Chapitre 22 – Les retrouvailles

La journée avait été rythmée par les examens des quatrièmes années. La mine déconfite des élèves annonçait déjà à Amalia une correction fastidieuse, mais elle remit à plus tard cette préoccupation, un hibou lui avait apporté le matin même des nouvelles de Londres. Une fois tous les devoirs notés, elle devrait partir avant le banquet de fin d'année pour régler des problèmes de succession dans sa famille, en France. Une collation fut servie aux professeurs dans leur salle dédiée, peu avant l'épreuve finale du Tournoi des Trois Sorciers afin qu'ils puissent partir surveiller l'immense labyrinthe où se déroulerait l'épreuve.

Maugrey manquait à l'appel mais personne n'eut le temps de s'en inquiéter, Madame Bibine réunit tous les surveillants volontaires pour leur distribuer des balais. Le groupe se dirigea ensuite vers l'extérieur du château où se dressait des haies d'if majestueuses. En temps normal, Amalia aurait aimé féliciter les deux auteurs de ce décor, si seulement il ne représentait pas déjà en lui-même un danger pour les candidats. Autour des gradins et de l'entrée du labyrinthe, de petites tentacules sortaient des arbres et attrapaient rongeurs et oiseaux qui passaient à leur portée. Un frisson glacial parcouru l'échine de tous les professeurs. L'épais brouillard qui émanait du sol rendait la visibilité médiocre et renforçait l'impression sordide que dégageait le lieu.

Des cris et des applaudissements provenaient du château, les spectateurs et leurs champions se dirigeaient à présent vers eux. La pression monta également au sein du petit groupe. Tous les enseignants écoutaient Madame Bibine communiquer quelques recommandations d'usages, Maugrey arriva peu après et expliqua brièvement l'objet de l'épreuve. Les candidats devaient parcourir le labyrinthe à la recherche de la coupe récompensant le vainqueur. Ils seraient envoyés dans le dédale dans l'ordre des points qui leur ont été attribué précédemment c'est-à-dire : Cédric et Harry en premier puis Viktor et Fleur. Amalia pensa brièvement à Krum qui avait dû se débrouiller seul pour se préparer à l'ultime épreuve, son directeur était trop distrait pour l'assister et se faisait de plus en plus rare à table. Une fois les explications terminées, les gradins s'étaient entièrement remplis autour d'eux. Leur balai à la main, ils donnèrent enfin un coup de pied au sol pour s'envoler.

En prenant de la hauteur, ils saisirent l'importance du terrain à parcourir pour les champions : les haies s'étendaient à perte de vue et la faible lumière du soleil mourrait dans l'horizon, le noir s'installa. A mesure qu'ils se répartissaient autour du dédale, les surveillants n'entendaient plus les bruits des gradins, après quelques minutes pourtant, la voix de Verpey annonça le début de l'épreuve.

Avec appréhension, Amalia passa au-dessus d'une des allées principales pour suivre Harry. Les minutes s'égrainaient silencieusement, des pas raisonnaient mais l'étrange écho provoqué par la végétation ne permettait pas de dire d'où venait leur propriétaire. Deux garçons courraient côte à côte avant de prendre chacun un couloir dans les directions opposées. Amalia reconnu le Gryffondor mais un cri suivit d'un éclair rouge attira son attention plus loin. Un des candidats avait déjà déclaré forfait et une masse sombre se précipitait à sa rencontre.

Peu de temps après, Verpey annonça Fleur disqualifiée et les sentinelles sur leur balai l'écoutèrent pour en connaître la raison. Il ne restait plus que les trois garçons, Amalia essaya de rependre la direction que Harry avait emprunté peu de temps avant de le perdre de vue. Sous ses pieds, les haies bougeaient seules comme pour laisser passer un participant invisible et une bête étrange entre le scorpion et un scarabée géant se tordit de douleur. C'était un des Scroutts à Pétard de Hagrid qui se faisait attaquer par quelque chose, cependant, la jeune femme ne parvenait pas à savoir ce qui en était à l'origine. Elle suivit les traces laissées dans l'herbe mais une nouvelle gerbe d'étincelles rouges tout près du bout de son balai la conduisit à se poser au cœur du dédale. Une fois le pied au sol, Amalia découvrit par terre, inerte, le candidat bulgare. Viktor était stupéfixié et quand elle lui rendit son état normal, il demeura inerte. Le professeur d'Histoire le hissa avec difficulté sur son balai et le ramena auprès des juges du tournoi. La foule l'accueillit avec de grandes acclamations et Verpey hurla de sa voix amplifiée :

- « Quel dommage, un nouvel abandon, il ne reste que les deux champions de Poudlard dans le labyrinthe ! » Les cris redoublèrent dans la partie des gradins occupés par les habitants du château. Les professeurs restés auprès d'eux avaient un air tendu et ne se joignaient pas à l'allégresse générale. Amalia atterrit doucement devant l'entrée du dédale et Madame Pomfresh la rejoignit pour ausculter l'élève de Durmstrang. Une jeune fille de Gryffondor se jeta sur elles pour prendre des nouvelles du champion déchu.

- Tout va bien Miss Granger, il a simplement été stupéfixié par deux personnes ! Il va s'en remettre, retournez dans les tribunes s'il vous plaît.

L'infirmière avait accompagné d'une tape amicale dans le dos ces quelques mots. Elle fit apparaître un brancard pour porter Viktor et l'amener au calme. Dumbledore fondit sur Amalia suivit par Hagrid.

- Que s'est-il passé ?

- Je ne sais pas vraiment, je les suivais mais… il y a eu un phénomène étrange !

La jeune femme avait les sourcils froncés comme pour tenter de se souvenir de ce qu'elle avait vu ou cru voir.

- Les haies s'ouvraient et un Scroutt à Pétard s'est fait sonner.

- Par quel candidat ? interrogea Dumbledore, les yeux rivés sur la jeune femme.

- Aucun justement ! Quelque chose d'invisible l'a mis K.O. !

- Ce n'est pas possible ! répondit Hagrid. Avec leur carapace, ils résistent à tout ou presque.

- Albus, je ne sais pas ce qui leur a fait cela mais Krum n'était pas dans son état normal quand je l'ai trouvé. Ses yeux étaient voilés, un double sort de Stupéfixion ne provoque pas ce genre d'effet…

- Nous verrons plus tard, retourne patrouiller au-dessus du labyrinthe au cas où un autre élève ait besoin d'aide…

A peine Dumbledore avait-il terminé sa phrase qu'un gong retentît pour signaler qu'un des champions avait bien récupéré le trophée. Les applaudissements s'intensifièrent derrière eux, les tribunes vibraient sous l'agitation des spectateurs encouragés par Verpey hors d'haleine. Pourtant, la main du directeur s'était posée sur le poignet d'Amalia et ne se desserrait pas, ses doigts se crispaient de plus en plus à mesure que le temps s'écoulait sans le moindre mouvement dans les haies face à eux.

Un surveillant revint sur un balai pour annoncer que les deux champions étaient introuvables, la joie fit place à l'inquiétude. Les élèves regardaient leurs professeurs et tous les adultes présents afin de quérir des informations. Au premier rang se tenaient les familles des champions, une dame rousse serrait contre elle ses deux fils et d'un geste affectueux caressa l'épaule de Hermione lorsqu'elle vint les rejoindre.

- Albus, je crois qu'il y a vraiment quelque chose qui se trame ! Maugrey ne nous a jamais parlé d'un obstacle faisant disparaître les champions ! Nous devions pouvoir les surveiller et ne pas les quitter des yeux un seul instant ! s'exclama Amalia en prenant bien soin de s'exprimer dos au public.

- As-tu vu Maugrey depuis le début de l'épreuve ? souffla le directeur à l'oreille de la jeune femme.

- Maintenant que tu le dis, non. Où est-il ? L'ensemble des préposés à la sécurité est ici…

Peu à peu les murmures brisèrent le silence et l'agitation dans les gradins du fond poussèrent Dumbledore à réagir en organisant les recherches. Tous les surveillants se rassemblèrent pour former une ligne de recherche, espacés les uns des autres d'une dizaine de mètres et ensemble, lentement, fouillèrent chaque recoin du dédale. L'épuisement et le trouble se lisaient sur leurs visages crispés et la flambée d'étincelles rouges provenant de l'entrée du labyrinthe ne les rassura pas pour autant.

A leur retour, les cris de joie s'étaient transformés en lamentations, Amalia n'eut pas l'occasion de comprendre ce qui se passait. Les deux champions avaient déjà été amenés par les autres professeurs vers l'infirmerie. Elle dut rapidement conduire les élèves de Gryffondor vers leur dortoir à la place de McGonagall. Sur le chemin menant au château, la jeune femme capta des brides de conversations au sujet d'un mort. Son cœur s'emballa, elle n'avait qu'une hâte, monter quatre à quatre les marches vers l'infirmerie.

oOo

Le temps s'écoulait d'une bien étrange façon depuis le début de la journée : les examens l'avaient ralenti puis le chemin vers le labyrinthe était passé à toute vitesse avant de freiner à nouveau depuis le coup de sifflet du début d'épreuve. Jusqu'à ce moment précis. Amalia poussa d'impatience les élèves vers leur dortoir et ordonna au portrait de ne laisser sortir personne. Elle courut ensuite à travers tous les couloirs déserts, des personnages dans les cadres pleuraient à chaudes larmes, même Peeves ne tenta pas de la retarder lorsqu'elle enjamba un escalier qui se dérobait sous ses pas. Le claquement de ses talons l'accompagnèrent jusqu'à la marche finale du pallier avant la porte de l'infirmerie. La sorcière poussa d'un coup le passage et vit des visages connus se tourner vers elle.

Les lits de l'infirmerie étaient tous vides, Amalia retint un soupir de soulagement avant de questionner Madame Pomfresh.

- Que s'est-il passé après mon départ ?

- Mr. Potter est rentré avec le corps de Mr. Diggory… Nous n'avons rien pu faire. Dumbledore s'occupe du jeune Potter pendant que le professeur Chourave accompagne les parents de Mr. Diggory…

Amalia passa une main dans le dos de la vieille infirmière, son désarroi la touchait profondément. Elle avait tenté l'impossible pour sauver cet étudiant sous les yeux de ses parents, le moment avait dû être douloureux. Après de longues minutes à consoler sa collègue, la jeune femme s'approcha des élèves et de leurs familles qui attendaient l'arrivée imminente du champion qu'ils avaient soutenu quelques heures plus tôt. Avec une infinie délicatesse, elle fit apparaître des tasses de chocolat chaud fumant et les leur tendit. Une dame rousse essuya des larmes avec un mouchoir troué et la remercia d'un signe de tête.

Des bruits dans le couloir les fit se lever, Dumbledore entra le premier suivit de Harry qui avait mauvaise mine et enfin, un chien noir comme le jais. Amalia eut un doute mais lorsque l'animal trottina gaiement vers elle, elle avança une main pour lui caresser la tête et souffler tout bas.

- Tu es sain et sauf…

- Pourquoi est-ce que tout le monde est encore là ? tempêta le directeur. Harry a besoin de repos.

Il se tourna vers l'infirmière et lui demanda d'apporter une potion de Sommeil pour son protégé.

- Albus, je vais vous laisser en petit comité. Je voulais juste m'assurer que Mr. Potter allait bien et te dire que je ne suis pas loin si tu as besoin de moi…

- Hum, merci Amalia, sa voix s'était radoucie. Mais ne t'éloignes pas trop s'il te plaît.

Elle confirma d'un signe de tête avant de saluer les visiteurs et de caresser une dernière fois le chien qui s'était allongé au pied du lit de Harry. Elle se faufila dans l'entrebâillement de la porte et s'assit sur la dernière marche des escaliers pour attendre Dumbledore. Ses yeux commençaient à piquer, toute la tension de la journée ressortait peu à peu et elle sentit chaque muscle, l'un après l'autre, devenir douloureux. En regardant ses bottines, elle vit la boue et les brindilles qui s'y étaient collées. Amalia se redressa alors pour juger de son allure dans le reflet d'une des fenêtres de la tour. Son visage s'était creusé par endroit, l'inquiétude se lisait aux coins de ses lèvres, sous ses yeux. Les cheveux en bataille lui donnaient l'air d'une harpie, des feuilles s'y étaient emmêlées ça et là. Le grincement de la porte de l'infirmerie la fit sursauter, Dumbledore s'en extirpa. Le pompon de son petit bonnet se balançait au rythme de ses pas. Il avait l'air fatigué mais résigné.

- Viens, tu as besoin d'une bonne tasse de thé pour te réchauffer et retrouver tes esprits… dit-il d'un geste du bras.

Sans un mot, elle le suivit jusqu'à son bureau et s'installa dans un des fauteuils face à l'âtre vide de la cheminée. Une fois la tasse en main, elle se rendit compte que le froid avait anesthésié ses doigts et peu à peu, elle reprit conscience de ce qui l'entourait.

- Tu devrais t'occuper de la famille de Mr. Diggory, c'est le plus urgent…

- Pour le moment, l'urgence n'est pas là. Tout ce que je pourrais entreprendre ne fera pas revenir leur fils.

- Tu as raison, c'est horrible… Dis-moi plutôt ce qu'il s'est passé après mon départ. Comment une chose pareille a pu se produire à Poudlard ? elle prononça ces mots presque mécaniquement, sa voix était éteinte.

- Mr. Krum a rapidement repris connaissance. Il ne se souvenait plus du tout de ce qu'il avait vécu les deux dernières heures, son esprit a bien été manipulé. Karkaroff était introuvable, impossible de mettre la main dessus.

- Introuvable ? C'est un aveu de culpabilité après avoir mis le nom de Harry dans la Coupe ?

- Oh non, nous avons enfin découvert qui est l'auteur de cet acte…

Le sorcier n'eut pas l'occasion de continuer, des éclats de voix leur parvinrent à travers la porte du bureau. En un éclair, les deux occupants s'engouffrèrent dans l'escalier pour rejoindre l'infirmerie où ils découvrirent Fudge, Rogue et McGonagall en proie à une grande agitation.

La jeune femme se plaça avec des deux enseignants et lança des regards inquiets par-dessus du lit de Harry, qui semblait toujours endormi malgré l'agitation, pour surveiller le chien noir. Elle espérait que personne ne lui porte plus d'attention. Fudge ne voulait pas croire l'évidence, Dumbledore lui rapportait tous les événements de l'année et de cette funeste soirée mais le Ministre de la Magie niait le retour de Voldemort. Pour sa part, Amalia découvrit, horrifiée, ce que ses élèves avaient vécu dans cette prison de verdure. A aucun moment elle ne douta de la parole de Harry, cette mise en scène ressemblait trop aux méthodes de leur ennemi.

A côté d'elle, la jeune femme sentit Rogue déboutonner sa manche, elle comprit ce qu'il allait faire et lui saisit le poignet pour l'arrêter. Le cœur de son collègue battait sous ses doigts. Lentement, la jeune femme leva le regard à la rencontre du sien et lorsqu'elle croisait ses yeux noirs, le supplia par la pensée de laisser Dumbledore parler.

Mais le contact fut rompu avant toute réaction de sa part. Le chien se leva subitement et se faufila entre eux pour les séparer. Rogue en profita pour passer devant Dumbledore et retrousser sa manche. Il révéla la Marque des Ténèbres qui marquait sa chair, tendant le poignet sous le menton de Fudge dégoûté par ce qu'il voyait. Malgré son témoignage sur le fait que Voldemort était de retour, le Ministre ne voulut toujours pas se rendre à l'évidence : un danger approchait et il n'acceptait pas l'échec de sa politique. De colère, il prit congé en claquant la porte de l'infirmerie, non sans avoir remis à Harry le sac de Gallions qu'il avait gagné en terminant vainqueur du tournoi. Amalia bondit aussitôt sur l'animal pour le saisir au collier et l'entraîner vers le fond de la salle. Pendant ce temps Dumbledore donnait des ordres à Mrs. Weasley ainsi qu'à son fils Bill pour qu'ils préviennent leurs alliés. Personne ne se soucia de la conversation incongrue qui se déroulait derrière un paravent.

- Sirius ! A quoi tu joues ?

Le chien couina en passant une patte sur son museau.

- Arrête un peu, je t'ai reconnu ! Pourquoi as-tu fait cela ?

L'animal fixa Amalia de ses grands yeux jaunes, il semblait vouloir lui faire comprendre qu'il ne s'amusait plus de la situation, elle avait l'index tendu et l'air furieuse. La grande porte de l'infirmerie claqua à nouveau et la voix de Dumbledore raisonna.

- Amalia, peux-tu venir une minute avec ton ami à quatre pattes, je te prie ?

Elle s'exécuta et Sirius reprit forme humaine sous le regard effaré de Mrs. Weasley qui découvrit pour la première fois l'évadé d'Azkaban. Il était habillé de sa tenue de prisonnier en haillons, ses longs cheveux noirs étaient sales et sa barbe lui donnaient un air misérable. Pourtant, quelque chose se passa à ce moment précis dans la poitrine d'Amalia. Elle oublia toute la colère qu'elle avait accumulée dans la journée et se jeta dans les bras de Sirius, les larmes aux yeux.

- Tu n'es qu'un idiot doublé d'un imbécile !

- Allons, allons, calme toi, tout va bien se passer...

Il la serra contre lui et passa une main d'un geste d'apaisement dans ses cheveux. L'odeur qu'elle dégageait lui rappelait de tendres souvenirs et il ferma les yeux quelques instants pour apprécier ces retrouvailles. Derrière eux, un raclement de gorge interrompit ce moment. Rogue les toisait, un rictus mauvais au visage.

- Lupin et maintenant Black, quelle surprise caches-tu encore ?

- Severus, vous aurez tout le temps d'avoir cette discussion plus tard. A présent, je vais vous demander d'oublier vos querelles du passé à Sirius et vous, intervint le directeur.

Les deux concernés prirent un air désabusé.

- Serrez-vous la main.

Dumbledore bien qu'ayant employé un ton calme, imposait une certaine forme d'autorité. Ils s'exécutèrent brièvement avant de s'éloigner le plus possible l'un de l'autre. Le directeur paraissait à présent satisfait. Il se tourna vers Sirius et lui demanda de partir sous les protestations de Harry qui aurait voulu passer plus de temps avec son parrain. Il embrassa le garçon et déposa un bref baiser sur la joue d'Amalia avant de se transformer en chien et de sortir de l'infirmerie. Puis, Dumbledore demanda une chose étrange à Rogue.

- Êtes-vous prêt ?

- Oui, je le suis depuis longtemps.

Il était tendu et son teint était devenu très pâle. Amalia comprit alors ce qui allait se passer, sans un mot, elle sortit à son tour de la pièce et attendit sur le pallier que Rogue parte. Quand la porte grinça, il tenta de l'éviter mais elle s'interposa au milieu des escaliers.

- Tu dois t'imaginer… commença-t-elle.

- Je ne peux pas rester à discuter, j'ai à faire.

- Écoutes moi Severus, ordonna-t-elle d'une voix forte.

En entendant son prénom, il se figea.

- Je sais ce que tu t'apprête à faire et les risques auxquels tu t'exposes… dit-elle d'un ton plus doux. S'il te plaît, reviens-nous en vie.

Il resta à la regarder, perplexe. L'air triste qu'elle arborait pouvait difficilement cacher des intentions mauvaises. Il hocha la tête et dévala les marches jusqu'au parc du château.

La porte de l'infirmerie s'ouvrit à nouveau, Amalia entra pour rejoindre Harry. Mille questions lui brûlaient les lèvres et il eut du mal à attendre que son enseignante soit à proximité pour lui poser la première.

- Professeur, comment avez-vous connu mon parrain ?

Il y avait tellement à dire sur sa rencontre avec Sirius puis celle avec ses parents et Remus, elle n'aurait pas eu assez d'une nuit pour tout lui raconter. En s'asseyant sur le bord du lit, Amalia passa tendrement une main dans ses cheveux en bataille.

- Nous aurons l'occasion d'en parler, je vous le promets. Mais en attendant, je suppose que Dumbledore a déjà dû répéter que vous deviez vous reposer ?

Il acquiesça.

- Bien, dans ce cas terminez votre potion de Sommeil, nous nous reverrons prochainement pour en discuter. Reprenez des forces.

oOo

Un peu plus tard, tout en haut de la tour d'astronomie, le professeur d'Histoire retrouva son directeur. L'endroit était paisible et permettait d'avoir un panorama extraordinaire sur le lac et les environs de Poudlard. Au loin d'étranges cheveux ailées animaient le ciel, leur peau en cuir reflétait les rayons du soleil d'été.

- Albus ?

- Oui Amalia ?

- Je vais bientôt devoir partir, tu le sais.

- Hum, se contenta de répondre le vieux mage en s'appuyant sur la rambarde devant lui.

La sorcière l'imita et huma l'air tiède qui remontait le long des façades du château jusqu'à ses plus hautes tours. Dumbledore garda le silence, fixant l'horizon avec une expression réjouie, comme s'il y avait vu un détail important et qu'il attendait que la jeune femme le remarque aussi.

- Vas-tu enfin m'expliquer ce qu'il s'est produit ? finit-elle par demander.

- Ah, nous y voilà enfin.

- Albus… râla Amalia en se relevant.

- Je vais tout te dire, ne t'en fais pas.

Le directeur prit une longue inspiration et débuta son récit.

- Bartemius Croupton a eu un fils, Barty Croupton Junior. C'était un garçon prometteur lorsqu'il était étudiant malheureusement il a fréquenté un petit groupe d'élèves dont tous les membres sont devenus Mangemorts. C'est eux qui ont torturé les Londubat pour obtenir des informations. Barty s'est donc retrouvé à Azkaban en même temps que Bellatrix Lestrange.

- Pour un haut fonctionnaire comme Croupton, cela a dû être un choc je suppose…

- Tout à fait, plus encore pour sa femme. Elle ne s'en est jamais remise et sa santé déclinait. Alors par amour, Bartemius a accepté de l'aider à échanger sa place contre son fils en prison où elle mourut peu de temps après. Il a ensuite élevé son fils en cachette chez eux en le soumettant à l'Imperium auquel il a fini par résister. La Coupe du Monde de Quidditch approchait et il a réussi à convaincre son père d'y assister, caché sous une cape d'invisibilité. C'est lui qui a lancé la marque des Ténèbres vue par tous les partisans de Voldemort, encore alliés ou déserteurs. Ce signal a permis à son maître de le retrouver et d'élaborer un plan pour capturer le vrai Maugrey Fol Œil. Barty Jr. a pris sa place pour qu'il assure sa rentrée à Poudlard.

- Tu veux dire qu'à aucun moment je n'ai été en contact avec le vrai Fol Œil ? s'inquiéta la jeune femme.

- Pas une seule fois…

- Ceci explique pourquoi ses réactions me paraissaient étranges. J'avais mis cela sur le compte de mes souvenirs de la petite fille terrorisée. En fait, rien de tout cela n'était vrai. D'ailleurs, comment s'y est-il pris ? Tu aurais dû aussi te rendre compte de quelque chose.

- Barty Croupton Jr. a absorbé du Polynectar. Nous étions tous habitués à ce que Maugrey ne consomme que ce qu'il avait préparé donc cela n'a pas attiré notre attention.

- Je ne comprends toujours pas son but… Harry bien sûr ! s'exclama-t-elle comme si l'évidence s'imposait. Mais il aurait pu attenter à sa vie plus d'une fois au cours de l'année…

- Voldemort l'a fait entrer à Poudlard uniquement dans le but de truquer le Tournoi des Trois Sorciers. Il s'est arrangé pour que Harry devienne l'un des champions puis il a fait de son mieux pour l'aider à gagner en passant par de tierces personnes. Pendant la dernière épreuve, il stupéfixé Fleur Delacour et mit Viktor Krum sous l'Imperium pour l'obliger à attaquer Cédric Diggory. Quand tu l'as retrouvé, Harry et Cédric l'avait neutralisé, c'est pour cette raison que tu as vu des choses inexplicables lorsque tu surveillais le labyrinthe. Si tu te souviens bien, il est arrivé en retard à la préparation de la dernière épreuve…

- Oui, tout à fait.

- Il venait de transformer la Coupe du Tournoi en Portoloin pour amener Harry à son maître. Malheureusement, ils n'avaient pas pensé que deux champions auraient pu arriver au même moment et être transporté ensemble jusqu'au cimetière de Little Hangleton où Lord Voldemort l'attendait avec Peter Pettigrow.

Amalia eut un frisson et une moue de dégoût en l'entendant prononcer ce nom.

- Si le faux Maugrey n'a pas touché à Harry, c'est parce que Voldemort avait besoin de son sang pour recréer un corps viable et ne plus être le parasite d'un autre. Il ne supporte pas devoir compter sur autrui alors devoir dépendre de Queudver…

- Il est donc bien de retour…

Dumbledore acquiesça.

- Tu sais ce que cela veux dire, Amalia ?

- Plus que jamais.

Elle demeura pensive à fixant à son tour les animaux volants du domaine, le soleil avait pris de nouvelles teintes dorées. C'était une très belle journée.

- Quand as-tu compris qui il était ? reprit-elle.

- Au moment même où il a éloigné Harry de moi à leur retour du cimetière.

- Comme quoi, tu nous connais vraiment tous très bien…

- Ce qui m'amène à te poser une question… délicate. Qu'est-ce qui te préoccupe ?

- Tu n'oserais quand même pas lire mes pensées, n'est-ce pas ? répliqua-t-elle en haussant un sourcil. Albus, tu n'es pas inquiet d'avoir envoyé Severus là-bas ?

Le vieux sorcier la regarda avec curiosité puis son visage de détendit et un sourire mutin s'y installa

- Te ferais-tu du souci pour lui ?

- Comme si tu ne savais pas que j'ai l'énorme défaut de m'attacher aux gens ?

Le vieux sorcier lui passa un bras autour de l'épaule et rit. Ils restèrent en silence à contempler le paysage puis la jeune femme réalisa un fait terrible.

- Tu te rends compte que Neville a fréquenté pendant presque un an, l'un des tortionnaires de ses parents…

- Oui, il y a eu beaucoup de victimes cette année… l

L'expression de Dumbledore s'assombrit.

- J'espère que la vie lui réservera de meilleurs jours.

oOo

Harry put quitter l'infirmerie deux jours plus tard pourtant il évitait soigneusement tout contact avec les autres élèves mis à part ses deux amis de Gryffondor. Il n'avait qu'une idée en tête, revoir absolument son professeur d'Histoire avant de reprendre le Poudlard Express la semaine suivante. Harry avait remarqué qu'Amalia jouait du piano lors des moments les plus sombres. Alors avec sa cape d'invisibilité, il attendit devant la salle de musique de longues heures. Sa persévérance fut récompensée. Peu avant minuit, des bruits de pas le sortirent d'un sommeil sans rêve. Sa tête reposait sur les dalles froides et dures du sol, il s'était endormi en attendant, son vêtement magique avait glissé de ses épaules.

- Hum, j'aurais dû me douter que vous aviez hérité de cette fameuse cape, Mr. Potter !

Il remit ses lunettes en place pour voir nettement son enseignante les poings sur les hanches.

- Rentrez, je suppose que vous ne pouviez pas attendre cet été ! reprit-elle en ouvrant la salle de musique.

D'un coup de baguette, elle alluma toutes les chandelles au mur et enclencha une petite boîte à musique déposée sur le piano.

- Approchez.

Elle lui fit signe de la main pour qu'ils s'installent dans le sofa qui était protégé par un drap blanc. Amalia le dévisageait, il était en proie à une certaine agitation et maintenant qu'il avait la possibilité de poser toutes les questions qu'il avait en tête, aucune ne trouvait le chemin de sa bouche. La mélodie de la boîte à musique était apaisante, un peu trop d'ailleurs, ses paupières devenaient de plus en plus lourdes. La chaleur de la pièce et l'assise confortable du canapé l'enveloppèrent doucement, la sensation était délicieuse et menait inéluctablement vers l'endormissement. Son professeur lui sourit.

- Je vais devoir partir dès demain, j'ai des affaires urgentes à régler avant de revenir sur Londres. Si vous passez les vacances chez votre parrain, nous aurons l'occasion de vous raconter de belles histoires ensemble.

Mais Harry ne put répondre, le sommeil le gagna et ce fut seulement le lendemain qu'il se réveilla dans le dortoir de Gryffondor. Sa cape parfaitement pliée sur le bord de son lit, était la seule chose qui lui permit d'affirmer qu'il n'avait pas rêvé.

oOo

L'aube donna une aura mystique au Lac Noir quand Amalia dévala la douce pente du parc, sa baguette à la main. Elle était vêtue de sa toilette de voyage, les balbuzards de son manteau s'agitaient sous le vent du matin et sa malle la suivait de peu en flottant dans les airs. La tiédeur du début d'été lui caressa les joues et l'odeur de la forêt qui lui parvenait. Avec un brin de nostalgie, elle se retourna une dernière fois pour regarder le château. Les hautes tours qui lui avaient annoncé en début d'année son arrivée imminente dans son nouveau foyer, lui avaient caché tout ce qui se tramait dans l'ombre du confort moelleux de l'école. Amalia repensa aux rencontres, événements et découvertes de ces derniers mois. Avec un soupir elle reprit son chemin, des images défilaient dans sa tête et quelque chose se logea dans sa poitrine, un sentiment d'excitation et d'inquiétude mêlés. Elle savait qu'avant la rentrée prochaine, elle reverrait avec joie certains des protagonistes qui avaient échelonné son année mais qu'ils auraient tous une multitude de questions à lui poser, était-elle prête à tout leur révéler ?

L'incident du Tournoi des Trois Sorciers l'avait dissuadée de parler, ses secrets mettraient en danger les personnes qui en seraient témoins à présent, le temps viendrait où elle devrait les partager. En attendant, une nouvelle destination l'appelait.

Ses pas foulèrent à présent le gravier de l'allée menant à l'entrée du parc, le portail en fer forgé s'ouvrit sur son passage et se referma aussitôt dans un grincement sonore. Amalia se concentra sur le salon ensoleillé dans lequel elle avait passé son adolescence en France puis l'obscurité l'enveloppa et elle transpalana.


Fin tome I