Oh ma Lexa...

Je ne pensais même pas qu'on irait si loin, toutes les deux. Dès le début, j'ai compris que tu ne serais jamais disponible – que ton cœur ne serait jamais disponible. De toute façon, tu l'as fait assez clairement comprendre dès le premier soir : j'étais exactement ce que tu cherchais, mais seulement si on s'épargnait « le petit jeu idiot des sentiments », hein ?

Ce soir-là, tu as joué à la dure parce que tu l'es, résistante, forte et tout le tralala, mais ce n'est pas le fond de tout ce dont tu es capable.

Je me souviens encore très bien - je doute que toi aussi - que le lendemain matin, tu es restée contre moi et tu t'es excusée pour tes paroles froides et sans illusions de la veille. Mais tu as répété que tu ne voulais pas créer de lien. Sur l'instant, je me suis dit que ça te faisait peur.

Mais, eh, ça tombait bien moi non plus, je ne voulais pas me prendre dans les filets d'une nouvelles relation compliquée. Si on s'aimait, ce serait dans l'intimité des couvertures, et seulement pendant ces contacts ponctuels.

Cette petite relation secrète fonctionnait bien, au début. Je sentais déjà que quelque chose te retenait ; certainement ce même quelque chose qui te faisait effectuer des pas en arrière, quelquefois. Toutes ces fois où tu t'en allais dès qu'on était satisfaites, redescendant faire la fête quand c'était à une soirée étudiante, rentrant chez toi quand on finissait dans ma chambre. Toutes ces fois où tu évitais de prendre les perches que je te tendais dans nos messages, pour éviter de me faire croire qu'un peu plus d'attachement était possible, peut-être. Certainement.

Je voyais ta distance comme une bonne chose ; elle m'éviterait, à moi aussi, de trop m'attacher. Je voulais, et je veux toujours, vivre seulement ma vie comme je l'entends. Je n'ai pas vraiment le temps d'une relation suivie, trop de travail, trop de devoirs. Savoir qu'en cas de trop grande solitude j'avais quelqu'un à qui me raccrocher, c'était parfait pour moi.

Et je t'attribuais les mêmes motifs, à toi, Lexa, la grande indifférente qui faisait tomber toutes les filles et les mecs autour de toi – sans t'en rendre compte, ou à peine. Tu aurais pu avoir qui tu voulais ; même les hétéros accrochées au cou de leurs mecs avouaient au bout de trois verres et d'un chiche/vérité que pour toi, elles changeraient de bord. C'est un accord tacite entre tout le monde, tu le savais ? Tes beaux yeux verts tiennent en respect toute la promo, et tu intrigues même les supérieurs.

Tu es belle, irrésolument calme, très intelligente, et quand tu marches, tu leur fais tourner la tête, à tous. C'est comme ça aussi que tu m'as donné envie de relever le défi, sans trop y croire. Mais je sais qu'aucun d'entre eux ne se rapproche de ce qu'on partage depuis... combien, cinq mois, maintenant ? Et j'en suis si fière, quelque part... Je ne sais pas par quelle chance inouïe j'ai réussi à capter ton attention – enfin si, parce que j'ai fait en sorte de le provoquer, ce coup de pouce du destin. Mais je ne comprends toujours pas vraiment ce qui te retient dans mon seul lit.

Il n'y a personne d'autre – ça, tu ne me l'as jamais dit en face, mais tu me l'as laissé entendre, et fais comprendre. Je ne t'ai jamais vu pousser le flirt avec un autre au point de disparaître dans un des étages comme tu le fais souvent avec moi. Ça voudrait dire que tu tiens spécialement à moi ? Ou est-ce encore ton penchant chevaleresque et fidèle qui s'exprime et ôte tout intérêt à tes yeux à un autre quidam venu ?

Mais je sais que je ne suis pas la première à tes yeux. Je sais que je ne suis qu'une sorte de substitution. Je me force à me le rappeler crûment comme ça, Lexa, malgré tout ce que tu peux faire pour m'assurer le contraire. C'est d'ailleurs difficile, pour toi, parce que ta position est mal équilibrée ; tout en m'assurant que c'est moi, vraiment moi et pas n'importe quel jouet que tu voulais, et que tu veux à chaque fois qu'on se voit, tu persistes à ne pas pousser la chose plus loin. Je sais que je ne suis là que pour qu'on s'amuse un peu, qu'on se fasse du bien – c'était l'accord d'origine, et je recherche exactement ça. Mais je vois bien aussi que ça te dérange autant d'être froide et distante que de démontrer trop de tendresse envers moi – parce que ça pourrait me laisser croire que quelque chose pourrait se passer, entre nous ? Quelque chose de plus, quelque chose de mieux ?

Mais non, tu me donnes déjà tout, Lexa. Le respect immense dont tu fais preuve envers ma petite personne est le même qui te force à reculer et à me rassurer.

La différence avec une relation amoureuse établie, c'est que je ne t'ai pas officiellement et tout entière.

Je ne peux pas t'appeler, la nuit, quand je me sens bien trop seule et que je veux juste qu'on me parle au téléphone ; je n'en ai pas le droit, ça serait rompre le contrat.

Même si parfois, j'en ai bien envie.

Je pense très sérieusement que c'est juste parce que tu te montres adorable et prévenante envers moi, que je me sens si redevable. Et s'il m'arrive de me retourner pour te prendre dans mes bras pendant la nuit, je me convaincs que c'est seulement un réflexe de confort : chaque personne avec qui je partage ce genre d'intimité m'inspire une envie de contact tout doux, sans intention coquine, juste ça. La chaleur de l'autre.

La tienne est particulière.

Tu es vraiment toujours aussi insolemment attirante, aussi classe, aussi badass. Sérieusement, tu es impeccable en cours, tu aimes le sport – tous les sports, et puis t'es douée partout là aussi, c'est infernal. Tu as un corps de déesse, une intelligence impressionnante – je me souviens encore de la fois où tu étais agacée par une réflexion de Murphy à propos de Harper, et tu lui as fait fermer son clapet d'une seule réplique cinglante ; dans ta face, Murphy. Mais le pire, je crois que c'est que tu réunis un peu tout ensemble,et tu n'es même pas orgueilleuse ou n'importe quoi d'autre. Non, tu connais ta valeur, juste assez pour avoir cette confiance en toi qui me fait craquer, mais tu es bien trop respectueuse et douce pour faire quoi que ce soit de travers avec les gens. On ne joue vraiment pas dans la même catégorie.

J'ai toujours du mal à croire que je t'intéresse, quand je me rappelle clairement de tout ça.

Les autres seraient tellement jaloux, s'ils savaient...

Mais ils ne sauront pas. Parce que je sais garder un secret, et toi aussi. Et puis, que tout le monde te croie inaccessible ajoute à ton mystère. Alors qu'en fait, ils sont à des années-lumières de ce que tu voudrais vraiment.

Tu peux te mentir à toi-même, Lexa, mais pas à moi. Tu n'en as pas eu le courage, ou plutôt la lâcheté. Tu m'as dit, très clairement, que tu essayais de te détacher de quelqu'un. Quelqu'un qui n'était pas disponible en ce moment, et ne le serait très probablement jamais. Tu m'as dit ça d'un air tellement peiné que j'ai tout de suite voulu te rassurer, touchée par ta sincérité ; t'inquiète pas, je n'ai pas l'intention d'intervenir dans tout ça. Je suis juste là pour toi, ok ? Parce qu'on recherche la même chose, après tout ; s'amuser un peu, se faire du bien. Echange réciproque et mutuellement profitable, avec affection mais sans plus. C'était parfait.

Quelle connerie. Si j'ai pu être aussi rassurante ce jour-là, quand tu t'es confiée à moi, c'est parce que j'y croyais – j'y croyais dur comme fer, que la balance ne pencherait jamais. Que tu ne te laisserais jamais avoir – parce que sérieusement, qui se ferait avoir à mon charme, j'ai toujours eu des problèmes à rendre l'attirance émotionnelle réciproque – et que je ne me laisserais jamais avoir. Parce que tu me donnais déjà tellement, je ne pouvais pas vouloir plus, hein ? Parce que ça m'allait parfaitement, que la chose que je chérissais le plus, c'était ma liberté, hein?

Maintenant, je sais que tout ça, c'étaient des conneries. Enfin... Je l'ai toujours un peu su. Que tu étais trop parfaite, et surtout trop gentille avec moi. C'est surtout en voyant tes efforts pour ne pas me laisser m'illusionner mais en me donnant ce que tu croyais que je méritais que j'ai basculé lentement. Maintenant, j'en suis juste pleinement consciente.

Maintenant, je réalise.

Parce que je sens toujours ce fantôme chez toi.

Je vois bien que ce n'est pas moi que tu cherches, quelquefois. Qu'il t'arrive peut-être d'être un peu surprise de trouver mes yeux marrons au lieu du regard bleu cristal que tu recherches jour après jour. Tu ne peux plus t'en cacher, tu sais. Tu m'as même fait l'honneur de me donner son nom, et malheureusement, je la connaissais un peu : Clarke.

« Malheureusement », dis-je, parce que je sais très bien pourquoi tu ne peux t'en détacher. C'est pourquoi je ne serai jamais à la hauteur – si tant est que j'aie un jour envie de tenter la compétition pour ton cœur, Lexa.

Elle aussi est parfaite – blonde aux yeux bleus, sérieusement ? Corps harmonieux, popularité. Parce qu'évidemment, on pourrait croire que là se trouve la faille ; qu'elle n'est pas très intéressante, de prime abord. Mais si : elle est extrêmement maligne aussi, avec un super sens artistique. Pas pimbêche pour deux sous. Généreuse, loyale. Ceux qui ne veulent pas la mettre dans leur lit meurent au moins d'envie d'être son ami, d'attirer son attention bienveillante et sa joie rayonnante. Elle a l'air tellement cool, accessible, et par là, intrigante. Comme toi, Lexa – on ne peut pas être aussi parfait.

En l'occurrence, le gros du problème pour toi, et j'en suis vraiment désolée, c'est son petit-ami. Ou son ex-petit-ami. Personne n'a très bien compris ce qui lui est arrivé : la drogue ? la mort de sa mère comme déclencheur ? une maladie mentale qui se trouvait déjà là et n'avait jamais été vraiment bien considérée ? Toujours est-il qu'après une relation chaotique, qui minait déjà Clarke, il a sombré. Violence, drogue, trafic, et ils ont rompu. Je sais que tu étais là pour elle à ce moment ; vous ne vous connaissiez pas encore très bien, vous n'étiez même pas amies, mais tu lui avais offert ton soutien moral, et elle en a usé une ou deux fois.

Ça aussi, tu n'étais censée le dire à personne – ce n'étais pas un secret pour elle, mais c'en était un pour toi. Et tu me l'as dit. Dit qu'elle aurait pu être décevante, et balayer par la moindre petite erreur l'énorme coup de foudre que tu avais eu pour elle. Je me souviens de ta moue méprisante pour toi-même, quand tu m'en faisait le récit, assise sur mon lit. Tu t'en voulais de tomber si fort et si vite pour quelqu'un, surtout quelqu'un qui ne cherchait en toi qu'un appui, une épaule amicale. Et ça aurait pu continuer un moment, comme ça.

Si je ne connaissais pas la suite de l'histoire, j'aurais pu simplement te souhaiter de te sortir de cette friendzone galopante, ou alors de l'accepter, si tu étais prête à souffrir le temps qu'il faudrait pour que ton crush disparaisse.

Mais Finn est mort.

C'est terrible, j'ai encore le ventre noué quand je repense à l'ambiance atroce qui planait sur la fac pendant les trois semaines qui ont suivi l'annonce. Overdose accidentelle ou suicide, on ne sait toujours pas.

Tu n'as pas revu Clarke pendant quelques jours, nous non plus ; elle n'est pas venue en cours. Mais quand elle est revenue, ce n'étais plus vraiment la même : éteinte. On essayait d'être gentils et respectueux, parce qu'on avait peur qu'elle se brise dans nos mains... qu'est-ce que ça a dû être pour toi... Tu as dû te torturer, pendant ce silence-radio ; elle ne répondait plus, et tu ne savais pas si tu étais assez proche pour aller voir directement chez elle si elle allait bien. Elle a mis de la distance, en gardant seulement ses deux meilleurs amies à ses côtés.

Je suis sûre qu'au milieu de tout ça, tu voulais l'aider – mais tu ne te sentais pas légitime, hein ? Tu venais seulement apporter ton affection et tes services, mais tu pensais ça déplacé. Oh, Lexa...

Tu es vraiment quelqu'un de bien, tu sais ? Beaucoup trop bien pour moi.

Quand elle a commencé à remonter la pente, et que vous vous êtes revues une ou deux fois, ça a dû être terrible. Tu ne devais pas savoir comment te positionner.

Et puis elle est allée vraiment mieux, presque comme avant.

Une fois, tu t'es enhardie, et pendant une de vos sorties, tu lui as fait comprendre qu'elle t'obsédait, et que tu la trouvais incroyable, et que tu aurais pu tout lui donner.

Ça a dû être très difficile, quand elle t'a rejetée. Parce qu'elle ne te trouvait pas repoussante, au contraire. Ça, peut-être que tu l'aurais accepté, et surmonté plus vite, ce désespoir total. Mais son deuil n'était pas fini elle se sentait coupable. Et coupable, certainement, de ressentir quelque chose pour un autre que Finn, alors même que son souvenir la réveillait encore la nuit.

Ton problème, c'est ce petit espoir qu'elle t'a laissé.

Oh, bien sûr, tu ne te l'avoueras certainement pas – parce que tu essayes de tourner la page, de vivre ta vie. C'est là que j'interviens, hein ? Même si tu sais que tu ne pourras jamais aimer quelqu'un aussi complètement que Clarke Griffin.

Je suppute que c'est encore une fois ta profonde gentillesse qui te fait repousser les gens, pour éviter de les faire souffrir. Parce que tu as peur de ne pas être capable de tout leur donner comme à elle, c'est ça ?

Si c'est vraiment ça, je suis mal. Parce que moi aussi, ça me donne de l'espoir. Je ne pourrai jamais la remplacer, c'est certain. Mais ce n'est pas mon rôle.

Pourtant, j'en aurais bien envie. Mais comme tu sais si bien le faire, je comprends aussi ta situation. Et la sienne.

Je ne veux rendre personne malheureux.

J'espère au moins que tu ne regrettes pas trop de poser ta main sur ma hanche au lieu de la glisser dans la sienne. Enfin, j'imagine que tu ne le regrettes pas consciemment – j'ai déjà cru capter une hésitation ; tu te souviens de la fois où tu étais ivre, moi aussi mais pas autant, et on était déjà en train de se chauffer sérieusement dans une des chambres ? Rien d'inhabituel, mais à un moment, tu as eu l'air de réaliser brusquement quelque chose. Tu as arrêté, retenu ma main qui descendait dans ton pantalon.

Et tu t'es excusée.

Comme si j'allais être fâchée ou déçue – je ne comprenais pas, bien sûr. J'ai reculé, mais j'ai insisté pour savoir, encore et encore. Tu as fini par craquer, à cause de l'alcool qui te rendait un peu moins stable.

« Je pense à Clarke. »

Sur le coup, ça m'a fait mal, un petit coup de poignard dans le cœur. Mais je n'étais pas encore vraiment empêtrée dans ce que je ressentais pour toi. Il devait y avoir un peu de fierté, là-dedans, à l'époque. Quoi, elle pense à Clarke soudainement, et du coup elle arrête tout parce qu'elle se sent coupable ?

Mais il ne s'agissait pas de ça ; tu arrêtais tout parce que tu étais en train de penser à Clarke, parce que tu croyais que ça aurait pu être elle – parce que tu voulais que ça soit elle.

Elle qui te plaquait contre la porte et prenait le contrôle, elle qui te mordillait la lèvre et qui commençait à t'enlever tes vêtements avec impatience.

Et tu ne trouvais pas ça bien, pas envers moi.

Ça, tu ne me l'as pas dit explicitement, je l'ai compris. Et puis j'ai compris aussi ton geste. Et que tu aurais décidément du mal à l'oublier. Elle qui était exactement un étage en-dessous à ce moment-là, certainement en train de rire avec ses amies, un verre de punch à la main.

Ça m'a rendue tellement triste, ce regard que tu avais... Et puis tu étais si belle, éclairée par je ne sais quelle lampe à lave qui traînait dans un coin... J'ai ployé.

Je t'ai rassurée, je t'ai dit que ce n'était pas grave. Que je voulais seulement qu'on continue, parce que tu me faisait tellement de bien...

C'est là que j'ai accepté de fermer ma gueule, moi aussi. De te laisser imaginer tout ce que tu voudrais, du moment qu'on continuait de partager ces petits moments d'éternité, même si je ne faisais que croire à une illusion, même si on se trompait toutes les deux sur ce qu'on faisait et ce qu'on voulait vraiment.

De toute façon, aucune de nous deux ne pourrait avoir ce qu'elle voulait vraiment, alors quoi ?

Nous sommes des substituts l'une pour l'autre, Lexa. Je l'accepte, et ne pourrais pas le dire autrement.

Quelquefois, tu dois regretter que je ne sois pas cette jolie blonde à qui tu penses presque tout le temps.

Quelquefois, je regrette que tu penses à cette jolie blonde et peut-être pas assez à moi.

Oh ma Lexa...

Je crois que je suis amoureuse.