Bonjour à tous !

Pour ceux qui ont la flemme de lire le pavé : réécriture de la saison 3. Je ne critique pas l'équipe, cœur sur eux. Centrée sur Yugo/Amalia/Adamaï. Oropo ne sera plus god tier. Je prends les idées. Island of Wakfu.

Et pour les courageux : je compte écrire une fanfiction sur la saison 3 de Wakfu. Disons une sorte de… réécriture. En effet, je fais partie des fans qui ont été mitigés sur la fin de la saison, mais qui attendent impatiemment la saison 4 (qui est en vérité une saison 3 : partie 2)… si elle sort un jour (si vous n'êtes pas au courant, je vous renvoie sur le blog de Tot, le scénariste).

Je ne suis pas ici pour critiquer le travail du scénariste et de l'équipe, bien au contraire, simplement proposer une sorte d'alternative, très modeste. Je pense que nous avons tous voulu, sur telle ou telle œuvre, voir un dénouement différent de la version canonique, c'est mon cas ici pour les points suivants :

- Dans cette fiction, j'insisterai particulièrement sur 3 personnages de la Confrérie du Tofu : Amalia, Yugo et Adamaï (oui, il y aura du Yumalia) ;

- Un certain Eliatrope sortira de sa dimension blanche

- Puisqu'on parle toujours de Yugo, j'insisterai bien sûr sur ce que j'attendais le plus dans cette saison 3 : une mise au point sur ses erreurs (SPOIL : il y aura des nuances vis-à-vis de ses choix, de sa position de roi et peut-être si j'y arrive, croisons les doigts, de ses décisions prises dans ses vies passées) ;

- Les objectifs d'Oropo et des demi-dieux seront (légèrement ?) modifiés ;

- J'aimerais beaucoup approfondir certains demi-dieux, en particulier Kali, mais j'avoue ne pas être au point sur ces personnages, donc si vous voyez des incohérences…

- Oropo ne sera plus « lié à tout » et le bébé d'Eva ne sera pas « tout puissant » ;

- J'aimerais de tout cœur, dans la mesure du possible, parler de l'histoire des Eliatropes (j'ai une préférence pour celle plus nuancée qui a été contée dans le jeu Islands of Wakfu) ;

- Ceci n'est qu'une modeste démarche d'une fan de la série animé, il risque d'y avoir des incohérence par rapport au Iore. N'hésitez pas à me le dire si vous en voyez, dès que je ne serai pas sûre de ce que j'avance, je penserai à rajouter un astérisque ;

- N'hésitez pas à proposer dans les commentaires vos idées (pistes de réflexion pour tel ou tel personnage, des explications sur certains personnages, une modification ou ajout, etc.), si vous voulez des scènes précises, je ne promets rien, mais si elles s'intègrent bien à l'histoire et à mon idée de cette saison 3, ce sera un grand plaisir de les mettre par écrit ! Ici, le but est de se faire plaisir ! \o/

CHAPITRE 1 : CHALEUR OUBLIEE

« Tu dois maintenant choisir entre ton ami et ton frère. »

A la huitième heure, la frégate se mit sur le vent. Une population hétérogène constituait l'équipage, dirigé sous les ordres du capitaine Smouse Lett. Si les marins avaient des rides profondes et quelques cicatrices brûlées par le sel, la capitaine du navire pouvait jouir d'une mine radieuse, éclairée par ses yeux pétillants, à tel point que le dragon jurait que ses cristallins étaient composés d'eau gazeuse. Il se sentit comme agressé par cet élan de jovialité, contrastant avec l'atmosphère générale naturellement pesante.

Il n'avait jamais aimé les voyages en bateau, lui qui était une créature du ciel et des étoiles. Ce genre de transport le rendait nerveux, que ce soit par la lenteur imposée par l'alizé épuisé ou encore la malheureuse monotonie de la navigation océane. Les marins parlèrent peu, trop occupés dans leur besogne, et lorsqu'ils osaient dévoiler leur gencive noire et leurs dents déchaussées, c'était bien souvent pour lâcher une plainte mal prononcée à l'égard de la traversée ou de la météo ardente. Pourtant, il ne sentit chaleur qu'à l'endroit où reposait une petite osamodas aux cheveux roses reposait.

« N'y a-t-il pas plus beau continent que la mer ? »

Il ne se rappelait pas de ses anciennes vies, mais ne put s'empêcher de jurer qu'il avait toujours connu plus grand. Du haut de son marchepied, son regard vague se dirigea vers le hunier, toisant son combat avec le vent. Rapidement lassé, il se décida à marmonner une semi-réponse, que même la capitaine Ecaflip ne put en distinguer tous les mots.

« On en a déjà parlé, si on arrive autrement, on se fera remarquer, expliqua la petite osamodas de sa voix fluette, qui avait visiblement pu traduire les paroles de la créature. »

En guise de réponse, il tira sec sur le masque de la fillette pour lui rabattre sur le visage. Elle gloussa, grogna, puis se calait de nouveau contre la forme humanoïde de ce qu'elle considérait être comme son grand frère. L'Ecafilp avisa le duo atypique avec un sourire mièvre avant de donner des ordres au marin qui s'était permis plusieurs minutes de répit sur le panneau des écoutilles. Le torse bombé, fière, elle réexposa ses indications au timonier sur leur destination. Le navigateur Sadida se garda de dire qu'il n'avait pas besoin de son aide pour mettre le cap sur son royaume natal.

Alibert, Chibi et Grougaloragran

Il ouvrit lentement les yeux, groggy de sommeil. Dans son rêve, Alibert savourait un repas avec sa famille. Son regard embrassait la table recouverte de plats et de condiments de toute sorte, allant de la salade composée de différentes graines et verdures, réservée aux gourmets végétariens, jusqu'au ragoût de Bouftou fumant, arrosé d'épices mystiques, faisant saliver ce qu'il considérait comme ses plus beaux trésors. Oscillant entre gourmandise et discussion animée, la pièce coquette fut animée de puissants éclats de rires, se fondant au milieu d'un vacarme joyeux et insouciant. Il regardait avec tendresse le dragonnet noir dévorer en une bouchée un Mulou de Mer avec difficulté, sous les acclamations de son frère au teint hâlé, hilare en avisant ses frères aînés lancer un compte à rebours, comme s'ils cherchaient à pulvériser le record du gobage de Mulou. Puis emportés ce baquet lumineux, ils se seraient mis à chanter des couplets remaniés, des refrains modifiés, cassés par les commentaires divertissants et enjoués de l'un et l'autre. Il se souvint avoir ressenti un sentiment devenu trop rare, celui de ses joues tiraillées par ses muscles buccinateurs sans cesse contractés ou de ses lèvres presque gercées, force de les avoir étirés constamment ces dernières heures.

Le retour à la réalité fut donc assez difficile. Surtout qu'il ne la comprenait qu'à moitié, cette réalité. Oscillant entre la berceuse de Morphée et les ricanements enfantins de deux plaisantins, il toisa un regard badaud dans lequel il y devinait son reflet, puis une lignée de dents, acérées comme les canines d'un bambin, formant un arc de cercle parfait, comme si la génétique s'était saisie d'un compas pour tracer son arcade, délaissant les autres parties grossièrement imparfaites de son corps. Son nez le chatouilla, balayé par de longs poils filasses, grisâtres, mais son instinct primaire de survit l'empêcha d'éternuer, pour ne pas effrayer la bestiole velue.

L'aubergiste finit par noter très clairement qu'une Arakne Majeure prenait son ventre pour un tabouret et que sa pelle n'était pas à portée de main. Toutes les informations nécessaires venaient de subir le processus naturel de l'intégration, d'analyse et de la réception. Il ne restait plus que la réaction.

C'est à ce moment-là qu'Alibert, maire du village modeste qu'était Emelka, hurla. Un hurlement à alerter les voisins, ou bien à exploser les tympans du monstre, ou encore à déclencher un autre tapage, provenant cette fois de la pièce voisine.

Des pas de petits pieds nus se firent entendre dans le couloir, claquant contre le parquet, la porte déjà entrouverte – déjà entrouverte ? - s'ouvrit complétement sur une paire de jumeaux.

Le premier abordait un teint sombre, marqué par deux démarcations argentés recouvrant ses zygomatiques. Ses cheveux d'un blanc immaculé, céleste, cascadaient jusqu'à ses hanches. Si les yeux du second étaient grands et limpides, les siens étaient étroits, ornés d'iris doré piqueté de cuivre. L'ironie voulait que son frère adopte les mêmes couleurs. Son visage hâlé était bel et bien encadré par une touffe blanche, mais surtout par son volumineux chapeau noir, agrémenté de deux oreilles pointues, dressées comme la queue d'un piou. Bien que ce dernier n'ait pas arrivé à dompter sa crinière, Alibert nota que la chevelure céleste du plus petit n'était pas dérangée. C'était comme une validation. Ni l'un, ni l'autre ne sortait du lit.

Et à en juger par les joues rougies de l'Eliatrope, Alibert mit le doigt sur le facteur déclencheur de ce raffut.

« Grougal, Chibi, c'est vous qui avez fait entrer cette Arakne ? »

La bestiole concernée se dandinait de gauche à droite, victime d'une perte de l'équilibre aiguë, comme si le cri de sa victime avait écrasé son nerf vestibulocochléaire rien qu'avec la puissance de sa vocalise. Ne sachant sur quel pied danser, la bestiole tituba sur un chemin incertain vers la sortie, sous les yeux rieurs de la petite fratrie.

« Oh, c'était donc qu'une Arakne… marmonna Grougal avec un timbre trop moqueur pour sonner innocent. Grougal et Chibi avions si peur que ce soit un monstre ! »

Le père des deux rejetons arqua un sourcil accusateur, roula difficilement sur le côté et fouilla dans son tiroir à la recherche d'une clé. Il s'en empara, étonné de l'avoir trouvée directement, mais non convaincu. Les deux galopins avaient réussi à faire entrer la bête sans ouvrir la porte de l'auberge. Il balaya les jumeaux du regard et se concentra d'autant plus sur l'enfant émotif, sachant pertinemment qu'il ne tirerait rien du dragon, bien trop malicieux.

« Chibi.

- Oui ?

- Tu n'as pas quelque chose à me dire ? »

L'enfant trébucha sur ses deux pieds, comme un bambin apprenant à se tenir debout. Ses petites incisives écrasèrent sa lèvre inférieure tandis qu'il chantonna dans sa barbe.

« J'ai… peut-être réussi à faire rentrer l'araignée…

- Arakne, corrigea Grougal

- C'est pareil ! bouda soudainement Chibi en plaquant ses oreilles contre son crâne.

- Non, « Araignée », ça n'existe pas !

- Et comment tu as fait, si tu ne pouvais pas ouvrir la porte ? s'empressa Alibert, les yeux pétillants. »

La moue disparut de son minois, laissant place à un sourire éclatant.

« J'ai réussi papa ! Je sais enfin faire des portails ! »

Et pour prouver ses dires, il en créa un en direction des bras de son père adoptif. Le rire de l'enfant se transforma en couinement quand son frère, qui avait repris sa forme draconique, les avait rejoints dans le lit familial. Toute idée de punition envolée, le papa poule serra contre lui les deux garnements. Ils grandissaient si vite ! Il n'avait pas le temps de dire « Blanquette de Bouftou » que ses petits pious s'envolèrent déjà de leurs propres ailes ! Yugo sera tellement fier en voyant son petit frère apprendre si vite – ses entraînements y étaient pour quelque chose. Yugo…

Il ne fut pas le seul à songer à l'aîné de la famille lorsqu'il se rendit compte du silence qui plombait désormais dans la chambre. Ses bras entourèrent mollement les épaules des jumeaux, comme pour s'assurer qu'ils étaient bien là, eux.

« Yugo va bientôt revenir avec grand-frère Ad… ? demanda le dragonnet dans un souffle faible.

… Bien sûr. Il vous aime, ils reviendront, assura le père de sa voix la plus gaie possible. »

Puis la chaleur de son rêve, autrefois agréable, le brûla.

Famille Percedal

« Vous êtes bel et bien en direct de l'expédition Percedal ! Réseau d'aventures qui fonctionne même au beau milieu des glaciers, tout de suite, retrouvez notre programme favori, la bastooooon !

- Tu peux faire moins de bruit Elely ? grogna Flopin, tu m'empêches de me concentrer !

- Et voici un nouvel animateur, quelle surprise mes amis ! Une démo, une démo ! »

Sous les acclamations de sa sœur, le petit Crâ se décida à tirer. La flèche scia l'air frais avec un bruit strident avant d'empaler en plein cœur sa cible. Excitée comme une puce, Elely aboya un triomphal hurlement et donna un coup de poing enthousiaste sur l'épaule de son frangin… trop enthousiaste visiblement, à tel point qu'elle envoya involontairement Flopin faire « coucou » au sol.

« Mais tu vas te calmer, cervelle de Iop ?!

- Rhoo, qu'est-ce que tu peux être coincé ! … Oh oh, nouvelle sur notre chaîne, point noir droit devant, je répète, point noir sur l'horizon, droit devant !

- Emmène-le chez l'ophtalmo. »

Elely se fendit de rire, jusqu'à…

« J'ai pas compris, en fait.

- Tu es vraiment la fille à papa. »

Cette histoire de point noir se révéla être simplement leur mère qui tenait à vérifier si ses rejetons étaient encore vivants. Ces deux teignes trouvaient toujours le moyen de conclure chaque contexte soit par une bagarre, soit par une course-poursuite violente où Elely fut enchantée de clouer au sol son pauvre frère. Sans trop comprendre, elle les vit finir allongés dans la neige en position de l'ange et de temps à autre, l'un d'eux trouva l'idée judicieuse de balancer une boule de neige à l'autre. Inépuisables.

Evangelyne, rougit par le froid, détourna son regard vers la boite à lettre et y plongea la main. Elle ressortit vide. Soucieuse, ses prunelles émeraudes balayèrent le ciel blanc.

« Toujours rien ? souffla Tristepin qui l'avait rejointe.

- Non… Cela va faire bientôt deux mois à présent…

- Eh, Amalia est une princesse, elle n'a peut-être pas eu le temps ! Entre le royaume, l'haleine de son frère, toutes ces salades !

- Je ne sais pas Pinpin, je… la belle Crâ aux cheveux blonds grimaça, je connais Amalia, elle n'est pas du genre à ne plus donner de nouvelles à sa meilleure amie. Je crois qu'il s'est passé quelque chose. Tu te rappelles de la dernière fois qu'elle m'a fait le coup ? »

Tristepin se gratta l'arrière du crâne. Effectivement, la dernière fois qu'Amalia était passée sous silence, ça a donné une lettre d'urgence les mois suivants pour leur annoncer que son royaume était sous les flots et qu'elle allait se marier à un inconnu aux projets douteux. Il s'apprêta à répondre quand…

« MAMAN, ELELY ESSAYE DE M'ENTERRER VIVANT ! »

Evangeline, tout comme Tristepin, avisa d'un œil affolé leur petite fille creuser la tombe de Flopin dans la neige, en brandissant l'engin de malheur qu'était Rubilax dans tous les sens. Pourtant, ce n'est pas ce qui choqua le plus son mari.

« Elely, Rubilax n'est pas une pelle, si tu veux creuser un trou, tu utilises tes mains !

- Pinpin… siffla la femme enceinte.

- Quoi ? Ah, oui, tu peux aussi utiliser une pelle !

- D'accord papa ! »

L'espace d'un instant, toutes les pensées qui submergeaient l'ancienne garde du corps royale s'envolèrent. Avec un sourire complice, elle brava le froid avec son compagnon en direction des deux fripons, prêts à leur apprendre comment on se bat vraiment dans la neige.

Yugo et Ruel

« Je suis désolé pour tout à l'heure, frérot… »

Yugo sortit du sous-bois et déboucha sur une forêt de pins immenses et de chênes longeant les courants exutoires d'un étang. Adamaï était déposé sur l'une des branches, dans un espace éclairé faiblement par quelques filets de lumière filtrés au travers le feuillage épais des taillis. Si l'humidité, déjà accablée par la brise torride, envenima l'atmosphère, la brume qui encerclait à présent les deux frères créa une muraille mystique. Comme piégé dans un engrenage venant d'être enclenché, Yugo sentit le poids de ses précédentes paroles qui l'écrasait, lui et son cœur.

Comment pouvait-il justifier le fait qu'il ne reconnaissait pas son propre frère ?

Ad resta en retrait, le dofus fermement appliqué contre son corps. Tout comme Yugo, son esprit ne pouvait être pris par la force, il fonctionnait de la même façon. L'Eliatrope regarda le sol – il se rendit compte à quel point ils étaient en hauteur – tapissé de verdures, maltraitées par les changements climatiques trop brusques. Forêt devint marécage. Il fronça les sourcils, se concentrant sur le choix de ses futurs mots.

« Mais tu as besoin du Dofus. J't'ai déjà que j'étais pas d'accord.

- Mais qu'est-ce qu'il t'arrive à la fin ?

- Parce que c'est à moi d'être raisonnable ? pointa avec aigreur Adamaï en le toisant. C'est toi qui es prêt à risque l'existence du monde pour Pinpin. J'te donnerai pas le dofus.

- Nous avons toujours été là les uns pour les autres Ad, et Pinpin est comme un frère, répliqua Yugo, irrité par le manque de solidarité de son jumeau.

- Et tu crois qu'il voudrait que tu mettes le monde en danger pour le sauver ? Que tu mettes la vie d'Eva et de ses enfants en jeu ? »

Il hésita, une fraction de seconde.

« Je ferai attention, Ad !

- Tu ne sais même pas les utiliser.

- Je… J'apprends vite !

- Ben voyons, railla le dragon.

- Ad, les dofus sont utilisés de mauvaise façon, ceux d'Ogrest sont déjà en train de détruire le monde… les nôtres peuvent changer ça ! »

Le silence tomba, non pas comme un Iop qui trébuche maladroitement sur une racine saillante, ni comme deux âmes amoureuses qui se percutent timidement. Il tomba au même titre qu'un rocher emporté dans son sillon par un éboulement jusqu'à l'inévitable gouffre, une abîme dont on connaissait l'existence, mais qu'on évitait au soin d'un détour, irrésolu.

Les deux frères ne s'étaient jamais disputés. Querellés à propos du menu de la semaine, embrouillés vis-à-vis d'un entraînement trop dangereux pour leur cadet, contredits pour l'utilisation de l'Eliacube, ça, oui, mais ils restèrent toujours alliés. Adamaï se décida de mettre fin à cette règle.

« Non. »

Le frère dragon se leva, se détourna puis partit. Yugo fit alors la pire chose qu'il puisse faire.

Il attaqua son frère.

« Je n'comprends pas… »

Sa main fendit l'air, envoyant un puissant rayon de wakfu contre le mur opposé, qui se fit transpercer sous le choc.

« Ça fait des mois qu'nous l'cherchons ! martela Yugo, la mâchoire tellement serrée qu'il ne parvint qu'avec peine à articuler. »

Ruel considéra, peiné, le jeune Eliatrope qui se laissa choir sur la première pierre à proximité, comme si ce coup l'avait vidé de toute son énergie. Cela faisait maintenant un an et plusieurs mois qu'Adamaï avait disparu.

Tous ont mis du temps à comprendre la gravité de la situation. Suite au mariage des Percedal, ils étaient retournés à Emelka dans l'insouciance la plus totale. S'ils furent d'abord surpris de ne pas retrouver le petit dragon dans sa chambre à leur arrivée, ils optèrent pour un grand chagrin. Puis les jours passèrent, jusqu'à se transformer en semaines, puis en mois. Le signal avait été lancé par les jumeaux, qui, à quelques jours de la fête de Nowel, avaient demandé à Yugo s'ils pouvaient revoir leur grand-frère en guise de cadeau. Dès le lendemain, l'Eliatrope était déjà sur les sentiers de Bonta, à la recherche des traces de son frère. Présenté comme sous forme d'excursions, il prenait la peine de rentrer régulièrement à Emelka, d'abord pour faire part de ses avancées et d'autre part pour soutenir son vieux père qu'il avait l'impression d'abandonner une nouvelle fois. Cependant, constatant avec effroi qu'il ne parvenait à trouver aucune piste, Yugo retardait au fur et à mesure ses retours à l'auberge, jusqu'à ne plus vouloir y retourner du tout.

L'interrogation et la frustration démissionnèrent pour laisser place à leurs collègues, la culpabilité et la tristesse. Un vide vint s'installer et germer, chaque seconde passée sans son frère dragon l'aidait à se développer, laissant l'éliatrope autrefois enjoué, plein d'entrain, engouffré dans une tourmente sans fin, une catatonie harassante où il passait le plus clair de son temps à se rejouer la scène de leur dispute, à la déformer, en changer les répliques, mais elles se terminaient par le même acte final. Son frère n'était plus là.

Le cœur de Ruel se pinça douloureusement en assistant au déclin du garçon qu'il considérait comme son petit-fils. Il se sentit impuissant face à ce désarroi, chaque discours d'encouragement sonnait à présent faux – ils avaient tous compris qu'Adamaï ne reviendrait pas de lui-même – et chaque geste moralisateur ou attentionné était reçu comme un ongle crissant sur un tableau noir. Il y avait des jours où le petit susurra un semblant de conversation, mais se retrouvait vite déconcentré, emporté par les pensées d'un condamné à mort, et puis il y avait des jours comme aujourd'hui où il n'arrivait plus à se contenir et se mit à fulminer sur tout et rien, en pleine détresse. Pourtant, baignant au plein milieu du désespoir, jamais Yugo ne s'était montré violent ou désagréable avec lui. Il reconnaissait son aide, mais comme un naufragé épuisé par la famine, il ne put lui rendre sa gratitude.

« Yugo, ça fait la troisième fois qu'on vient chercher Adamaï ici… on devrait rentrer à Emelka et préparer un autre chemin. »

Yugo avait l'air de vouloir l'ouvrir plusieurs fois, mais ses mâchoires refusaient de se décoller – il jurait faire du bruxisme avec le temps. Voyant qu'il n'avait rien à ajouter, il chuchota, d'une voix douloureusement cassée :

« Mais on n'a rien…

Justement, calma l'Enutrof, ça ne sert à rien de s'acharner inutilement. Et puis, tu dois aussi manquer à ta famille.

A cause de moi, les jumeaux n'ont plus leur grand-frère... »

Le vieil homme ne releva pas l'accusation, la question étant tabou et sujet à de nombreuses controverses.

« Mais il leur en reste encore un, appuya Ruel avec un léger sourire. »

Le jeune adulte fixa Ruel avec une amertume contrôlée, ses iris mornes, dénuées d'éclats qui faisaient autrefois briller son regard, chancelaient doucement.

« Rentrons à la maison… »

« Si je t'écoute, Ad… il y en a un que je suis sûr et certain de ne jamais revoir. »