cracmols après la mort de ses parents.
Un autre article attira l'attention de la jeune fille. Bien qu'elle n'aurait lieu qu'à la fin du mois, la finale de la Coupe du monde de Quidditch occupait une page entière dans la revue. Le nom des joueurs, les pronostics des spécialistes (Kennilworthy Whisp avait bien entendu son avis sur la question), le nombre de places déjà réservées… L'événement promettait d'être grandiose. Bien entendu, Megan avait l'intention d'y assister : Ron lui avait assuré dans de nombreuses lettres que son père tentait d'obtenir des places gratuites, un projet qui la réjouissait d'avance. Grande passionnée de Quidditch, elle n'avait encore jamais eu l'occasion d'assister à un tel événement : quatre ans plus tôt, lors de la dernière édition, les Boyd avaient refusé que les Malfoy emmènent Megan y assister sous prétexte que l'événement se tenait hors de l'Europe, ce qui avait rendu la jeune fille folle de rage – elle était restée dans le manoir des Malfoy toute la semaine de l'évènement, seule avec leur elfe de maison, Dobby, sur lequel elle avait occasionnellement passé ses nerfs.
Cette année, elle était certaine de s'y rendre : la Grande-Bretagne accueillait la 422e Coupe du monde, ce que le pays espérait depuis plus de trente ans. D'après l'article, aurait été conçu un immense stade de cent mille places à cette occasion, rigoureusement protégé par de nombreux sortilèges Repousse-Moldus. Megan avait suivi de près le championnat : la défaite écrasante de l'Angleterre face à la Transylvanie, la victoire de l'Ouganda sur le pays de Galles, puis celle du Luxembourg sur l'Ecosse (finaliste de la dernière Coupe du monde) … Heureusement pour le Royaume-Uni, l'Irlande avait écrasé le Pérou et elle affronterait la Bulgarie. La finale promettait d'être un spectacle époustouflant, les deux équipes rivalisant de talent, entre le brillant attrapeur bulgare Viktor Krum et les impressionnants poursuiveurs irlandais Morane, Mullet et Troy.
Elle termina de lire l'article – tous les joueurs seraient équipés d'Eclairs de feu – puis poursuivit sa lecture distraite. Ce n'est que lorsque ses yeux se posèrent sur la rubrique « prévisions divinatoires » de la Gazette que Megan se rappela qu'elle devait envoyer à Poudlard une lettre pour leur annoncer son choix d'arrêter les cours d'Arithmancie : puisqu'elle et Hermione avaient rendu leur Retourneur de temps, il ne leur était plus possible de suivre toutes les matières qu'elles avaient choisi l'an dernier, et Megan trouvait le cours de Divination plus amusant que celui d'Arithmancie. Le professeur Trelawney, avec sa manie de prévoir la mort de ses élèves à chaque cours ou presque, était risible. Megan avait d'ailleurs pris un malin plaisir à jouer sur les peurs de la voyante lors de l'examen de fin d'année.
- Megan !
La voix de Roger lui parvint à travers la porte. Emily l'avait encore envoyé la chercher, la Cracmol détestait la confrontation avec sa fille d'adoption.
- J'arrive, lâcha-t-elle, agacée. J'avais déjà entendu la première fois !
- Est-ce que tout va bien ? s'enquit-il.
Megan leva les yeux au ciel. Voilà huit ans que les Boyd essayaient de la faire parler de ce qui n'allait pas. Ils n'avaient toujours pas compris qu'elle ne leur dirait rien, qu'elle ne voyait pas l'intérêt de confier ses soucis à deux Cracmols. Roger et Emily ne savaient pas que Sirius Black était innocent, qu'il lui écrivait, ils ne savaient probablement pas qu'elle avait eu un loup-garou pour professeur l'an dernier, qu'elle avait failli mourir face à une horde de Détraqueurs. Megan ne leur avait jamais raconté quoi que ce soit à propos de sa scolarité à Poudlard. Peut-être même ne savaient-ils pas qui elle était pour Voldemort, ce qui était arrivé à ses parents. Ils n'étaient que les deux Cracmols qui avaient pu se réjouir de la mort de ses parents car Dumbledore avait choisi de la confier à eux, qui ne pouvaient pas avoir d'enfants.
- Evidemment, répondit Megan d'un ton sarcastique. J'arrive.
Elle jeta le journal à côté de son lit et se leva de mauvaise grâce. Lorsqu'elle ouvrit la porte, Roger se trouvait toujours derrière.
- Est-ce que ton rendez-vous s'est mal passé ? demanda-t-il, l'air inquiet.
- Sérieusement ? répondit Megan en écarquillant les yeux.
Ils croyaient qu'elle était travaillée par un rendez-vous avec un garçon ! Comment pouvaient-ils croire qu'elle accorderait autant d'importance à une simple histoire de cœur ? Elle avait des soucis bien plus importants en tête.
- Comment tu as dit qu'il s'appelait déjà ? poursuivit Roger.
- On s'en fiche.
- Kellan ?
- Kevan.
- Il est préfet, c'est ça ?
- On s'en fiche ! Ça ne te concerne pas !
Agacée, elle descendit les escaliers jusqu'à la cuisine. Emily les attendait, assise au coin de la table dressée. Elle sourit à Megan lorsqu'elle la vit arriver.
- Ne me pose pas de question, lança la jeune fille avant que sa mère d'adoption ait eu le temps de parler.
Emily hocha la tête, elle ne lui en aurait visiblement pas posé. Megan s'assit à table et se mit à manger avec appétit, en silence. Elle écouta d'une oreille les Boyd parler de leur matinée, du fils du voisin qui avait enfin dit ses premiers mots et de Barnabas Cuffe, l'éditeur de la Gazette du Sorcier, qui les avait invités à dîner avec sa femme et son fils la semaine prochaine. Sur ce dernier point, Megan ne put s'empêcher de hausser un sourcil. Emily avait rencontré Cuffe à un colloque sur la lecture des jeunes (Moldus), puisqu'elle-même travaillait dans le monde de l'édition de romans pour jeunes adultes, et tous deux étaient devenus très bons amis : Cuffe venait souvent boire le thé chez eux et parlait beaucoup football avec Roger – un sport de Moldu qui lui était totalement inconnu mais qui le fascinait. Si le sorcier n'était pas d'une compagnie désagréable, Megan trouvait son fils particulièrement agaçant. Matgar avait le même âge qu'elle et étudiait à Koldovstoretz, l'école de magie russe dont sa mère était diplômée. Il avait une affection très prononcée pour Megan, encouragée par leurs parents respectifs, ce qui avait toujours profondément rebuté la jeune fille. Il avait beau ne pas être repoussant, il ne l'intéressait pas le moins du monde.
- Tu viendrais avec nous ? lui demanda Roger en remarquant qu'elle avait enfin réagi.
- Sans façon, marmonna-t-elle. Sauf si je peux venir avec Kevan, bien sûr, ajouta-t-elle avec un sourire mauvais.
Elle imaginait déjà la jalousie de Matgar si elle se présentait au bras de son petit ami, plus âgé, plus beau et élève à Poudlard.
- Ce ne serait pas très poli de venir avec un inconnu, précisa Roger.
- Alors je ne viendrai pas.
Elle se concentra à nouveau sur son assiette. Elle se rappelait la journée qu'elle avait dû passer en compagnie de Matgar, cinq ans plus tôt. Ils étaient alors trop jeunes pour s'intéresser l'un à l'autre, mais Megan n'appréciait déjà pas le garçon et ce dernier se montrait possessif en amitié. Draco était passé devant le parc où leurs parents les avaient laissés pour jouer et l'avait rejointe. Ils avaient alors passé l'après-midi à se jouer de Matgar ensemble, complices. Aussitôt, la rancœur assaillit Megan, et elle pensa à Dumbledore et à ses manipulations, à Potter et à la lettre de Sirius Black. Sans que quiconque s'en aperçoive, ses yeux devinrent noirs et son couteau se mit à léviter de quelques centimètres au-dessus de la table.
- Anita pensait venir aussi, elle connaît Barnabas depuis de nombreuses années, dit alors Emily d'un air faussement nonchalant. Vous savez, Anita Day.
Le couteau de Megan tomba dans un fracas métallique sur le sol de la cuisine tandis que la jeune fille levait brusquement la tête vers sa mère d'adoption, les yeux écarquillés. Ce nom semblait ressurgir du passé, comme un fantôme familier, qui réveillait à la fois d'heureux et de douloureux souvenirs.
- Quoi ? parvint-elle seulement à dire.
- Elle l'a rencontré à un apéritif organisé par la Gazette il y a –
- Tu connais Anita ? la coupa Megan sans l'écouter. Comment tu la connais ? Elle habite loin ? Pourquoi vous ne me l'avez pas dit ?
Sa voix tremblait de colère et d'hébétude. La dernière fois qu'elle avait vu Anita, elle avait six ans et on l'arrachait au cadavre de sa mère. Elle n'avait jamais su ce qu'était devenue sa nourrice par la suite.
- Nous connaissons Anita depuis le jour où Dumbledore nous a demandé de nous occuper de toi, expliqua Roger. C'est elle qui te connaissait le mieux.
- Elle est où ? Pourquoi je ne l'ai jamais vue ?
- Dumbledore trouvait que c'était préfé –
- Je me fiche de ce que Dumbledore pense ! s'écria Megan.
La fenêtre de la cuisine vola en éclat – les Boyd sursautèrent à peine.
- Comment vous avez pu me cacher ça ? Vous la voyez souvent ?
- Calme-toi, dit Emily qui savait pertinemment que cela n'aurait aucun effet. Nous ne te l'avons pas cachée. Dumbledore – laisses-moi finir – nous a demandé de ne pas t'encourager à la retrouver, c'est tout. Après ton adoption, elle est partie vivre en Irlande, chez sa sœur, et elle n'est presque jamais revenue en Angleterre depuis.
Anita était tout ce qui restait à Megan de l'époque où elle était heureuse, de l'époque où ses parents vivaient. C'était son seul lien avec le passé, et elle en avait été privée ces huit dernières années.
- Je veux la voir, asséna la jeune fille.
- Tu la verras la semaine prochaine chez Barnabas, répondit doucement Emily.
Megan était effarée.
- Tu nettoieras, précisa Roger en désignant les débris de la vitre du menton.
- Même pas en rêve, répliqua-t-elle.
Elle se leva de table et remonta dans sa chambre sans écouter les Boyd qui l'appelaient. Sa porte se verrouilla derrière elle et elle se jeta sur son lit, la tête dans l'oreiller. L'album photo que Draco lui avait offert trois ans plus tôt trônait sur sa table de chevet. Des photos d'une époque heureuse, mais elle n'avait aucune photo d'Anita – pas plus qu'elle n'en avait de ses parents.
Elle ne s'était jamais demandé ce qu'était devenue sa nourrice après la macabre découverte le soir de son sixième anniversaire, mais elle se souvenait l'avoir réclamée plusieurs fois – elle était sa seule famille, les Boyd ne l'avaient jamais été.
Elle aurait donné n'importe quoi pour retrouver ne serait-ce qu'un minuscule élément des plus belles années de sa vie, et elle allait enfin retrouver la seule personne en vie qu'elle avait aimé à cette époque.
