Fatigue - 100 mots

La fatigue faisait ployer ses épaules. Il n'avait pas dormi de la nuit, et n'avait pas non plus eu l'occasion de se reposer la veille. A la bataille s'étaient succédées des heures terribles de souffrance, enchainé dans les geôles du shérif, dans ces caves humides et froides qui sentaient le souffre, le métal et le sang. Affaibli, blessé, épuisé, il avait fallu en plus qu'il se fasse fouetter jusqu'au sang. Et maintenant, alors qu'il titubait sur ses pieds en direction de Sherwood, il n'était pas certain de pouvoir arriver à destination. La fatigue le jetterait probablement à terre bien avant.

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Trembler - 140 mots

Bon Dieu ce qu'il faisait froid ! Robin ne parvenait pas à comprendre pourquoi tout le monde faisait comme si de rien n'était, se contentant juste de rajuster un pan de leur manteau ou de leur écharpe. Il n'était quand même pas le seul à trembler à cause de ce froid glacial, si ? Si, visiblement.

"Voilà ce qui arrive quand on est un délicat garçon de château ! N'est-ce-pas, Robin ?"

Robin lança un regard mauvais à son frère et était sur le point de l'envoyer promener, lorsque son cadet se rapprocha sans prévenir et enroula affectueusement ses bras autour de lui. Peu à peu, et à sa grande surprise, il arrêta de trembler. C'était donc aussi simple ? Dans ce cas, il était prêt à continuer à trembler de froid dans la neige aussi souvent qu'il le fallait.

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Signal - 113 mots

En théorie, ils devaient attendre le signal. Qui n'en n'était pas vraiment un, d'ailleurs; il s'agissait juste de foncer jusqu'au gibet pour délivrer leurs amis dès que l'exécution commencerait. Sauf que, à l'heure actuelle, leur chef se fichait bien du signal. Ce qui lui avait ordonné de passer à l'action, c'était de voir son frère se faire traîner par les mains cruelles de la foule jusqu'au gibet pour y être pendu. Ce signal implicite de détresse, ce regard horrifié, c'était quelque chose que son coeur de grand frère reconnaissait à l'instinct, désormais. Alors, tant pis pour le signal de départ. Foncer dans le tas pour sauver son frère maintenant, voilà ce qui importait.

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Oreiller - 138 mots

Un matelas moelleux, des couvertures toutes chaudes, un oreiller confortable... ce n'était pas des choses qu'il connaissait. Lui n'avait jamais eu d'autre choix que de dormir par terre, la tête posée sur un tas de chiffon, même à l'époque où il habitait encore un taudis avec sa mère. Ce n'était pas agréable, mais on s'y faisait. En revanche, il n'était pas sûr de pouvoir se déshabituer à se servir de la poitrine de Robin comme oreiller. C'était plus doux et plus confortable qu'il aurait pu l'imaginer. Et c'était chaud, et ça sentait comme Robin. Et tant pis si son frère était dans l'incapacité de se relever. Il lui devait bien ça, après tout. Alors, il enfouit un peu plus sa tête dans la poitrine de Robin, dans son oreiller improvisé, et poussa un gros soupir de pur bonheur.

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Liens - 141 mots

Il s'était toujours dit que les liens, ce n'était pas pour lui. Ces gens... nobles ou paysans, ils ne le comprenaient pas. Surtout nobles. Il était seul. Sauf que là, il se trouvait lié à son frère, et bien lié, pour le coup. Finalement, il avait toujours su qu'ils étaient là, ces foutus liens. C'était eux qui attachaient ses racines à celles des Locksley, qui faisaient résonner le mot "frère" dans sa tête à chaque fois qu'il voyait Robin, même quand il avait envie de lui en coller une, qui le poussaient à croire ardemment que son aîné était le chef, le prince, le héros qu'ils voyaient tous. Oui, même lui. Et maintenant que ces liens avaient été révélés, Robin était complètement collé à lui en permanence et refusait de le lâcher. Oui, fichus liens... C'était sûrement illégal d'être aussi doux.

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Aubergine -137 mots

Ils toisèrent le long légume violet d'un regard méfiant. Déjà, violet... c'était plus que douteux, pour un légume ! Et en plus, il avait l'air vraiment louche ! Gilles glissa un coup d'oeil vers son frère, de l'autre côté de la table, et siffla pour attirer son attention. Robin se tourna lentement vers lui.

"Ce n'est pas que moi, il a bougé ? articula silencieusement son frère en pointant le légume du doigt."

Robin hocha vigoureusement la tête, l'air aussi dubitatif que lui. Il n'y avait pas moyen qu'ils mangent un truc pareil, vraiment.

"Oh, Marianne, j'avais oublié de vous dire que Gilles et moi avions quelque chose de très important à faire... tout de suite, lança Robin."

Oui, de très important : s'éloigner tout de suite de ce légume. Qui savait ce dont il était capable !

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Rivière - 105 mots

A l'aube, la rivière qui marquait l'une des frontières de leur territoire était calme et silencieuse. Il n'y avait que le glougloutement de l'eau sur les rochers et le bruissement des arbres. Pas un bruit. Et puis... Robin entendit un frémissement derrière lui, mais trop tard; il se sentit poussé en avant et plongea la tête la première dans la rivière.

"Gilles ! protesta-t-il en refaisant surface, de l'eau plein le nez."

Son frère, debout sur la berge, se contenta de ricaner, hilare.

"Implore ma merci, riche damoiseau !

-Jamais !"

Robin saisit la cheville de son frère et le tira dans l'eau avec lui.