Auteur : Kitty Gets Loose

Traductrice : Arlia Eien

Rating : M

Disclaimer: Daiya no A ne m'appartient pas, évidemment, mais appartient à Terajima Yuuji.

Disclaimer bis : De mon côté, l'histoire est la création de Kitty Gets Loose uniquement ! Je ne suis propriétaire que de la traduction.


Being grown-up about it

Un regard d'adulte


Chapitre 20 – Prévoyance

Où Takashima tient le futur de Miyuki entre ses mains.


« Tu vas bien venir nous voir, alors ? » Disait Kuramochi dans son téléphone.

Takashima ne pouvait pas voir le nom affiché à l'écran ou entendre la voix de l'interlocutrice, mais elle savait qui était au bout du fil. Cet air complètement absorbé sur le visage de l'arrêt-court, l'éclat dans ses yeux, et ce sourire un peu bébête lui criaient qu'il s'agissait d'Aotsuki Wakana. Elle avait entendu par plusieurs sources que les deux s'étaient rencontrés et à Nagano et à Chiba durant la semaine de vacances de l'équipe de baseball en début d'année, et que les choses semblaient se développer agréablement entre eux ces deux derniers mois.

« Fantastique ! Oui, on se verra après le match… oh vraiment ? C'est une coïncidence… ouais, j'ai un cadeau pour toi aussi – juste un petit truc, mais j'espère vraiment que tu apprécieras… » Kuramochi n'arrivait pas à retenir son sourire grandissant et à empêcher le léger rougissement de d'augmenter sur ses joues quand il perçut le regard de Takashima sur lui depuis l'entrée de l'internat. Il se détourna d'elle avec un hochement de tête mi-poli, mi-penaud, avant de reprendre sa conversation avec sa petite-amie dans un endroit plus privé.

Takashima n'avait pas encore découvert s'ils avaient organisé une rencontre à quatre avec Miyuki et Sawamura, mais c'était assez improbable, étant donné que Miyuki avait voulu passer ce temps avec son père.

Mais même s'ils ne s'étaient pas vus pendant cette semaine, le receveur et le lanceur s'étaient bien rattrapés – il était rare que Miyuki et Sawamura ne soient pas ensemble durant les pauses ces jours ci. Ils avaient été plutôt discrets concernant leur relation devant les autres – ils ne se tenaient pas la main en public et ne s'embrassaient pas, dieu merci ils avaient une once de bon sens – mais ils montraient clairement qu'ils préféraient passer leur temps libre ensemble.

En public, ils avaient des contacts physiques suffisamment neutres pour que personne ne hausse les sourcils. Ils s'asseyaient l'un à côté de l'autre au réfectoire et partageaient de la nourriture, par exemple, ou s'asseyaient dos à dos dans l'herbe entre les entraînements, Miyuki compulsant ses données de jeu et Sawamura lisant les dernières parutions de mangas.

Toutefois, Sawamura, avec sa générosité caractéristique, était sensible au fait que le reste de l'équipe souhaite accéder à leur capitaine en privé. Il commençait par traquer Miyuki en début de soirée pour qu'il reçoive ses lancers, puis une fois que le receveur en avait terminé avec lui et Furuya, Sawamura rappelait généreusement à Miyuki de sortir faire un tour seul un moment pour que les gens souhaitant lui parler puissent le faire si nécessaire. Si Miyuki se glissait dans la chambre de Sawamura plus tard dans la soirée et soudoyait Kuramochi pour qu'il aille faire ses devoirs ailleurs pendant une heure, c'était une autre histoire.

« Mais ils ont intérêt à ne pas aller trop loin. » Marmotta Takashima à sa propre intention. « Ou bien j'irai leur donner une bonne claque derrière la tête à tous les deux. »

« Tout ira bien, Takashima-sensei. » Intervint une voix derrière elle, au moment exact où elle réalisa qu'elle avait parlé à voix haute.

Elle pivota et vit Chris se diriger vers elle, un sac en travers de l'épaule gauche et la main droite dans la poche de son pantalon.

« Chris-kun. » Dit-elle, lui offrant un sourire sincère et faisant de son mieux pour ne pas laisser filtrer la tristesse sur son visage – le jeune homme n'était plus qu'à quelques semaines de la fin du lycée, et elle ne le verrait plus aussi souvent. « Qu'est-ce qui t'amène ? »

Les troisième année avaient eu leur mois de février libéré, après leurs examens terminaux qui s'étaient déroulés fin janvier. Ils n'avaient plus besoin de venir au lycée avant le moment où ils obtiendraient leur diplôme au printemps.

« Miyauchi est venu voir Kawakami. Tanba a décidé de l'accompagner et j'ai suivi le mouvement. »

« Je vois. Est-ce que tu es prêt à commencer ta vie d'étudiant d'ici quelques mois ? »

« J'espère. » Répondit-il de sa voix douce. « Une des dernières questions qu'il me restait à régler à Seidô était justement de rappeler aux deux personnes auxquelles vous faisiez référence qu'elles feraient mieux de ne rien faire de stupide. »

« Je suis soulagée d'entendre ça. J'ai le sentiment qu'un avertissement de ta part leur ferait bien plus d'effet que de la mienne. »

« Oh, vous êtes largement plus intimidante que vous le croyez, Takashima-sensei. » Rit Chris contre toute attente. « Ils seraient tous deux terrifiés si vous leur faisiez une réprimande officielle. »

« Je n'en suis pas si sûre. Je jurerai que depuis le début Miyuki n'a absolument aucun respect pour moi et n'en aura jamais. » Souffla-t-elle, réajustant délicatement ses lunettes.

« Il vous respecte énormément. C'est juste qu'il refuse de le montrer trop facilement. » Lui assura Chris. « Je pense qu'il considère ça comme un jeu entre vous. »

« C'est un combat perpétuel avec celui-là. »

« En tout cas, ne vous inquiétez pas, vous n'aurez pas besoin de le réprimander concernant Sawamura. Ils font de leur mieux pour être prudents, même quand personne ne fait attention à eux. Je leur ai fait promettre de se conduire le mieux possible. »

« Ce qui pourrait ne pas être si bien que ça. » Murmura Takashima, pessimiste.

« Nous allons devoir leur faire confiance quant à leur connaissance des limites, n'est-ce pas ? » Lui fit remarquer Chris avant de prendre poliment congé et de rejoindre Tanba qui l'attendait plus loin.

Takashima le regarda s'éloigner. Quand elle détourna le regard vers la cours de l'internat, elle aperçut Miyuki et Sawamura marchant dans le couloir ouvert de l'étage, puis disparaître dans la chambre de Miyuki. Ils avaient sans doute été ailleurs sur le campus avec Chris avant qu'il ne vienne lui parler. Elle n'avait pas de scrupules à être éhontément curieuse quand ça concernait ses garçons, alors elle décida de grimper à l'étage et de voir si elle pouvait entendre ce qu'il se passait dans la chambre. Elle espérait ne pas entendre trop de souffles rauques et de bruits de succion, ou bien elle devrait faire le gendarme – et ce sans faire de scène suffisamment mémorable pour que les langues commencent à se délier, amenant avec elles la colère de la fédération de baseball au-dessus de leurs têtes.

Elle s'adossa contre le mur juste à côté de la porte, glissa sa queue de cheval d'un côté et pencha sa tête en arrière. Dans cette position, elle pouvait percevoir la plupart de ce qu'il se passait à l'intérieur sans avoir besoin d'y appuyer directement son oreille – elle était toujours gênée quand elle se remémorait la fois où Masuko l'avait vue dans cette position devant la chambre 5 l'an passé.

« …pas en colère après moi ? » C'était Miyuki qui parlait.

« Hein ? Pourquoi ? »

« Ce matin – dans l'enclos. »

« Ah. Ça. »

« Je suis désolé d'avoir dû te reprendre. »

« Pourquoi tu devrais être désolé ? »

« Parce que je n'aime pas te blesser. »

« Imbécile. » Dit sèchement Sawamura. « C'est ton job de capitaine de maintenir l'ordre. J'étais plus occupé à charrier Furuya qu'à écouter les conseils d'Ono-senpai. C'est si tu ne m'avais pas engueulé que ça aurait été bizarre. »

« Ça ne t'ennuie pas que ce soit boulot-boulot durant les entraînements et les matchs ? » Demanda Miyuki.

« Si ça m'ennuyait, je ne mériterais pas qu'on me respecte en tant que membre de l'équipe, non ? Et si tu ne me traitais pas exactement de la même façon que les autres quand on est sur le terrain ou dans l'enclos, tu ne serais pas un capitaine digne de respect non plus. »

« Alors tu n'es vraiment pas fâché ? »

« Un peu au début, mais j'ai compris que je l'avais mérité, alors… il n'y a pas de raison que je trouve que tu aies été trop dur. »

« Je suis vraiment heureux que tu saches ça, Eijun. Sincèrement. »

« Ouais, bon… c'est tout ce dont tu voulais qu'on parle ? »

« Ça, et j'avais envie d'être un peu seul avec toi. »

« Hmm, ok, mais tu sais, on va bientôt devoir trouver un meilleur endroit pour discuter. »

« Pourquoi ? »

« On doit s'habituer à ne pas utiliser nos chambres pour avoir du temps seuls. » Expliqua Sawamura. « Une fois que les nouveaux seront arrivés, on ne pourra plus être seuls en demandant juste à Kuramochi-senpai de bien vouloir nous donner une demi-heure, ou en virant tout le monde de ta chambre. Ce ne sera pas si facile. »

« Wah, tu as vraiment réfléchi, alors ? » Remarqua Miyuki, moqueur. « Ça devient une habitude ces jours-ci – on dirait que je t'influence bien. »

« Tais-toi, Kazuya. » Grogna Sawamura.

« Je me tais si tu m'embrasses. Ça me rend fou de ne pas avoir pu te toucher de l'après-midi. » Il semblait à l'évidence grincheux.

« Je ferai plus que ça si tu reçois mes lancers un quart d'heure de plus que Furuya ce soir. » Dit Sawamura d'une manière très significative et insolente, songea Takashima.

« Embrasse-moi, idiot – si on fait plus que ça, Chris-senpai va m'écorcher vif. Tu as entendu ce qu'il a dit. »

« Mais tu recevras quand même mes lancers ? » Il y avait un sourire dans cette voix.

« Quand ai-je pu te refuser quelque chose sans le regretter plus tard ? »

Une sorte de ronronnement satisfait fut émis par Sawamura, puis il y eut un silence lourd de sens dans la chambre située derrière Takashima.

Malgré l'infraction aux règles manifeste juste dans son dos, la vice-présidente respirait un peu mieux maintenant qu'elle avait entendu leur échange. Miyuki était toujours Miyuki avec son entrain habituel, mais il n'y avait aucun mordant dans le ton ou les mots qu'il avait utilisés en parlant à Sawamura. Pour un enfant tel que lui, c'était surprenamment… adorable – pas un adjectif qu'elle aurait auparavant utilisé pour qualifier le receveur.

Même si elle l'aimait bien, elle savait mieux que quiconque à quel point il pouvait être pénible. Et alors qu'elle l'avait vu avoir de plus en plus Sawamura dans la peau, elle avait craint qu'il ne prenne ça que comme une sorte de jeu dont le but serait d'avoir le dessus sur Kuramochi et Chris. Ses peurs premières s'étaient dissipées quand elle les avait vus interagir après le tournoi d'automne. Miyuki n'avait absolument pas eu l'air de jouer – en fait, il paraissait aussi sincère qu'il lui était possible. Alors elle avait attendu de voir, et maintenant qu'elle avait l'opportunité de les écouter discrètement alors qu'ils étaient seuls, elle allait voir comme son Cheshire traitait réellement son Chaton Gaucher.

Est-ce qu'il était suffisamment neutre en tant que capitaine et receveur titulaire ? Oui. Mais est-ce qu'il était de bonne compagnie pour Sawamura en même temps ?

« Je voudrais ne jamais avoir à quitter Seidô. » Dit Miyuki après une minute, la voix haletante en raison du baiser, mais semblant aussi inhabituellement mélancolique.

« Tu n'auras ton diplôme que dans plus d'un an. » Contra Sawamura.

« Mais même si nous gagnons tout cet été jusqu'aux derniers matchs du Kōshien – et les chances ne sont pas folles au vu de la sérieuse concurrence que l'on a – je devrai quitter l'équipe dans six mois, maximum. Puis je serai pris dans mes examens, puis je ne serai plus là. Je ne veux pas passer une année entière sans pouvoir te voir et te toucher tous les jours. »

« Hey, Kazuya. »

« Hmm ? »

« Ne déprime pas autant. Tu auras toujours le baseball parce que les universités et les équipes pro vont faire la queue pour t'avoir – »

« Mais je ne te verrai – »

« – et je serai de nouveau avec toi plus tôt que tu ne le crois. Je ne vais pas rester en arrière longtemps. Un an ça passe vite. »

« Tu m'oublieras quand je serai parti. »

« Non, ce n'est pas vrai. »

« Tu vas décider que Kanemaru est un meilleur petit-ami. C'est certainement le cas en plus. »

Des bredouillements suivis d'une toux bruyante indiquèrent à Takashima que Sawamura avait dû avaler sa salive de travers à l'idée de sortir avec Kanemaru.

« Mi – *kof* Miyuk *kof* – rah, Miyuki Kazuya ! Mais putain, de quoi est-ce que tu parles ? »

« Et si moi je suis pris par la fac ou ma vie pro et que tu me trouves… distant ? Ça ne t'inquiète pas ? » Continua à s'inquiéter Miyuki.

« Est-ce que c'est dans tes projets de m'oublier ? » Exigea bruyamment de savoir Sawamura.

« Non, Eijun. Mais la vie ne se déroule pas toujours de la façon dont on le voudrait. »

« Je sais ça ! Je le sais très bien, j'ai vu ce qu'il s'est passé pour Chris-senpai, et ce que tu m'as dit concernant ta mère et l'état de ton père pendant des années… » Sawamura avait presque l'air au bord des larmes, mais il se recomposa et poursuivit fermement : « Mais je ne te laisserai pas m'échapper, Miyuki Kazuya. »

« Oh ? » Miyuki avait l'air sincèrement curieux.

« Ouais. Je suis venu à Seidô à cause de toi, et maintenant qu'on sait tous les deux que nous sommes sérieux à propos de nous, je ne te laisserai jamais partir. »

« Pour de vrai ? »

« Ouaip. Et si pour je ne sais quelle raison on ne peut pas aller dans la même fac ou dans la même équipe à l'avenir, on sera quand même ensemble dans nos vies privées. Je ne t'abandonnerai pas. »

« Même si moi je décide de t'abandonner un jour ? » Demanda Miyuki d'une manière semblable à sa façon de jouer habituelle, mais il y avait une nuance qui permit à Takashima de savoir que c'était bien la dernière chose au monde qu'il souhaitait faire.

« Si tu fais ça, je te courrais après comme toi tu l'as fait ici. » Déclara audacieusement Sawamura, entendant à l'évidence le message entre les lignes.

« Et si je te dis de dégager et d'arrêter de me harceler parce que j'en ai trop marre de toi ? » Taquina Miyuki.

« Alors je te rappellerai tout ce que tu perdrais. Je regagnerai ton cœur comme je l'ai gagné ici à Seidô. »

« Baka, tu n'as jamais rien eu à gagner – j'étais déjà presque conquis dès le départ. » Avoua Miyuki.

« Peu importe. Je n'abandonnerai pas. Je suis vraiment tenace, et je n'abandonnerai pas jusqu'à ce que tu te souviennes que tu ne peux pas me résister. »

« Et si j'ai une liaison avec quelqu'un d'autre ? Si Narumiya Mei arrive à me séduire ? »

Takashima trouvait que Miyuki poussait vraiment le bouchon un peu loin, parce qu'il semblait dire toutes les choses les plus terre à terre possible pour que Sawamura ait peu confiance en leur avenir ensemble. Mais sans un instant d'hésitation, le lanceur dit totalement convaincu :

« Si jamais tu étais suffisamment stupide pour le laisser faire, tu passerais chaque seconde de ton temps avec lui à te dire que tu préférerais vraiment être avec moi à la place. »

« Eh bien, tu es extrêmement confiant dis donc. » Murmura Miyuki, on entendait presque le sourire dans sa voix.

« Mmh, mmh – parce que je peux le sentir, tu le sais – quand je te tiens comme ça – je peux sentir ce que tu veux vraiment dire quand tu dis ces choses. Tu parles de tout ce qui te fait peur en espérant pouvoir t'en prémunir, et pas parce que tu as vraiment envie que ça arrive. »

« A quel moment es-tu devenu aussi intelligent ? »

« J'ai toujours été intelligent. »

« Oui, et moi j'ai toujours eu une excellente vue. »

« Kazuya, tais-toi un peu et écoute-moi. » Dit fermement Sawamura. « Tu regardes toujours vers l'avenir, plus loin que ce que le reste d'entre nous faisons. Au moment où les senpais de troisième année ont quitté l'équipe, tu avais déjà commencé à réfléchir à ce que deviendrait l'équipe de Seidô après le départ de ceux de ton année. Et parce que nous n'avons pas fait aussi bien qu'on l'avait espéré au Jingu pendant que tu étais blessé, tu as commencé à penser à la meilleure équipe possible dans laquelle tu ne jouerais pas. Puis tu as joué tous les scénarios catastrophe possibles dans ta tête pour être prêt à tout, mais surtout voir comment faire pour gagner. Je sais que tu fais pareil avec moi – tu listes toutes les choses qui pourraient mal se tourner pas parce que tu crois vraiment que ça va arriver, mais parce que tu veux être complètement sûr que ça n'arrive pas, et que même si ça devait merder, tu auras déjà trouvé comment faire pour que ça marche à long terme entre toi et moi. Je te connais. J'ai confiance en ta prévoyance et en mon refus d'abandonner pour nous aider à traverser les mauvais moments comme les bons. »

C'est à cet instant que Takashima réalisa pour la première fois que Sawamura connaissait peut-être mieux certains travers de la personnalité de Miyuki qu'elle.

Elle avait ses craintes concernant ces deux garçons. Elle avait ses doutes. Elle avait suffisamment vécu en tant qu'adulte pour savoir que même le plus sincère des amours adolescents pouvait n'être qu'une passade, et que même la plus grande détermination à présever un lien avec quelqu'un pouvait être un échec. Mais s'il y avait bien un enfant dont elle croyait en la ténacité, c'était Sawamura ; et s'il y en avait un enfant dont la finesse et l'art de la planification pouvait empêcher la fin d'une relation, c'était Miyuki.

« Tu as foi en moi à ce point, hein ? » Demanda Miyuki avec un accent doux et chaleureux dans la voix.

« Ouaip. » Déclara Sawamura, sans hésiter une seconde.

« Comment quelqu'un de si adorable que toi a pu accepter de sortir avec moi ? » Se demanda Miyuki.

« Tu as demandé et j'ai dit oui, abruti. »

« Mais tu sais… pour être terre à terre. » Reprit Miyuki avec son ton habituel. « C'est moi qui vais devoir combattre une armée de personnes voulant te séduire toi. »

« Ehhhh ? »

« Une armée. Et si je te brise le cœur, Chris-senpai, Kuramochi, ton effrayant petit Harucchi, Wakana-chan, toute ta bande d'amis du collège, l'équipe de la cantine de Seidô, et, oh, sans doute Masuko-senpai aussi, tous voudront me voir mort. »

« Heh, alors tu ferais mieux de me traiter aussi bien que possible. »

« C'est exactement mon intention… »

Un autre silence significatif indiqua à Takashima qu'ils avaient certainement à nouveau la langue de l'autre dans la bouche. Elle attendit quelques instants de plus pour s'assurer qu'elle n'entendait rien de plus suggestif comme des bruits de vêtements que l'on retirait ou de souffles plus profonds et évocateurs. Puis elle repartit sur la pointe des pieds, espérant – comme le croyait Chris de façon bien optimiste – qu'ils connaissaient les limites.

Durant le reste du mois de février, et pendant les premiers jours de mars, elle ne vit et n'entendit rien qui l'inquiéta davantage concernant ces deux matous. Elle envisageait régulièrement de leur donner un avertissement officiel concernant le fait qu'ils devraient attendre jusqu'à ce qu'ils aient tous deux quitté le lycée avant d'aller jusqu'au bout. Elle débattait également intérieurement de savoir s'il serait sage de leur dire de ne jamais oublier d'utiliser du lubrifiant, et qu'utiliser des préservatifs serait également une excellente idée même si tous deux n'avaient sans doute pas de maladie, étant donné leur âge et leur inexpérience.

Mais elle ne voulait pas qu'aborder ce genre de sujets leur fasse croire qu'elle, leur enseignante, et la vice-présidente, consentait d'une façon ou d'une autre à ce qu'ils agissent au mépris des règles du lycée. Alors au final, elle envoya un message à Chris pour lui demander s'il s'était déjà occupé de ce genre de choses avec ces deux pénibles kouhai à lui. A son soulagement, il lui affirma l'avoir fait – avec moult détails, également – et qu'ils avaient semblé le prendre très au sérieux. Vous auriez dû voir l'expression de fascination horrifiée sur leurs visages, lui répondit-il avec un smiley. Vous n'auriez jamais pu deviner que Miyuki entre tous pouvait être si naïf…

Dieu du ciel, Chris allait vraiment lui manquer une fois qu'il aurait définitivement quitté Seidô. Il n'y avait pas de chat plus calme et fiable que lui pour faire ce qu'il devait être fait dans tant de domaines de la vie scolaire, du baseball, des affaires personnelles et encore davantage !

Alors Takashima devait admettre en son for intérieur qu'elle était presque aussi émue que les plus jeunes élèves le jour de la remise des diplômes des troisième année, alors qu'un bon nombre d'enfants pleuraient ouvertement à cette pleine réalisation – leurs senpais allaient véritablement rejoindre le supérieur ou une carrière professionnelle en les laissant derrière eux. Zono pleurait comme un bébé tout en étreignant Isashiki, l'ensemble des élèves-managers versaient des larmes alors qu'elles entouraient Fujiwara, et Sawamura était sans surprise, une véritable fontaine même s'il arborait toujours son irrésistible sourire quand il fit ses adieux à Chris.

Bien sûr les troisième année viendraient les voir, comme le faisaient la plupart des anciens élèves, mais maintenant qu'ils avaient leur diplôme dans les mains, ils n'étaient officiellement plus élèves ici, et chacun ressentait une sorte de sincère mélancolie même si parallèlement ils regardaient le futur avec enthousiasme.

Une heure après le départ des derniers élèves diplômés vers chez eux pour rejoindre leur famille, Takashima aperçut Sawamura alternant entre rire et larmes contre l'épaule de Miyuki derrière les dortoirs alors qu'elle empruntait le portail de derrière. Elle ne dit rien en voyant ça, parce qu'aujourd'hui était un jour où les émotions prenaient le dessus chez les enfants. Si le débordement de tous ces sentiments signifiait qu'un garçon déversait ses larmes contre la veste d'un autre garçon et que les deux se tenaient dans leurs bras à découvert, eh bien, ce n'était pas le jour pour faire des réflexions là-dessus.

Sawamura ne la vit pas, mais Miyuki si, et il lui adressa un petit sourire et un hochement de tête quand elle les dépassa sans dire un mot.

Mais plus tard dans la soirée, alors qu'elle sortait du bâtiment principal du lycée, elle trouva Miyuki qui l'attendait, appuyé contre le mur adjacent. Sa posture lui rappelait la pose qu'il avait prise quand il l'avait harponnée ce fameux après-midi plus tôt dans l'année scolaire, quand il lui avait tenu la jambe en exigeant sa « commission » pour avoir attiré Sawamura à Seidô. Cependant, à part sa posture, tout était différent – l'expression sur son visage était sérieuse, et il n'était pas en tenue de baseball mais en uniforme, veste comprise, même s'il avait retiré la cravate. Il n'avait pas non plus de balle de baseball qu'il lançait de la main non plus ; cette fois, c'était un morceau de papier soigneusement plié qu'il tenait à la place.

« Rei-chan. » L'apostropha-t-il.

« Miyuki-kun ? Sawamura va bien ? »

« Il va bien. Il était encore en train de pleurer un peu concernant les senpais, mais Kuramochi l'a viré de leur chambre. »

« Dois-je être soulagée ou inquiète ? »

Miyuki rit doucement, baissa le regard vers le sol un petit moment, puis releva les yeux pour la regarder en face et dit :

« Rei-chan, je pense qu'aucun de nous ne doit plus de commission à l'autre ? »

« Oh ? »

« Eh bien, Sawamura a largement apporté sa contribution ici, et il nous a remboursé de bien des façons. Alors je n'ai pas besoin de paiement pour l'avoir débauché à la place de la recruteuse, de même que je n'ai pas besoin de payer pour le toucher, non ? C'est un homme libre. »

« Si tu le dis. » Sourit-elle. « Ce n'est pas moi qui ai commencé avec ces absurdités et à parler de lui comme d'un morceau de viande. »

« C'est ce que je dis. Et en compensation pour ma vilaine façon de parler de lui précédemment, j'aurais besoin que tu m'accordes une faveur. Aujourd'hui c'est un peu la journée pour être sentimental, pour parler d'affection durable et de lien impérissable, alors c'est probablement le seul type de journée où je serai capable de faire quelque chose qui me ressemble si peu. »

« Quoi donc, Miyuki-kun ? »

Une étincelle sournoise et rusée passa dans son regard pendant un moment avant qu'il ne demande :

« Avant ça, peut-on se mettre d'accord très clairement sur le fait que tout ce que je dirai ne constituera d'aucune façon, de près ou de loin, une admission du fait que Sawamura et moi ne respections pas le règlement du lycée, et que rien ne devra être pris comme une preuve à charge que nous sommes impliqués dans une relation qui serait mal vue par le lycée et la fédération de baseball ? Et que tout ce que je mentionnerai concernant une telle relation devra être compris comme quelque chose dans lequel nous prévoyons de nous engager une fois que nous aurons tous deux quitté l'école et non quelque chose dans lequel nous sommes déjà engagés ? »

« On peut bien entendu faire une telle hypothèse. »

Puis son regard redevint sérieux, presque formel, alors qu'il prenait une grande respiration et la retint une seconde avant de dire :

« D'accord, alors… de bien des façons, je suis bien plus stupide que Sawamura le sera jamais, et si jamais, dans un futur proche ou lointain, je devais faire quelque chose de stupide comme le quitter, ou le perdre, et que d'une manière ou d'une autre tu devais apprendre via ta multitude d'informateurs que la séparation dure depuis trop longtemps et que cela le fait pleurer, pourrais-tu lui remettre ceci de ma part ? »

Des deux mains, Miyuki lui tendit la feuille de papier. Takashima la saisit, lui envoya un regard interrogateur pour savoir si elle pouvait la lire maintenant, reçut un signe affirmatif en réponse et elle déplia la feuille.

C'était là l'exact contraire de l'idée de gagner une commission sur le dos de Sawamura. La meilleure description qu'elle pouvait en donner était une lettre officielle, manuscrite et signée, reconnaissant à Sawamura Eijun le droit de revendiquer Miyuki Kazuya comme lui appartenant, même si ledit Miyuki Kazuya était un idiot sans cervelle qui s'était laissé séparer de Sawamura Eijun.

« Donc tu es à lui, à vie. » Lui fit-elle remarquer.

« Même si je venais à l'oublier. »

« Je saurais te le rappeler. »

« J'apprécierai si c'était le cas. »

« Et je t'enverrai Kuramochi en plus pour qu'il te fiche un bon coup de pied au derrière. »

« Ce serait mérité si jamais je quittais Sawamura. »

« Même si tu le faisais à cause de l'idée malavisée que tu le quittes pour son propre bien parce qu'être avec toi n'est pas bon pour lui ou une idiotie de ce genre ? »

« Comme me l'a dit Chris-senpai il y a quelques mois, je n'ai qu'à faire en sorte d'être bon pour lui.. »

« C'est ce qu'il faut faire, Miyuki-kun. »

« Je ferai de mon mieux. »

« Tu m'avais attendue exprès cet après-midi en début d'année scolaire, n'est-ce pas ? » Lui demanda-t-elle, alors qu'elle repliait la feuille de papier en un rectangle régulier.

« Ah bon ? » S'enquit-il de façon très peu sincère, la lueur insolente de retour dans son regard.

« Tu ne files jamais en douce pendant l'entraînement – tu es toujours dans le feu de l'action – mais cette après-midi-là, tu m'as vue sur le point de marcher seule, et tu es venu par l'autre côté des cabanons de stockage pour trainer à un endroit où m'attendre, c'est ça ? »

« Je ne reconnais rien de tout ça. » Sourit-il.

« Déjà à ce moment-là, ça te démangeait de parler de Sawamura, n'est-ce pas ? Tu avais besoin, à ta façon tordue, d'exprimer le fait que tu te sentais confus le concernant, et j'étais la personne la mieux placée pour se faire puisque j'étais celle qui l'avait fait apparaître dans ta vie directement depuis Nagano le jour où il a fait face à Azuma Kiyokuni. »

« C'est prêter bien trop de motivations à mes actes… » Miyuki sourit et se gratta légèrement l'arrière de la tête. Elle eut l'impression qu'il rougissait, mais c'était dur à dire vu l'obscurité ambiante et la façon dont la lumière des lampes illuminait cet endroit.

« C'est un peu tard pour jouer l'innocent, non ? »

« Ah, tu n'es jamais sympa avec moi, Rei-chan… »

« Toi non plus tu n'es jamais sympa avec moi. » Rétorqua-t-elle.

« C'est vrai. » Admit-il ouvertement, semblant même un peu penaud.

Elle prit conscience de combien Miyuki avait changé durant ces moments privés. Sur le terrain, il était le même qu'habituellement, mais dans des moments personnels tels que ceux-là, il acceptait d'être vulnérable, au lieu de ne montrer que pointes affutées, propos directs et d'être muré émotionnellement comme c'était encore le cas il n'y a pas si longtemps. Alors elle lui dit sincèrement, avec un léger sourire :

« Mais tu as fait pas mal de chemin depuis ce jour, Miyuki-kun. »

Il lui jeta un regard surpris, et quand elle n'ajouta rien de rude ou de désobligeant derrière son gentil commentaire, il lui adressa un sourire pur, étonnant de par sa clarté.

« Merci pour tout, Rei-chan. » Dit-il. « On se voit demain. »

« A demain. »

A ce moment précis, Sawamura – qu'ils entendirent bien avant de pouvoir reconnaître son visage – arriva en trottinant depuis le parking derrière les terrains, appelant :

« Oi ! Miyuki Kazuya ! Alors c'est là que tu étais ! Je te cherchais… Oh ! Takashima-sensei ! »

« Sawamura. » Le salua-t-elle en réponse au hochement de tête qu'il lui adressa une fois qu'il les eut rejoints en courant.

« Est-ce que cet énergumène vous importune, Takashima-sensei ? » Lui demanda Sawamura, pointant un pouce en direction de Miyuki.

« Eh oh. » Le reprit Miyuki. « 'Cet énergumène' ? C'est comme ça que tu parles d'un senpai ? »

« Surprenamment, Miyuki-kun s'est comporté en gentleman ce soir, et il ne m'a pas du tout importunée. » Assura-t-elle au lanceur.

« Vraiment ? » Demanda Sawamura, incrédule. « Il s'est bien tenu ? »

« Bien sûr que oui. » Soupira Miyuki. « J'étais justement en train de parler avec Takashima-sensei de… mon futur. »

« Cool ! » S'exclama Sawamura. « Genre ton plan de carrière et tout ? »

« D'encore plus grands projets. » Dit Miyuki.

« Eh ? Ça semble sérieux… »

« Ça l'est. » Acquiesça Miyuki, passant un bras autour des épaules de Sawamura. « Rei-chan a littéralement mon futur juste entre ses mains. »

« Ooh. » Les yeux de Sawamura s'écarquillèrent. « Cette feuille de papier ? Je peux voir ? »

« Non, non. Ni bientôt, et si possible jamais, si je fais tout comme il faut. » Dit rapidement Miyuki, éloignant Sawamura de Takashima après lui avoir adressé un léger hochement de tête en guise d'au revoir et forçant Sawamura à faire de même.

« Quooooi…? » Gémit Sawamura alors que Miyuki l'entraînait plus loin, droit vers les dortoirs. « Mais pourquooooi… ? »

Le lanceur essaya d'échapper à Miyuki pour tenter d'obtenir des informations de la vice-présidente concernant ce mystérieux papier, mais le receveur ne le laissa pas faire, et Takashima se mit à rire en les voyant s'éloigner, Sawamura Eijun boudant et protestant, mais ne réussissant pas à s'extraire de l'étau de Miyuki Kazuya, qui ainsi gardait une prise ferme et indéfectible sur son futur.


NdA au 2 Oct 2015 : Merci à tous ceux qui m'ont accompagnée dans cette aventure qu'était ma première fanfiction Daiya no A. J'espère que vous avez aimé la lire autant que j'ai aimé l'écrire.

Cette histoire est basée sur la partie 1 du manga uniquement, j'ai ajouté mes propres développements, conversations, et choses fidèles à mon idée du canon et que j'ai considéré comme pouvant se passer entre les scènes que l'on voit dans le canon. Si des développements qui survenaient en partie 2 venaient contredire des évènements de cette fic, eh bien, considérez que cela se passe au-delà de ce petit univers particulier.

NdT - Annonce : Merci à celles et ceux qui auront lu cette histoire jusqu'au bout et m'auront soutenue en laissant une review ou un kudo, ou en mettant l'histoire en alerte ou favoris ou en échangeant avec moi par message privé ! ^-^

Concernant les publications des prochains mois, je n'ai pas eu l'autorisation de les publier sur ce site, ce seront donc des exclusivités Archive of our own. N'hésitez pas à aller voir ce site, j'y ai le même pseudo et le fandom anglophone Daiya no A est bien plus actif là-bas (4000 histoires contre 600 ici).