Salut tout le monde !

Merci à tous pour vos reviews sur l'épilogue de cette fic, Dryptéis, Selenia, Nalou, Minaerin, Cerise, Nagron, Vadrym, Zjut, Rhea, LolaLola, swmo (eh oui ! Merci beaucoup en tout cas ! Pour Murder Coffee, ça viendra... un jour XD), Debra, Marluuna, Chocobi, Holybleu, Clélia, Elisa (oooh, c'est chou XD Merci !), Marianclea, Desi (ah ah mais non enfin, ils passeraient pas le Nouvel An sans America ! Merci beaucoup :D).

Vous êtes des AMOURS !

Voilà donc des bonus pour vous ! Ce sont des chapitres un peu sans queue ni tête que j'avais écrits avant de décider de changer de cap (haha, vous l'avez ?) et d'écrire l'épilogue. Du coup c'est un peu la suite de l'histoire avant l'épilogue, sauf que vous savez ce qui se passe après du coup ^^ (Puis y'avait un petit lemon, et j'ai cru comprendre que ça vous ferait plaisir que je le mette...)

Donc voilà ! Bonne lecture !


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Steve

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Lorsque je me réveille, il est six heures, et les premières lueurs du jour s'infiltrent dans la chambre. La ciel, à travers les stores de la fenêtre, a l'air d'un bleu pur. Quelques étoiles scintillent encore légèrement, sur le point de disparaître. Ça va être une belle journée.

La température de la pièce excède déjà la moyenne (Steve refuse de dormir avec la climatisation (finalement réparée) parce que ça lui donne mal à la gorge), et ma peau est moite et brûlante. Surtout que j'ai un koala agrippé à moi comme à une branche.

Je repousse légèrement Steve, qui s'accroche encore plus fort. C'est loin d'être un incident isolé ; je pense que c'est sa manière de se rassurer vis-à-vis de ma présence. Depuis qu'il en a l'autorisation, il me touche sans cesse, que ce soit pour passer sa main dans mes cheveux ou la poser sur mon épaule, ou agripper mon bras quand on sort en ville et glisser ses doigts entre les mains. La nuit, il est encore plus avide ; il entremêle ses jambes avec les miennes, il me serre comme une peluche, il m'étouffe de baisers.

(Je ne me plains pas, évidemment. Sauf quand il fait très chaud, comme aujourd'hui.)

Parfois, le matin, il glisse sa main dans mon boxer et s'occupe lui-même de mon immanquable érection matinale. Et je lui rends la pareille.

J'aimerais bien que ce soit un de ces matins.

Je glisse mes lèvres dans son cou pour le réveiller. Il est toujours grognon quand on le réveille, mais lorsqu'il se rend compte que c'est moi, il se met aussitôt à rayonner. Je n'arrive pas à m'en lasser.

— Mmmfffhh, grogne-t-il. (Très sexy.)

J'étouffe mon rire et je continue à lécher sa peau, la main glissant sur sa hanche. Il tourne la tête pour se dégager en marmonnant des mots inintelligibles, et j'embrasse son épaule, puisqu'elle se présente à moi.

Il sent le sommeil, son odeur à lui, unique, et j'ai le palpitant qui s'emballe dans ma poitrine. Je suis dingue de lui. Je glisse mon nez dans sa nuque.

— Je t'aime.

Je ne lui ai pas encore dit, ça – du moins, pas depuis mon retour. Mais mon cœur va exploser, sinon, et c'est le seul moyen d'éviter ça.

Il tourne la tête vers moi et entrouvre ses yeux bleus, embrumés de sommeil.

— Qu'est-ce que tu viens de dire ? murmure-t-il d'une voix rauque.

— Je t'aime, Stevie.

Je pose mes lèvres sur l'arrondi de son épaule, une nouvelle fois. Il me fixe en silence, choqué, puis un sourire naît lentement sur ses lèvres. Il se retourne entièrement vers moi et entoure mon cou de ses mains, les yeux débordant d'émotion.

— Moi aussi, Buck. Moi aussi, je t'aime.

J'ai envie de lui – j'ai besoin de lui, comme j'ai besoin d'air pour respirer. Je glisse mes doigts sous son boxer, tout en le fixant dans les yeux d'un air interrogateur, et il hoche la tête doucement. Je le comprends si bien, maintenant, que j'ai presque l'impression de pouvoir lire dans ses pensées.

Ce n'est que maintenant que je mesure à quel point ça aurait été horrible de ne jamais retrouver tous ces souvenirs avec lui. Tout l'intensité de notre amour perdue, dissipée dans l'air, écrasée sous les briques d'un toit détruit. Et ne même pas savoir que j'avais connu ça.

Le plus fou, c'est que ça ne va probablement pas s'arrêter là. Mes souvenirs me reviennent de façon journalière, maintenant, mais il m'en reste encore beaucoup à découvrir. Et à chaque nouveau qui revient, mon cœur se gonfle encore plus d'amour pour lui. Chaque jour, je l'aime un peu plus que la veille.

Je l'embrasse. Ça fait des mois qu'on n'a pas fait l'amour, lui et moi, et je ne me souviens même pas de la dernière fois, mais mon corps a gardé des automatismes. Il sait d'instinct où le caresser pour lui tirer un gémissement, et où ne pas le toucher pour éviter qu'il se recule. Je pose mes lèvres sur son ventre si fin. Il détestait qu'on puisse apercevoir ses côtes à travers sa peau, avant. Il trouvait que ça lui donnait l'air d'un anorexique, mais je ne suis pas anorexique, disait-il, je suis juste mince ! Ma vénération pour son corps lui a donné une nouvelle confiance en lui, dont il manquait cruellement.

À présent, je le sens tendu, un peu nerveux, comme s'il pensait que mon amnésie a changé mes goûts en même temps, ou la façon dont je le vois. Mais il est toujours mon Stevie, avec le corps le plus parfait au monde.

Mais d'une certaine façon, moi aussi, j'ai peur. J'ai peur de faire l'amour d'une façon différente, et que ça ne lui plaise pas. J'ai peur d'être John plus que Bucky.

Il passe sa main dans mes cheveux et sourit.

— Je te vois réfléchir, chuchote-t-il. Ne réfléchis pas. Fais.

Alors je fais.

— De quoi tu as envie ?

— Prends-moi, répond-il aussitôt. Fais-moi l'amour.

Il y a du lubrifiant dans la table de chevet. Pas de préservatifs. (Forcément, ça fait dix ans qu'on est ensemble.) J'hésite.

— Tu as couché avec quelqu'un d'autre, pendant ces quarante jours d'absence ? plaisante-t-il.

— Bien sûr que non.

— Moi non plus.

Dans ce cas.

C'est si simple, de le toucher. Si naturel. C'est comme si mon corps entier était fait pour ça. Comme si le sien était fait pour recevoir mes caresses.

— Tu peux pas imaginer, murmure-t-il, à quel point j'en avais envie.

Oh si, je peux imaginer. J'en avais vraiment envie, moi aussi.

Impatient, il refuse que je perde trop de temps en préliminaires. Il essaie sans cesse de me pousser à aller plus vite. (Cette tête de bourrique.)

— Allez, Bucky, murmure-t-il. Dépêche-toi. Je vais mourir.

Je lève les yeux au ciel.

— Non, Rogers, tu ne vas pas mourir pour deux minutes supplémentaires. Je n'ai pas envie de te faire mal.

— Tu ne me feras pas mal !

— Et j'ai envie de profiter, je rétorque. Je ne me souviens plus de la dernière fois qu'on a fait l'amour. Je veux savourer celle-ci, tu comprends ?

Ça, ça lui cloue le bec. Il me fixe.

— Ok, murmure-t-il.

Ceci étant dit, malgré tout, quand je m'enfonce à l'intérieur de lui, j'ai l'impression de revivre. J'ai l'impression que mon cœur va jaillir de ma poitrine pour s'envoler loin d'ici. Il referme ses jambes dans mon dos et ses bras autour de mon cou.

C'est à la fois familier et inhabituel, et la sensation est très perturbante, mais par-dessus tout, c'est la félicité absolue. Je m'étais rendu compte, ces dernières semaines, que le sexe m'avait manqué, mais je ne savais pas à quel point. Là, à le tenir entre mes bras, mes lèvres dans son cou, ses bras dans mon dos, tout le reste du monde disparaît. Il n'y a plus que nous deux, ensemble dans ce lit, augmentant la température déjà élevée de la pièce, peau humide contre peau humide, et les gémissements qu'il essaie de toutes ses forces d'étouffer pour ne pas réveiller America.

C'est probablement la meilleure façon pour moi de lui montrer à quel point je l'aime, et il ne s'y trompe pas. Il me comprend parfaitement. Il passe une main sur mon front en sueur, enlève les cheveux qui y sont collés, coince mes mèches derrière mes oreilles, le sourire aux lèvres. Je pourrais rester des heures comme ça, à le contempler.

— Je t'aime, murmure-t-il. J'ai voulu te le dire tellement de fois, ces derniers mois, mais je ne pouvais pas. Maintenant, j'ai le droit. Je t'aime, Bucky.

Je l'embrasse.

Je voudrais vivre à l'intérieur de son corps pour toujours.

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— C'était quand, la dernière fois qu'on a fait l'amour ?

Il est allongé à côté de moi, la tête sur mon épaule, encore un peu essoufflé, et trace du bout du doigt des motifs sur mon torse.

— La veille du jour où on est allés au MOMA, dit-il après un silence.

— Ah oui, celle qui a suivi le sexe par téléphone ? Où tu disais que tu avais mal aux reins ? Je ne m'en souviens pas, mais j'ai lu notre conversation SMS.

Il se met à rire.

— Non, c'était l'avant-dernière, celle-là. La dernière, c'était juste le soir qui a précédé le MOMA. On était fatigués, alors c'était vite fait. Un petit coup rapide avant d'aller se coucher. J'y ai souvent repensé, dit-il d'une voix pensive. Je me suis dit que si j'avais su que c'était la dernière fois qu'on faisait l'amour, j'aurais pris mon temps, j'aurais savouré. Pareil pour notre dernier baiser. J'ai mis du temps à m'en souvenir ; c'était quand je me suis levé, ce matin-là, le jour du MOMA. Tu avais fait le café, et tu m'as donné une tasse en m'embrassant. Rapide, juste tes lèvres contre les miennes. J'aurais dû t'embrasser pour de vrai. J'ai regretté.

— Tu ne pouvais pas savoir… Tu ne peux pas m'embrasser comme si chaque baiser allait être le dernier.

— Ah oui ? On va voir.

Gracieusement, il s'assoit à cheval sur moi et se penche vers mes lèvres. (Du coup, je glisse les mains sur ses cuisses. Tant qu'à faire.) Puis il me mordille doucement la lèvre du bas, et celle du haut. Sa langue vient chercher la mienne, puis se retire pour se faire désirer. Il me taquine.

Heureusement, il ne faut pas longtemps avant qu'il se prenne lui-même à son propre jeu, et son baiser devient fiévreux, urgent, presque désespéré.

Lorsqu'il se relève, il a les joues rouges et les yeux brillants.

— D'accord, admet-il, peut-être qu'il vaudrait mieux que je garde ce genre de baisers pour chez nous.

— Pour notre chambre, même. J'ai pas envie qu'America me voie avec un début d'érection.

Il éclate de rire, et j'aime tellement ce son – je ne peux pas m'empêcher de sourire, même si j'étais parfaitement sérieux. Puis il se rallonge à côté de moi, dans sa position préférée, ses jambes entre les miennes et sa tête sur mon épaule.

— On avait parlé d'adopter un enfant, avant l'accident ? je demande à mi-voix.

— Pas spécialement. Mais on peut en parler maintenant.

Je tourne la tête vers lui.

— Tu voudrais ?

Il hausse une épaule.

— Je n'ai jamais été contre. Je pensais que ce serait plutôt toi qui dirais non. Tu n'as jamais paru très attiré par les enfants.

— Mmh…

C'est peut-être vrai, en général, mais America est différente.

— Alors… Tu veux qu'on l'adopte ? Qu'on fasse les démarches ?

— On peut faire les démarches, dit Steve, mais rien ne garantit qu'on aura gain de cause. On est un couple gay, on ne gagne pas beaucoup d'argent, je suis en mauvaise santé, tu es amnésique. Notre dossier ne sera pas miraculeux.

— Mais ça fait deux mois qu'elle vit chez nous. Ils ne prennent pas ça en compte ?

— Ça m'étonnerait, Buck. Mais on essaiera quand même, d'accord ? On n'a peut-être pas beaucoup de chances, mais toujours plus que si on ne tente pas le coup.

Je hoche la tête.


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.oOo.

America

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Steve et moi, on s'est demandé s'il fallait qu'on en parle à America. La réponse le plus sensée serait probablement oui : il est logique qu'elle sache qu'on a envie de l'adopter. Mais comme on est parfaitement conscients qu'on n'a que très peu de chances d'y arriver, on n'a pas non plus envie de lui donner de faux espoirs.

Le problème, c'est que si on commence à faire les démarches en expliquant notre situation, je parie que dans la journée qui suivra, quelqu'un viendra nous l'enlever.

Alors on a décidé qu'on allait lui demander son avis.

Steve est allé bosser au café (un autre café, car le patron de son ancien lieu de travail l'a viré lorsqu'il a eu la jambe cassée, vive l'Amérique), et moi à l'épicerie chinoise, aussi faut-il attendre qu'on rentre tous les deux du travail, au soir. Steve vient me chercher après son service au café, et on fait le chemin du retour ensemble.

— On lui dit, alors ? demande-t-il d'un ton nerveux.

— Je pense, oui. Tu es sûr de toi à 100%, hein ? Tu ne fais pas ça pour moi ?

— Tu sais bien que non, dit Steve. Elle est aussi importante pour moi que pour toi.

Je lui prends la main.

Lorsqu'on entre dans l'appartement, aussitôt, une odeur de brûlé nous prend à la gorge.

— Bucky ! s'exclame America en se jetant sur moi. J'ai raté le repas !

Après un instant d'immobilité et de choc, Steve se précipite vers la cuisine pour éteindre le gaz, pendant qu'America enfouit son visage dans mon cou.

— Je voulais pas le faire brûler, mais j'ai mal calculé et…

C'est là, pour la première fois, que je me rends compte que Steve et moi, on a encore du chemin à faire avant d'être des parents accomplis. Ni lui ni moi n'avons pensé à dire à America de ne surtout pas toucher au gaz. Un frisson d'horreur me parcourt le dos en songeant à ce qui aurait pu arriver.

Je fais redescendre America et je lui montre le canapé d'un air autoritaire.

— Assieds-toi là, America.

Elle se fait toute petite, d'un coup, les yeux énormes, parce que ni Steve ni moi ne l'avons jamais engueulée – il faut dire, elle n'a jamais fait de bêtise, jusqu'à maintenant.

Je me tourne vers Steve.

— Ça va ?

— Oui, répond Steve. La poêle est probablement irrécupérable, et je suis incapable de dire ce qu'il y a dedans, mais c'est tout.

— De l'omelette aux champignons, dit America d'un ton piteux. J'ai voulu faire de l'omelette aux champignons.

Je m'assois sur la table basse devant elle, les sourcils froncés. Elle se ratatine devant moi à vue d'œil.

— Steve ? dis-je. Viens un instant.

Steve arrive et s'installe à côté de moi. On échange un regard, et lorsque je tourne les yeux vers America, elle a l'air plus morte que vive. Et l'idée de la disputer me brise le cœur, mais il le faut.

— Écoute-moi, America. Je comprends pourquoi tu as voulu faire à manger. Steve et moi, on travaillait tard tous les deux, et tu t'es dit que tu voulais faire ça pour nous aider, pas vrai ?

Elle hoche la tête, l'air misérable.

— Et c'est très gentil de ta part. Mais je t'interdis absolument de recommencer. Est-ce que tu comprends pourquoi ?

— Parce que j'ai fait brûler l'omelette… Et que la poêle est irrécupérable…

— Non. Ce n'est pas pour ça.

— Pas entièrement pour ça, ajoute Steve.

Elle nous fixe sans comprendre. C'est une enfant très mature, alors je l'oublie parfois, mais c'est quand même une enfant.

— Si je ne veux pas que tu recommences, c'est avant tout parce que c'est dangereux. Surtout des plaques au gaz. Sans le vouloir, tu pourrais déclencher un incendie. Tu comprends ?

— Mais je sais comment m'en servir…

— Même si tu sais comment t'en servir, c'est trop dangereux. Et si on te dit de ne pas le faire, il ne faut pas que tu le fasses, c'est tout. Tu comprends ?

Elle hoche la tête, les larmes aux yeux, et baisse le nez vers ses genoux. J'échange un autre regard avec Steve, qui me fait un petit signe.

— Steve et moi, on voulait te parler de quelque chose, ce soir.

Elle relève la tête, les cils toujours un peu humides, et nous adresse un regard interrogateur.

— On a réfléchi, tous les deux, et on s'est dit qu'on allait voir si c'était possible de t'adopter.

Toute son attitude change d'un coup : elle écarquille les yeux tout grand, ouvre la bouche, et s'apprête à bondir de joie ; mais Steve et moi, on a encore notre regard sévère, et elle reste à sa place. Je vois sur son visage qu'elle se demande si elle vient juste de gâcher toutes ses chances en brûlant le repas.

— Le problème, c'est que ça va être coton. Déjà, Steve et moi, on est deux hommes, et ça ne va pas augmenter nos chances. Ensuite, on n'est pas très riches. Et tous les deux, on n'a pas un très bon dossier médical. Notre seul atout, et encore, je n'en suis même pas certain, c'est qu'on te connaît déjà et qu'on a pris soin de toi pendant quelques mois. Mais si les gens de l'adoption apprennent qu'on t'a laissée allumer le gaz et préparer le repas toute seule, je suis sûr qu'ils refuseront aussitôt que ça aille plus loin.

Cette fois, elle se lève d'un bond.

— Je ferai tout ce que vous me direz ! Je serai super sage, je ne toucherai plus au gaz, je ne ferai rien de dangereux, c'est promis !

— Ça veut dire que tu es d'accord ?

— D'accord ?

— Pour qu'on t'adopte.

Elle me fixe comme j'avais perdu la tête.

— Bien sûr que je suis d'accord ! Pourquoi tu poses la question ?

— Parce qu'on ne va pas t'adopter si toi, tu ne veux pas.

— Je veux ! Je veux ! Je veux que vous m'adoptiez !

— Tu te rends compte que si on t'adopte, tu vas devoir nous obéir, aller à l'école, faire tes devoirs ?

— Je sais ! Je m'en fiche. Je veux que vous soyez mes papas adoptifs !

Je ne peux pas m'empêcher de faire un léger sourire devant son enthousiasme.

— Ok, dit Steve. Si on est tous d'accord, c'est déjà ça. Mais les obstacles vont être nombreux et difficiles à gravir. Déjà, pour qu'on puisse t'adopter, il faut probablement que tu sois enregistrée dans le système. Et ça, ça veut dire que dès qu'on commencera les démarches, quelqu'un viendra sans doute t'enlever de chez nous et te mettre en famille d'accueil.

L'expression enthousiaste d'America s'évanouit d'un coup.

— C'est obligatoire ?

— Je crois que oui, dit Steve. On se renseignera, mais ça m'étonnerait que l'État te laisse rester chez nous. On n'est pas qualifiés pour s'occuper de toi, Bucky et moi. Pas officiellement, du moins.

— Je ne peux pas juste rester ici, et personne ne le sait ? Comme ce qu'on a fait jusqu'à maintenant ?

— Non, c'est impossible, je réponds. Parce que déjà, tu vas devoir aller à l'école, ce qui veut dire qu'il va te falloir plein de papiers et tout le reste. Pareil si tu tombes malades et que tu vas chez le médecin, ce serait le bordel… Il faut qu'on soit en règle. C'est probablement illégal, que tu restes chez nous.

America fait la moue.

— Donc, soit vous essayez de m'adopter, et en attendant, je vais chez une famille d'accueil, soit je reste chez vous illégalement ?

Steve pousse un soupir.

— Pas vraiment. Soit on essaie de t'adopter et tu vas chez une famille d'accueil, soit on n'essaie pas de t'adopter et tu vas quand même chez une famille d'accueil. La seule chose qui est sûre, c'est qu'on ne peut pas te garder ici illégalement. Tu comprends ?

— Vous ne voulez plus de moi ? demande-t-elle d'une petite voix.

— Bien sûr que si, puisqu'on essaie de t'adopter, je dis. C'est mieux d'être réglo, tu sais. Si tu restes ici et qu'on te découvre, tu peux être sûre qu'ils n'hésiteront pas un instant avant de t'emmener avec eux, et là, ce sera impossible pour nous de te récupérer. Tu comprends ?

Elle hoche la tête lentement.

— Donc, quoi qu'il arrive, je vais aller en famille d'accueil ?

— Je crois que c'est inévitable. On va s'inscrire dans une agence d'adoption, on parlera de la situation au travailleur social. J'espère que Becca pourra nous aider. Mais c'est plus que probable que tu doives aller en famille d'accueil temporairement. Tu es tout de même partante ?

Elle réfléchit, puis hoche la tête.

— Oui. Si c'est temporaire. Si je peux vous récupérer ensuite.

— On fera tout notre possible, dit Steve. Juré.

Elle sourit, puis elle se lève et passe le bras gauche autour du cou de Steve et le bras droit autour du mien.

— Merci d'essayer, en tout cas, murmure-t-elle. Personne n'a jamais été si loin pour moi, avant.

Mon cœur se serre.

Il faut absolument qu'on arrive à l'adopter. Je refuse de la laisser partir.


.oOo.

Départ

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— Je ne veux pas y aller, dit America.

J'ai la gorge serrée, moi aussi, plus qu'elle ne pourra jamais l'imaginer, mais malheureusement, c'est moi l'adulte, ce qui signifie que je n'ai pas le droit de pleurer alors qu'elle est sur le point de me quitter pendant un très long moment.

Je m'accroupis devant elle.

— Moi non plus, Mer, je ne veux pas que tu y ailles, je réponds. Mais c'est notre seule chance pour qu'on puisse t'adopter. C'est ce que tu veux, non ?

— Oui, bien sûr.

— Alors il faut que tu essaies, America.

On est allés voir le juge il y a trois jours, juste après être allés à l'agence d'adoption. La conseillère lui a passé un coup de fil pour lui expliquer la situation : America, sans parents, dans la rue, et les deux paumés qui veulent l'adopter ; le juge a malgré tout eu l'air compréhensif, et il nous a dit qu'il mettrait en route toute la paperasse, et qu'il fallait s'attendre à ce que le Service de Protection des Enfants place America en famille d'accueil provisoire très rapidement.

Et trois jours plus tard, ce matin donc, ils ont appelé en disant qu'ils viendraient la chercher dans l'après-midi.

Effectivement, c'était rapide.

(Pour une fois que c'est rapide, dans l'administration. S'ils avaient été aussi rapides à retrouver mon identité...)

(Mais s'ils avaient été aussi rapides à retrouver mon identité, je n'aurais jamais rencontré America. Un mal pour un bien.)

— Je n'ai même pas dit au revoir à Steve ! s'exclame-t-elle.

D'énormes larmes dégoulinent sur ses joues, et mon cœur se brise en la regardant.

Ne pas pleurer. Ne pas pleurer.

— Je l'ai appelé ce matin, dis-je. Il a dit qu'il essaierait d'échanger son service de l'après-midi avec un collègue pour revenir plus tôt.

— C'est vrai ? demande-t-elle, les yeux grands ouverts. Je le verrai, alors ?

Avec les larmes, ses iris ont l'air de faire trois fois leur taille habituelle, et c'est très dur de ne pas se laisser déconcentrer.

— J'espère qu'il rentrera à temps, oui.

J'ai à peine prononcé ces mots que la porte d'entrée s'ouvre et Steve apparaît sur le seuil, les joues rouges, essoufflé, à deux doigts de la crise d'asthme.

— Steve ! s'exclame America en se précipitant vers lui.

Il lève une main pour lui faire signe d'attendre, repêche dans la poche de son jean son inhalateur et inspire deux bouffées, pendant qu'America le regarde d'un air inquiet, les bras ouverts, en attente de son câlin. Moi, je lève les yeux au ciel. Il a probablement couru tout le chemin, cet idiot.

Finalement, il ouvre les bras, un peu calmé, et America se précipite dedans.

— Je m'en vais cet après-midi ! crie-t-elle avec désespoir.

— C'est ce que… Bucky m'a dit, répond Steve d'une voix sifflante. Ils pouvaient pas… prévenir plus tôt… ces imbéciles.

— Je pensais que je devrais partir sans te dire au revoir ! Je suis contente que tu sois rentré à temps.

— Et moi donc, soupire Steve.

Je le fixe, serrés l'un contre l'autre, et mon cœur sombre dans ma poitrine. Voilà que je commence à peine à retrouver des souvenirs de ma vie passée, et déjà, je dois perdre America. Est-ce qu'un jour, je pourrai tout avoir en même temps ?

— J'ai fait mes bagages, dit-elle. Bucky m'a prêté un sac de sport trouvé dans l'armoire. Ça ne t'embête pas ?

— Non, bien sûr, dit Steve. Comme si j'allais faire du sport, de toute façon.

— Vous viendrez me voir, hein ? demande-t-elle.

— Aussi souvent que possible, je promets. On essaiera aussi de t'inviter chez nous, si on peut. Tu ne verras pas le temps passer.

— Promis ?

— Promis.

En attendant les services sociaux, on regarde le Voyage de Chihiro (Steve a une collection immense de films d'animation japonais parce qu'il adore le graphisme). America déglutit lorsque Chihiro est séparée de ses parents, mais comme elle les retrouve au final, tout va bien.

Il est près de dix-sept heures lorsque l'interphone sonne. America bondit et Steve se lève aussitôt.

— Oui ? Oui. Très bien. Cinquième étage, troisième porte à gauche.

Lorsqu'il raccroche l'interphone, il se tourne vers nous, très pâle.

— Les voilà.

America me serre avec force dans ses bras. Je lui caresse la tête. J'ai essayé de la coiffer, pour qu'on ne donne pas l'air d'être des parents sauvages, mais des mèches de cheveux entières s'échappent de sa tresse, parce que je ne suis pas doué. Je me demande si j'apprendrai ça dans les cours pour devenir parent qu'on est censés suivre en s'inscrivant à l'agence.

Trois minutes plus tard, on frappe à la porte.

Il y a deux personnes, deux femmes. Elles ont l'air plutôt souriantes, pour ne pas effrayer America, probablement, mais ça ne me rassure pas. Je les salue quand même, puis la plus jeune des deux, aux cheveux blonds et bouclés, se penche vers America.

— Bonjour… America, c'est ça ?

Celle-ci hoche la tête, subitement muette. Elle n'est pas timide, d'habitude, mais là, elle s'accroche à ma jambe et refuse de me lâcher.

— Je suis Kate, dit-elle, et elle, c'est Diana. On est venues te chercher pour t'emmener dans ta nouvelle famille.

America reste muette. Elle ne lâche pas ma jambe, elle ne dit pas un mot, mais ses sourcils froncés indiquent très bien à quel point elle déteste le terme "nouvelle famille".

La blonde se racle la gorge et relève la tête vers moi.

— On m'a parlé de la situation, dit-elle. Je sais que ça ne doit pas être simple pour vous.

— Où habite la famille d'accueil ?

— À Brooklyn aussi. Pas très loin d'ici, à quelques pâtés de maison.

— Ils pourront me rendre visite ? demande America d'une petite voix, toujours à moitié cachée derrière moi.

— Ça dépendra de la famille d'accueil, répond la blonde, mais je ne vois pas pourquoi ils diraient non.

— Elle va rester là-bas jusqu'à ce qu'on l'adopte, alors ?

— Non, c'est temporaire, juste pour une semaine ou deux, dit l'autre femme, plus âgée, avec les cheveux noirs coupés courts. Le temps qu'elle soit inscrite dans le système et qu'on trouve une autre famille qui pourra l'accueillir à plus long terme.

Dans ce cas, elle aurait pu rester chez nous entretemps, non ? À en voir leurs têtes, Steve et America se font la même réflexion que moi.

— Vous avez des questions ? demande la brune.

— Est-ce qu'ils pourront m'appeler au téléphone ? demande America.

— Est-ce qu'elle ira à l'école ? demande Steve.

— Probablement, dit la blonde en réponse à America, avant de tourner la tête vers Steve. Et oui. On essaie d'arranger ça avec l'école la plus proche de la famille d'accueil temporaire. Si elle change de famille, on fera en sorte qu'elle reste dans la même école.

— Oh non, soupire America.

Je m'accroupis à nouveau devant elle.

— Tout ira bien, Mer. Je suis sûr que tu vas te faire des tas d'amis. Ok ?

— Et si je suis bête ?

— Bucky t'a appris à lire en deux semaines, dit Steve. Tu es loin d'être bête. Tu ne seras peut-être pas tout de suite au niveau des autres, mais tu vas vite les rattraper.

— Et si ta famille est d'accord, on passera te voir parfois pour t'aider à faire tes devoirs. Ok ?

— Ok, dit America, visiblement pas très convaincue.

— Vous lui avez appris à lire ? me demande la blonde, intriguée.

— Oui. Elle vivait à la rue, avant, elle n'a jamais appris.

— C'est… C'est bien. De votre part.

Je la vois rougir, et Steve fronce les sourcils. Je peux déjà pressentir ce qu'il va faire : soit poser sa main sur mon épaule, soit autour de ma taille, pour bien marquer son territoire sur moi (ce qui ne manquera pas de me faire lever les yeux au ciel) ; mais avant qu'il ne fasse quoi que ce soit, America avance d'un pas, l'air plein de fierté.

—Bucky est super intelligent. Et il est super gentil. Il ne me gronde jamais sans raison. Et il est super beau et fort.

La blonde rougit plus fort, et America ajoute :

— Et il est super heureux avec Steve.

La blonde pâlit, Steve s'étouffe, et moi j'essaie de réprimer mon rire. America a l'air encore plus férocement protectrice que Steve lui-même, et ça veut dire quelque chose.

Mais l'instant d'amusement passe trop vite, car il faut dire au revoir.

— On ne peut pas l'accompagner jusqu'à la famille d'accueil ? demande Steve.

— Pour aujourd'hui, on préférerait éviter, dit Diana. Il y a beaucoup de choses à régler. Mais on donnera votre numéro de téléphone à la famille d'accueil pour qu'America puisse vous appeler ce soir, si vous voulez.

— Oui ! s'exclament Steve et America en même temps.

Finalement, la mort dans l'âme, America ramasse son sac de sport, puis elle le repose au sol et vient nous faire un dernier câlin. Je n'aurais jamais cru que ses petits bras possédaient autant de force.

— Vous viendrez me voir, hein ? murmure-t-elle.

— Bien sûr, Mer.

— Souvent ? D'accord ?

— Le plus souvent possible.

— Je vous appellerai, d'accord ? Répondez !

— T'inquiète pas.

On l'accompagne en bas, et après une dernière étreinte et un dernier au revoir, elle monte dans la voiture des deux travailleuses sociales. À travers la vitre, je la vois nous faire signe, puis le moteur démarre et la voiture se faufile dans le trafic.

Et on reste là, sous la chaleur écrasante, comme deux abrutis.

— Merde, lâche Steve.

Je lui prends la main et je l'entraîne dans l'appartement – inutile qu'on reste plantés sur le trottoir comme deux débiles.

Mais une fois la porte de l'appartement refermée derrière nous, il s'avère que c'était une erreur. L'endroit me paraît énorme, vide, inhospitalier, pour la première fois depuis que j'y suis arrivé après mon amnésie.

America est partie.

Et je sais que c'était comme ça, avant, je sais qu'on habitait dans cet endroit à deux, rien qu'à deux, j'en ai des souvenirs, mais là, en cet instant, je me demande comment je vais réussir à m'habituer à ce silence.

Des larmes silencieuses glissent sur les joues de Steve, et je le serre contre moi. On reste comme ça très longtemps.

.oOo.


Et voilà, cette fois c'est vraiment la fin ! (Sur une note très joyeuse, comme vous pouvez le constater XD) (Mais ouf, 30 chapitres, c'est un compte rond, je suis satisfaite !)

Merci à tous d'avoir lu jusqu'ici ! Merci pour toutes vos reviews, vos favs et vos follows !

A une prochaine histoire !