Mae govannen mellyn !

Alors, d'attaque ? Puisque j'ai dit que c'était le dernier chapitre vous devez avoir une petite idée de ce dont il va parler, non ? ... de licornes et de bisounours ? OUI, exactement, vous avez deviné ! Ahah...

ooo

Les petites précisions pour la route :

- Naturellement, l'univers et les personnages ne m'appartiennent en aucune manière ; tout est au vénéré J. R. R. Tolkien.

- Et oui, voilà donc (enfin) le dernier chapitre de ma fic, et probablement l'un des plus joyeux !

- Vous sentez l'ironie, là ? Ouais, ça pue carrément l'ironie.

- Franchement je saurais pas situer le niveau de drama, mais disons seulement qu'en écrivant les derniers mots, j'avais les larmes aux yeux.

- Yep, je me fais pleurer moi-même... un peu maso sur les bords je crois.

- Voila, je crois que c'est tout...

- Ah non, j'oublie une chose :

- BONNE LECTURE !

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– Sa dernière promesse –

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L'histoire touchait à sa fin. Maglor le sentait.

D'un geste lent, il jeta son long manteau sombre sur ses épaules et l'agrafa à l'aide d'une broche d'argent en forme de tête de dragon. Sous la cape, le reste de ses habits était intégralement noir, de la tunique aux bottes, de même que ses cheveux. Seule la peau de son visage, blême, tranchait avec cet étalage de ténèbres.

Il resta un moment immobile, planté au milieu de sa chambre, la balayant d'un long regard circulaire comme si c'était la dernière fois qu'il devait la voir.

Et peut-être était-ce vrai.

A cette pensée, il cilla et détourna la tête. D'un pas rapide, souple, il quitta la pièce et referma la porte sans bruit. L'épée battait son flanc au rythme de ses pas tandis qu'il traversait le couloir, et la cape ondulait autour de ses jambes comme une mante tissée de nuit. Il descendit l'escalier, ses pieds frôlant à peine le sol, dans le silence le plus complet. Intégralement paré de noir, il glissait comme une ombre dans le palais désert.

Le crépuscule éclaboussait l'horizon de rouge strié d'or, et les étoiles apparaissaient timidement, une à une, dans le ciel assombri. C'était une journée qui touchait à sa fin. Une autre.

La cour était déserte à cette heure où tous s'étaient endormis. A l'exception d'une silhouette sombre se découpant dans la clarté hésitante de l'avancée de la nuit. De sa main unique, elle tenait les rênes de deux chevaux. Une capuche recouvrait sa chevelure enflammée, plongeant son visage dans l'ombre.

Quand Maglor apparut, Maedhros leva la tête.

-Te voilà, dit-il seulement.

Et ces deux simples mots avaient un accent sinistre.

Sans répondre, Maglor saisit les rênes d'une des montures et se hissa souplement en selle. Il était calme. Terriblement calme. Ses doigts ne tremblaient pas. Dans sa poitrine, son cœur battait régulièrement ; sa respiration était paisible.

Les émotions semblaient l'avoir entièrement déserté, en ne lui laissant que cette indifférence détachée qui lui donnait l'impression de flotter, à moitié conscient, comme s'il n'était qu'un spectateur passif, un étranger dans son propre corps.

Une fois en selle lui aussi, Maedhros pressa les flancs de sa monture et s'engagea au pas sur le pont-levis abaissé. Le cheval de Maglor suivit docilement. Leurs sabots ne produisaient aucun bruit sur les pavés humides. Ils quittèrent la cour silencieuse du palais endormi.

Peut-être à jamais.

Les deux fils de Fëanor s'enfoncèrent dans la nuit grandissante et y disparurent.


Ils chevauchèrent toute la nuit, sans jamais faire halte, et sans échanger un mot. Traversant la grande plaine du nord avant de s'enfoncer dans une forêt touffue, hantée d'ombres plus noires que la nuit, ils parvinrent avec l'aube à leur destination.

Les bois s'éclaircirent brusquement, et ils se retrouvèrent au sommet d'une butte, nimbés de la lumière du jour naissant. Une vallée s'étendait à leurs pieds, et, blottis entre deux collines un peu plus au sud, ils virent le campement militaire. De leur position de hauteur, il leur semblait que l'agitation qui y régnait était celle d'une fourmilière grouillante.

-Nous y voilà, murmura Maglor dans le vent printanier.

Il leva le regard vers l'est, là où le ciel s'éclaircissait, là où le soleil, dissimulé par la forêt qu'ils venaient de franchir, se levait. Une si belle journée s'annonçait. Une autre encore.

Peut-être la dernière.

-Oui, nous y voilà, répondit la voix de Maedhros en écho.

Maglor était conscient de la présence de son frère à ses côtés. Il était conscient du danger qui était là, en contrebas, un danger sur lequel ils se précipitaient en parfaite connaissance de cause. Ils se jetaient dans la gueule du loup, ils le savaient. Et cela ne les arrêtait pas.

Un sourire ironique tordit la commissure de sa lèvre. Ils étaient fous. Tous les deux, et autant l'un que l'autre. Depuis des années, leurs esprits avaient divagué. Ils en avaient seulement pris conscience, et à présent ils cheminaient ensemble sur la route de la folie, côte à côte, comme deux frères. Ils cheminaient vers leur fin.

Ils échangèrent un regard, et un rictus complice naquit sur leurs lèvres.

-Nous allons rester au couvert des arbres durant tout le jour, décréta soudain Maedhros en faisant reculer sa monture dans l'ombre de la forêt. Nous avons tous deux besoin de reprendre des forces. Et ce soir, quand la nuit nous couvrira, nous irons reprendre les Silmarils.

Alors les deux fils de Fëanor se retirèrent entre les arbres de la forêt, s'abritant aux yeux du soleil auquel ils ne faisaient pas confiance. Aussitôt descendu de selle, Maglor s'installa entre les racines d'un chêne puissant. Et, les jambes remontées contre sa poitrine, la tête reposant entre ses bras croisés sur ses genoux, il s'endormit presque immédiatement, du sommeil profond et paisible des enfants.

Maedhros, attendri, mis pied à terre à son tour, et s'assis silencieusement auprès de son frère. Méfiant, l'oreille tendue, il jetait régulièrement des regards circulaires autour de lui. Mais toujours, ses yeux revenaient à la silhouette de son frère pelotonnée sous l'arbre.

Et, souriant rêveusement à la lumière du jour filtrant à travers les arbres, Maedhros songea qu'il était heureux de l'avoir à ses côtés, alors que l'histoire touchait à sa fin.


Le soleil avait effectué une grande partie de sa course, et amorçait désormais sa descente vers la mer qui allait l'engloutir, le temps d'une nuit. Quand Maglor ouvrit les yeux, la première chose qu'il vit fut Maedhros, assis à ses côtés, le regard dans le vague, ses mains jouant distraitement avec un pan de sa cape drapée autour de ses épaules.

-Tu n'as pas dormi ? Demanda Maglor d'une voix douce.

Sans cesser de tripoter le tissu, Maedhros secoua négativement la tête. Il semblait profondément perdu dans ses pensées.

-Tu devrais, insista Maglor, la tête appuyée contre l'écorce rugueuse du tronc. Il nous reste encore quelques heures avant la tombée de la nuit. Profites-en.

Et, voyant que Maedhros ne l'écoutait pas, il se redressa légèrement pour s'agenouiller devant lui, et, d'un geste sec, lui arracha la cape des mains.

-Reposes-toi, Nelyo, tant que tu le peux. Je monte la garde.

L'intonation de sa voix avait changée. Alors, Maedhros sourit, puis il ferma les yeux. Ses mains étaient croisées sur ses genoux, immobiles. Son corps sembla se détendre, peu à peu. Maglor ne bougea pas avant de s'être assuré que son grand frère dormait.

Il leva les yeux vers la cime des arbres, d'où tombait la lumière rougeâtre du soleil déclinant. L'étrange distance qui l'avait baigné depuis leur départ semblait s'estomper peu à peu. Une lointaine angoisse lui opprimait la poitrine, pesant comme un poids, gênant sa respiration.

Cette nuit serait leur dernière. Et ce soleil qui s'inclinait peu à peu vers la mer pour s'y endormir, ils ne le reverraient probablement jamais se lever.

L'espace d'un battement de cœur, il se remémora le chemin qu'ils avaient parcourus pour en arriver là. Les années avaient passé depuis le massacre des Havres, la mort d'Amras. Ils vivaient tous deux reclus à Himring, sombrant peu à peu dans la certitude qu'ils étaient voués à vivre sous le joug des Ténèbres Eternelles, car ils avaient manqué leur serment.

Puis un jour, la nouvelle, ahurissante, leur était venue du nord : Angband était tombé ! Morgoth avait été jeté à bas par Eonwë, venu d'Aman pour libérer la Terre du Milieu de la terreur des ténèbres. Et sa couronne avait roulé au sol aux pieds du Héraut de Manwë, et celui-ci en avait arraché les deux Silmarils qui y étaient sertis.

-Nous ne pouvons le laisser en possession de ce qui ne lui appartient pas, s'était exclamé Maedhros avec violence, pris d'un soudain sursaut de volonté.

L'espoir s'était rallumé en lui, un espoir fou qui faisait briller ses yeux d'un éclat fiévreux.

-Allons, Eonwë fait un adversaire bien moins redoutable que Morgoth, avait-il ajouté.

-En es-tu sûr ? Avait répondu Maglor. Car c'est Eonwë qui triompha de Morgoth, et à ce titre il me paraît audacieux de le considérer comme inférieur.

Mais Maedhros se braquait, aussi entêté que pouvait l'être un fils de Fëanor. Il envoya un message à Eonwë pour lui ordonner de lui rendre les Silmarils de son père, qui lui revenaient de droit. Eonwë répondit que ce droit dont il se targuait, il l'avait perdu après les trop nombreux forfaits innommables dont les fils de Fëanor s'étaient rendus coupables sous l'empire de leur serment. Il dit que les Silmarils allaient revenir à l'Ouest d'où ils étaient venus, et Maedhros et Maglor aussi, afin de subir le jugement des Valar sous la lumière de Valinor.

A ces mots, Maglor avait senti une grande lassitude envahir son âme. Il s'était tourné vers son frère, et, le cœur gonflé de larmes, avait murmuré qu'il valait mieux, peut-être, se soumettre.

-Nous ne pouvons pas résister plus longtemps, Nelyo, avait-il supplié. Peut-être les Valar nous feront-t-ils grâce…

-Je ne veux de la grâce de personne, avait répondu Maedhros avec mépris. Et tu serais capable de ramper aux pieds des Valar dans le vain espoir qu'ils te pardonnent ? Mais jamais ils ne le feront ! Jamais ils ne nous restitueront ce qui est nôtre, si nous laissons les Silmarils voguer vers Aman. Ne comprends-tu pas que notre seule chance est de les reprendre, ici, maintenant ?

Mais Maglor ne voulait pas l'entendre, car il était aussi buté que son frère, et il lui résista avec virulence. Le ton montait alors qu'aucun ne voulait céder ses positions. Plusieurs fois, ils furent près de dégainer leurs armes qu'ils ne quittaient plus.

-Nous sommes maudits, Maedhros ! Avait soudain hurlé Maglor, des larmes amères coulant de ses yeux écarquillés. Dans notre folie, nous en avons appelé à Illùvatar lui-même ; et qui jure par son nom ne peut jamais reprendre les mots prononcés. Que nous tenions ou non notre serment, nous sommes condamnés aux Ténèbres Eternelles. Elles nous aurons ; elles sont déjà sur nous.

Maedhros l'avait considéré, d'abord avec stupéfaction, puis avec rage.

-Et notre père ? Avait-il laissé tomber dans un grondement furieux. Lui dont l'âme erre à Mandos, il nous verra revenir, les mains vides, comme des fuyards trop lâches pour courir assez loin. C'est pour lui que nous devons le faire.

Maglor avait baissé les yeux.

-J'en ai assez de tuer. Ce n'est pas ce que je veux ; je ne l'ai jamais voulu. Je ne veux plus faire couler de sang, pas même une fois ; je suis fatigué, Nelyo, fatigué d'être ce que je suis…

Ils s'étaient assis ensemble, côte à côte. Maglor regardait ses mains avec horreur. Des mains qui avaient tué, tant et tant, au cours des quatre derniers siècles. Il lui semblait qu'elles ne savaient plus faire que cela. Depuis que les orphelins des Havres avaient quitté Himring, il n'avait pas retouché à sa harpe, et cette fois, il était certain de ne plus jamais pouvoir en jouer.

Maedhros caressait distraitement le moignon qui terminait son bras droit de sa main, son unique main valide, avec laquelle il se battait plus férocement encore. Puis il avait murmuré dans un soupir :

-Kano, ne crois-tu pas que je ne suis pas las, moi aussi ? Crois-tu que j'ai jamais éprouvé du plaisir à perpétrer ces atrocités ? Mais si nous abandonnons maintenant, si près du but, tout ce que nous avons fait n'aura servi à rien. Tous ces sacrifices, la mort de notre père et de nos frères n'auront servis à rien. Et cela… Je ne l'accepterai pas.

Ils avaient échangé un regard. Le regard dur, Maedhros avait reprit :

-Je ne t'obligerai pas à me suivre. Mais sache que moi, j'irai. Tel est notre destin. Maudit pour maudit, autant mourir en ayant tenté quelque chose.

Alors Maglor avait secoué la tête, un sourire empli de tristesse avait fendu ses lèvres tremblantes :

-Tu sais bien que je te suivrais partout.

Il avait cédé, et il s'était remis à l'avis de son aîné, mais des larmes de désespoir brillaient dans ses yeux. Tout était perdu, ils en étaient conscients tous les deux. Mais, souffla Maedhros en étreignant son frère, ils seraient ensemble jusqu'à la fin.

Si nous mourrons, personne, pas même nous, n'en sera affligé.

Alors ils s'étaient vêtus de noir et avaient quitté Himring avec la nuit, galopant jusqu'à là où Eonwë avait établi son campement. Et ils attendaient leur heure.

Cette nuit, ils s'y introduiraient, furtifs comme les fantômes qu'ils étaient devenus. Cette nuit, ils trouveraient les Silmarils qu'Eonwë avait arrachés à la couronne d'ombre de Morgoth. Ils seraient probablement rattrapés et tués avant d'avoir pu s'enfuir. C'était sans espoir. Mais comme les fous qu'ils étaient, ils couraient au-devant de la mort, et ils y couraient la joie au cœur.

Cette nuit, tout serait terminé.

Et Maglor ne voyait aucune raison de s'en attrister.


Quand la mer eut avalé le soleil, quand les premières étoiles piquetèrent le ciel d'encre de leur éclat laiteux, comme autant de minuscules diamants dans un écrin d'ombre, les deux fantômes enveloppés dans leurs mantes de nuit se coulèrent jusqu'au campement. Les soldats grisés par la victoire s'enivraient du parfum de la liberté retrouvée, et l'écho des rires vibrait dans l'atmosphère. Toutes les âmes se réjouissaient à la lueur de la lune, et levaient leurs coupes de vin au ciel étoilé, comme pour rendre Varda témoin de la fin de l'ère du Mal et des Ténèbres.

Personne ne prêta la moindre attention à ces ombres mouvantes se profilant entre les tentes, plus silencieuses que le vent.

Le corps électrifié d'adrénaline et de peur, Maglor s'attendait à tout instant à ce qu'un doigt se pointe sur eux, à ce qu'une voix crie à l'imposture, et à ce que, dans la seconde, cinquante lames menaçantes les encerclent sans leur laisser aucune échappatoire possible.

Mais les regards glissaient sur eux sans les voir, et c'est sans encombre qu'ils parvinrent devant la tente d'Eonwë – la plus grande, celle qui dominait les autres comme le donjon d'une forteresse.

Ils hésitèrent un instant, se consultant du regard à travers l'ombre de leurs mantes. Ils ne décelaient à l'intérieur de la tente aucun mouvement qui puisse trahir une présence. Alors, la main portée à son épée, prêt à dégainer en une fraction de seconde, Maedhros écarta les pans de feutre et pénétra à l'intérieur. Après s'être assuré que personne ne prêtait attention à eux, Maglor le suivit.

Là, dans la pénombre de la tente déserte, leurs regards furent aussitôt happés par un éclat blanc, étouffé par l'épaisseur de cuir d'un sac fermé.

Les Silmarils étaient là, laissés sans surveillance. A portée de main.

Le cœur de Maglor s'emballa, pulsant d'un espoir fébrile qui lui coupa le souffle. Il tenta de lutter contre l'excitation qui l'envahissait comme une drogue extatique. Il ne fallait pas se réjouir trop vite…

-Prend-les, murmura-t-il à son frère dans un souffle expirant. Prend-les vite…

Soudain, son instinct lui hurla de se retourner. Pivotant sur ses talons, il eut juste le temps de lever son épée pour arrêter net celle qui fendait l'air au-dessus de lui. Les deux lames se rencontrèrent dans un tintement féroce ; et par-dessus leurs lames croisées, les deux elfes se mesurèrent du regard, et il brûlait dans leurs yeux la même rage et la même animosité.

Maedhros réagit en un éclair. Il fondit sur leur agresseur comme un faucon sur sa proie. Son poignard luisit dans la pénombre.

Le soldat s'effondra au sol sans un cri.

Mais on avait déjà compris qu'il se passait quelque chose dans la tente du Héraut de Manwë. Des cris éclatèrent, des silhouettes surgirent, encerclant les deux intrus, se saisissant d'eux pour les pousser au-dehors. Leurs armes dégainées, ils se défendirent avec l'énergie du désespoir, et plusieurs hommes tombèrent avant qu'on ne leur arrache leurs épées. A la lueur blême de la lune, leurs visages furent découverts ; des exclamations fusèrent, emplies de stupéfaction et de colère. Aussitôt, cent lames furent au clair, et cent voix furieuses réclamèrent la mort des fils de Fëanor.

Alors parut Eonwë, le Héraut de Manwë. Bien qu'il ne rivalise pas avec l'exceptionnelle stature de Maedhros, la lumière qui émanait de lui était si vive et si pure qu'il semblait bien plus grand qu'eux tous. Sa beauté était sans pareille, et la bienveillance de ses yeux adoucissait ses traits, tranchant singulièrement avec l'armure dont il était vêtu et l'épée à son côté. Il leva une main, et sans qu'un mot sois prononcé, toutes les lames regagnèrent leurs fourreaux, et le silence se fit, mais les yeux tournés vers les fils de Fëanor brûlaient toujours des mille menaces qu'ils rêvaient de proférer.

Eonwë dévisagea les intrus l'un après l'autre, et sous son regard calme où couvait une franche bonté, tous deux se sentirent rapetisser encore, gagnés par un étrange malaise dont ils ne saisissaient pas l'origine.

-Nelyafinwë et Kanafinwë Fëanorion, prononça lentement le Héraut de Manwë.

Et ils lui rendirent son regard sans faillir, mais toute velléité de combat les avait quittés.

-Votre obstination et votre volonté vous font honneur, fils de Fëanor, dit alors Eonwë d'une voix tranquille. Jusqu'au bout, vous aurez tenté de tenir votre serment.

-Et nous nous battrons encore s'il le faut, cracha Maglor avec autant de rage que de désespoir. Nous nous battrons jusqu'à la mort !

Eonwë lui adressa un long regard où se lisait une profonde et sincère empathie.

-Il n'y aura pas de combat cette nuit, Kanafinwë. Les Ténèbres sont tombées, et j'ose espérer qu'à partir de ce jour il n'y aura plus jamais sur cette terre meurtrie une seule goutte de sang versée.

Il avança d'un pas. Maglor dut lutter pour ne pas baisser les yeux devant lui, tant intense était la lumière de son visage. Et quand il reprit la parole, la voix du Héraut de Manwë était basse, murmurante, si bien qu'ils furent les seuls à entendre ces mots :

-Je sais que votre âme désire la paix. Je peux vous l'offrir. Suivez-moi, suivez la voix des Valar, et votre calvaire prendra fin.

Mais leurs cœurs se révoltèrent en comprenant ce qu'il leur offrait. En Maglor naquit soudainement la crainte de ce qu'il avait auparavant désiré – et rien ne lui semblait plus effroyable que d'être emmené aux bateaux voguant vers d'Ouest, d'être traînés devant les Valar comme des criminels. Si cela devait arriver, ce n'est pas vivant qu'ils reprendraient le chemin de Valinor, jura son âme où tressaillait son orgueil. Ils ne seraient pas lâches ni faibles aux yeux de son père. Et il se raccrocha à cette promesse d'un honneur désespéré comme au dernier radeau qui le sauverait de la noyade.

-Jamais, prononcèrent les deux fils de Fëanor d'une même voix.

Et la peine qui passa dans le regard lumineux d'Eonwë semblait sincère. Puis son regard s'éleva vers le visage de Maedhros.

-Rappelez-vous mes paroles, fils de Fëanor ; ce n'est pas sans raison que je vous ai refusé ce sur quoi vous estimez avoir droit. Les mains de Morgoth furent à jamais brûlées par les Silmarils car il n'était pas digne de les posséder.

Et soudainement, il recula, écartant les bras comme dans un geste de fatalité. Aucun ordre ne fut prononcé, mais le cercle de belligérants se brisa aussitôt, et les soldats de l'armée d'Aman s'éparpillèrent, non sans avoir foudroyé les fils de Fëanor d'un dernier regard assassin.

-Partez, dit seulement Eonwë. Partez libres, puisque je ne peux vous contraindre.

Et sans demander leur reste, Maedhros et Maglor s'enfuirent.


Quand ils parvinrent à l'endroit de la forêt où ils avaient laissé leurs montures, leurs cœurs pulsaient douloureusement dans leurs poitrines, et leurs esprits étaient encore hébétés, ne pouvant ou n'osait croire qu'ils s'étaient sortis vivants de ce qu'ils avaient cru être le dernier lieu qu'ils connaîtraient avant la mort.

Maglor se laissa tomber à genoux au pied de l'arbre sous lequel il avait dormi une poignée d'heures auparavant seulement. Sa main appuyée sur l'écorce dure, il apprécia de sentir les aspérités, les failles du bois, la douceur satinée de la mousse recouvrant à demi le tronc. Sa respiration, courte, erratique, s'apaisa au fil des minutes, alors que, le regard baissé, il rejouait dix fois dans son esprit la scène qu'ils avaient vécues. Les yeux trop lumineux d'Eonwë, qui le fixaient avec aménité. Sa voix grave, qui avait un accent rassurant. Ses cheveux de neiges aussi lumineux que s'ils étaient tressés que la lueur des étoiles.

Ce souvenir fit soudain remonter l'essentiel à la surface de son esprit égaré. Et il eut la sensation de recevoir un coup de poing en pleine poitrine.

Relevant précipitamment la tête, il vit Maedhros faire les cent pas, les mains croisées dans le dos, devant les cheveux qui observaient son manège d'un œil placide. Ses cheveux luisaient d'un faible éclat rouge sous la lune.

-Nelyo…

La voix de Maglor était ridiculement faible, éraillée, étouffée dans sa gorge.

Maedhros pila net, le regard rivé sur un point invisible devant lui. Sa cape noire l'enveloppait comme un nuage de cendres, le fondant dans les ombres.

-Nelyo…

Aucun autre mot ne voulait sortir de la gorge serrée du deuxième fils de Fëanor. Il avait la sensation qu'une bête furieuse le ravageait de l'intérieur, griffant, mordant, arrachant, déchirant. La honte et la peur lui dévoraient les entrailles.

Ils avaient échoué... une fois encore, une dernière fois... Ils avaient été si près du but... si près, si près...

Puis soudain, un sourire s'étala sur le visage de Maedhros. Un sourire tel que son cadet n'avait jamais vu sur ses traits austères. Un sourire fait d'euphorie et d'exaltation pure.

-Il savait… Murmura-t-il pour lui-même. Il savait, et c'est à cela que correspondaient ses mots. Et il nous a laissé partir malgré tout. Il nous a laissé libres !

Il se tourna vers Maglor, comme pour l'inviter à partager sa joie. Mais celui-ci, toujours prostré au sol, les yeux brûlants, ne comprenait pas de quoi il fallait se réjouir.

-Kano !

Et Maedhros brandit à bout de bras un sac de cuir. Dans la pénombre de la forêt nocturne, il scintillait d'un éclat intérieur, comme s'il contenait une étoile.

Non. Deux étoiles. Deux joyaux faits de la lumière du jour et de la nuit mêlés.

Maglor fut incapable de bouger, de prononcer un seul mot. Seule, témoin de son émotion, une larme quitta son œil et dévala sa joue.


Les deux cavaliers fendaient la nuit, et l'écho du tonnerre des sabots roulait dans le lointain comme le grondement d'un distant orage. Suspendu à la selle de l'un, un sac de cuir qui projetait dans l'obscurité une hésitante lueur blanche. Devant eux s'étendait un vallon escarpé, au creux duquel, disait-on, dormait un volcan.

Ils chevauchaient à l'aveugle, s'enfonçant dans des contrées inconnues en se moquant de la direction à prendre. Tout ce qui comptait pour eux était de s'éloigner, s'éloigner encore, le plus possible, de là d'où ils devaient. Dans leurs cœurs stagnait la peur d'être poursuivis, la peur qu'Eonwë ait changé d'avis, la peur qu'on les tues comme ils avaient tué tant de gens pour leur reprendre les Silmarils.

Dans leur dos, les premiers rayons de l'aube émergeaient de la terre. Alors, le deuxième cavalier ralentit légèrement sa course, et il cria à l'autre :

-Arrêtons-nous ici, Nelyo ; rien qu'un instant.

Alors, après des heures de fuir, ils firent halte et mirent pied à terre, à l'instant où le voile opaque de la nuit se déchirait sous l'apparition de la lumière dorée venue de l'horizon.

Une nouvelle journée commençait, et Maedhros et Maglor étaient là pour voir le soleil renaître.

Puis l'aîné des deux frères se saisit du sac de cuir dérobé au campement d'Eonwë, le serrant contre sa poitrine en souriant avec tendresse.

-Il ne reste que deux Silmarils, et des fils de Fëanor, nous sommes les deux seuls survivants. Il devait être écrit que nous étions destinés à les posséder, et chacun, nous recevrons une part de l'héritage si chèrement regagné de notre père.

Et il défit fébrilement la corde qui fermait le sac, et tous les deux penchèrent le visage, pour admirer les deux joyaux de Fëanor étinceler au fond de leur prison de cuir.

-Ensemble, murmura Maglor.

Ils échangèrent un regard, puis, d'un même mouvement, plongèrent la main dans le sac pour saisir un Silmaril.

Les pierres de lumière étincelèrent sous le soleil naissant. Les fils de Fëanor les levèrent haut vers le ciel, comme les soldats d'Eonwë levaient leurs coupes vers les étoiles. Ils invitaient le soleil à partager leur joie, et le faisaient témoin de leur victoire.

Puis la douleur dévora leurs mains.

Maedhros tomba à genoux, les yeux écarquillés levés au ciel, comme stupéfait de cette traîtrise. Et sa main, son unique main enserrait le Silmaril de toutes ses forces, ses doigts agrippés à lui comme une serre, incapables de s'en détacher. Il brûlait.

La bouche ouverte en quête d'air, il ne parvenait même pas à crier.

Il brûlait.

Et dans sa main, le Silmaril étincelait plus que jamais.

Des ondes de douleur se répercutaient dans son corps entier. Sous sa peau, son sang bouillait comme de la lave.

Du moignon qui lui restait en guise de main droite, il se mit à frapper frénétiquement son bras gauche replié contre sa poitrine, comme dans l'espoir d'éteindre l'incendie qui le consumait de l'intérieur. Le Silmaril brillait contre sa poitrine, posé sur sa cuirasse au niveau de son cœur.

Il brûlait.

Mais la douleur physique n'était rien. Rien, comparée à ce qu'endurait son âme.

Car il venait de comprendre le sens profond des paroles d'Eonwë. Car il savait pourquoi le Silmaril brûlait sa main.

Sa main dégoulinante de sang – sa main qui était tué, tué, tant et tant au cours des quatre derniers siècles.

Il venait de comprendre qu'Eonwë avait raison. Ils n'étaient pas – ils n'étaient plus – dignes. Ils avaient perdu tout droit sur les Silmarils à l'instant où ils avaient faut couler le sang pour eux.

Que l'humour du destin était cruel.


Jamais il n'avait connu une douleur semblable. Son corps terrassé était tombé au sol, arqué, meurtri, tremblant sous les vagues brûlantes qui le submergeaient. Et ses mains, incapables de lâcher le Silmaril, qu'il avait levé au ciel comme pour le supplier de le prendre. Sa bouche était grande ouverte sans qu'un cri n'en sorte. La douleur était trop grande.

En rafale, dans son esprit égaré par la souffrance, repassaient mille visages sur lesquels il ne parvenait à mettre des noms – mais il les reconnaissait…

C'étaient les visages de ceux qui étaient morts de sa main.

Sa main…

Lui revint l'image d'Elwing, suspendue entre ciel et terre comme une colombe immaculée. Le Silmaril brillait dans ses mains sans la brûler. Parce qu'elle était pure. Elle.

Soudain, au travers du voile de douleur qui était tombé devant ses yeux, il reconnut une silhouette couronnée de feu.

Oui – oui – son frère – c'était lui…

Les yeux grands ouverts, mais aveugles, Maglor ne parvenait à distinguer son visage. Il ne voyait qu'un éclat blanc briller sur sa poitrine.

Maedhros aussi brûlait – lui aussi avait une âme trop lourde.

Et Maglor éclata d'un rire dément au milieu de ses gémissements. Car ils ne valaient pas mieux que Morgoth, finalement.


Il y eut comme un éclair. Et dans l'esprit supplicié de Maedhros, dans une très grande clarté, apparut l'unique réalité.

Ils avaient échoué.

Echoué.

Pour de vrai.

Pour de bon.

Définitivement.

Alors, à quoi servait-t-il de vivre encore ?

A quoi ?

Maedhros se releva, titubant. Son corps lui sembla terriblement lourd et maladroit. Quelle était l'utilité d'un corps ? Son esprit se suffisait à lui-même, par Eru !

Alors il chercha un moyen de se débarrasser de ce corps qui n'était plus que souffrance, ce corps dont le sang s'était changé en feu liquide.

Il se rappela de la légende du vallon. Il se rappela du gouffre qui s'ouvrait au cœur de la plaine, un gouffre au fond duquel rugissaient les flammes d'un volcan.

Oui.

Les flammes.

Feu.

Brûlure.

Douleur.

Fin.

Maedhros se mit à courir. Ses jambes le portaient à peine. Il lui semblait voler au-dessus du sol sans le toucher.

Il fuyait.

Il volait.

Oui.

Et son esprit obscurci par la souffrance avait oublié qu'il n'était pas seul.

Une nouvelle fois perclus dans sa folie, il était seul avec lui-même.

Il courait.

Il courait à en perdre le souffle. Droit devant.

Il n'entendit pas la voix qui appelait son nom. Ou peut-être l'entendit-il. Il ne savait plus.

Oui, il entendait bien hurler « Nelyo » derrière lui. Il ignorait à quoi ce mot correspondait.

Et il ne s'arrêta pas.

Il courait.

Il volait.

Oui.


Maglor vit Maedhros se relever et s'enfuir. Un instant, la panique et l'incompréhension chassèrent la brume opaque de la souffrance.

Où allait-il ? Pourquoi le laissait-il seul ?

Pourquoi l'abandonnait-il à nouveau ?

Alors il ouvrit la bouche et sa voix brisée appela le nom de son frère.

Mais Maedhros ne l'entendait pas. Il ne répondit pas.

Il courait toujours, le Silmaril blotti contre son cœur, il courait comme Elwing la Blanche courait sur le chemin de ronde. Mais sa mante noire volait autour de lui comme les ailes d'un corbeau.

Nelyo ! Nelyo !

Où cours-tu ?

Nelyo !

Ne me laisse pas !

Nelyo ! Attend !

Une décharge d'énergie se répandit dans son corps. Et, poussé par la douleur comme si elle lui procurait de nouvelles forces, il s'élança à la poursuite de Maedhros.

Nelyo !

Nelyo…


Il gravit sans ralentir la plus haute butte du vallon. A chaque pas, il sentait une vague de chaleur fouetter son visage. Mais le feu qui bouillait dans ses veines était bien plus intense – bien plus douloureux.

Il allait se libérer d'une brûlure par le feu.

Et puis soudain, parvenu au sommet du volcan, alors que le gouffre s'ouvrait sous ses pieds – il suffisait d'un pas, et tout serait terminé…

Il s'arrêta. Le regard perdu dans la faille rougeoyante. Une nouvelle bouffée de chaleur le frappa en plein visage.

Il revoyait le feu de Losgar.

Il revoyait Amras effondré dans les bras de Celegorm, hurlant sa douleur alors que son jumeau était perdu de l'autre côté du rideau de flammes qui consumaient les bateaux.

Il revoyait les traits de son père dans la danse du feu. Impassibles. Alors que son fils mourait.

Maedhros leva les yeux au ciel. Il semblait vaciller sous l'effet de la montée de la chaleur.

Ainsi, il en était arrivé là.

Par sa folie et son impuissance.

Il n'était pas digne d'être roi ; encore moins frère, et surtout pas fils.

Pardon, Adar !

Pardonnez-moi…

Il était tout juste bon à échouer et implorer la pitié de ceux qui l'entouraient.

Ô Fëanor, mon père, maudissez-moi cent fois de mon échec. J'ai essayé ; j'ai essayé de toutes mes forces… Je vous le promets…

Il crut presque entendre le murmure du vent derrière son oreille, un murmure pernicieux qui, dans un rire cruel, jetait : Ce n'était pas suffisant.

Des larmes coulèrent sur le visage de Maedhros. Il ferma les yeux.

Les bras croisés sur son cœur, sa main enserrant le Silmaril, il sauta.


Maglor était encore en bas de la pente. Il avait couru comme il l'avait pu. Il avait crié le nom de son frère à s'en briser la voix.

Mais Maedhros était aveugle et sourd.

Il l'avait vu s'arrêter au bord du gouffre. Hésiter.

-Nelyo ! Nelyo !

Il avait appelé, encore et encore, sans ralentir.

Il avait trébuché sur une pierre traîtresse. Tombé à genoux, il se rattrapa avec peine. Et quand il releva la tête, Maedhros avait disparu.

Toutes ses forces l'abandonnèrent. Il s'écroula de nouveau au milieu du pierrier. Le Silmaril incrusté dans ses mains à la peau brûlée pulsait comme un deuxième cœur, et chaque battement propageait dans son corps une onde de douleur aigüe.

Il fixait le gouffre, les yeux agrandis de terreur, refusant d'y croire.

Maedhros... Maedhros...

Il songea à imiter son aîné. A le suivre dans la mort comme il l'avait toujours suivi dans la vie.

Mais, traîtresse, une petite voix lui rappela un serment qu'il avait prêté, avant que tout ne s'écroule.

Promet-moi de vivre, quoi qu'il arrive.

Et il avait répondu qu'il promettait.

Il avait juré.

Promet-moi…

C'était un serment.

De vivre…

Il n'en avait que trop brisés au cours de sa misérable vie.

Quoi…

A commencer par celui qu'il avait prêté à son propre père.

Qu'il…

Son regard contempla rêveusement le Silmaril pulsant dans sa main.

Arrive…

Puis s'éleva vers l'horizon de la mer, qu'il apercevait non loin. Les côtes des Terres Immortelles étaient trop loin pour qu'il les distingue. Mais il savait qu'elles étaient là.

De l'autre côté de la mer, était Valinor.

Maglor se releva péniblement, vacillant sur ses jambes tremblantes. Son corps entier était engourdi de douleur, comme si on l'avait roué de coups.

Il se mit en route. Pas à pas. Lentement. Il se traînait plus qu'il ne marchait. A bout de force.

Mais il avait hérité de l'opiniâtreté de son père.

Il continua.

Encore.

Pas à pas.

Jusqu'à la mer.


Ses bottes s'enfoncèrent dans le sable humide. Il savoura cette sensation qu'il n'avait pas éprouvé depuis longtemps. Continuant de progresser, jusqu'à ce que les vagues les plus audacieuses ne lèchent ses pieds.

Alors il contracta le bras.

Sa main effectua un arc de cercle au-dessus de sa tête.

Et le Silmaril vola.

Loin.

Loin.

Si loin qu'il crut qu'il n'allait jamais retomber, et s'accrocher au ciel dont il deviendrait une des étoiles.

Il le suivit des yeux jusqu'à ce que son éclat brillant s'abîme dans la mer.

Et même après, il ne bougea pas. Il essayait – vainement – puérilement – de tenter d'apercevoir les côtes de Valinor à l'horizon. Comme un jeu d'enfant, impossible mais terriblement attrayant.

Il ne les vit pas.

Il n'y avait pas de place pour lui là-bas, de toute manière.

Alors il ferma les yeux.

La silhouette de Maedhros face au gouffre de feu était imprimé sur sa rétine.

Maedhros était parti. Maedhros l'avait abandonné.

Maedhros qui lui avait fait promettre de rester à ses côtés.

Il prit une longue inspiration, se concentrant en lui-même. La douleur refluait peu à peu dans son corps, comme un ennemi qui, après avoir assailli et envahi une forteresse, se retire en la laissant vide et dévastée.

Seules ses mains le brûlaient toujours, inlassablement, d'une brûlure constante assez intense pour provoquer des pics de douleur sous sa peau, sans qu'elle soit insupportable.

Et il comprit que c'était une sensation qui le suivrait toute sa vie.

Si de vie il restait en lui.

Il rouvrit les yeux, jeta un dernier regard à l'horizon insondable.

Jamais il ne reverrait Valinor vivant. Il se l'était promis.

Jamais il ne se donnerait la mort. Il se l'était promis.

Ce serait trop facile.

Il sourit à la mer. Oui, bien trop facile. Alors il vivrait. Il hanterait ces plages comme un fantôme solitaire.

Ce serait sa dernière promesse. Son calvaire. Sa punition pour ses crimes.

Moi, Nelyo, je tiendrais ma promesse. Je suis resté auprès de toi jusqu'à la fin ; et si tu n'es plus là, je vivrai quand même.

Alors il commença à marcher sur le sable en suivant la mer. Il marcha, marcha, marcha jusqu'à ne devenir qu'un point à l'horizon. Il marcha encore et disparut.


Nul à ce jour ne revit jamais Maglor Makalaurë Kanafinwë, fils de Fëanor. Mais il arrivait, parfois, que les pêcheurs des villages côtiers entendent, dans la nuit, un curieux chant, fait de larmes et de sang, un chant que portait le vent jusqu'aux confins du monde. Ces nuits-là, ils se rapprochaient de leurs fenêtres pour écouter cette voix si belle et si triste, charmés malgré leur peur superstitieuse. On disait que c'était l'âme égarée d'un homme qui, après avoir tout perdu et refusé la mort, hantait éternellement le monde pour lui conter la tragédie de son histoire.


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Voilà, morale de l'histoire, pensez à ne pas promette trop de choses à la légère, comme vous le voyez, ça peut être nocif pour la santé…

Je trouvais que ça serait une jolie fin, après cet étalage de l'incompétence des Fëanorion à tenir le moindre serment, de finir sur une promesse enfin tenue. Même si elle est cruelle.

Ahlàlà, je suis vraiment émue d'avoir réussi à mener cette fic à terme, après presque un an de travail. C'est fou comme ça passe vite ! Malgré le travail et le temps qu'elle m'a demandé, j'ai adoré l'écrire ! J'espère que vous avez, de votre côté, aimé la lire ! Un gros merci (et surtout un grand bravo !) à ceux et celles qui seront arrivé jusqu'ici !

ooo

Bon, maintenant, parlons de mes projets sur ffnet... J'ai encore La venue des Istari dont il faudrait que je m'occupe, et je bosse aussi sur Les tribulations d'une plante verte en collaboration avec Elenna Laurefindele. Sans compter qu'on est jamais à l'abri d'une poussée d'inspiration impromptue. Mais je ne pense pas attaquer prochainement une nouvelle fic longue, car je compte aussi me consacrer à une histoire originale, que j'espère très fort publier si j'arrive à la finir.

Bref, j'arrête de raconter ma vie, et je vous fait à tous et toutes de grosses bises ! Prenez soin de vous et lisez pleeeein de fanfics !