Chapitre 8 : Semper fidelis
(toujours fidèle)


[Plusieurs jours plus tard]

« Venus ? Puis-je entrer ? »

La voix de Serenity chancelait et trahissait sa tristesse et sa nervosité. Venus savait que sa protégée hésitait devant sa porte depuis de très longues minutes et ce n'était pas la première fois ces derniers jours. Pourtant, la tentation de lui refuser l'entrée et ne pas récompenser son courage se faisait très forte. Elle garda le silence pour ne pas ouvertement manquer de respect à la princesse de la Lune ; peut-être la croirait-elle dans sa chambre, endormie, ce qu'elle n'arrivait plus à faire depuis presque une semaine déjà.

« Je veux te parler. J'entre. »

Venus ferma douloureusement les paupières et resserra contre elle le châle dans lequel elle s'emmitouflait de longues heures durant depuis une semaine. Un châle terran au tissu précieux fabriqué et offert par Tourmaline Boria afin de lui témoigner son accord quant à une relation avec son fils. En Gogledd, si elle acceptait leur relation – sans parler mariage – la mère offrait à la femme que son fils présentait à sa famille un châle tissé de sa main, à la préciosité dépendant de son propre statut social. Le père, à l'homme présenté par sa fille, offrait un carquois de corne d'un animal mort naturellement – afin de ne pas attirer les mauvais augures – et une flèche à l'empennage et la pointe d'un blanc de neige. Comme Venus était une guerrière, Feinrr Boria lui offrit également cette flèche rituelle en signe de respect et pour les remercier, la Vénusienne les avait nommés « Amis du Royaume de Vénus », leur ouvrant ainsi de nombreuses portes dans le système, plus que celles que leur ouvrait leur titre de vassaux du Millenium d'Or.

Serenity la trouva là où Mars la laissa quelques heures auparavant, sur la méridienne près de la haute fenêtre donnant sur le balcon. Les rideaux étaient tirés pour cacher la Terre qui brillait haut dans le ciel lunaire. Elle n'était pas apprêtée, le ruban rouge qui ornait habituellement ses cheveux se froissait entre ses doigts et le tissu du châle. Serenity savait que ce ruban très simple était le premier présent offert par Kunzite à Venus et son cœur se serra de la voir s'y raccrocher autant. La guerrière portait une simple robe d'intérieur et ses pieds étaient nus, repliés entre deux coussins posés sur la méridienne de bois. La jeune princesse prit place sur une chaise de tapissier qu'elle déplaça et installa face à son amie. Elle la détailla avant de baisser la tête, fixant ses mains sur ses genoux. Venus ne la regardait pas, le regard perdu sur les rideaux fermés et son visage, illuminé par le feu dans l'âtre qui mourait et le candélabre magique au mur, était creusé et ombré.

« Je suis venue voir comment tu allais, avoua-t-elle, piteuse. Je m'inquiète. Nous nous inquiétons tous mais Mars est la seule que tu ne refuses pas de voir.
– Il me faudra du temps, Votre Altesse, concéda la Senshi d'une voix rauque de ne plus avoir parlé et des longs pleurs. Je pourrai reprendre mon poste d'ici trois ou quatre jours, ne vous en faites pas. Même si je doute de mon utilité, rajouta-t-elle avec un simple regard glissant vers sa protégée.
– Nous ne nous inquiétons pas pour ta charge mais pour toi, Venus.
– Les choses auraient pu être pires qu'un simple gardien, dit-elle d'une voix vide, nous aurions pu vous perdre. Ou le Prince Endymion.
– Je suis désolée…
– Il est trop tard, trancha Venus, il aurait fallu nous écouter au lieu de croire que nous ne voulions que vous empêcher de voir le prince. Nous ne voyons que votre sécurité.
– Je n'ai jamais pensé ça, couina Serenity, tu es injuste. »

Le regard rougi et cerné de Venus l'attrapa et ce fut une voix pleine de douleur et de colère – envers qui ? Serenity ? Elle-même ? Kunzite ? – qui claqua :

« L'injustice est que quelqu'un d'autre a été la victime de votre naïveté. Pas même l'une d'entre nous pour nous faire payer notre erreur d'avoir cru pouvoir vous faire confiance. Et malgré le respect que j'ai pour vous, vous avez bel et bien pensé que nous ne vous comprenions pas. Nous sommes humaines, même si nous devons prendre des décisions difficiles. Perdus dans votre idylle, jamais vous n'avez pensé aux autres. Vous-même vous êtes moquée et n'avez pensé qu'à utiliser nos amours à vos fins, pour un chantage. Combien de fois avez-vous joué avec nos affections pour nous attirer sur la Terre ? Pas plus tard qu'hier, vous l'avez fait à mon encontre. Nous sommes à votre service mais nous ne sommes pas vos esclaves, Votre Altesse. »

Son ton très dur s'adoucit, se brisa presque, vaincu par la peine qu'amena la suite de sa confession si libératrice que terriblement douloureuse :

« Plus que mon honneur, dont je n'ai que faire si son abandon me permet de vous savoir en sécurité, j'ai perdu une chose irremplaçable, une personne que j'adorais, moi qui jusque-là ai été incapable de me lier sérieusement. Votre égoïsme a enterré l'homme que j'aimais et si je serai incapable de vous en tenir rigueur à long terme, j'en voudrai éternellement à Endymion d'avoir ainsi risqué et perdu la vie de l'un de ses gardiens, un de ses frères. Je ne vous soutiendrai plus à ce propos, les trois autres Shitennō ne méritent pas de prendre à nouveau un tel risque. Je ne souhaite pas à mes amies de vivre la même chose que moi. Alors, réfléchissez aux conséquences de vos actes, à présent, et pas simplement pour vous. Et il sera mieux pour tout le monde que vous cessiez de voir le Prince au plus vite avant qu'une autre tragédie ne se déroule. »

Venus sut qu'elle venait d'outrepasser ses droits en parlant ainsi à l'héritière de la Lune mais elle ne le regretta pas. Nul doute que cette dernière en ferait part à sa mère, avec raison, toutefois, elle ferait face aux conséquences. Si ce drame pouvait servir à faire réfléchir Serenity et lui rentrer du plomb dans la cervelle, elle accepterait la sanction pour ses paroles.

Elle l'observa et vit quelques larmes couler de sa tête baissée sur ses poings serrés sur ses genoux. Une pointe de culpabilité piqua son cœur et, d'une voix un peu adoucie, elle ajouta :

« Nous ne vous demandons pas de rompre tout lien immédiatement mais votre bannissement de la Terre et son interdiction d'aller sur la Lune vous empêcheront de toute façon de vous côtoyer. Continuer à entretenir ce fantôme de relation vous blessera plus sûrement qu'arrêter.
– Nous le savons et sommes résignés. Nous avons… échangé des lettres et mis un terme à tout cela. Qu'importe ce qui se passera par la suite, nous n'interagirons plus qu'en tant qu'héritiers de nos royaumes respectifs. Pas même en tant… qu'amis. »

Un sanglot étouffa ses derniers mots et le regard de Venus se voila d'une nouvelle peine. Oui, elle pardonnerait beaucoup et toujours à cette jeune fille fragile quelle que soit sa propre peine. Sa main desserra le châle et glissa jusqu'à l'un des poings fins pour le recouvrir et l'empêcher de trembler. Leurs regards si semblables se fixèrent et, n'y tenant plus, Serenity éclata en pleurs et se jeta dans les bras de sa protectrice.

« Je suis si désolée, Venus.
– Moi aussi, Princesse, moi aussi. Je m'en veux de n'avoir pu vous épargner cela. »


OoOoO

Épilogue à venir éventuellement (mais pas pas votre serviteur). Pour le moment, considérons que l'histoire est terminée.

OoOoO

Merci d'avoir lu, en espérant que cette petite histoire vous a plu autant que moi à l'écrire !