Moi qui pensais ne jamais réécrire de fanfiction, que j'en avais fini avec Steve Rogers, me revoilà avec 125 pages d'une ridicule histoire d'amour bien cliché dégoulinante !
Un AU aux sports d'hiver, à la montagne et sur les pistes enneigées. Dans lequel Steve Rogers (qui n'est pas Captain America mais qui reste toujours badass) va développer une relation avec Loki (légèrement plus gentil et sans casque à cornes). (Oui, je sais, c'est un couple bizarre et inhabituel, ouais ouais, mais franchement ? C'est le meilleur du fandom. Imbattable !)
Dans lequel Odin et Frigga ne sont pas des parents très formidables (des trous duc en fait) donc un peu OOC sur les bords, bien que dans les films, Odin a des drôles de méthodes d'éducation vis-à-vis de ses gosses...
Je suis désolée d'avance pour Peggy Carter, que j'adore, j'admire et que je respecte, et que je tue à chaque fois (navrée Peggy !)
Et Steve se fera casser la gueule par les Méchants parce que j'aime ça (j'avoue)(c'est plus drôle).
Thèmes abordés : coming-out/sortie du placard, rejet de la famille, pulsions suicidaires...
Mais bon, dans l'ensemble, ça reste fluffy *_* (plein d'amûûûr !)
Un goût de neige et de liberté
Chapitre 1
La neige était excellente.
Elle était tombée durant la nuit et les pistes étaient recouvertes de ce doux duvet floconneux, moelleux comme un nuage. À présent, le ciel était dégagé, d'un bleu limpide et lumineux ; l'air était frais et pur ; la température de –3°C. À neuf heures du matin hors vacances scolaires, il n'y avait presque personne sur les remontées mécaniques.
La neige craquait sous les skis et lorsqu'on dérapait, elle produisait un chuintement soyeux. C'est le bonheur à l'état pur, songea Steve en dévalant la pente à soixante-dix kilomètre heure. Il n'y avait rien devant lui que le tapis de soie blanche. La piste filait vers la vallée, surplombée par les cimes dentelées. Son corps ondulait à chaque virage comme celui d'un danseur, les jambes groupées et les bras déployés tel un oiseau. La liberté absolue. Il adorait cette sensation de voler. Ses skis flottaient au dessus de la neige, ses bâtons se plantaient en douceur.
Steve était si extatique qu'il ne vit pas la silhouette filer sur sa droite, devant lui. Qui percuta l'autre et qui était en tort avait peu d'importance. Les deux skieurs se rentrèrent dedans de plein fouet. Sous le choc, leurs casques se heurtèrent, ils déchaussèrent et roulèrent dans la pente sous une fumée de neige fraiche.
Steve s'immobilisa sur le dos, la tête vers le bas. Il poussa un grognement, se redressa malhabilement et jeta un coup d'œil alentour. Un de ses skis était resté en haut, planté dans la poudreuse ; le deuxième avait dévalé la pente jusqu'au virage, cinquante mètres plus bas. Il avait de la neige dans le cou et jusqu'au fond des gants. Malgré les dragonnes, un de ses bâtons avait disparu.
L'autre personne était dans le même état que lui : tout saupoudré de neige et son matériel en vrac.
"Ça va ?" cria Steve en se dirigeant vers lui – en essayant de courir malgré ses chaussures de ski aussi rigides qu'inconfortables.
C'était un homme, vu sa taille et sa voix masculine lorsqu'il répliqua d'un ton sec : "C'est bon."
Steve nota le blouson vert sapin et le pantalon noir mais il ne put distinguer le visage, caché par le casque, le masque et la longue écharpe noire saupoudrée de neige.
"Vous n'vous êtes pas fait mal ?"
"Non" fit l'autre d'un air pincé en se frottant les vêtements.
"Je ne vous ai pas vu arriver" expliqua Steve en agitant les mains, penaud au possible. "Je ne vous ai même pas entendu – vous faisiez du hors-piste, n'est-ce pas ? Je ne sais pas qui de nous deux est en tort – je suis vraiment désolé, vraiment !"
"C'est bon" répéta le skieur, agacé par la situation.
Il se détourna de Steve pour récupérer ses affaires, laissant celui-ci bras ballants et mortifié.
"Je suis désolé !" cria-t-il encore.
Le gars agita un gant dans sa direction sans même se retourner. Il rechaussa sans difficulté et, en deux virages, il s'était éloigné avec une élégance décontractée qui témoignait de l'habitude.
Steve remonta en ahanant sur quatre pattes pour récupérer son premier ski, retrouva son bâton manquant et dérapa avec maladresse jusqu'en bas de la pente pour récupérer son deuxième ski. Il repartit plus prudemment, l'exaltation soufflée, son ivresse de la vitesse évaporée.
"Tu faisais quoi ?" beugla Bucky lorsqu'il arriva au téléphérique des Marmottes, là où ils avaient rendez-vous. "On t'a attendu pendant au moins trois heures !"
"Désolé" grimaça Steve. "J'ai percuté un skieur."
"Quoi ?! T'as foncé dans quelqu'un ?" répéta Bucky et il éclata de rire, la gorge déployée, la tête tournée vers le soleil.
C'était si bon de le voir heureux de nouveau qu'un sourire involontaire remonta les lèvres de Steve à son tour. Bucky avait eu des jours sombres depuis son accident de voiture mais il remontait la pente. Il aimait le snowboard. Dessus, il ne ressentait plus le manque de son bras gauche puisqu'il ne lui était alors d'aucune utilité ; peut-être aussi parce qu'il pouvait porter des gants qui masquaient sa prothèse sans que cela semble anormal ; certainement parce que dévaler une pente en suspension le faisait se sentir vivant.
Lorsque Bucky avait demandé à Steve s'il voulait bien prendre une semaine de vacances pour aller dans une station de sport d'hivers, celui-ci avait accepté aussitôt. Si Bucky lui avait dit que son nouveau projet était de construire une fusée pour aller visiter la lune, Steve l'aurait aidé à faire les plans. Tout plutôt que de voir son meilleur ami retomber en dépression.
Le Val d'Asgard était la station où ils allaient habituellement et les choses s'étaient parfaitement goupillées. Steve avait eu sa permission, Bucky avait lancé le projet, Natasha avait réservé une location et Sam faisait le covoiturage. Leur petite bande d'amis s'était ainsi trouvée réunie ensemble pour la première fois depuis un bon bout de temps. C'était toujours comme ça : après l'université, une fois un boulot en poche, c'était compliqué de rester aussi proches et de trouver le temps de se poser ensemble. Ces vacances étaient une bénédiction.
"Tu commences bien la semaine" se moqua Natasha avec un sourire en coin.
"J'me sens comme un couillon" dit Steve d'un ton piteux.
Bucky se plia en deux sous son fou rire. Il aurait roulé par terre sans ses bâtons de ski pour se tenir. "J'aurais trop aimé voir ça !"
"L'autre type n'a rien ?" soupira Natasha, pas vraiment intéressée par l'anecdote mais qui percevait la honte de Steve. Elle jeta un regard dédaigneux à Bucky qui hoquetait de rire.
"Il n'avait pas l'air… Il est reparti rapidement."
"C'était un gars ?" Bucky explosa en sanglots de rire. "Tu as rien trouvé de mieux pour rencontrer des mecs ?"
"Oh, ça va ! J'ai pas fait exprès !"
"Qu'est-ce qui se passe ?" les interpella Sam de loin.
Son snowboard aux pieds, il fit des bonds de grenouille pour parvenir à leur niveau.
"Steve est rentré dans un mec en skiant" expliqua Natasha pour éviter à Steve l'humiliation d'une répétition.
Sam eut l'air de trouver ça très drôle aussi. "Ça t'apprendra de vouloir faire ta première piste sans nous !" plaisanta-t-il avec un grand sourire rayonnant.
"Vous n'étiez pas prêts !" se défendit Steve. "Je n'allais pas vous attendre."
"C'est les habitudes militaires, ça ! Debout au pied du lit à cinq heures, oui mon général !"
"Mais arrêtez de rire" se plaignit Steve. "Qu'est-ce que je fais ? J'me sens mal pour lui !"
"Bof, rien" répondit Natasha, l'air blasé. "Il est parti de son côté, t'as plus qu'à espérer de ne jamais le revoir."
"Sauf si tu veux t'excuser encore une fois" glissa Bucky peu charitablement.
Sam tapota Steve sur l'épaule. "C'est pas grave, mec. Ce genre d'accident doit arriver tous les jours, avec tous les fous-dingues qui ne contrôlent pas leur vitesse ! Tant qu'il n'y a pas de mal, y a pas de problème. On peut y aller ou tu comptes t'enterrer vivant sous la neige pour expier tes crimes ?"
Bucky en aurait pleuré de rire : "Creuse avec tes skis, ça ira plus vite !"
"La conscience de Steve est trop grande pour tenir dans son corps" lança Natasha en déchaussant ses skis en deux mouvements. "Oublie ça et ramène-toi !"
Toujours taraudé par l'accident, celui-ci ramassa ses skis et les suivit à l'intérieur du téléférique. Cette fois, il y avait une file d'attente pour monter dans les cabines. Steve retira son masque et observa la queue en quête d'un manteau sapin. Heureusement pour lui, il n'était pas dans la foule. Ses amis le détournèrent de ses pensées mortifiées.
Bucky était son plus vieil ami. Steve l'avait rencontré à l'école, alors qu'il était le souffre-douleur attitré de sa classe. Le nouveau arrivé en cours d'année avait changé sa vie, pour le meilleur et le mieux. Ils avaient rencontré Natasha au lycée, dans la même classe pendant trois ans, celle des horaires aménagés. Bucky suivait l'option « Classe européenne option russe », Steve faisait partie de l'équipe de rugby et de judo, Natasha faisait partie de la section « Danse ».
Elle était partie à Londres dans une école de danse prestigieuse et elle avait réussi à devenir ballerine professionnelle… jusqu'à deux ans auparavant où, à la suite du même accident de voiture qui avait coûté le bras à Bucky, elle avait dû renoncer à sa carrière, le genou en miettes. Elle s'était rétablie et, d'un naturel optimiste, elle avait rebondie. Professeure au Conservatoire, metteuse en scène de ballets à l'Opéra de Lyon, présidente d'une association pour combattre l'anorexie et… une femme formidable en couple avec un homme formidable, Bucky susnommé. Elle forçait l'admiration. Steve l'adorait.
Il avait rencontré Sam à l'armée, lors de sa toute première mission aux commandes d'une unité. Ils venaient tous les deux de la même ville – Lyon – et connaissait tous les deux le même bar – le Wild Cat, qui était leur préféré. Sam faisait partie de l'armée de l'air, lui, et Steve, membre de l'Armée de terre, n'avait jamais eu d'autre occasion de remonter à bord de son hélicoptère. Cependant, il avait conservé son grade, son unité et son nom, et il avait réussi à le retrouver via Facebook, intéressé par ce début d'amitié et surtout la perspective d'une nuit de bonne baise. Sam avait répondu avec enthousiasme et si, côté lit, ça n'avait pas collé, ils étaient restés amis. Et c'était pour le mieux.
Au bout de deux mois, ils étaient copains comme cochons et quatre mois après, il rivalisait avec Bucky pour la place de meilleur ami. Sam était la personne la plus gentille au monde, et la plus généreuse ; il s'était incrusté dans leur trio sans en avoir l'air et au bout d'un an, le trio Steve-Bucky-Natasha était devenu le quatuor Steve-Bucky-Natasha-Sam. Son indéfectible bonne humeur et son énergie bouillonnante avait apporté un renouveau dans leur relation routinière. D'ailleurs, c'était lui le premier qui avait suggéré à Bucky l'idée de retourner dans les montagnes.
À cet instant, Natasha parlait à Bucky seulement, mais Steve et Sam étaient assez prêts pour entendre.
"Tu penses qu'on pourrait le faire dans les œufs ?"
Bucky s'esclaffa encore. "Baiser ? Là-dedans ? C'est pas très discret, si ?"
Sam réfléchit à la question sérieusement : "La montée dure au moins sept minutes. Ça fait court, surtout le temps d'enlever les couches de fringues ! Mais c'est faisable."
"Faudrait qu'on se débarrasse d'eux, surtout" fit Natasha d'un air sournois, avec un regard en coin pour Steve et Sam.
"Désolé d'être en trop" ironisa Sam, les bras levés. "Croyez-moi, j'rêverai que Sharon soit là !"
Malheureusement, sa copine n'avait pas pu obtenir de congé.
"Arrêtez de me renvoyez constamment à ma situation de célibataire endurci" gémit Steve.
"Haha, c'est pas ta situation Steve, c'est ton identité !"
"Vous faites suer, les gars !"
Finalement, ils montèrent tous ensemble dans l'œuf.
La journée défila à toute vitesse, comme les kilomètres de pistes enneigées sous leurs pieds.
Les chalets de pierre et de bois faisaient la réputation du Val d'Asgard. Grâce à eux, la station de ski ressemblait plus à un village de montagne rustique plutôt qu'à une cité pleine de barres d'immeubles destinées à entasser les touristes. Les chalets à louer étaient aussi hors de prix. Steve était bien content qu'ils soient hors saison, et quatre pour partager la facture.
Leur chalet était un cocon chaleureux, les murs en lambris de bois, avec des cornes de chamois et des photos en noir en blanc accrochées dans le salon pour faire authentique. Sam et lui avaient chacun leur chambre ; Natasha et Bucky avaient la leur. Ils venaient de rentrer, les jambes claquées après huit heures de ski.
"Je rêve d'un bain chaud" grogna Natasha en s'affalant sur le canapé à côté de Bucky.
Sam allumait un feu dans la cheminée, Steve était dans la kitchenette, occupé à vider le sac de pique-nique. Un téléphone sonna. Natasha hésita, soupesa sa fatigue et tâtonna pour décrocher.
"Allô ? Ah, Tony…" Elle semblait déçue. "Oui. Oui, je sais qu'on est dans la même station de ski. C'était étalé partout sur ton mur Facebook, ça aurait été dur de le louper. Non, je ne t'ai pas dit, non. Parce que je n'avais pas envie. Franchement. Ouais."
L'honnêteté à double tranchant de Natasha. Steve étouffa un rire dans son épaule.
"Non, je ne peux pas sortir. Pourquoi ? Heu… Je suis avec des amis là. Non, ils ne veulent pas venir. Ce n'sont pas des grands fêtards."
"Moi, ça m'dérange pas de sortir avec Tony !" lança Bucky d'une voix forte, suffisamment forte pour être audible par le Tony en question.
Natasha lui lança un regard noir, deux glaives gris acier. Elle balança ses cheveux cuivrés en arrière d'un mouvement de tête agacé.
"C'est Bucky. Ouais. ouais… Ok… Pfff, t'es pénible, ok, d'accord. OK, j'ai dit d'accord !"
Bucky leva le poing au ciel et adressa une bourrade de victoire à Steve.
"Où ça ? Oui, je vois où c'est. Ça marche. On sera là. Super… Bye." Elle raccrocha et soupira : "Bucky, t'es pénible toi aussi. J'avais pas envie d'le voir, ce type !"
"Allez, c'est juste une soirée" tenta de l'amadouer Bucky. "Il est marrant."
"On voit que tu ne connais pas Tony ! C'est une sangsue ! Une soirée va se transformer en une semaine avec lui…"
"C'est qui, Tony ?" leur demanda Sam, ignorant.
"Un ami" soupira Natasha. Elle paraissait dépitée d'avoir cédé. Connaissant son caractère intraitable, Tony devait être particulièrement convaincant. "Il est très…"
"Excentrique" compléta Steve.
Natasha pencha la tête sur le côté. "Mouais, on peut dire ça. Il est sympa – j'veux dire, il a des qualités – mais il me tape sur le système à trop fortes doses. Il est narcissique" dit-elle en aparté.
"Il est très drôle" ajouta Bucky par souci d'équité.
Steve comprenait Natasha. Tony était généreux et serviable, mais il parlait trop et trop de lui-même. Steve savait que ce n'était qu'une façade et que c'était quelqu'un de bien; mais la façade n'en restait pas moins déplaisante.
Néanmoins, Tony faisait des soirées électriques et il comprenait aussi que Bucky veuille y aller.
"Je lui ai dit qu'on viendrait vers 21 heures. Il sera avec des potes au bar de l'Edelweiss."
Ils revêtirent leur manteau de ski, leurs après-skis, et repartirent affronter le froid mordant de la nuit. On entendait la musique de l'Edelweiss à cent mètres à la ronde ; heureusement, il s'agissait d'un groupe local qui s'excitait au micro et non d'une playlist électro. Steve se glissa dans l'ambiance enflammée du bar. Bucky glissa un bras autour de ses épaules et commença à bouger la tête en rythme.
Tony avait réquisitionné le fond de la pièce, loin de l'agitation du bar.
Steve connaissait déjà Pepper, la meilleure amie de Natasha et la petite amie de Tony, et Maria, une amie des deux femmes. Rhodes, l'éternel ami de Tony, était à ses côtés, une bière à la main. Steve s'entendait bien avec lui – deux militaires, mêmes valeurs.
"Natasha !" hurla Tony, debout sur une table, une pinte à la main. "Je suis si content que tu sois venue ! Bucky ! Steve ! Mes amis ! Et toi, qui es-tu ?"
Il pointa un doigt autoritaire vers Sam.
"Sam, vieux ! Enchanté !" Il agita la main avec un sourire radieux.
Tony sauta à terre sans faire gicler de bière. "Les amis de mes amis sont mes amis ! Bienvenido amigo !"
Steve ignorait que Tony le considérait comme un ami. Il se laissa passer un bras autour du cou et Tony l'entraîna avec Bucky vers un groupe assis sur les banquettes.
"Les gars" claironna Tony, "Laissez-moi vous présenter mes amis de Lyon, Steve, Bucky et Samy ! Eux, c'est les potes de Thor, Volstagg, Fandrall, Hogun et la ravissante Sif."
Steve était déjà perdu dans les prénoms.
"Où est Thor ? Ah, Thor, viens ici !"
Tony lâcha leurs épaules pour attraper celles du colosse blond qui s'avançait, deux chopes dans chaque main. "Voici Thor. Super ami, vraiment, un pote en or !"
Il lui tapota le pectoral affectueusement.
"Et je peux en dire autant de toi, Stark !" s'exclama le dénommé Thor d'une voix de stentor.
"On s'est rencontrés dans mon école d'ingénieur – il est ingénieur aussi – il est brillant, pas autant que moi mais brillant quand même – spécialisé dans la mécanique, tout ça – les soirées qu'on s'est faites, mon vieux, j'te raconte pas !"
Steve hochait la tête, enseveli sous le flot de parole. Ils se serrèrent la main, et bien que Steve fasse la même taille que lui, il eut l'impression que Thor lui broyait les phalanges dans sa poigne calleuse. Il vit Bucky grimacer quand ce fut son tour.
Tony poursuivait son babillage : "Thor habite ici. Il m'a invité chez lui passer plusieurs jours. Super baraque, super ami, super skieur –"
"Super neige" rajouta celui-ci.
"Super séjour en perspective, quoi ! Où est ton frère, Thor ? Que j'le présente !"
Thor fit la moue : "Aucune idée, mon ami. On la trinque cette bière, oui ou non ?"
"Et comment ! Prenez quelque chose les gars, et mettez sur mon ardoise !"
Tony tendit sa pinte presque pleine à Bucky, attrapa la chope que Thor lui fourrait dans les mains et ils trinquèrent de bon cœur.
Tony faillit prendre une gorgée et s'interrompit pour hurler à pleine voix : "Ah, Loki ! Viens par ici !"
Thor amena par le bras un jeune homme au visage acéré, les poings dans les poches et la mine renfrogné.
"Voici mon frère, Loki."
"Enchanté" dit-il sèchement, l'air pas le moins du monde enchanté de les rencontrer.
Bucky tendit la main poliment.
Lorsque Steve fit de même, Loki lui jeta un regard méprisant.
"Oh, bien sûr…" dit-il en lui serrant la main – moins fort que son frère mais vigoureusement. "Tu devais être ami avec Thor, j'aurais dû m'en douter."
"Pardon ?" demanda Steve, interloqué.
Mais le jeune homme aux cheveux noirs tournait déjà les talons, se faufila entre deux personnes – Volstagg ? Hogun ? – et disparut dans la foule.
Steve leva un sourcil interrogateur en direction des trois autres mais ils plaisantaient entre eux et n'avaient pas prêté attention à leur bref échange.
Il s'éclipsa.
"Ça va ?" demanda-t-il à Sam, une main sur son épaule.
"Nickel !" Il discutait avec Maria et Rhodes sur les pistes à essayer et les meilleures bosses à sauter. Ils faisaient tous les trois du snowboard.
"Tu veux quelque chose ?"
Steve déposa son manteau sur le dossier d'une chaise vide et partit au bar avec les commandes de Sam et Natasha. Il avait l'impression d'être de nouveau dans la foule des remontées mécaniques et prit son mal en patience. La musique était agréable, entrainante. Il avait presque atteint le comptoir lorsque le frère de Thor, Loki, se glissa à sa hauteur, sinuant entre les gens comme un skieur, avec une facilité étonnante vu sa stature. Lui aussi faisait la même taille que Steve.
Ils échangèrent un regard avant que Loki attira l'attention du barman. De toute évidence, c'était un habitué car il eut son verre immédiatement, un liquide clair qui avait l'air plus alcoolisé que de la bière.
"Un Monaco et deux bières" demanda Steve au barman puis : "On s'est déjà rencontrés ?" à Loki qui restait accoudé au comptoir, le regard perdu dans le vague.
Celui-ci secoua la tête. "Oublie." Et il avala les trois-quarts de son verre d'un geste ample.
Steve leva les sourcils, surpris. "Si tu l'dis."
Le barman partit de l'autre côté, Steve le perdit de vue. Il soupira. Loki tendit la main et, à tâtons, attrapa une bouteille sur le bar, vodka, pour se resservir un verre.
"T'as l'intention d'te soûler là ?" plaisanta Steve.
Loki haussa les épaules : "Je ne vois pas quoi faire d'autre ici."
"Aller… avec tes amis, je suppose ?!"
"Ce ne sont pas mes amis" répondit-il d'une voix sèche, agacée. En colère.
"Ah" fit Steve platement.
"C'est Thor qui m'a traîné ici" ajouta Loki.
"T'aurais pu dire non si t'avais pas envie."
"T'as déjà essayé de dire non à Thor ?"
"Je ne le connais pas, en fait. On n'est pas amis, je… Je suis un ami de Tony. Apparemment. Tu vois ?"
Loki hocha la tête, lèvres pincées, avant de finir son deuxième verre.
"Et tu es ?"
"Steve" dit Steve.
"Steve…" répéta Loki en contemplant le fond de son verre. "Enchanté" dit-il, et il avait l'air (un peu) plus sincère cette fois.
Le barman déposa la commande devant Steve.
Celui-ci lutta pour payer, ranger son portefeuille et prendre les trois pintes. "Tu viens ?" demanda-t-il à Loki avec un regard désobligeant pour la bouteille de vodka toujours à moitié pleine.
Il repartit seul d'une démarche prudente et réussit à regagner leur coin à l'écart sans faire tomber une goutte. Sam était toujours en grande discussion avec Maria et Rhodes ; Natasha et Pepper avaient été happées par Tony ; Bucky riait avec Thor et sa bande. Steve s'assit en bout de table avec le sentiment désagréable d'être à l'écart de la soirée. Il fut agréablement surpris de voir Loki se couler sur une chaise en face de la sienne avec un signe de tête complice, un troisième verre de vodka plein à la main.
Steve essaya d'engager la conversation mais ne savait pas sur quel pied danser.
"Tu fais quoi, dans la vie ?"
"Je dessine" dit Loki, sur la réserve.
Les yeux de Steve s'illuminèrent immédiatement.
"Tu dessines ? C'est-à-dire ? J'ai fait un an de Beaux Arts mais c'était pas pour moi – enfin, je continue de gribouiller mais… Je ne vis pas de ça – je suis toujours admiratif des gens qui vivent de ça…" Il interrompit son monologue face au regard vide de Loki.
"Ça n'est pas aussi excitant que ça en a l'air. Et toi ?"
"Mmmh." Steve n'en croyait pas un mot. Il ne savait pas si Loki était réellement intéressé ou pas par sa réponse.
"Je suis dans l'armée."
"Oh" fit Loki, condescendant. "Un militaire."
"Tu penses au cliché du soldat" devina Steve, avec le soupir las de l'habitude. "Stupide, bagarreur et obéissant à la limite de la soumission."
Loki eut un léger sourire et ne nia pas. "Faire la guerre, très peu pour moi."
"C'est une vision extrêmement réductrice de l'armée" répondit Steve d'un ton patient. "Je ne considère pas que je fais la guerre mais que je protège un pays, des intérêts ou des civils. Enfin, je ne vais pas discuter de ça si tu as déjà des aprioris. Ça ne mènera nulle part."
"Pourquoi tu t'es engagé ?"
Steve hésita. "J'aime mon pays…?" Il sourit. "Et je ne savais pas quoi faire d'autre. Je voulais un boulot, j'étais sportif. Je suis doué pour ce que je fais" admit-il sans fausse modestie, parce que c'était vrai. Il avait trouvé sa place.
"Et… Qu'est-ce que tu fais ?" demanda Loki, l'œil plus curieux.
"C'est classifié" dit Steve avec un sourire poli.
Loki leva les sourcils : "Sérieusement ou…?"
"Oui oui, je ne peux pas te dire."
Steve avait piqué la curiosité de Loki. Celui-ci se pencha vers lui, prédateur. "T'es un genre d'espion ?"
Steve pouffa : "Pas du tout. Je suis sur le terrain, c'est tout ce que je peux te dire. Et toi ? Tu viens d'où ?"
"D'ici." Loki tapota la table de l'ongle. "Enfin du Val d'Asgard. J'habite là. Avec Thor et sa clique."
"Wouah cool !" s'exclama Steve. "Tu peux aller skier quand tu veux !"
Loki s'esclaffa, ironique : "Ouais, quand je ne travaille pas, qu'il fait beau et qu'il n'y a pas trop de touristes !"
"Sûr. Alors, c'est bien ? J'veux dire, d'habiter ici ?"
Loki pinça les lèvres. "C'est mort. Un vrai trou à rats. Impossible de partir d'ici à cause de… ma famille. On étouffe." Il essaya de se retenir, bloqua les mots qui s'échappaient. "L'été, y a personne et pas grand-chose à faire. L'hiver, c'est déjà plus sympa. Mais y a toujours trop de touristes à mon goût."
"Ouais, j'imagine que ça doit taper sur le système… Tu dois nous détester à force ?"
Loki faisait glisser son doigt sur le rebord de son verre de nouveau vide.
"Ils sont un moindre mal…" Il releva la tête et ficha son regard dans celui de Steve. Celui-ci ne s'était pas attendu à son regard vert, pur et luisant. "Par principe, je déteste pas mal de monde." Il ajouta d'une voix veloutée : "Mais je peux faire des exceptions."
Steve cligna des paupières. "Je vois." Il se pencha en avant. "Cool."
Ils se sourirent. C'était un sourire en toute connaissance de cause, lascif et insolent, féroce sur les bords.
"Et sinon, tu bosses sur quoi en ce moment ?" demanda Steve.
Ils discutèrent pendant plus d'une heure, haussant parfois la voix pour se faire entendre par-dessus la musique, perdus dans leur bulle de proximité.
Plus tard, Steve se fit embarqué par Thor et Tony pour arbitrer un concours de buveurs de bière et put constater que c'était absolument impossible de dire non à ces deux-là.
Il perdit Loki de vue.
"J'y vais" dit-il à Natasha vers 23 heures.
Il voulait skier tôt le lendemain. Il inspecta le bar en renfilant son blouson et demanda à Thor en lui serrant la main : "Où est ton frère ?"
"Il a dû partir depuis longtemps ! Il ne voulait pas venir de toute manière… Il est insupportable !"
Steve remonta le col de sa veste et repartit, les pieds lourds de ses après-skis. La neige lui collait aux semelles. Il se sentait vaguement satisfait en se blottissant sous la couette.
"Allô ? Allô ?" Natasha s'époumonait au téléphone, l'agacement pointant dans sa voix.
Ils venaient de descendre du télésiège. Steve était parti aux aurores, les autres l'avaient rejoint en cours de route. Sam rebouclait les fixations de sa chaussure de snowboard, Bucky renfilait ses dragonnes de bâtons, Steve attendait en jouant avec la neige sur ses skis.
"Tony ! Quoi ? Écoute, je suis à 3000 mètres d'altitude, ça-ne-capte-pas ! Oui, en haut du massif. On va descendre le Glacier. Le Glacier ! Rah, fais suer ! Non, on ne vous attendra pas. En bas de… Mais on ne veut pas skier avec vous ! Non, ON NE VEUT PAS ! Rah crotte, ça a coupé…" Elle se tourna vers eux, furieuse. "Tony veut skier avec nous. Il est avec sa bande de potes, ils sont au Café du Sommet et –"
"T'inquiète" dit Sam. "On va faire une piste avec eux et si ça nous soule, on leur fausse compagnie. Simple !"
"Ouais" marmonna Natasha.
Bucky lui caressa le bonnet. "T'énerve pas pour ça…"
Natasha poussa sur les bâtons et décolla. Elle fila comme une flèche sur la pente. Bucky, Sam et Steve la suivirent à la même vitesse, en slalomant entre les skieurs plus lents et les piquets de délimitation.
Comme ils habitaient à Lyon, ils habitaient à quelques heures de voiture seulement de la montagne et avaient eu régulièrement l'occasion d'aller skier. Steve avait oublié sa mésaventure du premier jour. Il retrouvait les sensations inimitables du ski. La vitesse vertigineuse. Le soupçon de danger. L'adrénaline. Le mouvement du corps, genoux fléchis, extension des épaules, une flexion, un virage, puis un autre, encore un autre, jusqu'en bas. La neige était plus compacte, parfois dure et tassée mais globalement agréable.
Natasha, le corps ondulant gracieusement dans la descente, pointa son bâton en direction d'un groupe de skieurs devant un café d'altitude. L'un d'eux gesticulait comme un fou furieux : Tony, évidemment. Natasha dérapa juste devant lui pour s'arrêter et l'aspergea de neige fraîche. Les gars s'esclaffèrent à pleine gorge en arrivant derrière mais l'arrosé n'eut pas l'air vexé.
Tony étalait son extravagance sans complexes : il avait fait faire, sur mesure probablement, une veste et un pantalon de ski rouge et doré, ostentatoire au possible. Son casque était aux mêmes couleurs. Il était plus visible qu'un canon à neige. Par comparaison, Steve était sobre avec sa veste et son pantalon bleu marine. Sa seule fantaisie consistait en un casque cerclé de bleu et rouge avec une étoile blanche au centre.
Bucky était tout de noir vêtu. Il avait le bas du visage caché par son passe-montagne et avec son masque noir, on ne voyait de sa figure que quelques mèches de cheveux ébouriffées. La seule chose qui permettait de le reconnaître était une étoile rouge dans le dos de son blouson pour le repérer de loin. Natasha était assortie à lui : elle portait une combinaison noire très cintrée avec une ceinture rouge à la taille. Elle était la seule qui skiait sans casque ; juste des lunettes de soleil et un bonnet écarlate qui jurait avec ses cheveux auburn.
Steve parcourut du regard la bande d'amis : Pepper, très classe tout en blanc ; Thor, en blouson rouge et pantalon gris ; ses amis aux prénoms étranges et interchangeables.
Et le gars en blouson vert sapin et pantalon noir.
Steve reconnut le skieur d'infortune immédiatement. Cette fois, il avait retiré son masque et son écharpe était plus lâche.
"C'était toi ?!" s'exclama Steve. "Le type que j'ai percuté !"
Il s'avança vers lui, pataud sur ses skis comme un canard hors de l'eau.
Loki lui adressa un sourire malicieux. "J'avais reconnu ton manteau. Et ta voix."
"Tu n'pouvais pas me dire ? Je t'aurais offert une bière. Ou quelque chose de plus fort. Pas trop la gueule de bois ?"
Le sourire de Loki s'agrandit. "Même pas."
Steve se rangea à son côté pendant que Natasha et Tony argumentaient pour savoir quelle piste descendre.
"Pourquoi t'as dit : J'aurais dû me douter que tu étais ami avec Thor, quel était le rapport ?"
Loki renifla, discrètement méprisant. "Parce que lui et ses potes dévalent les pentes comme des sagouins, sans aucun respect pour les autres skieurs. Tu connais l'adage : priorité au skieur en aval. La bonne blague ! De toute façon, tu verras si tu viens avec nous."
"Si tu les déteste tant que ça" souffla Steve, "Pourquoi tu skies avec eux ?"
Loki leva les yeux au ciel : "Parce que Thor insiste. Parce que mes parents insistent. Ils veulent tous que je me sociabilise."
Steve sourit en coin.
Le choix de la piste était devenu une affaire d'envergure qui sollicitait presque tous les membres du groupe et le divisait en deux camps : Tony et Natasha. Une vraie guerre civile ! Steve choisit de rester à l'écart du conflit.
"J'ai réfléchis à l'accident" dit-il, "Mais je ne pense pas que j'étais en tort. C'est toi qui a déboulé des sapins, je ne pouvais pas te voir."
Loki lui jeta un regard dubitatif : "Ça te tracasse ? J'allais certainement moins vite que toi."
"Je ne vais vite que lorsque je suis sûr qu'il n'y a personne" répliqua Steve, piqué au vif. "C'est pour ça que j'aime bien partir aux aurores."
"Moi aussi. Thor, lui, préfère cuver l'alcool de la veille. On perd un temps fou avec lui."
"Te plains pas, tu es là toute l'année !"
Loki désigna Natasha et Tony de son bâton. "C'est elle qui a raison. Il y aura moins de monde sur la piste des Chamois et la neige sera meilleure. Viens !"
Il se laissa doucement glisser vers le bas d'une inflexion des hanches. Steve accrocha le regard de Sam, lui fit un signe de tête pour prévenir qu'il partait et suivit Loki. Ils firent la course jusqu'à une intersection – Loki resta en tête – puis ils s'enfoncèrent dans les sapins, là où la neige était moelleuse et exempte de toute trace de passage. Les virages s'enchaînaient sur la pente raide entre les branches et les troncs. Il n'y avait pas d'autre bruit que le bruit molletonné de leurs skis dans la poudreuse. Steve commençait à avoir chaud mais il ne voulait pas perdre le rythme soutenu. Loki finit par regagner la piste, sauta quelques bosses et s'immobilisa en bas. Il souriait largement, un sourire de fauve.
"Sympa, non ? Tu te débrouilles bien. Pour un touriste."
"Merci" souffla Steve.
Il reprit une respiration plus calme le temps que le reste de ses amis les suivent.
"Tu dois bien connaître la montagne…"
"Ce coin-là ? Comme ma poche ! On peut dire que c'est mon royaume."
"Tu m'fais visiter ?" demanda Steve, un sourire charmeur aux lèvres.
"C'est un jardin privé !" Loki fit semblant de s'offusquer. "Je ne donne pas la clé à n'importe qui."
Il se laissa glisser en arrière, le dos vers la pente pour pouvoir continuer à planter son regard dans celui de Steve, impertinent et malicieux. Celui-ci remarqua trop tard l'arrivée de Volstagg, l'ami massif à la barbe rousse, qui s'arrêta à deux centimètres des skis de Steve, lui balançant dans la figure un nuage de poudreuse. Il s'ébroua et repartit à la poursuite de Loki mais ne parvint pas à le rattraper. La distance entre eux était frustrante. Steve avait beau limiter ses virages et filer sur la neige en ligne droite, le manteau vert sapin semblait inaccessible.
C'était amusant de skier en groupe. Fandral, Volstagg et Hodun se coupaient sans cesse la route et descendaient en criant comme des gorets. Sif crânait, le menton haut, cheveux au vent. Pepper n'était pas à l'aise et préférait suivre quelqu'un de plus prudent, Rhodes ou Maria. Tony skiait comme il vivait, avec brio mais ostentation. Thor faisait du snowboard comme un dieu nordique, ses cheveux blonds libérés flottant derrière lui tel un étendard.
Ils se séparent pour aller manger, ou plutôt, Natasha utilisa ce prétexte-là pour fausser compagnie à Tony et sa bande.
"On a un pique-nique dans le sac à dos, Tony ! Tout le monde ne peut pas se permettre d'aller au restau tous les midis ! Et payer quatorze euros pour un part de pizza en carton, non merci."
Plus Natasha résistait à l'amitié de Tony, plus celui-ci insistait. Il n'avait pas l'habitude qu'on lui contrarie. Cela attisait son esprit de compétition.
Ils se firent coucou de la main et leur petit groupe de quatre obliqua vers le bas de la vallée pour trouver un endroit abrité où casser la croûte.
Au moment de partir, les yeux bleus lumineux de Steve s'attardèrent sur les deux pupilles en jadéite de Loki. Celui-ci lui fit un signe de tête, comme pour admettre que Steve s'était bien battu. Mais il n'avait pas réussi à le rattraper.
Ils passèrent une excellente après-midi tous les quatre.
Bucky fit de son mieux pour faire tomber Steve mais il ne réussit qu'à se casser la figure sur une plaque de verglas, la tête en avant. Natasha riait tant qu'elle tomba aussi sur le côté. Ensuite, ils lancèrent des boules de neige sur ce pauvre Sam qui, à cause du manque de pente, avait dû marcher avec son snow à la main jusqu'au télésiège.
"Ça fait du bien" murmura Bucky à Steve, assis côte à côte sur le télésiège.
Ils avaient les pieds dans le vide et un sourire fantôme toujours brillant dans les yeux.
Steve lui ébouriffa les cheveux avec affection. "C'est dommage que ça ne dure qu'une semaine…Si seulement ça pouvait être toute la vie."
"C'est déjà assez galère d'obtenir des vacances" râla Bucky. "Ce nouveau job de fonctionnaire, j'te jure, quelle poisse. Je me rapprocherai bien des pistes mais avec le boulot de Nat', ce n'est pas possible… Peut-être qu'on finirait par se lasser, si on skiait tous les jours."
"Je ne pense pas." Steve prit une inspiration profonde. Ici, l'air était plus frais, plus pur. Il regarda les falaises rocheuses que le télésiège survolait, les arbustes épars qui poussaient malgré tout, les empreintes d'animaux inconnus. Se lasser de la montagne ?
Steve jouait aux cartes avec Bucky, assis mollement dans le canapé du salon. Le feu crépitait dans la cheminée, le vin chaud embaumait la pièce, ils avaient dans les jambes la fatigue lasse du sport de la journée. Sam et Natasha étaient partis acheter du fromage à raclette et de la tomme fraîche à la fromagerie du coin.
Le portable de Steve vibra sur la table. Il lut le message, perplexe.
Qu'est-ce que tu fais ce soir ?
Le prénom « Loki » s'affichait en haut de la fenêtre de conversation mais Steve ne lui avait jamais demandé son numéro.
Entre deux parties, il répondit : Soirée raclette. Comment t'as eu mon numéro ?
Loki esquiva la question : Et après ? Tu es libre ?
Steve réfléchit rapidement aux implications de cette question et écrivit : Qu'est-ce que tu proposes ? qui offrait la possibilité de se rétracter.
J'aurais juste voulu prendre un verre.
Steve fit tourner le portable entre ses doigts, hésitant. Tous les deux ? Ok, mais pas de vodka.
Oui. Pourquoi ?
Je ne bois pas. Et j'ai pas envie de te ramener bourré chez toi et il ajouta un smiley pour faire bonne mesure.
C'est d'accord ?
Oui. Où ?
Le bar À l'orée du glacier, près de l'école de ski.
Je vois où c'est. 22h ?
Steve reposa son portable en se sentant aussi fébrile que lorsqu'il se tenait au sommet d'une piste à pic, la pente si raide qu'elle semblait verticale et impraticable. L'excitation bouillonnait dans son ventre.
Ils se gavèrent de raclette, de charcuterie et de pommes de terre, l'appétit creusé par une journée en plein air.
"Dieu que c'est bon" soupira Sam d'aise.
Natasha demanda grâce : "J'en peux plus !"
Steve aida à débarrasser la table et renfila son manteau de ski après. Il toqua discrètement à la chambre de Bucky.
"Où est Nat' ?"
"À la douche. Où tu vas ?"
"Je sors" fit Steve avec un signe du pouce. "Boire un verre."
"Avec qui ?" l'interrogea Bucky, éberlué. "Sam ?"
"Non. Loki."
"Qui ça ?"
"Le frère de Thor."
"Hein ? Le type avec qui tu discutais dans le bar ? Avec qui t'as fait la course ce matin ? C'est un rencard ou quoi ?"
Steve haussa les épaules. "C'est un interrogatoire ? Content de voir que t'as pas perdu tes habitudes de policier !"
Cela fit rire Bucky. "Non mais sérieux ! Il est un peu bizarre, non ? Il a l'air bizarre."
"Il est bizarre" confirma Steve. "Ne vous occupez pas de moi. À demain."
"Non mais attends" s'exclama Bucky alors qu'il refermait la porte, "Comment on va réussir à se lever si t'es pas là pour nous sortir du lit à six heures du mat' ?"
"Je vous réveille à huit heures, n'exagère pas" rectifia Steve, "Et je dors ici, ne va pas t'imaginer n'importe quoi !"
Une dizaine de chapitre prévus, environ ! Enjoy !