Tout mon monde de réduisait à une chose bien simple et pourtant terriblement sombre : une cellule. Une simple cellule noire taillée dans la pierre avec des barreaux en fer rouillés. Je me souviens parfaitement, même après toutes ces années passées, de tous les détails. Dès que je ferme les yeux, je peux me rappeler les trous et fissures qui étaient présents sur la roche, les taches de rouille sur les barreaux, l'odeur d'humidité ainsi que les relents de déjections humaines, le bruit des gouttes d'eau qui tombaient, les soupirs et les murmures et finalement la lumière de la torche au fond du couloir. Mais, chose surprenante, les visages de mes camarades de cellule ne sont qu'une image floue dans ma mémoire. Nombre d'entre eux étaient déjà là quand je suis arrivé, d'autres étaient venus après. Peu à peu chacun partait pour ne jamais revenir ou à quelques exceptions qui ne revenaient que pour un court instant. Le temps n'avait plus aucune signification pour moi. Le jour, la nuit, les heures et même les années n'étaient que les souvenirs d'une vie passée. Une vie qui s'est arrêtée à mes huit ans. Le jour où on m'a capturé et le jour où mes parents et mon innocence sont morts. La seule raison a cette infamie est simple : je suis un oméga.

Les omégas étaient le boulet attaché à la cheville de notre société. Tout le monde fermait les yeux et tentait de se donner bonne conscience mais les faits sont là. Un oméga était pourtant décrété comme un individu avec les mêmes droits que ses congénères. Mais en réalité, un oméga n'avait aucun droit et surtout pas celui de protester contre son sort. La justice n'existait pas pour nous et peu importait ce qui pouvait nous arriver. Ainsi les marchands d'omégas s'en donnaient à cœur joie. Très peu pouvaient se vanter d'avoir réussi à échapper aux rafleurs. Les omégas capturés attendaient sagement que leurs chaleurs se déclenchent pour être vendus à un riche notaire ou un noble cherchant un esclave sexuel des plus appréciables. Ils mourraient en captivité ou à cause des mauvais traitements de leurs « maitres » ou par désespoir devant leur vie misérable. Les autres vivaient exhibés comme des objets rares et subissaient les pires outrages.

Ma naissance avait tellement été attendue par mes parents. Mon père était un médecin très reconnu et ma mère, une simple serveuse mais ils s'aimaient d'un amour parfait. Ils tentaient depuis longtemps d'avoir un enfant et voilà que leur demande avait été réalisée. Mais qu'est ce qui aurait put leur faire prévoir le cadeau empoisonné que la vie leur avait donné ? Après des heures de souffrance, ma mère arriva enfin à m'extirper de ses chairs. Mon père put enfin me prendre dans ses bras et m'admirer moi la chair de sa chair. Mais très vite la cruelle réalité se révéla à lui : son enfant était un oméga. Toutes les perspectives soigneusement préparées pour notre avenir se brisèrent. Le seul avenir qui se dessinait pour moi était une vie plongée dans le secret, ou si celui-ci était découvert, une vie d'esclave. Mes parents refusaient que leur seul enfant leur soit arraché et étaient prêts à tous les sacrifices pour que cela n'arrive pas.

Ainsi je fus élevé comme tous les autres enfants alphas et bêtas mais en protégeant un immense secret pour mon âge. Pour plus de discrétion, à mes trois ans, mes parents décidèrent de quitter la ville pour s'établir à la campagne dans une maison un peu à l'écart d'un petit village. La présence des deux sexes ne me donnait pas un genre ainsi mes parents m'élevèrent comme étant un garçon. L'odeur qui permettait de distinguer un oméga ne se développait qu'à l'adolescence. Jusque là, la seule peur de mes parents était que quelqu'un découvre le secret par inadvertance. Qu'est-ce qui nous avait trahis? Qui avait appelé les rafleurs ? Je ne le saurai jamais. Mais une chose est sûre : des hommes se sont présentés à notre porte et me voulaient moi. Ils menacèrent mon père pendant que ma mère tentait de me cacher. Le résultat était prévisible : mes parents furent tués et moi enlevé. Depuis ce jour et pendant presque huit ans je ne revis pas la lumière du jour.

Je me nomme Eren Jaeger. Pour beaucoup, je suis un héros. Mon histoire a été tellement modifiée qu'elle en est devenue presque légendaire. Je ne peux pas en vouloir aux conteurs de devoir boucher les trous des nombreux mystères de ma vie. Je trouve même cela très drôle. Néanmoins, la vie qu'ils me décrivent est bien douce et héroïque par rapport à la réalité. Oui grâce à moi notre nation redevenue forte et unie mais a quel prix ? Il est vrai qu'un héros dont les mains ne sont pas recouvertes de sang n'existe pas, surtout un révolutionnaire. Mais ça ne plait pas tellement aux enfants mais laissons leurs leur innocence. Alors que ma longue et douloureuse existence semble enfin toucher sa fin, je me suis décidé à écrire mes mémoires. Mais je dois en mettre en garde beaucoup d'entre vous : ma présence en ce monde n'a été synonyme que de mort et de douleur. Ma vie se résume bien souvent au malheur et à une tristesse sans nom. Ceux qui m'ont côtoyés furent nombreux à croire que la folie me gagnerait.

Pour les courageux qui arriveront au bout de cette histoire, qui risque d'être bien longue, je vous demande d'apprendre du passé pour ne pas recommencer les mêmes erreurs.

Merci