Salut à tous ! Une nouvelle Nuit pour l'écriture avec mes amies, et un OS Hobbit pondu ce soir-là ^_^

Thème 2 : Feu

Début : 21h00

Résumé : Parfois, Bilbo en rêve la nuit. Il voit l'immense salle, les joyaux sur lesquels il dérape, dans lesquels il s'enfonce, avant de s'extirper de l'amas d'or pour se cacher derrière un pilier. Tout brûle autour de lui, l'air, l'or, les manches de son manteau bleu. Smaug rit de son rire terrible. La chaleur est intolérable, et Bilbo étouffe, il suffoque.

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Parfois, Bilbo en rêve la nuit.

Il voit l'immense salle, les joyaux sur lesquels il dérape, dans lesquels il s'enfonce, avant de s'extirper de l'amas d'or pour se cacher derrière un pilier. Et tout brûle autour de lui, l'air, l'or, les manches du manteau bleu qu'on lui a donné à la Ville du Lac. Il se roule par terre, et le sol est brûlant, et Smaug le Terrible rit de son rire profond, celui qui fait trembler les fondations. La chaleur est intolérable, et Bilbo étouffe, il suffoque.

Puis il se réveille en sursaut, dans son lit douillet, la douceur de l'air du printemps filtrant par la fenêtre ouverte, un rayon de lune se pelotonnant sur son lit comme un chat, et il inspire un grand coup, en se rappelant que Smaug n'est plus là – Smaug n'est plus, tout court. Et Bilbo n'est pas du genre à laisser un cauchemar l'empêcher de retrouver le sommeil, alors il se recouche, et il se rendort aussitôt.

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Il n'a pas trop de mal avec les repas. Le manche de la poêle est long, il peut la tenir à distance. Le plus difficile, c'est probablement d'allumer le feu dans la cheminée, ou de poser la bouilloire en fonte sur le crochet à l'intérieur du foyer, mais s'il pense à autre chose, il y réussit par automatisme. Il n'aime plus trop regarder le feu qui ronfle dans la cheminée comme avant, mais il a toujours ses livres et son fauteuil, et c'est le plus important.

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C'est moins facile, par contre, le jour où il est appelé à la rescousse pour éteindre un début d'incendie dans la grange de Hamfast Gamegie. Mais Bilbo est un Hobbit courageux et généreux, et il fait taire la peur irrationnelle qui brûle, ironiquement, dans le creux de son ventre, et se précipite à l'aide avec des seaux d'eau directement tirés de son puits. Et s'il a le cœur qui bat la chamade tout le reste de la journée, une fois que le début d'incendie est maîtrisé sans avoir fait de dégâts et que Bilbo peut retourner à ses pâtisseries et à son jardin, personne ne le sait. Il désherbe avec un sourire sur les lèvres et les mains tremblantes, et espère qu'il ne fera pas de cauchemars ce soir.

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Lors de la fête du Solstice d'Été, un grand feu ronfle au milieu de la prairie, et Bilbo le supporte très bien, tant qu'il s'en tient à distance. Il rit, et il boit, et il boit plus qu'il ne rit, ce qui en dit long, et lorsqu'il s'affale sur son lit, il dort d'un sommeil sans rêves avant même que sa tête n'ait touché l'oreiller.

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La veille de son anniversaire, alors qu'il prépare des scones à la myrtille, le torchon qu'il rejette un peu trop brutalement touche le coin de l'âtre et prend feu, et Bilbo se fige avant de taper dessus frénétiquement avec son pied. Il sent l'odeur des poils de pied consumés, comme il la sent souvent dans ses rêves, comme il l'a sentie ce jour-là dans la salle du Trésor d'Erebor, et son cœur se met à faire des soubresauts erratiques, mais Bilbo n'abandonne pas, parce qu'il n'abandonne jamais. Lorsque les flammèches s'éteignent, il prend le torchon encore fumant du bout des doigts et va le plonger dans le tonneau rempli d'eau de pluie qui lui sert à arroser son jardin, juste à l'extérieur de sa maison. Le tissu fait "pschhh", et Bilbo ne le sort qu'après s'être assuré que chaque fibre de tissu a été trempée en règle. Il y a un gros trou noirci au milieu. Il le jette à la poubelle. Ça ne fait rien. Il en a d'autres.

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Le jour de son anniversaire, il reçoit par la poste un cadeau et une courte lettre.

Cher Bilbo,

Je te souhaite un très joyeux anniversaire, et j'espère que cette lettre arrivera à temps. J'ai pris la précaution de l'envoyer à l'avance, mais la distance qui sépare La Comté et Erebor n'est pas mince, comme tu le sais.

Le pays se reconstruit lentement, avec l'aide de Daín, qui a accepté de devenir Roi. Nous sommes très occupés avec les travaux, mais tous les membres de notre ancienne compagnie ont tenu à t'envoyer leurs vœux pour ton anniversaire. Bofur t'a fabriqué une flûte de sa fabrication, qui devrait te parvenir en même temps que cette lettre.

J'espère que tu te portes bien. N'hésite pas à venir nous voir à Erebor. Tu y seras toujours le bienvenu.

Avec toute mon amitié,

Balin.

Bilbo sourit, et examine la flûte taillée dans un beau bois clair, et se promet d'apprendre à en jouer pour le jour où Bofur et les autres viendront le voir à Hobbiton – ou le jour, nettement plus improbable, où il ira les voir à Erebor.

Il note que Balin ne mentionne ni Thorin, ni Fíli, ni Kíli, mais toute sa lettre respire leur absence. Il ne pleure pas. Il a suffisamment pleuré.

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Le soir de son anniversaire, Gandalf est là pour la fête, et Bilbo est partagé entre la joie de le revoir et la crainte qui lui noue les entrailles lorsque ses feux d'artifice éclatent en fanfare et qu'un dragon brillant vole vers eux à basse altitude en crachant du feu. Mais il garde un sourire sur le visage, pour ne pas inquiéter son plus vieil ami.

Gandalf passe la soirée à lui raconter ce qu'il a vu de par le monde durant l'année précédente, et surtout à Erebor. Il raconte Balin, il raconte Dwalin, il raconte même Dís, la sœur de Thorin, que Bilbo n'a jamais rencontrée, mais dont il partage la douleur. Il raconte la reconstruction, le futur d'Erebor, et Bilbo l'écoute.

Ce soir-là, lorsqu'il s'endort, il rêve des flammes des torches qui entourent l'autel mortuaire sur lequel est allongé Thorin. Il voit son visage pâle, encadré par les longs cheveux noirs qui reposent sur le marbre vert sombre, et ses paupières qui ne s'ouvriront plus jamais pour révéler ses yeux bleus. L'air est froid, les flammes minces, et pourtant, son cœur le brûle de l'intérieur, ses yeux le piquent, il suffoque.

Lorsqu'il se réveille en sursaut dans son lit, le cœur battant, il pense à Thorin, et il pense à Smaug, et il pense à combien il aurait affronté mille fois le feu, dix mille fois, si ça avait pu sauver Thorin de la mort.

Bilbo est quelqu'un de fort, quelqu'un de courageux, et il n'a jamais laissé les cauchemars lui gâcher la vie ; mais cette nuit-là, il ne parvient pas à refermer l'œil.

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Fin :21h44