Bonjour tout le monde !
Comme je suis en train de publier seulement sur AO3 Romance à l'italienne, je me suis dit que ce serait pas mal de vous faire une version soft d'une de mes fanfictions ici en attendant.
Elle a été écrite, il y a un bon moment (2013-2014), en cadeau à dragonna. C'est une FrUk. Sur AO3, elle est un peu dans le désordre, puisqu'elle était une succession d'OS au départ. Et ici, elle sera dans l'ordre chronologique.
Elle est sur mon UA : Anges et démons. Chaque nation peut se diviser en deux entités : un ange et un démon liés par un pacte d'amour et de protection. Pour Arthur, il s'agit de Britannia Angel et de Britannia Devil.
Disclaimers : Hetalia appartient à Hidekaz Himaruya.
Quand le pacte fut brisé
22 janvier 1901 :
Britannia Angel renversa sa tête en arrière en gémissant. Son démon pervers et diabolique se faisait un plaisir de le faire languir grâce à ses pouvoirs et ses caresses indécents. La chaleur si caractéristique de la séduction démoniaque l'entourait de ses bras de velours et lui faisait perdre toute prétention à l'angélisme.
Britannia Devil avait attaché ses deux bras ensemble au-dessus de son lit et se penchait avec délectation au-dessus de lui. Ses deux ailes noires surplombaient son corps et lui offraient un sentiment agréable de protection. Les yeux flamboyants du démon se posaient avec amour sur sa chaire. Etre l'unique centre de son attention contentait l'ange et le rendait heureux. Il n'avait pas besoin de plus.
Ils avaient atteint l'équilibre parfait entre les désirs dominateurs du démon et les besoins d'attention de l'ange.
Tout d'un coup, Britannia Devil s'arrêta de bouger comme tétanisé. De frustration, l'ange grogna, croyant à un jeu cruel de son amant. Il ne comprit le manège de son démon que lorsque ses poignets furent délivrés et qu'il entendit Devil, angoissé, murmurer sans s'arrêter :
« Danger, danger, danger ! »
Leurs corps récalcitrants, ils se séparèrent. Un courant d'air balaya la pièce, il était chaud. Britannia Devil se mit automatiquement devant lui pour le protéger.
« Démon », persiffla l'entité démoniaque en ouvrant grand ses ailes derrières lesquelles son amant se réfugia.
L'ange chercha du regard ses flèches pour avoir un moyen de dissuader un démon libre de s'en prendre à eux. En tant qu'entité angélique, Britannia Angel était vulnérable aux attaques démoniaques, mais il avait Britannia Devil pour le défendre. Seulement, seul un ange pouvait prétendre menacer un démon et le faire partir.
Britannia Angel lança un sort pour amener son arc et ses flèches magiques à lui.
Un sifflement retentit dans la pièce.
Puis un hurlement.
La voix de l'ange s'était brisée en même temps que celle de son démon.
De rage, de douleur, d'incompréhension, de haine !
Son aile droite était blessée gravement par une flèche démoniaque. Il se débattit contre l'objet fiché dans son corps et il entendit son démon crier contre son agitation.
Britannia Devil ne l'avait pas protégé ! Il avait failli à son devoir ! Il l'avait peut-être même fait exprès !
Les yeux pleins de larmes, Britannia Angel sentit une rage sans nom l'envahir à cette pensée. Sa confiance partait en lambeaux en même temps que son corps se tordait de douleur. Sa blessure le brûlait atrocement, comme sous l'emprise du feu destructeur d'un démon malfaisant.
Un craquement. L'ange sentit la flèche glisser enfin et le libérer d'une partie de son tourment. Il attrapa la taille de son démon par réflexe consolateur, mais très vite une haine impossible le frappa lorsque son démon voulut s'échapper de son emprise.
Un démon protégeait son ange ! S'il en était incapable, il ne devrait pas pouvoir se regarder en face ! Son démon ne l'aimait pas assez ou voulait se libérer de lui, sa part angélique ! C'était de l'insubordination ! Devil ne l'aimait plus, il ne l'aimait plus et il ne voulait plus le protéger ! Qu'est-ce que c'était que cette mise en scène pour l'attaquer ? En plein ébat, en plus ! Devil le répugnait à cet instant et l'ange le renia complètement.
Aveuglé par la colère, Britannia Angel n'hésita pas. Il posa sa main sur le dos de son démon pour prendre une partie de ses pouvoirs et se soigner immédiatement. C'était plus qu'interdit entre un ange et son démon, c'était simplement impensable que l'un d'eux blesse volontairement l'autre. Britannia Devil hurla de douleur en se faisant emprunter ses pouvoirs. Britannia Angel trouva amer le prix de sa guérison dans la souffrance occasionnée à son démon… Son démon, son démon, son démon… La pensée d'appartenance et le sursaut de conscience s'évanouirent, remplacés par une colère irraisonnée et par un sentiment douloureux de trahison.
Le cœur de l'ange se brisa, un sanglot lui échappa.
Leur pacte d'amour et de protection venait d'être brisé.
En pleine forme, l'ange se débattit contre son démon et prit l'ascendant pour les prochaines années.
Un courant froid s'échappa de ses ailes pour glacer le pouvoir de Britannia Devil. S'il ne tenait pas suffisamment à son propre existence, il aurait pu le tuer sous son ire inhabituelle.
L'ange décida d'enfermer la forme recroquevillée, misérable et inconsciente de son démon dans la cave de la maison.
Il pleurait en traçant le pentacle, mais il faisait attention de bien l'exécuter. Pour se protéger de lui-même. Il avait peur de son démon qui avait tenté de le tuer. S'il pouvait le tenir éloigné de lui, tout irait bien à l'avenir. Il n'aurait qu'à faire attention à ne pas croiser un autre démon.
L'ange était tellement blessé et bouleversé qu'il ne pensa pas à la possibilité d'un autre démon attaquant et le laissa s'enfuir.
Britannia Angel passa le reste de la soirée recroquevillé sur lui-même à pleurer toutes les larmes de son corps.
Le pacte s'était brisé.
C'était douloureux de ne plus être aimé et protégé par la part de soi-même à laquelle on accordait toute sa confiance.
Le lendemain, Arthur se réveilla avec une douleur atroce dans la poitrine, comme si son cœur allait s'arrêter d'un instant à l'autre. Il se précipita à la fenêtre de sa chambre pour voir les rues de Londres. Paisibles. Arthur n'arrivait pas à situer géographiquement sa douleur ailleurs qu'à Londres où il était en ce moment même. Il n'y avait pas de fumée, il n'y avait pas d'inondation, il n'y avait pas de tempête, il n'y avait pas de bombardement. Il y avait même du soleil !
Il avait pourtant très envie de pleurer, comme si un grand malheur s'était abattu sur lui. Incompréhensible. Il se sentait terriblement seul. Trahi. Désespéré. Mal dans sa peau. Alors que la veille, il s'était couché charismatique et dominateur, il se sentait comme une larve misérable au réveil.
Les larmes sortirent toutes seules. Il n'y avait pas que ses sentiments de blessé. Il le sentait physiquement, mais cela n'avait aucun rapport avec ses territoires. Affolé, il parcourut son corps à la recherche d'une blessure, mais il ne trouva même pas une coupure sur son corps. Un sanglot coupa sa respiration. La douleur se fit plus forte, presqu'insupportable.
Arthur aurait pu ravaler sa fierté et appeler ses frères à l'aide. Seulement, un sentiment paranoïaque jaillit du plus profond de son être. Ils y étaient sûrement pour quelque chose. Il aurait accusé également Francis, si cette stupide grenouille savait au moins tenir une baguette.
Le frémissement de la magie imprégnait les lieux rendant méfiant Arthur.
Il se sentait comme une bête acculée par un sortilège puissant et destructeur.
Arthur hoqueta de nouveau sous la souffrance. Il pleura à nouveau. Il voulait que ça se termine. Et il eut peur en ayant des pensées sombres et autodestructrices.
Il fallait qu'il appelle à l'aide très vite. Seulement qui ?
Arthur craignait tous les magiciens de la Terre en ce moment-même, et ceux qui ne l'étaient pas ne lui serait pas d'un grand secours.
Francis… Francis… Francis avait un talisman pour tenir éloigné les sortilèges.
Arthur mit la main dans sa table de nuit pour sortir une protection similaire. Elle lui brûla les doigts. Arthur comprit alors qu'on lui en voulait à mort. Qu'avait-il fait ces derniers jours de vraiment particulier ? Rien.
Arthur grimaça. Il s'était senti déchiré de l'intérieur, incapable de crier tellement cela lui avait coupé le souffle.
Une nation mourrait dans les flammes et dans la destruction, pas un beau jour d'hiver.
Arthur attrapa son téléphone. Il maudit ses doigts de composer le numéro d'urgence de Francis. Il ne voyait pas une personne plus proche de lui en ce monde que son amant occasionnel. Il allait invoquer le droit au silence des nations. Son rival n'en prendrait pas avantage. Au moins, pas tout de suite. Et surtout, il se tairait.
« Bonjour, mon petit lapin ! Que se passe-t-il donc ?
- Stupid frog.
- Je suis content que tu penses à me souhaiter une bonne journée. C'est très gentil de ta part », ironisa Francis.
La voix du français, bien qu'acide, le calma aussitôt, à son grand étonnement. Arthur ne comprit pas pourquoi, mais au moins était-ce efficace contre son blues matinal et ses douleurs.
« Good morning. France. We need to talk.
- Sinon pourquoi m'aurais-tu appelé alors que rien en cette si belle journée n'annonce de catastrophes justifiant un appel code rouge ? Dis-moi ! Quel est le problème ? Non ! Tu veux me demander en mariage ! Oh, sacrebleu ! »
Bizarrement, le coup du mariage lui réchauffa le cœur, avant de le lui refroidir. Francis disait cela pour plaisanter et se moquer de lui. De toute façon, cela n'avait été que du sexe entre eux. Jamais de l'amour. Il n'était aimé de personne. Il pouvait ressentir de l'affection pour Francis, mais ce n'était pas réciproque. Une méfiance stupide et insidieuse remonta en lui et il se sentit à nouveau très mal. La douleur le fit se tordre sur lui-même. Il recommença même à pleurer.
« Are you fine ? »
Le stupide accent français le fit sourire sur sa jolie langue anglaise.
« Non, et ça doit rester entre nous. J'invoque le droit au silence des nations. »
Il entendit Francis donner l'ordre à des personnes de s'en aller de son bureau.
« Tu peux parler sans crainte.
- Je ne sais pas ce qu'il se passe, dit Arthur en craquant.
- Tu ne me rassures pas du tout, Arthur ! Arrête de pleurer. On va trouver une solution. Il y a toujours une solution !
- En Angleterre, tout va pour le mieux, mais, moi, ça ne va pas. J'ai l'impression que mon cœur va s'arrêter de battre à chaque seconde qui passe.
- Une attaque à Londres ?
- Non, tout va bien. »
Il entendit un sifflement de peur entre les dents de Francis.
« Si ça peut te rassurer, te parler me fait me sentir mieux. Je n'aurais jamais cru, stupid frog.
- Tu as mal au cœur. Genre attaque cardiaque ou genre peine amoureuse ?
- Attaque. Je ne t'aurais pas dérangé pour une peine amoureuse. Tu sauterais sur l'occasion pour t'inviter chez moi, espèce de gros pervers.
- Appelle un médecin. Tu as peut-être mangé un truc pas net. Je t'avais dit de prendre un cuisinier compétent. »
Francis aimait à plaisanter, même dans les situations difficiles juste pour les dédramatiser. Arthur l'appréciait à sa juste valeur. Son cœur se réchauffa et s'apaisa.
« Ce n'est pas d'un médecin dont j'ai besoin, mais d'un magicien.
- La situation de ton système de santé est-elle si dramatique ? Là est peut-être le problème, ta population est malade à en crever et elle nécessite un miracle !
- Je pense que c'est un sort, stupid frog.
- Ou ton corps qui te lâche. Il faut penser à toutes les possibilités pour te sortir de là. »
Le fait de se moquer ne l'empêchait pas de penser aux détails pratiques. Francis était ainsi à se préoccuper des autres même de son pire ennemi à travers les siècles, mine de rien.
« L'Empire britannique va bien. Ça n'a aucun sens que je me sente aussi mal.
- Effectivement. C'est pour cette raison que j'ai incriminé ta cuisine exécrable. Pourquoi m'as-tu appelé moi, s'il te faut une nation magicienne ?
- Parce que je ne sais pas laquelle m'a attaqué ! Je ne vais pas inviter un possible meurtrier à finir son travail ! You stupid frog, sans cervelle.
- Oh, donc tu m'as appelé… Quel honneur de recueillir tes dernières paroles !
- Pour avoir ton avis sur la question.
- Oh, c'est bien la première fois que tu me demandes mon avis sincère ! C'est un jour à marquer d'une pierre blanche… Enfin, je veux dire ! Je vais tout faire pour te sauver la vie ! Surtout, ne panique pas. J'arrive aussi vite que possible. Va à l'hôpital le plus proche ! Tu vas à l'hôpital te faire ausculter en urgence.
- Et alerter tout le monde sur mon état de santé, you stupid frog !
- Pense à la désolation de ton peuple en apprenant ton refus de te faire soigner, s'il t'arrivait malheur.
- Je pense que l'un de mes frères a eu la vilaine prétention de prendre ma place. Je n'en suis pas sûr. C'est peut-être quelqu'un d'autre. Ils ne me veulent pas autant de mal. Enfin, je l'espère.
- Oh, un coup de nation raté. Tu as besoin que je te protège contre tes méchants frères ? Je viens de suite, mon lapin. »
Le verbe : « protéger » eut un écho puissant dans son corps entier et le fit trembler violemment.
« Arthur, ça va ? Ne meurs pas avant que j'arrive. Je veux en être témoin ! »
Un rire étrange s'échappa de la gorge d'Arthur. L'Anglais ne savait pas s'il pourrait tenir l'heure et demi que mettrait Francis à le rejoindre. A part, peut-être l'espoir de le revoir. Il y avait pourtant une possibilité que son mal-être l'emporte, alors il murmura ce qu'il avait sur le cœur et sur la conscience depuis tellement de temps.
« I love you. »
Arthur raccrocha parce qu'il ne voulait pas entendre une moquerie idiote et blessante sur son sentimentalisme navrant. Francis ne l'aimait pas. Personne ne l'aimait. Arthur pouvait quand même avoir des sentiments pour lui, sans que ça l'embête. Francis n'avait qu'à en faire abstraction, tout comme lui faisait taire son cœur sans arrêt.
Il eut comme un électrochoc en entendant du bruit au rez-de-chaussée.
La peur s'insinua dans son ventre en reconnaissant le pas feutré de Cymru. Revenait-il sur le lieu de son crime ? Ou s'inquiétait-il de son absence au palais ?
« Arthur ? Tu es là ? Tu ne t'es pas présenté ce matin. Est-ce que ça va ? »
Arthur se releva sur son lit et chercha de quoi se défendre contre son frère.
« J'ai une mauvaise nouvelle à t'annoncer. La Reine Victoria est morte hier. Arthur, est-ce que tu te sens bien ? Il faut que tu rencontres le Roi Edouard VII. »
Arthur eut le souffle coupé. Etait-ce pour cette raison qu'il se sentait aussi mal ? Sa Reine, celle qui avait régné le plus longtemps sur son pays, venait de s'éteindre loin de lui. Elle avait refusé catégoriquement à ce qu'il la veille jusqu'à son dernier souffle, lui intimant de s'occuper des affaires de l'état et de la laisser avec sa famille. Elle avait voulu lui dire adieu dans des circonstances plus favorables que le moment même de sa mort. Elle ne voulait pas voir toute la tristesse de son peuple en s'éteignant, juste se souvenir de son bien-être. Arthur l'avait respecté. Il se mit à pleurer à nouveau. Il n'y avait pas que la mort de sa Reine, il le sentait au plus profond de son être. Il était habitué à la douleur de perdre l'un de ses souverains. Ce qu'il ressentait était bien pire.
Cymru ne faisait que son devoir d'annonce. Les successeurs au trône d'Angleterre étaient tous Princes ou Princesses de Galles. Il était donc tout à fait normal qu'il soit là. Il devait être également chamboulé : un nouveau Roi, un nouveau Prince.
« Arthur ? C'est toi que j'entends ! »
Arthur entendit ensuite son frère crier d'effroi. Ce n'était finalement peut-être pas Cymru le fautif.
« C'est quoi tout ce sang, Arthur ! »
Son frère se mit à courir partout dans la maison, sûrement à la recherche d'Arthur.
« Cymru ! Je suis là ! »
Il entendit Cymru soupirer bruyamment et venir le rejoindre. En le voyant, les yeux de Cymru s'ouvrirent de surprise et de peur. Ne comprenant rien, Arthur vit son frère avec les larmes aux yeux se précipiter vers lui pour le prendre dans ses bras. Cymru le berça pour le réconforter. Avec son don magique de vision, il avait dû s'apercevoir de l'état d'Arthur.
« Je tuerai celui qui t'a fait cela, rugit Cymru.
- Je ne sais pas ce que j'ai. Je ne me sens pas bien du tout, gémit Arthur.
- Pas étonnant. « Pas bien du tout » est un euphémisme. Tu aurais pu mourir cette nuit ! Je vais m'occuper de toi et écarter tout danger. »
Cymru l'allongea et se pencha au-dessus de lui. Arthur aurait presque juré voir des ailes évanescentes et protectrices au-dessus de son frère. La main de Cymru passa au-dessus de lui, réparant des dégâts importants. Cymru n'arrêtait pas de murmurer des formules compliquées qui l'apaisait. Arthur se sentit en sécurité, enveloppé dans le pouvoir bienfaisant de son frère. Sa peine était toujours vivace, mais beaucoup moins douloureuse à supporter. Il sentait son corps, son esprit et son âme ne refaire qu'un en une sensation étrange et désolante. Il avait l'impression qu'une partie de lui en ressortait amoindrie, seule et trahie. Seulement il ne pouvait lutter contre cet arrangement malheureux. Il voyait Cymru se démener pour arranger son problème. Arthur en connaissait assez sur la magie pour savoir que son frère utilisait des sortilèges très anciens et très puissants pour le sauver. En urgence, Cymru ne pouvait faire que ce qu'il pouvait, mais il le faisait avec bienveillance. Arthur se sentit peu à peu sombrer dans l'inconscience.
Francis était sacrément secoué par les derniers mots d'Arthur. Il s'était transporté à l'agence de taxi la plus proche et il avait réquisitionné la première voiture disponible, prétextant une urgence diplomatique.
Le trajet lui prendrait une heure et demie jusqu'à la résidence excentrée d'Arthur. Le temps ne lui parut jamais aussi long.
Il n'y avait jamais eu de mots à consonance positive sur ce qui les reliait.
Ils disaient qu'ils se haïssaient. Ils disaient qu'ils étaient insupportables. Ils disaient qu'ils étaient mieux sans l'autre. Ils se disputaient tous le temps. Ils se menaçaient. Ils s'abreuvaient d'insultes. Ils se battaient ensemble. Ils couchaient ensemble à l'occasion, parce que ce n'était qu'une pulsion née du fantasme de se taper son pire ennemi. Ils se mettaient même ensemble parfois, parce que le corps de l'autre leur appartenait et à personne d'autre.
Ils avaient pourtant le frisson quand ils se touchaient.
Ils avaient le sourire quand ils se rencontraient.
Ils se languissaient quand ils se séparaient.
Etait-ce de l'amour ?
Un amour inavouable et déchirant.
Francis était impatient de voir Arthur. Il espérait que ce ne soit qu'une farce pour le tourner en ridicule. Il préférait continuer leur jeu de dupe plutôt que de ne plus jamais voir Arthur.
En arrivant, il apprit que la Reine d'Angleterre venait de mourir. Ce pourrait expliquer l'état de panique d'Arthur. Il se sentit plus léger, mais toujours inquiet.
Arthur changeait de Reine et de Maison. Ce pouvait le chambouler au point de se sentir mal, surtout après autant de temps avec la même Reine, mais au point de l'appeler au secours ?
Quand il sonna à la maison d'Arthur, il entendit des pas précipités.
Francis eut peur pour sa vie, quand Cymru lui ouvrit en lui pointant un fusil entre les deux yeux, ce qui fit fuir tous les passants du coin.
« Est-ce toi le coupable de tout ce bordel ?
- Arthur m'a juste appelé et m'a demandé de venir pour négocier un accord. Il m'a réveillé tôt ce matin et il a voulu ma présence immédiate. Je ne suis pas à ses ordres ou quoi que ce soit dans ce genre, mais…
- Je ne pense pas que tu aies les compétences magiques pour faire autant de dégâts, mais tu aurais pu charger quelqu'un d'autre de le faire à ta place. Je n'hésiterai pas à te faire très mal si c'est le cas. »
Francis ne pensait pas voir un jour Pays de Galle en mode grand-frère surprotecteur pour Angleterre. Il était tombé dans une dimension parallèle où Arthur lui avouait son amour et où Cymru adorait son petit frère.
« Comment va Arthur ? J'ai appris la mauvaise nouvelle. Toutes mes condoléances.
- Francis, continue de faire l'imbécile et tu auras une balle dans le pied.
- Je ne peux rien dire, je suis contraint au silence par ton petit frère chéri pour lequel je m'inquiète beaucoup.
- Il est hors de danger, mais pas pour très longtemps. Si tu sais quelque chose, parle maintenant !
- Je ne sais rien de plus ! »
Cymru, méfiant, le fit entrer à l'intérieur puis passa ses mains autour de lui avant de décréter que Francis était innocent. Cymru prit un balai et se mit en tête de nettoyer l'endroit. Francis se fit beaucoup de soucis en voyant des draps tâchés de sang plus ou moins sombre. Même si l'attitude de Cymru laissait à penser qu'Arthur était bien vivant, il ne pouvait s'empêcher d'être inquiet.
« Il est blessé ?
- C'est compliqué, dit Cymru en enfermant dans un sac des plumes blanches et noires.
- Arthur avait peur que tu puisses être impliqué là-dedans, affirma Francis, prêt à jouer franc-jeu. Est-il toujours en vie ?
- Maintenant, c'est toi qui m'accuses ?, s'indigna Cymru.
- Moi aussi, je suis blessé que tu aies pu me soupçonner. »
Du point de vue de Francis, Cymru semblait faire disparaître les preuves.
« J'ai examiné les lieux. Je ne sais pas qui c'était, se justifia Cymru. J'enlève tout ça, histoire qu'Arthur ne tombe pas dessus et que ça le perturbe encore plus.
- C'est quel genre de sort ?
- Pernicieux, siffla Cymru entre ses dents. Sadique et destructeur.
- Pas mon genre, dit Francis. Pas du tien, non plus.
- J'ai l'impression de devenir paranoïaque, lui confia Cymru.
- Est-ce qu'on peut être attaqué à notre tour ?
- Non. Il n'y a qu'Arthur et… Putain ! Alba ! »
Cymru fit le numéro d'urgence d'Alba en vitesse. Ses mains tremblaient autour du combiné, alors que personne ne répondait à l'autre bout du fil.
« Décroche, décroche, décroche », psalmodia Cymru en refaisant le numéro.
Cymru finit par avoir Alba au téléphone. Celui-ci était apparemment bien bourré. Cymru finit par obtenir d'Alba de faire bien attention à ne pas se dédoubler, chose que ne comprit pas Francis, et de venir le voir une fois sobre.
« Apparemment, notre mystérieux agresseur n'en voulait qu'à Arthur. Il n'y a que quelques personnes au courant pour le talon d'Achille d'Arthur et d'Alba. Il y a moi, mais ce n'est pas moi, il y a Alba évidemment, mais il est beurré et un tel sort demande d'être en pleine possession de ses moyens, il y a les deux Irlande…. Non, ce ne sont pas eux. Ils ne feraient jamais une telle chose en toute connaissance de cause ! Non, non, non. Je ne peux pas y croire. Est-ce que tu étais au courant Francis ?
- Que le sexe est le point faible d'Arthur et d'Alba ? Euh… Oui. Mais ça me fait peur que sa famille proche le sache aussi ! Ne dis rien à Arthur, il va me faire une crise de jalousie !
- Arrête de plaisanter. »
Le ton de Cymru laissait entrevoir qu'il avait peur pour Arthur, ce qui toucha Francis. Le Français n'avait pas encore vu Arthur. Il avait besoin de le voir, mais il devait convaincre Cymru de l'approcher. Il décida de continuer à alléger l'ambiance.
« Tu as parlé de dédoublement tout à l'heure. Je n'en ai jamais entendu parler, parce que sinon crois-moi que j'aurais tenté l'expérience d'avoir deux Arthur pour moi, tout seul, répondit Francis avec un sourire rêveur. Et si je l'avais su pour Alba, au temps de nos amours, j'en aurais profité aussi.
- Arthur t'a appelé à l'aide ?, en rit Cymru bien trop perspicace pour son propre bien.
- En quelque sorte. Arthur n'appelle pas à l'aide, il te commande de venir pour l'assister, quitte à te manipuler par les sentiments.
- Vous êtes proches en ce moment ?
- Qu'est-ce que c'est que cet interrogatoire ?
- Pour finaliser la guérison, il faut l'intervention d'une personne. Je pourrai me proposer, mais…
- Mais quoi ?
- Je suis son frère. Pour que ce soit plus efficace, il vaut mieux que ce soit une autre sorte de lien… social.
- Tu allais dire un autre mot !
- Non, non, dit Cymru. Bref, il a énormément besoin de toi. Il va falloir faire très attention à ce que tu lui dis pour une fois.
- Je fais toujours attention à ce que je lui dis.
- Pour le faire sortir de ses gonds, tu es très fort. Il ne faut pas qu'il se sente rejeté par toi, cette fois-ci. »
Francis sentit la peau de son visage le brûler. Etait-il prêt à entamer une véritable relation avec Arthur ? Parce qu'Arthur attendait forcément qu'il réponde à ses sentiments ! Quand Cymru parlait de lien, il comprit que le mot n'était pas social mais amoureux.
« Qu'est-ce qu'il s'est passé ?
- La confiance a été brisée en Arthur. En lui-même et pour les autres. C'est un sort très complexe et pernicieux !
- Il m'a appelé pourtant.
- Ce devait être un acte désespéré. »
Francis eut un petit sourire gêné. En désespoir de cause, Arthur l'appelait lui, lui demandait son avis, le voulait à ses côtés et lui avouait qu'il l'aimait. Francis savait que ce n'était pas seulement par peur de finir seul, mais par peur de ne jamais mettre de mot sur ce qu'il ressentait. Francis avait toujours eu la crainte terrible d'aimer pleinement Arthur, parce qu'il était la France et qu'il aurait donné un espoir à l'Angleterre de se voir réunis. Il ne se l'était jamais permis par devoir, alors que tout lui criait de se laisser aller. Seulement, il n'était pas sûr qu'Arthur éprouvât les mêmes sentiments, bien qu'il fût très possessif et jaloux. L'Angleterre le voulait sous sa domination et il n'avait vu que cet aspect de leur relation. Ils n'avaient jamais pu rester ensemble trop longtemps, à cause des non-dits et des coups bas politiques.
« Je ne suis pas un magicien. Je ne peux pas arranger tous nos problèmes d'un coup de baguette magique.
- C'est juste enfoui très profondément, répondit Cymru. Tu n'auras pas besoin de magie. Enfin, pas vraiment, ça se fera tout seul.
- Je m'engage à quoi exactement ? Je suppose qu'il y a un prix.
- Je ne t'oblige à rien. Tout dépend de ce que tu es prêt à faire pour Arthur.
- Dis-moi.
- En théorie, tu pourrais au contact d'Arthur pouvoir acquérir cette capacité de dédoublement.
- Donc, je pourrai me faire attaquer aussi. Génial !, ironisa Francis.
- Normalement, tu ne te fais jamais attaquer dans ces moments-là. Et normalement, ça ne t'atteint pas, râla Cymru. Si je chope le sale enfoiré, grand Mage de ses deux couilles molles, qui a eu la sublime idée de faire cette connerie avec préméditation… Parce qu'il y avait préméditation pour réaliser un sort aussi sadique ! Je ne sais pas ce que je lui ferais. La mort sous la torture serait trop douce pour cet individu.
- D'accord. Ça doit faire très mal. Je n'ai pas envie d'essayer.
- Je te promets que je vais partir en chasse contre le salopard à l'origine de cette ignominie et que je vais mettre des barrières de sécurité magique partout !
- Je n'ai pas trop confiance. J'ai eu Arthur au téléphone. Il était au plus mal.
- Il va en mourir, si on ne fait rien !
- Je croyais qu'il était hors de danger !
- Je l'ai plongé dans un coma artificiel où il baigne dans l'amour fraternel que je peux lui procurer, mais ça ne va pas durer des heures. Son inconscient va vite croire que c'est faux et il va replonger dans la déprime. Je ne peux pas faire ça plusieurs fois de suite. Je vais l'abîmer ! L'idée qu'on s'entende bien, même si c'est vrai aujourd'hui, a l'inconvénient d'avoir un passé douloureux.
- Donc, c'était quoi ton plan avant que j'arrive ?
- Trouver le coupable, lui faire avouer son mode opératoire et soigner Arthur en conséquence. Je réfléchissais aussi à ce que pourrait devenir ma vie si je tombais pour de vrai dans un grand amour fraternel avec Arthur. Horrible vision…
- Tu m'aides à me décider pour le laisser crever, là.
- J'aime Arthur comme un frère. Toi, tu l'aimes différemment. Je n'ai pas envie de l'aimer différemment. »
Cymru fit une grimace de dégoût à une telle pensée.
« Ah, d'accord ! Je comprends que tu sois peu enclin à faire le grand saut.
- Je ne sais pas où en est la vie amoureuse d'Arthur, avoua Cymru.
- Si on pouvait arrêter de parler d'amour, ça me gêne.
- Donc, vous n'êtes pas ensemble ? Il a quelqu'un d'autre ?
- Non, nous ne sommes pas ensemble, mais d'après ce qu'on s'est dit au téléphone, je dirais que je suis la personne qui se rapproche le plus de ce que tu cherches.
- Vous êtes trop compliqués pour moi.
- Ne t'inquiète pas, je me suis fait la réflexion pendant tout le trajet jusqu'ici.
- Alors, acceptes-tu de voir votre relation s'épanouir enfin ?
- Je ne devrais pas en décider avec Arthur ?, se plaint Francis.
- Afin d'éviter que tu dises une bourde monumentale à Arthur, il vaut mieux que tu te décides maintenant, insista Cymru.
- Par épanouir, veux-tu être plus précis ?
- Comme une relation de couple normale !, s'énerva Cymru.
- Euh… Oui, ça me va.
- Dans les premiers temps, il faudra être patient avec Arthur.
- Pourquoi ?
- Il risque de beaucoup te coller, réclamer ta présence et te demander des câlins. Ça va lui passer, une fois, qu'il se sentira rassuré. Il risque d'être jaloux comme un pou quand quelqu'un te fera des avances, pire qu'avant. Ne lui donne plus jamais une raison de douter de toi. Jamais !
- J'ai l'impression de signer un contrat de mariage et que tu es le notaire. Je dois lui faire l'amour combien de fois par semaine ? »
Cymru se prit la tête entre les mains. Il hésitait entre rire et s'exaspérer, c'était assez amusant.
« Autant que vous en avez envie. Je ne crois pas qu'il va t'embêter avec cela. Quand je parlais de câlins, ils peuvent être très innocents.
- Oh, ça va me changer.
- Ce ne sont que des prévisions. Si tu fais ce qu'il faut, ça devrait bien se passer.
- Qu'est-ce que je dois faire ?
- Vous devez vous dire que vous vous aimez et que vous vous protégerez.
- Oh, la moitié du travail est déjà faîte.
- Bien. Alors, finalise quand il se réveillera. Tout devrait s'arranger.
- J'ai cru que tu allais dire revenir dans l'ordre.
- Si seulement j'en avais le pouvoir, je l'aurais déjà fait. »
Après avoir entendu les nombreuses recommandations de Cymru, Francis obtint le droit d'aller voir Arthur. Son bel Anglais dormait paisiblement dans ses draps, il avait un léger sourire aux lèvres. Même si Francis ne connaissait pas grand-chose en magie, il pouvait sentir qu'un truc paranormal s'attaquait à Arthur. Son corps pourtant immobile devenait moins tangible par moment ou semblait séparé. Francis avait l'impression de voir double parfois, comme s'il avait trop bu. Le reste de la pièce restait stable, mais pas Arthur.
Le Français resta là très longtemps à le veiller. Il réfléchissait intensément à toutes les conséquences de ses prochaines paroles. Se dédoubler lui semblait franchement désagréable, mais perdre Arthur beaucoup plus. Il avait eu plusieurs relations amoureuses avec d'autres nations, mais elles lui semblaient vraiment éphémères par rapport à celle qu'il entretenait avec Arthur. Si être sincère pouvait le sauver, il n'y voyait pas un réel inconvénient. S'il mettait une limite, il serait plus rassuré.
Arthur finit par s'agiter et se réveiller. Il fallait d'abord le rassurer.
« Cymru !
- Cymru est en bas, dit Francis. Je suis là.
- Il est venu avant toi. J'ai eu peur ! J'ai toujours peur !
- Ton frère Cymru ne te veut pas de mal. Il est encore là, en bas. Il nous prépare à manger. Tu sens l'odeur venant de la cuisine ? »
Arthur renifla l'air et il dut reconnaître l'odeur d'une préparation de Cymru.
« Il m'a plongé dans un drôle de sommeil, râla Arthur.
- Cymru ne savait pas trop quoi faire pour t'aider. Il n'avait vu que cette solution pour gagner du temps.
- Je me sens toujours très mal.
- Je le sais, mon petit lapin. »
Etrangement, Arthur ne s'offusqua de son petit surnom. Il eut même l'air d'un bref instant content.
« Tu es venu vite.
- C'est le soir, Arthur. Tu as dormi pendant un bon moment.
- Oh… Pour ce que j'ai dit ce matin, bafouilla Arthur, oublie.
- Je ne peux pas oublier une aussi belle déclaration d'amour. C'était très touchant.
- Tu ne te moques pas de moi ? »
Arthur semblait craindre véritablement la réponse, mais était trop curieux et avait tellement d'attente qu'il ne pouvait s'empêcher de poser cette question.
« Non. Quand je plaisante, c'est souvent pour ne pas répondre avec sincérité. Ce n'est pas pour me moquer de toi, même si ça m'amuse de te voir réagir en montant sur tes grands chevaux. »
A son grand étonnement, Arthur le prit dans ses bras pour lui faire un câlin. Francis en profita pour lui rendre son étreinte avec douceur et pour déposer un baiser sur ses cheveux.
« Je t'aime aussi, tu sais ?
- Je ne savais pas, répondit en râlant Arthur.
- Je ne savais pas non plus que tu tenais autant à moi. Je m'en souviendrai maintenant, répondit-il en lui caressant gentiment les cheveux.
- J'ai confiance en toi, lui avoua Arthur. Dans une certaine mesure.
- C'est réciproque.
- J'ai envie d'être avec toi. Tu me manques. »
Francis se rendit compte qu'il devrait être en train de rassurer Arthur sur leurs sentiments. Les mots d'Arthur avaient quelque chose de désespéré.
« Je vais rester en Angleterre autant de temps que nécessaire. Je dois juste prévenir mon gouvernement.
- Tu en avais tous le temps.
- Je ne voulais pas manquer ton réveil. »
Arthur bougea et l'embrassa. Francis reconnut que leurs baisers lui avaient manqué. Il avait l'impression d'être traversé de bonheur. Comment avait-il pu s'en passer pendant autant de temps ? Ou était-ce particulier parce qu'il savait ses sentiments partagés ? Chacun de leurs gestes étaient animés par cet amour trop longtemps refoulé. Francis vit des larmes rouler sur les joues d'Arthur qu'il associa à de la joie.
« Il y a intérêt à ce qu'il ne t'arrive jamais rien, stupid frog, plaisanta Arthur. Je ne le supporterai pas.
- Fais en sorte que je sois toujours sauf, le titilla Francis.
- Je te protègerai. »
Francis ouvrit en grand les yeux de surprise, quand son corps brilla d'une lumière intense et qu'un vent frais envahit la pièce comme pour se répondre. Une sorte de fumée étrange, brillant sous l'effet des éléments, envahit également l'espace un court instant. Francis sentit comme un sursaut de magie longtemps oublié en lui.
Quand sa vision se stabilisa, il vit qu'Arthur avait retrouvé tout de normal. Son corps était stabilisé. Il s'accrochait un peu trop à lui, mais il semblait enfin sauvé.
Francis poussa un soupir de soulagement et il se surprit à se lover amoureusement contre Arthur. Leur pacte d'amour et de protection avait modifié quelque chose profondément en lui. Il se sentait bizarre et étrange, comme si son équilibre interne était modifié et tourné d'une certaine manière vers le bien-être d'Arthur.
Arthur déposa un baiser sur sa nuque et Francis se sentit aux anges.
Francis ne se doutait pas qu'épanouir leur relation serait aussi agréable et joyeux.
Il sut à cet instant qu'il ne le regretterait jamais.
