Sweet Dreams

Il était tard. Vraiment très tard, et après un combat éprouvant, Ladybug était épuisée.
Elle avait veillé toute la nuit pour tenter de comprendre la leçon de maths qu'elle avait manqué en vu du devoir d'aujourd'hui. Mais alors qu'elle pensait pouvoir se reposer un peu après les cours, un nouveau champion maléfique avait fait son apparition et avait mené la vie dure à Chat Noir et à elle.

Tenant à peine sur ses jambes, elle dormait debout après plus de trente-six heure sans se reposer.
Piquant du nez sans s'en rendre compte, lorsqu'elle rouvrit les yeux, elle se trouvait dans les bras de son co-équipier de toujours qui semblait inquiet.

« Tu vas bien, ma Lady ? » s'enquit le chat, inquiet.
« Oui oui, merci. » répondit-elle en se relevant, « Juste un petit coup de fatigue. » expliqua-t-elle en souriant avant de dégainer son yoyo magique, prête à partir.

Tiens... Quand était-elle montée sur le toit de cet immeuble ?

Fixant un instant le sol plusieurs mètres en dessous d'elle, sa vision se troubla quelques instants et elle vacilla avant de se reprendre. Elle était vraiment fatiguée.

« Bon, eh bien... J'y vais, mon miraculous clignote. A la prochaine, chaton. » bredouilla-t-elle en lançant son yoyo.

Mais avant qu'elle ne s'élance, ses paupières déjà lourdes se fermèrent un instant et sans qu'elle ne s'en rende compte, elle s'écroula sur l'arrête du toit, dans un équilibre instable maintenu par la gouttière, rattrapé de justesse par son compagnon.

Chat noir n'en croyait pas ses yeux. C'était la première fois qu'il voyait Ladybug dans un tel état. Non, pas la première en fait. Par deux fois il l'avait soupçonnée de s'être battue en sachant qu'elle était malade ou en tous cas, pas au meilleur de sa forme. Mais cette fois, elle n'avait pas de fièvre, elle semblait juste épuisée.
Amenée un peu plus en sécurité, un bruit léger retentit et un nouveau point s'effaça de ses boucles d'oreilles. A ce train-là, elle allait retrouver son apparence ici et même ainsi, elle n'aurait certainement pas la force de rentrer chez elle.

Secouant doucement l'épaule de la demoiselle, il lui demanda où elle habitait, histoire de la ramener saine et sauve chez elle.

« 12... rue Gotlib... » murmura-t-elle d'une voix à peine audible.
« 12 rue Gotlib ? » répéta-t-il, « Mais... C'est l'adresse de Mari... »

Il se tut, stupéfait, et regarda la coccinelle plus attentivement. Soit il s'agissait d'une coïncidence, soit, il venait de percer à jour l'identité secrète de la demoiselle.
Mais il réfléchirait à cela plus tard, pour le moment, il devait simplement la ramener à cette adresse. Attrapant la rouge à pois, il l'installa sur son dos et sauta de toits en toits à travers Paris pour arriver à destination quelques minutes plus tard.

Sur la terrasse de la boulangerie, il jeta un œil par-dessus son épaule. La brune semblait être à demi-consciente et même si cette vision lui plaisait, sa propre bague le ramena bien vite à la réalité.

Lui non plus n'avait plus de temps à perdre. Il n'était d'ailleurs même pas certain de pouvoir rentrer chez lui sous cette forme. Heureusement pour lui, la fenêtre était ouverte et il entra sans difficultés dans la chambre de la demoiselle.

En voyant le lit vide, le doute planant sur l'identité de sa co-équipière s'accru encore. Il la déposa délicatement dans les draps blancs et avant même qu'il ait le temps de la recouvrir, le costume rouge à tâches noires de Ladybug s'effaça petit à petit, jusqu'à finalement dévoiler le visage sans défense de Marinette Dupain-Cheng.
Ses doutes avaient été de courte durée finalement. C'était bien elle qui se cachait sous le masque de LadyBug. A la fois stupéfait et rassuré, il hésitait quant à la suite. Devrait-il lui dire qu'il l'avait percé à jour la prochaine fois qu'ils se verraient ?

S'attardant quelques instants à son chevet, il l'observa attentivement, détaillant son visage, envouté par ce dernier, comprenant également son attirance inavouable pour sa camarade alors qu'il avait clairement déclaré ses sentiments à sa buguinette.

Il était plus que temps de repartir, il lui restait moins d'une minute. Pourtant, il était comme hypnotisé par ce visage innocent et sans défense qu'il ne lui connaissait pas.
Replaçant une mèche de cheveux derrière son oreille portant sa boucle redevenue noire, il lui murmura quelques mots avant de voir la petite kwami rose sur l'oreiller, profondément endormie également.

« Fais de beaux rêves, princesse. »

Il était temps, malheureusement. Il aurait beaucoup aimé rester encore un peu, mais s'il ne se dépêchait pas, il allait se retransformer avant d'être chez lui. Mais alors qu'il pensait encore au chemin le plus rapide pour rentrer, quelque chose le surprit.
Se retournant pour jeter un œil à ce qui le retenait, il fut surprit de voir la demoiselle à demi éveillée, un air qu'il ne lui connaissait pas sur le visage, comme si elle ne voulait pas le laisser partir. Elle l'avait attrapé par la patte pour l'empêcher de s'en aller. C'était étrange de sa part, mais il ne s'opposa pas à elle lorsqu'elle le tira faiblement vers elle, le forçant à s'allonger à côté d'elle. Elle était irrésistible.

Marinette s'était rapidement empourprée lorsqu'il s'était retrouvé ainsi dans son propre lit et elle semblait presque regretter son geste. Mais Chat Noir la trouvait encore plus adorable et bien qu'il ne dise rien, il avait été ravi qu'elle l'ait retenu. Ça le confortait dans l'idée qu'elle tienne à lui.

« Marinette ? » hasarda l'animal.
« Désolée, j'aurai pas dû te retenir. » s'excusa-t-elle, « Tu vas bientôt te retransformer, toi aussi. Désolée de te faire pendre ton temps. »
« T'inquiètes pas. Pour tout te dire, ça faisait un moment que j'avais envie de te montrer qui je suis vraiment. »

La brune semblait un peu étonnée par cet aveu. D'ailleurs, elle avait presque l'impression qu'il la connaissait : il n'était pas plus étonné que ça devant son identité secrète.

« Alors... Tu n'es pas déçu de savoir que Ladybug c'est moi ? »
« Non. J'en suis même plutôt agréablement surprit. » expliqua-t-il, « Pour tout te dire, j'étais assez embêté car tu sais que j'aime ta version Ladybug, mais... depuis quelques mois, j'étais partagé car j'ai appris à te connaître toi et j'étais un peu perdu. »

Marinette n'était pas certaine de comprendre. Est-ce qu'il était entrain de dire que dans la vie de tous les jours, son alter-égo était amoureux d'elle ? Marinette Dupain-Cheng, la fille la plus banale du coin ?

« Chat... » marmonna-t-elle en détournant le regard, se mordant la lèvre, « C'est étrange. Mais... j'ai le même souci. »

Perplexe, le jeune homme vêtu de cuir lui demanda plus d'explications, à la fois angoissé et curieux.

« Il y a... un garçon. On est dans la même classe depuis plusieurs années maintenant et pour tout t'avouer, la première fois que je lui ai parlé, j'ai cru qu'il était de mèche avec Chloé, une peste. Pourtant, c'est un jour de pluie que j'ai eu le coup de foudre pour lui, alors qu'il venait juste de s'excuser. Je ne sais pas pourquoi, ni comment, mais c'était ainsi, alors que je ne le connaissais pas. Je t'ai connu à peu près au même moment. Au début, j'avais un peu de mal à t'apprécier, mais au fil du temps... Je dois avouer qu'on est devenu très complices. Peut-être un peu trop. Parce que maintenant, je ne sais plus tout à fait ce que je ressens pour toi ou pour lui. » avoua-t-elle timidement.

Même si elle faisait l'éloge d'un autre, elle venait clairement de dire qu'elle l'aimait lui aussi.

« Je comprend parfaitement ce que tu veux dire. Je commence aussi à comprendre pourquoi tu avais peur de me dire qui tu étais réellement. » déclara-t-il en entendant un coussinet disparaître de sa bague.

Un petit rire. Même épuisée, elle était jolie lorsqu'elle riait.

« En faite, si j'ai du mal à choisir c'est parce que je trouve que vous avez des points communs tous les deux. »

Curieux, le matou l'écouta. Lorsqu'elle parlait de son rival et de lui-même, elle semblait vraiment sincère et bien qu'il soit heureux de connaître ses véritables sentiments, entendre qu'il avait un concurrent si semblable le faisait douter, l'enfonçait dans l'anxiété.
Selon elle, ils étaient tous deux très vifs d'esprit, courageux et espiègles. Et bien d'autres choses encore. Elle avait également avoué que même si ce garçon semblait tout à fait normal malgré ses origines, Marinette, à force de le côtoyé, avait découvert son côté joueur mais sérieux lorsque la situation l'exigeait, travailleur mais appréciant les plaisirs simples d'une soirée entre amis ou encore sa façon de l'encourager lorsqu'elle avait un coup de cafard et qu'Alya n'était pas là.
Pourtant, elle avait toujours été incapable de lui parler aussi facilement qu'à Chat Noir, trop intimidée. Elle n'arrivait jamais à aligner plus de deux syllabes correctement et il devait la prendre pour une demeurée.

« Franchement, je ne vois pas du tout de qui il peut s'agir. » confessa le blond.
« Il s'appelle Adrien. Adrien Agreste. » murmura timidement la demoiselle, incertaine de la réaction de son compagnon.

Ce dernier la regarda avec des yeux ronds, surprit, alors que le dernier coussinet de sa bague s'effaçait, avant de se mettre à rire lorsque sa combinaison commença à disparaître.
Marinette ne comprenait pas sa réaction, et elle ne voyait pas son expression puisqu'il cachait ses yeux avec son bras, toujours hilare. Elle n'aurait pas dû lui dire tout ça, elle avait dû lui faire de la peine, idiote qu'elle était. Décidément, mettre les pieds dans le plat était sa spécialité.

« Dis-moi, princesse, tu ne trouves pas ça drôle ? » demanda-t-il en se tournant vers elle, dévoilant son visage.

Un lourd silence s'installa. C'était lui. Adrien. Juste devant ses yeux. Avec elle, dans son lit.
Rapidement, son visage prit une vive couleur, rivalisant avec celle des cheveux de Nathanaël.

« A...A... Adrien... ?! » bredouilla-t-elle, rouge pivoine.
« Etrange coïncidence, tu ne trouves pas ? » demanda-t-il avec un sourire.

Coïncidence ou pas, l'alter-égo de Ladybug était en train de paniquer. Totalement. Et ça n'avait pas échappé à son camarade.

« Marinette... arrêtes de paniquer, c'est un peu tard maintenant. » murmura-t-il en tentant de la rassurer tandis qu'il posait son kwami sombre à côté de la rose à pois.
« Dé...désolée, c'est plus fort que moi. » articula-t-elle difficilement.

S'il ne trouvait pas un moyen d'arranger les choses, ça allait vite se compliquer entre eux. Finalement, il opta pour la solution la plus simple et la plus rapide à son goût.
Enlaçant la demoiselle, il lui demanda doucement de se calmer car il souhaitait continuer à parler avec elle comme ils le faisaient quelques instants auparavant.

« Maintenant que tu m'as tout dit et que tu connais mes sentiments, tu devrais arrêter de paniquer, non ? »
« C'est plus compliqué à faire qu'à dire... enfin à dire qu'à faire, enfin... »
« J'ai compris, ne t'inquiète pas. » murmura-t-il en la serrant un peu plus contre lui.
« A-Adrien... »
« Détend-toi. »
« Pas moyen. »
« Fais un effort ? »

Il était resté tranquille, bien plus que ce qu'elle avait pu penser. Plus qu'elle. Pourtant... Elle devait avouer qu'elle se sentait bien là, dans ses bras. Cette chaleur qu'elle connaissait à travers Chat Noir, elle la retrouvait dans les bras du mannequin.

« Marinette, tu dors ? » demanda-t-il quelques instants plus tard, sentant la demoiselle moins crispée.

Elle remua doucement la tête, négativement. Elle ne dormait pas, mais elle n'était plus tout à fait réveillée non plus. Adrien sourit, après tout, même si elle s'était reposée un peu le temps qu'il la ramène, elle n'en restait pas moins épuisée pour une raison qui lui était inconnue d'ailleurs.

« Je crois que je vais devoir rester ici jusqu'à demain matin. Plagg est complètement épuisé et je n'ai rien à manger pour lui. » expliqua-t-il, un peu embarrassé.
« Ma mère sait que je révise beaucoup en ce moment... » murmura-t-elle à demi-consciente, « Si elle te vois je lui dirais que tu es passé tard pour m'aider... à comprendre la dernière leçon de physique. C'est ce que... j'avais prévu de réviser ce week-end. »
« Je t'aiderai si tu veux, comme ça, ce ne sera pas vraiment un mensonge. »
« D'accor... »

C'était terminé, Marinette avait succombé au sommeil et aux bras d'Adrien tandis qu'il réfléchissait à tout ce qu'il s'était finalement passé ce soir-là. Si on lui avait dit qu'un jour il découvrirait que Ladybug et celle qui lui plaisait en classe n'étaient qu'une seule et même personne et qu'en plus elle l'aimait, il ne l'aurait jamais cru. Surtout en connaissant l'héroïne et sa manie de le repousser.
Embrassant l'endormie sur le front, il se laissa aller et s'endormit à son tour, à la fois fatigué et sur un petit nuage.

~Fin~