Souvenirs

Cela lui avait prit plus de temps, mais il avait enfin mit la main sur une machine bon marché et en excellent état. Il avait eu le nez fin de donner une date ultérieur à ce qu'il avait initialement prévu, car il avait déjà une journée de retard, et ne serait de retour que le lendemain, dans la matinée.

Cette petite escapade n'avait pas été si simple, un mauvais pressentiment ne le quittait plus depuis son départ. Cette fille, aussi adorable était-elle, avait le don de l'inquiéter autant que ses propres fils. Peut-être même plus tant elle était innocente. Heureusement, s'ils avaient le moindre souci, ses garçons savaient où aller. Fairy Tail était un petit village remplit de mages, et bien qu'ils se cachent autant que possible de la population « normale », ils n'en demeuraient pas moins de puissants adversaires qui cultivaient leur magie depuis l'enfance.

Le soleil était levé depuis un moment déjà quand Silver aperçut enfin sa maison de pierre, au bout du chemin et la chaleur montait à une vitesse hallucinante. Toujours fleurie, Jubia avait trouvé une sorte de hobby dans l'arrangement de la demeure, que ce soit à l'extérieur ou à l'intérieur. Il n'était pas plus de 10h et le brun se demandait si ses enfants étaient déjà debout.

En s'approchant, voyant que tout semblait fermer et qu'aucun bruit ne filtrait, la réponse lui sembla claire comme de l'eau de roche.

Laissant son chariot dans la cours, près de son atelier avant de se rendre chez lui. Contre toute attente, la porte n'était pas verrouillée, et Jubia se trouvait dans la cuisine. Elle s'était d'ailleurs vivement retournée, surprise, avant de lui sauter dans les bras, comme soulagée. La pauvre avait une mine affreuse.

Quelque chose n'allait pas, et elle n'avait pas son carnet…

« Montre-moi. »

Jubia l'emmena à l'étage, courant presque, dans sa chambre, où Grey et Léon semblait bien mal en point. S'approchant du lit, il s'assied près du blanc, fiévreux, qui ouvrit les yeux en sentant une main sur son front.

« Papa ? » murmura-t-il, incertain.

« Je suis rentré. » rassura l'adulte, « Allons bon, qu'est-ce que vous avez bien pu faire tous les deux pour être malade ? »

« C'est rien, juste un coup de chaud, mais Jubia n'arrive pas à comprendre que ce n'est pas grave. » articula-t-il, à moitié divaguant.

« Je vois. Et ton frère ? »

« Il s'est endormit ya une heure à peu près, je crois. Il a été malade toute la nuit. »

« Jubia voulait aller chercher Zeref, mais Léon ne veut pas… »

Caressant gentiment la tête de la bleue avec un sourire, Silver rassura cette dernière en lui expliquant que pour le moment, la présence du médecin n'était pas nécessaire. Le mal dont souffrait ses fils était plus ou moins habituel en été, et ce, depuis longtemps déjà. Il lui avoua que lui-même y avait le droit selon les années. Les mages de glace supportaient mal les chaleurs excessives comme celles de ces derniers jours, mais la demoiselle ne pouvait pas le savoir, et elle n'avait encore jamais vraiment été confrontée à quelqu'un de malade. Elle avait simplement suivit les recommandations de l'aîné. Et toute la nuit, elle avait essayé de faire tomber la fièvre, de calmer les maux de Grey.

Dans la cuisine, Silver lui expliqua qu'il n'y avait pas grand-chose à faire pour soigner cela, à part de laisser faire le temps. Généralement quelques jours suffisaient pour que ses enfants se remettent sur pied et qu'en attendant, il fallait laisser la nature faire. La seule chose qu'elle pouvait faire, était d'améliorer leur bien être, avec des repas légers et adaptés, en rafraîchissant la chambre et en les hydratant.

« Ne t'inquiète pas, dans deux jours, ils seront en pleine forme. » déclara le plus âgé qui aidait à préparer de quoi remplir un peu l'estomac des malades, « Et toi, tu vas aller te reposer un peu cet après-midi, sinon on vas te retrouver dans le même état ! »

Un peu surprise, elle acquiesça cependant, n'osant pas avouer qu'elle-même était fatiguée. Après tout, tous les trois s'occupaient d'elle depuis plusieurs mois, il était normal qu'elle s'occupe d'eux à son tour quand quelque chose n'allait pas.

Finalement, l'installation de sa nouvelle machine attendrait un peu. Bien qu'ils soient habitués aux coups de chaleurs, Silver préférait surveiller ses deux garnements. Il se souvenait d'une fois où cela avait bien plus sérieux que d'ordinaire, l'année où leur mère s'en était allée. Il avait dû aller jusqu'à la ville pour les faire hospitaliser près d'une semaine. Oh, bien sûr, il avait rapidement fait le lien entre la gravité de la situation ce les évènements récents, et depuis, ça n'avait jamais plus été aussi sérieux, mais… juste au cas où, il préférait rester avec eux. Perdre ne serait-ce qu'un seul de ses enfants était une angoisse à laquelle il ne pouvait s'empêcher de repenser lorsqu'ils étaient malades, et à laquelle il ne voulait surtout pas être confronté. Ces deux-là lui avaient peur à de bien nombreuses reprises par le passé, surtout Grey, et bien qu'en grandissant, ils se soient assagis, ils n'en restaient pas moins des têtes brûlées par moments.

Les voir dormir ainsi avait quelque chose de nostalgique. Il avait un peu de mal à se rendre compte qu'ils étaient tous les deux déjà si grands, et pourtant, il les voyait tous les jours.

Rependant au départ de Léon, l'année précédente, il se demandait quelle serait sa réaction le jour où tous les deux partiraient définitivement de la maison. Et Jubia ? Qu'adviendrait-il d'elle ? Partirai-t-elle avec l'un d'eux, ou avec un inconnu ? Ah, l'avenir… Tant de possibilités.

Deux jours passèrent. Léon allait beaucoup mieux, il était même totalement remis. Grey, lui, était encore malade, mais s'était plutôt bien remit aussi. Encore une journée ou deux et ce serait de l'histoire ancienne.

« C'est pas juste que Léon soit déjà guérit. » râlait-il parfois, exaspéré de ne pouvoir rien faire.

D'autant plus qu'aujourd'hui, ni son frère, ni Jubia n'étaient encore venus le voir. Enfin, à part pour lui apporter son repas. De quoi apporter de l'ennui à l'ennui.

Dans la chambre près de l'escalier, les deux autres étaient justement assis sur le lit du blanc, en tailleur, chacun son carnet à la main.

Cela faisait un moment qu'ils en parlaient. C'était quelque chose d'important, autant pour elle que pour eux. Ils auraient dû faire cela plus tôt peut-être, d'ailleurs.

« De toute façon, ce sera rapide. Jubia ne se souvient pas de grand-chose. »

« C'est pas grave. On va tout noter et dès que tu as un souvenir, tu pourras le noter à la suite. » avait déclaré le blanc.

Acquiesçant d'un air décidé, la bleue prit une profonde inspiration et se mit à réfléchir, essayant de sonder sa mémoire à la recherche d'indices. Le seul qu'ils avaient à l'heure actuelle, c'était un dessin qu'elle avait fait peu de temps après être arrivée ici.

« Il y a des gens. Jubia ne les connait pas, mais… ils connaissent Jubia. Ils font peur. » écrivit rapidement la jeune fille, « Jubia n'est pas toute seule. Il y a pleins de voix. Mais Jubia n'arrive pas à savoir à qui elles appartiennent. On dirait des enfants, mais Jubia n'est pas sûre. »

Après une bonne heure à réfléchir à ce que tout cela pourrait être, les adolescents arrêtèrent leurs investigations pour le moment, n'ayant rien d'assez concluant pour le moment.

« Puisqu'on est dans les souvenirs, il me semble que ta chambre devient un peu étriquée en ce moment. Ca te dirait qu'on retire les derniers cartons, histoire de te faire un peu de place ? »

« Grey ne va pas apprécier…. »

« Ne t'inquiète pas. Je pense que ça ira. Et puis il faut aussi le bousculer un peu par moment. » sourit ce le plus âgé en se levant, les jambes un peu raides, remarquant qu'elle s'était remise à écrire, il la coupa dans son élan, « Et ne t'en fais pas pour mon père, s'il n'avait pas touché à cette pièce, c'était uniquement à cause de Grey. »

Un peu gênée, Jubia suivit tout de même le mage dans l'ancien atelier, où Grey semblait mécontent. Avec un air moqueur, Léon lui avoua être rassuré qu'il ne dorme pas encore comme il en avait prit l'habitude ces derniers jours, car ils avaient du travail.

« Je t'emmerde. Et puis d'abord qu'est-ce que vous pourriez avoir à faire ici ? » répondit-il, mécontent.

« On viens monter les derniers cartons de maman au grenier. » Déclara l'aîné, observant attentivement la réaction de son petit frère, s'expliquant face à l'incompréhension de ce dernier, « Jubia commence à manquer de place. »

Grey ne dit rien. Il ne bougea pas non plus, visiblement perdu dans ses pensées.

Hésitants, Jubia proposa à Léon de remettre cela à plus tard, mais il refusa, lui demandant d'attendre quelques instants, le temps que l'information fasse son chemin jusqu'au cervau du brun.

« C'est pas faux. Ca fait longtemps que ça prend la poussière ici. » dit-il d'une voix blanche, en se levant du lit, « Je vais un peu dans ma chambre. Vous allez faire trop bruit. »

D'un pas traînant, il s'empara de son oreiller, encore groggy, passant devant les deux autres qui ne dirent rien, un peu étonnés par cette réaction… trop calme venant de lui.

« Grey, dis-le si tu veux qu'on attende encore un peu. »

« Non, c'est bon. De toute façon, fallait bien que ça arrive un jour ou l'autre. » reprit le moins habillé, « Faut juste que je me fasse à l'idée. » avoua-t-il, « J'viendrais peut-être un peu tout à l'heure. »

Jubia se sentait mal de le voir ainsi. Sans vraiment s'en rendre compte, elle attrapa son bras. Ce geste spontané surprit les trois jeunes, mais les mots de Silver revinrent à l'esprit du malade. Jubia était capable de capter certaines émotions des gens dont elle était proche.

« T'en fais pas, j'ai juste l'esprit un peu embrouillé à cause de la fièvre. » mentit ce dernier en dégageant doucement son bras de l'étreinte de la bleue, « A tout à l'heure. »

Une fois seul dans sa chambre, il se laissa tomber sur le lit, ses pensées se mélangeant un peu, si bien qu'il finit par réellement s'endormir.

De l'autre côté, Jubia n'était plus très sûre de vouloir déplacer ces boîtes, mais Léon la rassura. Il connaissait suffisamment son frère pour savoir que sa réaction était plutôt un bon signe. S'il n'avait été d'accord, sa réaction aurait été beaucoup plus violente, même malade.

Ainsi, iles passèrent plusieurs heures à faire des allers et retours entre la chambre et le grenier, prenant leur temps puisque Léon se remettait à peine et qu'ils tentaient de ne pas faire trop de bruit pour ne pas réveiller son cadet.

Parfois, ils tombaient sur un carton ouvert, et par curiosité, ils regardaient ce qui se trouvait dedans. Dans l'un d'eux, justement, Jubia trouva un portrait de Mika. C'était une assez grande toile en excellent état, où elle souriait, un enfant dans les bras, un autre dans ceux de Silver, qui la tenait par la taille avec son bras libre.

« On peux garder celui-là et l'accrocher quelque part ? »

« Si tu veux, mais il n'a même pas de cadre… Il faudrait que papa en fasse un avant. »

Réfléchissant un moment, une idée germa dans l'esprit de l'aqueuse. Silver ayant beaucoup de travail, il n'aurait certainement pas le temps de s'occuper de cela maintenant. Cependant, pour ce qu'elle était en train d'imaginer, il en aurait peut-être suffisamment pour terminer un encadrement. Elle allait devoir en parler avec lui rapidement et discrètement.

Plus tard, Grey arriva finalement. Il était encore un peu vaseux, mais voulait voir où en étaient les deux autres. Ils avaient terminés et nettoyaient la pièce. Léon n'avait pas tord, il y avait bien plus d'espace à présent, mais d'un autre côté, cela lui paraissait bien vide. Il devrait s'y faire. Sans lui, cela aurait été fait bien plus tôt.

« Ca fait bizarre. Je pensais pas que c'était aussi grand ici. » déclara-t-il, surprenant les deux autres qui lui tournaient le dos, « Enfin. Je devrais réussir à m'y faire. »

La saison touristique avait prit fin depuis quelques temps déjà. Les feuilles avaient pris une belle teinte rousse et l'air s'était grandement rafraîchis. Depuis quelques jours, de nombreuses personnes s'étaient mises à poser des citrouilles aux fenêtres. D'étranges citrouilles dans lesquelles différents visages étaient gravés, illuminés de l'intérieur par de petites bougies. Certaines façades avaient également arboré d'étranges et effrayantes décorations, au village. Des squelettes, des vampires, des momies ou encore des fantômes. Jubia ne comprenait pas pourquoi une telle coutume. Elle n'avait d'ailleurs plus trop envie d'aller faire les courses car la nuit tombait trop vite et ces décors s'animaient une fois le jour partit.

C'est finalement le jour où les Fullbuster commencèrent aux-aussi à décorer la maison avec toutes ces choses que Jubia se décida à poser la question.

« Tu ne connais pas Halloween ? » s'étonna Grey, alors qu'il sculptait à son tour un potiron.

Secouant vivement la tête, elle s'assied à côté de lui, l'observant tout en écoutant ses explications. D'après lui, c'était une fête où le monde des défunts et celui des vivants se côtoyait et où, pour ne pas être embêté par les revenants, il fallait se déguiser en monstre, quel qu'il soit.

« Rassure-toi, les monstres n'existent pas, encore moins les fantômes. C'est juste une fête où les gens aiment se faire peur et où les gamins viennent sonner aux portes pour ramasser des bonbons. »

« C'est pour ça que Silver a demandé à Jubia d'en acheter plein ? »

« Certainement. D'ailleurs, si tu veux t'amuser un peu, essaye de réfléchir à des plats qui font peur. Demande un coup de main à Mirajane, elle est spécialiste. »

Acquiesçant, elle nota ce conseil dans un petit coin de son carnet, ajoutant qu'elle allait devoir se trouver un costume pour le 31 Octobre, jour de la fête. Léon, lui, s'occupait de l'extérieur, ajoutant de fausses planches aux fenêtres, de la fausse toile d'araignée un peu partout sur la façade, sans omettre de placer quelques unes des ces horribles bêtes dans la toile. Des pantins vêtus de noirs aux visages squelettiques, des fantômes, bref, tout un panel de monstres divers. Sans oublier les tombes.

Il restait encore deux semaines avant que la fête ne commence, et le plus gros du travail était fait. Il ne restait plus que les costumes et les plats. En feuilletant quelques livres de cuisine prêtés par la barmaid du village, elle avait trouvé quelques recettes sympathiques, bien que visiblement, ce soit surtout des choses sucrées. Après tout, pour une fois…

Les jours passaient, Jubia passait beaucoup de temps chez Mavis, dont le ventre était à présent bien visible, du haut de ses sept mois de grossesse. En contre partie de l'utilisation de la machine à coudre, Jubia lui avait proposé de faire quelques tâches ménagères pour alléger un peu les journées de la futur maman, son mari étant assez débordé avec son travail.

« Et quand le bébé sera là, Zeref va arrêter de travailler ? »

« Quelques jours, oui, mais ne t'inquiète pas, il sera remplacé par Polyussica. Tu ne te souviens certainement pas d'elle, tu n'étais pas encore réveillée. Elle sera là pendant deux mois environ, le temps que Zeref et moi puissions nous habituer à la vie à trois, mais aussi pour qu'il puisse passer un peu de temps avec nous. »

Effectivement, le nom évoqué ne lui disait absolument rien, mais d'après la blonde, c'était un excellent médecin, bien qu'ayant un caractère un peu à part. Au premier regard, elle pouvait sembler froide, mais elle était exemplaire dans son travail.

« Et sinon, tu ne m'as toujours pas dis quel costume tu avais choisis ! »

« En sorcière » écrivit-elle, le sourire aux lèvres, « Léon doit être en vampire et Grey en Loup-Garou. Mais Jubia ne sait pas en quoi Silver sera. »

Mavis, elle, avait choisie d'être un ange tandis que son mari sera un démon. Les deux femmes avaient donc beaucoup de travail pour que tout soit prêt puisque Jubia devait s'occuper de ceux des garçons. C'était Silver qui lui avait dit que lorsqu'ils étaient plus jeunes, Mika le leur en faisait un différent chaque année. L'idée lui avait plu et après une discussion avec les concernés, ils avaient acceptés qu'elle se charge de cela.

Tant et si bien que le jour des festivités, après maintes petites retouches sur les costumes, les trois jeunes étaient fins prêts à affronter les hordes de petits démons qui oseraient frapper à la porte de la maison.

Jubia sortait les saladiers remplis de bonbons, de doigts de sorcière, d'os en gressin, sans compter la multitude de petits gâteaux aux formes toutes plus affreuses les unes que les autres.

Lorsque ce fût au tour du doyen des lieux de rejoindre la cuisine, tous attendirent avec impatience de voir quel serait le dernier monstre du quatuor.

Il avait finalement opté pour un mort vivant, de fausses plaies sanguinolentes un peu partout, vêtements tâchés et déchirés et le teint verdâtre, les traits cireux et les yeux cernés de noir.

Son costume était en parfait accord avec la brochette qu'ils étaient et avec tout ça, Jubia était certaine que les enfants auraient la peur de leur vie s'ils tenaient bien leur rôle.

« Mes enfants, vous êtes absolument effrayants ! » s'enquit le zombi, absolument ravi, « A présent, allez donc travailler un peu sur le chemin et faites peur au plus d'enfants possible. »