Avant-propos : Ahem… Bonjour ?
Donc, vous l'aurez compris en lisant le résumé, ceci est une fanfiction dont le concept a fortement été inspiré par 13 Reasons Why… Je me suis dit un beau jour, « eh dis donc, si je reprenais le principe des cassettes audio avec une histoire sur chaque face, qu'un personnage envoie à quelqu'un, sauf que le message ne serait pas du tout le même ? » Et voilà :') J'ai un attachement tout particulier aux cassettes audio, qui ont bercé mon enfance et le début de mon adolescence pour plein de raisons, du coup cette idée me parlait beaucoup.
Alors pour être claire, ce n'est pas une réécriture de 13RW, même si certains éléments auront plus ou moins consciemment été inspirés par l'histoire originale, mais bon c'est plus ou moins inévitable ! (Vous noterez d'ailleurs l'originalité des titres de chapitres n'est-ce pas)
C'est la première fois que je tente sérieusement une fanfiction en univers alternatif. Enfin, en tout cas, une fic pour laquelle j'ai été motivée à aller jusqu'au bout, et que je publie. C'est aussi ma première fic multi-chapitres sur ce site. Dans tous les cas, c'est assez expérimental, j'implore votre indulgence… En espérant que vous aimerez !
Bien, après une intro trop longue, je vous laisse avec le premier chapitre !
Cassette 1, Face A
Naruto rentrait du fast food où il travaillait pendant les vacances d'été. Ce boulot l'ennuyait profondément, mais il n'avait rien trouvé de mieux, et il devait financer ses frais de scolarité, au moins en partie. Peut-être que s'il s'y était pris un peu plus tôt, une fois encore… Enfin, ça ne servait à rien de se lamenter, à présent.
Ce fut dans cet état d'esprit qu'il rentra chez lui, tard le soir. Heureusement, il n'habitait pas loin de son lieu de travail. Voilà qui lui enlevait au moins une épine du pied. Il poussa la porte de la résidence étudiante où il logeait, et elle lui sembla deux fois plus lourde que d'habitude.
Il était sur les rotules et ne faisait plus vraiment attention à son environnement, si bien qu'il trébucha sur quelque chose à côté des boîtes aux lettres, et s'étala de tout son long par terre.
« Bon dieu, mais qu'est-ce que ça fiche là ?! » Jura-t-il. Il n'était pas vraiment de bonne humeur. Il avait faim, il était fatigué, il souhaitait simplement s'affaler sur son lit, devant un film, en train de manger ; et au lieu de ça, il était affalé sur le sol du hall de son immeuble.
Il se releva tant bien que mal, tout en insultant mentalement quiconque avait eu la brillante idée de laisser le paquet en plein milieu du couloir. Naruto hésita à juste déplacer le colis dans un lieu plus sûr, mais il se dit qu'il pouvait toujours tenter de sonner directement chez le destinataire pour le lui donner. Il regarda le nom inscrit sur le papier kraft…
Et remarqua que c'était le sien.
Passé le moment d'incompréhension, car il ne se rappelait pas avoir commandé quoi que ce soit, il se dit que c'était peut-être son père qui lui avait envoyé quelque chose. Cela lui arrivait parfois. Il lui envoyait surtout des conserves et autres denrées non périssables autres que des ramens, que Naruto consommait trop souvent à son goût. Mais il n'y avait pas l'adresse de l'expéditeur, et ce n'était pas l'écriture de son père ; il n'écrivait pas de façon si appliquée. Et puis ses colis étaient généralement plus gros. Naruto maugréa dans sa barbe et rentra dans son petit appartement, son colis sous le bras.
Il le posa sur son bureau, se disant qu'il s'en occuperait plus tard, mais la curiosité l'emporta sur la fatigue. Qui avait bien pu lui envoyer ça ? Et surtout, qu'est-ce que c'était ? Il ordonna à son cerveau de se calmer tout de suite sur les scénarios catastrophes à base de colis piégé. Mais au cas où, il colla l'oreille au paquet, juste pour être sûr de ne pas entendre de tic tac. Rassuré, il déchira le papier kraft et découvrit une boîte à chaussures. De plus en plus intrigué, il ouvrit la boîte, et vit qu'elle contenait des cassettes audio, enveloppées dans du papier bulle.
« Qu'est-ce que c'est que cette histoire ? »
Naruto décida qu'il ne pouvait pas élucider ce mystère le ventre vide et se prépara un bol de ramen, comme il le faisait souvent le soir. Pendant que l'eau chauffait, il ressortit un vieux walkman de ses affaires.
L'objet datait du début de son adolescence, quand il faisait des compilations de chansons qui passaient à la radio sur des cassettes audio. Il adorait ce walkman, il lui rappelait des bons souvenirs. C'était son père qui le lui avait offert, avec quelques unes de ses vieilles cassettes personnelles, pleines de chansons démodées que Naruto adorait écouter. Quand il était parti pour ses études, il l'avait emporté avec lui par pure nostalgie, « juste au cas où, » mais en réalité, il ne s'en servait presque plus. Ses amis étaient toujours surpris de voir chez lui ce souvenir du passé, du temps où l'on n'avait même pas de lecteurs MP3, et en riaient parfois. Aujourd'hui, Naruto était bien content de l'avoir pour pouvoir lire ces mystérieuses cassettes.
Puis, en réfléchissant, il se dit que c'était en fait probablement l'un de ses amis qui voulait lui faire une farce, histoire qu'il ait une raison de se servir de son walkman. On l'avait tellement charrié avec ça… Finalement, c'était plutôt positif : ses amis avaient pensé à lui ! Restait à savoir ce qu'on lui avait réservé. Et si ça n'avait rien à voir ?
Une fois que son repas fut prêt, il s'installa à son bureau. Il n'y avait rien sur les boîtes des cassettes, qui étaient au nombre de sept. Impossible de savoir ce qu'elles contenaient, ou de qui elles venaient. Il en ouvrit une au hasard, et vit qu'un « 5 » était inscrit sur la première face au marqueur indélébile. Il comprit rapidement qu'il devait écouter les cassettes dans un certain ordre en voyant le « 6 » inscrit sur l'autre face.
Il retrouva la première cassette, mais avant de l'écouter, il vérifia si son lecteur marchait encore. Il ne l'avait pas utilisé depuis un certain temps, et peut-être que les piles étaient vides. Il prit l'une de ses propres cassettes au hasard et enclencha la lecture. Et forcément, les piles étaient effectivement vides… Heureusement, son walkman utilisait les mêmes piles que la télécommande de sa petite télé, et le souci fut rapidement réglé.
Le son de la cassette n'était pas très bon, mais elle était vieille et usée… Au moins, tout fonctionnait.
Il inséra donc la première cassette de la boîte dans son walkman et, avec un peu d'appréhension, appuya sur le bouton lecture.
Passé quelques secondes, il entendit un léger grésillement, puis une voix, hésitante.
« Bonjour, Naruto. »
Il reconnut la voix instantanément. Il se figea.
« C'est… C'est Gaara. »
Gaara. Un garçon avec qui il était ami depuis son entrée à la fac, environ deux ans plus tôt. Un garçon avec qui ça n'avait pas toujours été facile au début. Un garçon avec qui on ne savait pas toujours à quoi s'attendre, tant il était secret.
Du coup, Naruto s'attendit au pire.
Qu'est-ce que Gaara était en train de manigancer ? Qu'avait-il à lui dire en autant de cassettes audio ? Est-ce que c'était grave ? S'il avait eu de mauvaises nouvelles à lui annoncer, il l'aurait fait de vive voix…
N'est-ce pas ?
« Tu dois sûrement être en train de te poser tout un tas de questions. Qu'est-ce qui m'arrive, qu'est-ce que j'ai à te dire, pourquoi ce support, qu'est-ce qui me passe par la tête, est-ce que c'est grave… »
Naruto ne put s'empêcher de sourire. Gaara était très doué pour deviner ses cheminements de pensée, parfois même avant lui. C'en était un peu effrayant.
« Et je vais y répondre. Si tu es en train d'écouter cette cassette, c'est plutôt positif, au moins ça veut dire que je ne me serais pas dégonflé.
J'ai beaucoup de choses à te dire, à te raconter. Un certain nombre sont des événements que tu connais déjà, puisque tu y étais, mais je voudrais te les raconter de mon point de vue. Je vais aussi te parler de moi, de mon passé. Ce sera sûrement long, ce sera un peu délicat, mais ce sera nécessaire. Pour que tu puisses comprendre. Pour que tu puisses ME comprendre. Et surtout, pour que tu comprennes les raisons qui me poussent à te parler aujourd'hui. »
Sa voix était on ne peut plus sérieuse. Encore plus que d'habitude, ce qui n'était pas peu dire. Naruto était de plus en plus intrigué.
Ils avaient eu des discussions sur le fait que Gaara ne parlait jamais de lui. Est-ce qu'il avait enfin décidé de sortir de son silence ?
« J'ai choisi les cassettes audio, puisque tu te plaignais régulièrement de ne pas avoir de raison de te servir de ton walkman adoré. J'espère qu'il fonctionne encore, sinon j'aurais l'air un peu idiot… »
Petit rire gêné.
« Enfin, j'imagine que tu l'auras fait réparer, ou que tu auras été je ne sais où dénicher un autre appareil pour lire mes cassettes, parce que je sais que j'aurai réussi à attiser ta curiosité. »
« Tu me connais trop bien, » dit Naruto, amusé.
« J'avais aussi pensé à la lettre. Ça fait assez personnel, en tout cas plus qu'un e-mail ou un SMS. J'aurais aussi pu tout te dire en face, mais j'aurais sûrement perdu mes moyens en cours de route, et j'aurais oublié la moitié des choses que je voulais te dire. C'est pour ça que j'ai pensé à la lettre en premier. Puis je me suis dit que ça ne te ressemblait pas assez. J'ai fini par opter pour les cassettes. J'ai mis du temps à trouver tout le matériel, tu sais ! Qu'est-ce que je ne ferais pas pour toi… Et puis, ça me permet de dire beaucoup plus de choses que ce que j'aurais pu dire dans une lettre. Et surtout, je me suis dit que ça serait comme si je te parlais directement. Je pense que c'est plus honnête pour tout ce que j'ai à te dire. »
« Mais qu'est-ce que t'as à me dire, bon sang ?! » S'énerva Naruto, comme s'il répondait vraiment à Gaara. Ce dernier avait le don de retenir les informations importantes et de faire durer le suspens, il savait que cela horripilait Naruto, qui n'avait pas beaucoup de patience.
« J'ai longtemps hésité pour savoir si je devais te dire de but en blanc mon… Mon message principal, ou bien garder ça pour la fin. J'en ai conclu que ce serait plus facile de te le dire directement. Et ça te permettra de plus facilement comprendre les différentes histoires, parce que même si tu es bien plus intelligent que ce qu'on dit parfois de toi, tu n'es vraiment pas doué pour les sous-entendus. »
Gaara rit doucement. C'était déjà la deuxième fois depuis le début de la cassette. Pourtant, il n'était pas du genre à rire beaucoup. Naruto faillit se vexer, mais il devait bien avouer que Gaara avait raison : il ne comprenait jamais les sous-entendus, et il fallait toujours lui expliquer clairement, alors même qu'il avait tout sous le nez. On pouvait sans souci lui organiser des fêtes surprises dans sa propre maison, il ne voyait rien !
« Bon, inutile de tourner autour du pot plus longtemps… »
Il y eut quelques secondes de silence, et Naruto pouvait presque déceler les hésitations dans la respiration de Gaara. Puis il l'entendit prendre une grande inspiration.
« … Je t'aime, Naruto. »
Comme dans un réflexe, Naruto arrêta la cassette.
Il s'était attendu à beaucoup de choses, mais pas à ça.
Il resta là, hébété, pendant quelques minutes, incapable de digérer l'information. Beaucoup trop de pensées se bousculaient dans sa tête, il crut qu'elle allait exploser. Des tas de souvenirs lui revenaient en mémoire, des mots, des ressentis, mais il n'arrivait pas à s'arrêter dessus pour les analyser et ils repartaient aussitôt. Il n'aurait jamais pensé que Gaara pouvait éprouver de tels sentiments à son égard. Enfin, pour sa défense, Gaara était du genre à cacher et à réprimer ses émotions au plus profond de lui. Naruto lui avait même déjà dit à plusieurs reprises que ça n'était pas bon pour lui, même encore récemment… Il n'avait par ailleurs jamais vu Gaara s'intéresser aux filles, mais il ne s'était jamais intéressé non plus aux garçons. En fait, il ne parlait pas de ce genre de choses, alors entendre ces mots de sa bouche…
Naruto fut sorti de sa transe par les vibrations de son téléphone. C'était l'un de ses camarades de fac qui lui demandait s'il était libre le weekend à venir. Naruto se dit qu'il lui répondrait plus tard. De toute façon, il ne savait pas s'il serait disponible.
Encore un peu ailleurs, il mit son téléphone en mode silencieux et reprit l'écoute de la cassette.
« Wow, ça y est, c'est sorti. C'est la première fois que je le dis à voix haute. Ça me fait bizarre.
J'imagine que ça doit te faire encore plus bizarre, à toi. Gaara, le rat de bibliothèque, l'ermite qui ne sort jamais de sa grotte… Gaara, le type qui ne dit jamais rien, qui ne sourit presque pas, la coquille vide, amoureux de toi ? Je sais, c'est surprenant. »
Naruto ne l'avait jamais pris pour une coquille vide. Il avait appris à le connaître. D'autres personnes n'avaient pas forcément fait cet effort.
« Si ça peut te rassurer, j'en ai été le premier surpris. Ça m'est tombé dessus sans que je m'y attende vraiment. Un peu comme notre amitié. »
Un sourire dans sa voix.
« Mais voilà, c'est comme ça. Il s'est passé beaucoup de choses depuis qu'on se connaît. Des choses dont tu n'as probablement pas conscience, des choses que tu penses sûrement insignifiantes, mais qui ont eu beaucoup de conséquences sur moi. Tu m'as beaucoup aidé. Bien plus que ce que tu peux imaginer. Et avec ces cassettes, j'espère pouvoir te dire tout ce que tu as fait pour moi. »
« Wow, » se dit Naruto. Qu'est-ce qu'il avait bien pu faire de si spécial ? Il l'avait aidé à s'ouvrir aux autres ; ça, c'était un fait. Il y avait sûrement autre chose, mais quoi ?
Il était un peu perdu et avait du mal à réaliser ce qui était en train de se passer. De plus, c'était bien la première fois que quelqu'un lui faisait une telle déclaration d'amour. Il ne pensait pas que ça viendrait d'un garçon, et encore moins de ce garçon-là. Il avait déjà été en couple, on lui avait déjà dit « je t'aime, » mais aucune de ses ex ne lui avait exprimé ses sentiments avec autant d'émotion qu'il y en avait actuellement dans la voix de Gaara.
« Je ne te demande rien. Je n'attends pas de toi une réaction en particulier. Je n'attends pas de réponse… Je veux juste… Je veux juste te dire, t'expliquer, m'ouvrir à toi. Je voudrais juste que tu me connaisses mieux. J'ai besoin que tu saches à quel point tu as changé ma vie.
Je n'arrive plus à tout garder pour moi. Je crois que je suis arrivé à un point où c'est en train de me consumer de l'intérieur. Il y a bien d'autres choses que je vais dire pour la première fois à voix haute sur ces cassettes, mais j'en ai besoin. Il est temps que ça sorte. »
Il semblait fatigué.
« Et tu es bien la seule personne à qui je fais assez confiance pour m'écouter et me comprendre. Tu es aussi la seule personne à qui j'ai envie d'en parler, pour être honnête. »
Naruto était flatté, mais aussi un peu mal à l'aise. Il n'aurait jamais pensé compter autant pour lui.
« Je ne peux pas te forcer à continuer de m'écouter. Je n'aurai pas de moyen de savoir si tu as tout écouté jusqu'au bout, de toute façon. Enfin, au moins, tu auras eu le résumé. Une partie de moi espère tout de même que tu m'accorderas un peu de ton temps. Tu as toujours su le faire… Si jamais tu décides de prêter attention à tous mes bavardages – pour une fois que c'est moi qui parlerai plus que toi – j'ai mis à ta disposition un plan de la ville. »
En effet, Naruto ne l'avait pas vu au début, mais sous les cassettes se trouvait un plan, avec différents numéros.
« Chaque numéro correspond à une histoire. Tu n'es pas obligé de t'y rendre, mais ça te mettra dans l'ambiance. En tout cas, c'est comme ça que je l'imagine. Je ne suis pas très doué pour organiser des activités, ça c'est plutôt ton domaine.
Et bien évidemment… Je te fais confiance pour ne parler à personne de ce que je vais dire sur ces cassettes. Je sais que tu n'es pas toujours très doué avec les secrets, en tout cas les secrets de moindre importance. »
Si on pouvait organiser une fête surprise à Naruto sans aucun problème, en organiser une pour quelqu'un d'autre avec lui était devenu mission impossible : il finissait toujours par vendre la mèche, volontairement ou non.
« Mais je sais aussi que tu es digne de confiance sur les choses importantes. Je sais que tu as déjà compris que ce que je fais avec ces cassettes, ce n'est pas sur un coup de tête. Je sais que je peux compter sur toi là-dessus. »
Il paraissait en effet extrêmement sérieux.
« Une dernière consigne : je te demanderai de ne pas me contacter avant d'avoir fini les cassettes, si tu décides de toutes les écouter. Et si tu décides de ne pas le faire… Je ne t'en voudrai pas. Je te l'ai dit, je ne peux pas te forcer. Evidemment, je souhaiterais que tu écoutes tout, mais je comprendrais si tu ne le faisais pas… »
Il y eut une inspiration, puis un silence, comme si Gaara avait voulu ajouter quelque chose mais s'était ravisé.
Naruto était perplexe. Ce récit avait l'air de beaucoup tenir à cœur à Gaara, pour qu'il lui demande de tout écouter avant de même songer à le contacter. Naruto se dit que cela allait être dur de ne même pas lui envoyer un simple message avant d'avoir fini, mais il allait faire un effort et s'y tenir. Gaara lui faisait confiance là-dessus, et il avait toujours été hors de question pour lui de trahir la confiance de ses amis.
« En bref… Ne me contacte que si tu as fini les cassettes ou bien si tu as pris la décision d'arrêter. S'il te plaît.
Si tu es prêt, tu peux continuer à écouter là où tu es, ou bien tu peux te rendre à notre premier point de rendez-vous. C'est le numéro 1 sur la carte. Facile. »
Le premier numéro renvoyait au restaurant universitaire. Naruto hésita. Ce n'était pas très loin, mais il commençait à se faire vraiment tard. En plus, il travaillait le lendemain. Il pouvait toujours attendre un peu, il était de repos quelques jours plus tard. Les cassettes n'allaient pas s'envoler…
« Et puis zut ! S'exclama-t-il en enfilant un sweat-shirt et en fourrant le walkman dans une poche. De toute façon, je bosse pas le matin ! »
Il mit ses chaussures, prit le plan, ses clés et se mit en route.
Il n'avait même pas touché à son repas.
Il faisait noir dehors, et même un peu frais. Le temps n'avait pas été très clément ces derniers jours. Naruto arriva devant le restaurant universitaire, en se demandant bien ce que Gaara avait à lui raconter comme anecdote sur ce lieu, qui n'avait pourtant rien de particulier, ni pour l'un, ni pour l'autre.
Il se trouva un petit coin où s'asseoir, s'installa et reprit son écoute.
« Le restaurant universitaire. Ou resto U, ou même RU, comme on l'appelle entre étudiants. Un lieu plutôt banal, un lieu de vie, un lieu de rencontre.
C'est là qu'on s'est rencontrés. Tu t'en souviens ? »
Ah oui, en effet. Mais ce n'était pas tout à fait exact. Naruto avait déjà vu Gaara auparavant, il avait repéré sa flamboyante chevelure rousse sur le campus alors qu'il était seul dans un coin en train de lire, quelques jours avant de le revoir au resto U. A ce moment-là, le voyant encore une fois seul à sa table, il s'était installé près de lui.
« Les cours n'avaient pas commencé depuis longtemps, une ou deux semaines à peine. Je m'étais installé ici très rapidement après la fin du lycée, j'avais pris le temps de me familiariser un peu avec cette nouvelle ville, mais pas grand-chose de plus. Je sortais d'une période difficile. Je t'ai déjà dit que le lycée pour moi n'avait pas été de tout repos, mais je ne t'ai jamais expliqué pourquoi… Ça viendra au fil des cassettes, je te le promets. Je peux déjà te dire que ma dernière année de lycée, je l'ai passée seul avec moi-même. Je ne voulais parler à personne là-bas, la seule chose que j'attendais était d'obtenir mon diplôme et de partir. »
Plutôt radical. Naruto savait que Gaara n'avait apparemment jamais été très sociable, mais pas à ce point-là.
« Mon but était ensuite de poursuivre mes études loin de là où je vivais. Je voulais laisser certaines choses derrière moi. Faire ma vie de mon côté, et c'est tout. Je voulais me contenter de me concentrer sur mes projets, et rien d'autre. Les rencontres n'étaient pas du tout ma priorité.
Tout ça pour dire que je n'avais pas encore vraiment cherché à me faire des amis à la fac. En vérité, je n'en avais pas du tout eu l'intention. Et puis de toute façon, même si je l'avais voulu… Je n'ai jamais vraiment su comment faire. Autant m'éviter cette peine. »
« Toujours aussi cynique, » se dit Naruto. Cependant, il sentait que Gaara avait dit ça avec une sorte de dépit. Comme si c'était un sort inévitable qu'il avait accepté de subir et qu'au final, il ne l'avait pas vraiment désiré, malgré ce qu'il disait.
« C'était donc un jour comme les autres. Je n'aimais pas trop déjeuner au resto U, car il y a toujours beaucoup de monde et beaucoup de bruit, mais c'était parfois plus pratique pour moi, quand je n'avais pas le temps de rentrer chez moi ou que je n'avais rien préparé la veille. C'était le cas ce jour-là.
J'étais en train de manger seul, mes écouteurs sur les oreilles, et ça m'allait très bien. Jusqu'à ce que, du coin de l'œil, j'aperçoive un garçon de mon âge à peu près s'asseoir en face de moi. C'était toi, évidemment. Tu es arrivé, plein de confiance. Je crois que tu m'as demandé si tu pouvais te mettre là, mais je ne suis pas sûr. De toute façon, ça m'était égal, et ça devait t'être égal aussi, car si tu m'as posé la question, tu n'as pas attendu que je te donne une réponse pour t'installer.
Un peu agacé, j'ai levé les yeux vers toi, et j'ai tout de suite été aveuglé par ton t-shirt orange… Je n'ai toujours pas compris comment tu peux porter ce genre de trucs, tu sais ? »
« T'y connais rien, c'est pour ça, » se dit Naruto en riant.
« Quand tu as vu que j'avais enfin daigné t'adresser un regard, tu t'es mis à sourire. Tu sers toujours ce grand sourire béat aux gens que tu rencontres pour la première fois, je l'ai appris par la suite. Tu avais très bien vu mes écouteurs, parce que j'ai fait exprès de les réajuster devant toi, pour te signifier que je n'avais pas envie de parler. Mais tu as quand même essayé d'entamer la conversation. Je ne me souviens plus de ce que tu m'as dit. »
Naruto ne s'en souvenait pas non plus.
« Tu as abandonné quand tu m'as vu augmenter le volume de ma musique. Mais tu n'es pas parti. Tu as continué de manger comme si de rien n'était, et quand je me suis levé après avoir fini mon repas, tu m'as souri et m'as souhaité une bonne journée. Moi, je t'ai à peine regardé en partant. Tu as sûrement dû vivre ça comme un échec de ta tentative de sociabilisation. »
Un peu. Mais échec ne voulait pas dire défaite totale et irrémédiable !
« En ce qui me concerne, j'étais énervé. Tu avais envahi mon espace personnel et tu pensais que tu étais en droit de faire comme si on se connaissait, alors que je ne t'avais jamais vu de ma vie. En vérité, je t'ai trouvé très impoli. Je n'ai pas supporté que tu viennes m'importuner alors que je m'étais isolé et que je te l'avais clairement signalé. »
C'était vrai que présenté comme ça… Naruto ne pouvait pas blâmer Gaara d'avoir été énervé.
« Pourtant, et je mettrai très longtemps à l'admettre, c'était le premier geste amical que je recevais depuis bien longtemps. Peut-être que c'était ce qui m'avait fait peur. J'ai plus l'habitude des gens qui m'évitent ou bien qui me regardent de travers. Je sais que je fais tache, à ne pas me mêler aux gens. C'est pour ça que je n'ai vraiment pas compris pourquoi tu avais décidé de venir t'asseoir en face de moi. Il y avait plein d'autres places dans le réfectoire, mais non, tu avais choisi celle-ci. Peut-être que c'est aussi ça qui m'a énervé : j'ai pensé que je t'avais fait pitié. Je déteste la pitié. Encore plus que le mépris.
Enfin bref. Je n'ai pas voulu m'attarder sur cet événement. Je pensais qu'après ça, je n'entendrais plus parler de toi, puisque tu n'aurais eu aucune raison de revenir vers moi. Tu te serais fait des amis, et tu n'aurais plus eu l'occasion de me croiser. A vrai dire, je t'ai même oublié pendant un temps. Bien sûr, ça n'allait pas durer.
Mais ça, c'est pour une prochaine histoire. »
Naruto attendit encore un peu, mais il n'y eut rien de plus. Pour être vraiment sûr, il attendit la fin de la bande, comme lorsqu'on attend la toute fin du générique d'un film au cinéma, dans l'espoir d'une scène bonus. Il se dit que Gaara était bien capable de lui faire le coup.
« Je suis prêt à parier que tu es encore là. »
Bingo ! Naruto était plutôt content de voir que lui aussi pouvait deviner les réactions de Gaara. Il pouvait même presque déceler son petit sourire en coin alors qu'il parlait.
« Ce ne sera pas la peine de rester jusqu'à la fin sur le reste des cassettes. Je n'ai rien préparé, je ne sais pas combien de temps chaque enregistrement me prendra. Tout ce que j'ai fait, c'est une liste des différentes histoires que je voulais aborder, deux par cassette, une par face, et c'est à peu près tout. Le reste, c'est plus ou moins de l'improvisation. Je te laisse juste un message pour te prévenir, parce que je sais que tu vas aller jusqu'à la fin de la bande au moins la première fois, juste au cas où, par peur de rater quelque chose. L'imprévisible Naruto n'est pas toujours si imprévisible que ça. »
Un sourire dans sa voix, à nouveau. Gaara n'était pourtant pas du genre à beaucoup sourire. Naruto disait souvent pour plaisanter qu'il souriait pour deux.
« Au fait, tant que j'y pense… Prends ton temps pour tout écouter, si tu décides d'aller jusqu'au bout. Je comprendrai que tu n'écoutes pas tout en une seule journée. Moi-même, je ne pense pas que j'enregistrerai tout d'une seule traite, alors je n'ai pas l'intention d'attendre de toi que tu écoutes la totalité de mes monologues à la suite.
Cette fois j'en ai bien fini pour cette face. Tu peux retourner la cassette. »
Naruto arrêta son walkman, mais il ne retourna pas la cassette. Il avait besoin de faire le tri dans ses pensées, afin de comprendre ce qui était en train de se passer. Gaara allait lui expliquer beaucoup de choses sur son histoire personnelle. Ok, c'était une bonne nouvelle, Naruto n'avait jamais vraiment réussi à lui soutirer beaucoup d'information sur sa vie avant la fac… Mais ça n'avait pas l'air très rassurant, vu la façon dont Gaara présentait les choses. Son ami venait également de lui avouer qu'il était amoureux de lui. Que Gaara puisse être amoureux l'étonnait. Que Gaara puisse être amoureux d'un garçon ne l'étonnait guère, on ne choisit pas, et puis il n'avait jamais parlé de ses préférences, s'il en avait.
Mais que Gaara puisse être amoureux de lui, Naruto, en particulier, et qu'en plus, Naruto ait apparemment « changé sa vie, » il ne comprenait pas d'où ça sortait.
Certes, Naruto n'était pas doué pour comprendre les sous-entendus, pour détecter les messages cachés, les regards en coin, mais y avait-il des signes évidents qu'il avait ratés ? Ils avaient passé pas mal de temps ensemble ces derniers temps, pourtant. En partie parce que Naruto avait trouvé Gaara bien plus nerveux que d'habitude. Plus inquiet, aussi. Est-ce que c'était lié ? Leurs amis avaient-ils remarqué quelque chose ?
Le Gaara qu'il venait d'entendre semblait différent du Gaara qu'il connaissait. Il savait que son ami avait l'habitude de se cacher derrière un masque d'indifférence ou d'agacement, mais il pensait qu'il avait réussi à faire tomber ce masque, ou tout du moins à faire en sorte que Gaara l'enlève lorsqu'ils n'étaient que tous les deux. Visiblement, il était loin du compte… Il était un peu déçu, et en même temps, il n'était pas si surpris que ça. Gaara avait toujours été très secret, alors ça n'avait rien d'étonnant. Mais il avait décidé de se confier à Naruto et de lui faire découvrir qui il était réellement. Après deux ans, il acceptait enfin de s'ouvrir et de lui laisser une chance de le connaître vraiment.
Et Naruto avait bien l'intention de la saisir.