Il y avait des sons doux, bruts, lents, rapides, secs, aigus, graves, forts, puissants, faibles et parfois si bas qu'on pourrait les avoir imaginer. Adrien savait que les sons, au final, ce n'étaient jamais que des ondes qui traversent l'air, une énergie … Il aimait bien les sons de la ville, le bruit de Paris, les conversations entre amis, les tasses de café qui s'entrechoquent, la musique de l'homme qui joue de l'accordéon dans le métro, les « clic » des appareils photos des touristes, les voitures, les sonnettes des vélos, les sonneries de téléphones… Adrien était un musicien, et souvent, il se disait que Paris était l'un des plus bel instrument de musique.
Mais s'il y avait un bien un bruit qu'il adore, c'était celui de son grelot qui tintait quand Ladybug donnait une petite pichenette dessus. Ça, c'était un son capable de tout renverser sur son passage, de faire chavirer son cœur et son cerveau.
Cependant, il l'avait perdu, son grelot. C'est étrange, parce qu'il pensait que lors de la prochaine transformation, il réapparaîtrait, comme par magie. Sauf que ce n'était pas le cas, et que son costume de Chat Noir demeurait sans grelot depuis. Adrien ne se souvenait même plus du moment, ni même du lieu où il l'avait perdu. Ce qui lui avait fait réaliser la perte de son grelot, c'était le fait que Ladybug ne lui donnait plus de pichenette. Et cette simple note, légère et courte, lui manquait...
Aujourd'hui, il le cherchait partout. Il avait fouillé la ville toute entière. S'il en avait été capable, il aurait même soulevé la Tour Eiffel pour chercher s'il n'y était pas, écrasé sous l'un des quatre pieds. Plagg trouve ça ridicule. « C'est qu'un grelot », lui avait dit Plagg. Quand Adrien lui avait répondu que le grelot faisait tout le charme du costume, le kwami avait soupiré avant de lever les yeux au ciel en grommelant que le côté mannequin d'Adrien était parfois épuisant. Adrien se demandait bien où il était, ce fichu grelot de malheur…
Il parcouru les toits de Paris. Peut-être que le grelot était tombé dans les égouts lors d'un combat ? Qu'un enfant l'avait ramassé ? Qu'un pigeon l'avait emporté ? Chat Noir ruminait et quand il baissait la tête sans voir son grelot, il était triste.
- Qu'est-ce qui te chagrine ? Fit malicieusement une voix.
Chat Noir sursauta et atterrit gracieusement sur ses deux jambes pour se mettre à côté de Marinette, accoudée à son balcon. Le soleil se couchait et elle arrosait ses fleurs. Il s'étonnait de les voir en aussi bon état, surtout avec la chaleur qu'il faisait. L'été, à Paris, était synonyme de fournaise. C'était la première fois qu'Adrien la voyait coiffé autrement qu'avec ses deux éternelles couettes. Elle avait un chignon, désordonné, d'où s'échappaient mille mèches de cheveux qu'il avait désespérément envie de replacer. Elle était drôlement belle, Marinette…
- J'ai perdu un truc auquel je tiens, répondit-il finalement.
- Je suis désolée d'entendre ça !
Ses sourcils s'étaient froncés et ses lèvres s'étaient pincées. Marinette était quelqu'un d'empathique et de naturellement gentil.
- Tu as essayé de te rappeler de ce que tu faisais, ou de l'endroit où tu te trouvais quand tu l'as perdu ? Lui demanda-t-elle.
Chat Noir hocha la tête.
- Je peux peut-être t'aider ! Proposa-t-elle en posant son arrosoir.
- Nous deux contre l'immensité de Paris ? J'adore cette idée, princesse !
Marinette leva les yeux au ciel, exaspérée.
- Qu'est-ce que tu as perdu ?
- Mon grelot.
Marinette se mit à rougir furieusement et bégaya quelques mots, incompréhensibles. Chat Noir réalisa à cet instant précis que Marinette n'avait jamais réellement bégayé avec lui. Avec Adrien, oui. Marinette bafouillait, emmêlait ses mots comme on emmêlait une paire d'écouteurs et mélangeait les fins de ses phrases avec leurs débuts et leurs milieux. Adrien devait toujours les analyser pour remettre le sujet, le verbe et le complément dans le bon ordre.
- Je sais peut-être bien où il est ton grelot …., réussit-elle enfin à dire.
Chat Noir écarquilla les yeux et Marinette disparue un instant, pour entrer dans sa chambre. Elle lui fit signe d'attendre à l'extérieur et ouvrir une petite boîte, qu'elle avait caché dans un tiroir de son bureau, comme un secret.
Marinette avait trouvé le grelot de Chat Noir après un combat. Il était déjà parti, parce que son Miraculous clignotait et qu'il était sur le point de se détransformer. Elle avait essayé de l'arrêter, mais il ne l'avait pas entendu. Elle s'était attendue à ce qu'il disparaisse, tout comme son propriétaire. Mais le grelot était resté dans ses mains, même après qu'elle se soit elle-même détransformée. Elle l'avait fait tinter prés de son oreille. Ce son… C'était celui de l'amitié, de la confiance et de Chat Noir. Un petit bruit qui lui inspirait de la sécurité, du courage et tout un tas d'émotions qu'elle avait du mal à nommer. Elle l'avait gardé. Sans jamais songer à lui rendre, parce qu'elle n'avait jamais envisagé le fait qu'il lui manque un jour, ce grelot. Quand Marinette se sentait triste, épuisée, qu'elle avait peur de ne plus réussir à tenir le rythme, que les responsabilités de sa double vie lui menaient un véritable calvaire, elle ressortait le grelot de sa boîte. Elle se sentait toujours moins seule, parce que ce grelot lui rappelait que Chat Noir, lui, il la comprenait et qu'il serait toujours là pour elle. Marinette collectionnait les talismans et les gris-gris. Celui-ci était son préféré, et elle était triste de s'en séparer.
Quand elle remonta sur son balcon, en tendant son poing, serré, vers Chat Noir, elle le regarda dans les yeux, un peu penaude. Elle desserra le poing :
- Je suis désolée. Je ne pensais pas qu'il te manquerait …
Chat Noir effleura la paume de sa main du bout des doigts et le grelot retrouva sa place, autour de son cou.
- Je dois bien avouer que le grelot fait tout le charme de ton costume, plaisanta Marinette.
- C'est exactement ce que j'ai dit à mon …
Chat Noir s'arrêta. Parfois, il avait du mal à tenir sa langue et tout était si naturel avec Marinette… Sauf qu'il ne pouvait pas lui explquer que son kwami, un petit chat noir qui se gavait de camemberts puants, lui avait dit exactement la même chose.
- Où est-ce que tu l'as trouvé ?
- A l'endroit où tu l'as perdu ! Répondit malicieusement Marinette.
Chat Noir éclata de rire, et la brune le suivit, avant de donner une pichenette sur son grelot. Il se tétanisa un instant. Le son, la mélodie de leurs rires, combinés au tintement de son grelot, c'était vraiment une très, très belle musique.