Disclaimer: Saint Seiya et tous les personnages appartiennent à Masami Kurumada.

Note: Voici la première partie d'une histoire qui en comptera trois. C'est un pur CaMilo, pour celles et ceux qui comme moi ne s'en lassent jamais:-)

Rating: M.


Faire comme si

Milo se demandait si Aphrodite se trouvait fréquemment confronté à ce genre de dilemme. Il aurait parié que non. Le chevalier qui prêtait le plus attention à son apparence physique ne cherchait jamais à passer inaperçu, bien au contraire. S'il hésitait parfois devant son placard, c'était sans doute en se demandant quelle tenue attirerait le plus l'attention… La situation n'était donc pas du tout comparable, sans compter que la taille et la composition de leurs garde-robes respectives différaient du tout au tout et…

Oh, bon sang, arrête de divaguer !

La claque mentale que le Scorpion s'était infligée ramena son attention sur le choix qui le plongeait dans un abîme de perplexité depuis bientôt une heure.

Des années à officier en tant qu'assassin lui avaient appris à devenir une ombre. La plupart de ses missions exigeaient de se fondre dans le décor pour mieux surprendre sa victime et surtout, ne laisser aucune piste susceptible de mener au Sanctuaire. Et même s'il n'avait plus eu à exercer ses talents depuis le retour d'Athéna, ils étaient loin d'être rouillés.

Sauf que cette fois, il n'arrivait pas à déterminer sur quel terrain il trouverait sa proie. Rien de dramatique dans l'absolu observer de loin les habitudes et les fréquentations d'une personne lui suffisait généralement pour deviner les ambiances qu'elle affectionnait et faire en sorte de ne pas se démarquer, où que l'acte final doive se jouer. Mais cette proie en particulier n'avait de cesse de le surprendre. Plus il la chassait, plus son imprévisibilité le fascinait… Et lui rendait la tâche difficile.

Mais après tout, s'il connaissait si bien son objectif, le jeu n'aurait plus de sens, n'est-ce pas ?

Milo soupira. Il était le chevalier d'Or du Scorpion, par tous les Dieux, pas un collégien en train de se préparer pour son premier rendez-vous !

Enfin, pas tout à fait…

Il secoua ses boucles indigo dans le vain espoir de se débarrasser de l'agaçante petite voix intérieure qui persistait à le narguer. Puis récapitula les minces indices dont il disposait.

Des ongles fraîchement manucurés, coquetterie typique potentiellement indicatrice d'une sortie. Une invitation chez Mû samedi soir, déclinée pour cause d'autres plans – information heureusement transmise par Kanon, qui la tenait de Saga, qui la tenait de Mû lui-même. Vive la gazette du Sanctuaire.

Ce serait donc samedi soir. Ce soir. Quant au et au quoi

Rien ne troublait le comportement de Camus, ni l'ordre maniaque de son temple. Aucun flyer abandonné sur une table. Pas de vinyle inattendu sur le tourne-disque qu'affectionnait le Verseau, ni de livre mal rangé dans sa bibliothèque. Milo avait même vérifié les placards de la cuisine à la recherche d'un ingrédient révélateur, sans résultat. Sa seule découverte intéressante avait été le volume posé à côté d'un stylo sur la table de chevet, un ouvrage historique sur la série de programmes spatiaux ayant mené aux premiers pas sur la Lune. Un marque-pages indiquait la fin d'un chapitre qui s'ornait de nombreux passages soulignés et annotations dans les marges.

Une vague de tendresse avait réchauffé Milo au souvenir de la dernière fois et de son enthousiasme à l'évocation d'un documentaire sur la conquête lunaire qu'il avait vu récemment. Il ne savait pas ce qui le touchait le plus : que Camus se soit intéressé au sujet, ou qu'il ait laissé ce livre ainsi, exposé.

En sachant que Milo viendrait.

Mais rien de tout cela n'aidait à résoudre le problème présent, et Milo en venait à se dire que sans une bienheureuse, et rapide, illumination, il n'aurait plus qu'à recourir à la bonne vieille filature. Peut-être qu'un café aiderait. Avec une pensée ironique pour les bons conseils de Mû (« Encore ? Milo, tu ne crois pas que c'est de te calmer dont tu aurais besoin, plutôt ? »), il se dirigea vers la cuisine où une cafetière italienne, seul ustensile toujours impeccablement propre et prêt à l'emploi, trônait à portée de main sur le comptoir. Il en ouvrit la partie supérieure, prêt à la remplir de l'espresso corsé fourni par Angelo et…

Il a recommencé, ce con !

Un papier plié en quatre tenait à grand peine dans la cafetière. Milo s'en saisit et le déplia.

Il s'était à moitié attendu à un message crypté, ou écrit à l'encre sympathique, mais non. Un mot, un seul, barrait la feuille : Homère.

Camus s'était introduit chez lui pour dissimuler un indice… pour la seconde fois. Milo avait encore envie de l'étrangler lorsqu'il repensait au jour où il avait découvert, enregistrés dans les favoris de son navigateur, une dizaine de tutoriels sur « Comment faire un nœud de cravate ». Envie qui cédait immanquablement la place à une autre lorsqu'il se rappelait comment il lui avait fait payer son offense, uniquement vêtu de l'accessoire incriminé – impeccablement noué, bien entendu.

Cela dit, ça lui avait servi de leçon : laisser son ordinateur en veille sans mot de passe à saisir pour le réactiver n'était pas très malin, même au Sanctuaire.

Il n'en restait pas moins que le Français semblait capable de prévoir ses actions avec une facilité exaspérante. Et il le narguait, en plus : Milo n'avait été absent qu'à un moment de la journée, hors de l'entraînement auquel Camus participait aussi… pendant qu'il fouillait le temple du Verseau, persuadé que son gardien avait fait un détour pour récupérer une archive quelconque au Palais.

L'irritation de s'être vu déjoué ne faisait pas le poids, toutefois, devant le soulagement de posséder enfin une piste.

Homère. Le fameux poète grec auteur de L'Iliade et L'Odyssée.

La solution se trouvait-elle dans l'un de ces volumes, naturellement détenus par Camus ? Cela paraissait peu probable il savait que Milo avait déjà visité son temple et n'aurait sans doute pas le temps d'y retourner. Alors quoi ? Un lieu ? Ou ne s'agissait-il que de la première donnée d'un rébus tortueux composé par le Verseau ?

Milo sentit ses lèvres s'étirer en un sourire carnassier. Il relèverait le défi, une fois de plus. Pas question de décevoir sa proie. Et puis… il avait attendu cette soirée avec impatience.

Tout allait bien au Sanctuaire depuis leur résurrection. Les blessures avaient été pansées, les maisons zodiacales reconstruites et modernisées, les erreurs du passé pardonnées. Les entraînements avaient repris, tout comme les vieilles habitudes. Des liens distendus s'étaient renoués, de nouveaux s'étaient tissés, et l'harmonie s'installait peu à peu entre les chevaliers.

Mais Milo avait sans cesse l'impression qu'il allait tourner au coin d'un temple et tomber sur une équipe de tournage dissimulée derrière la façade en carton-pâte. Que le clap de fin allait retentir et que tous arrêteraient enfin de jouer plus ou moins mal le rôle qu'on leur avait assigné. Que des vérités que personne n'aimerait entendre remplaceraient ces dialogues qui sonnaient faux et ces rires factices. Parfois, il aurait voulu lui-même hurler « Coupez ! » tellement il n'en pouvait plus de cette mascarade. Comme si qui que ce soit de sensé pouvait croire que tout allait bien, qu'il suffisait d'un sacrifice commun et d'une bénédiction d'Athéna pour effacer des années de mensonges, de traîtrises sans nom, d'assassinats éhontés et de sentiments bafoués !

Bien sûr, il se demandait parfois s'il était le seul à percevoir les choses ainsi à cause de sa relation avec Camus. Qui, contrairement à d'autres amitiés ravivées par cette seconde chance, s'était transformée en terrain miné au point que les deux concernés ne voyaient pas d'autre solution que l'évitement.

Sauf dans certaines circonstances.


A vrai dire, tous les drames survenus depuis l'apparition d'Athéna sous la forme de Saori Kido au pied du Sanctuaire n'avaient servi qu'à mettre en lumière un fait que Milo et Camus avaient nié jusque là avec obstination : leur amitié était morte depuis longtemps.

Les derniers souvenirs heureux que Milo gardait de Camus dataient d'avant le départ de celui-ci pour la Sibérie. Mais il avait changé, là-bas. A chacun de ses retours, la distance entre eux était plus grande. Et les efforts de Milo pour la combler avaient été inutiles. La retenue du Français arrêtait ses élans comme une gifle. Son refus de partager plus que des informations factuelles sur sa vie en Sibérie glaçait le Grec plus sûrement qu'une attaque en règle. L'impassibilité qu'il opposait à la colère comme aux cajoleries de Milo poussait celui-ci à jurer, frustré, qu'il en avait fini une fois pour toutes de courir après cette foutue statue de cire échappée du musée Grévin.

Pourtant il retournait toujours vers Camus. Et Camus revenait toujours vers lui. Milo savait que la mémoire d'un attachement enfantin, d'une époque où chacun était le plus fidèle soutien de l'autre, jouait un rôle dans ce refus de l'évidence. Mais ce n'était pas tout. Il y avait aussi cette envie qui le saisissait parfois, enfouir son visage dans le cou de Camus pour respirer son odeur de pin et d'agrumes. Les doigts de Camus qui venaient démêler ses boucles, mais se retiraient comme brûlés si Milo inclinait sa tête contre eux. Le regard plein d'une faim voilée que le Verseau posait parfois sur lui avant de s'en aller sur un adieu sec.

Ils s'attiraient irrésistiblement, à une vitesse décuplée par l'impatience de Milo, juste pour se fracasser à chaque tentative de rapprochement contre le mur dressé par Camus.

Et puis, la bataille du Sanctuaire, la guerre sainte, une trahison qui n'en était pas une, une première mort, une seconde, ou peut-être une troisième, Milo avait fini par perdre le compte, et une résurrection.

Et cette dispute d'un calme surréel pendant laquelle Camus lui avait reproché de ne pas avoir deviné pourquoi il était revenu au Sanctuaire sous couvert de servir Hadès. Et pire, de lui en vouloir pour ses actions pendant l'attaque des Bronzes. De s'être senti abandonné, trahi, blessé de ne même pas avoir eu droit à une explication. A un adieu.

Pendant que Camus lui assénait ses principes – le Devoir ! La dernière leçon à donner à Hyoga ! Ne pas se laisser gouverner par ses sentiments, quelles que soient les personnes concernées ! – avec l'énergie d'un homme qui se noie, Milo avait senti son cœur se consumer de peine et de frustration jusqu'à ce qu'il n'en reste qu'un moignon racorni dans sa poitrine. Il avait fini par interrompre la diatribe du Verseau :

- Et comment espérais-tu que je devine tes plans, Camus ? Que je comprenne tes actes ? Alors que je ne te connais plus depuis des années ? Je n'ai pas la moindre idée de qui tu es, avait-il murmuré avant de tourner les talons.

Ils ne s'étaient plus adressé la parole depuis ce jour-là.

Sauf lorsqu'ils jouaient.


Quelques minutes à son clavier avaient suffi à Milo pour resserrer le champ des possibles à trois.

L'Odyssée de l'espace. Un film de Stanley Kubrick datant de 1968, rediffusé à l'occasion d'un festival dans une ville voisine de Rodorio. Un classique de la science-fiction à la réputation intello… c'était possible, même si Milo avait eu l'impression que Camus ne s'intéresserait pas spontanément à une odyssée spatiale. Mais après tout, il ne s'était pas attendu non plus à ce qu'il aime le poker, avant de le voir plumer tous ses adversaires dans un casino d'Athènes… Le festival restait sur la liste.

Le repos d'Ulysse. Le héros de l'Odyssée avait donné son nom à un restaurant spécialisé en fruits de mer, niché dans une crique à quelques kilomètres de Rodorio. Les photos du site montraient une petite salle au décor blanc et beige, éclairée par une grande baie vitrée et jouxtant une terrasse en bord de plage. L'atmosphère semblait à la fois sobre et chaleureuse, la vue superbe. Pour autant que Milo puisse en juger, la carte s'élevait un cran au-dessus des standards de Rodorio, aussi bien en termes de sophistication que de prix. Un endroit susceptible de plaire à Camus. Et qui devait attirer les couples désireux de s'offrir une soirée romantique comme une prairie fleurie les papillons… Un frisson indéfini parcourut Milo.

Mais il restait un autre candidat sérieux.

Le Cheval de Troie. Un bar dont les liens avec la fameuse ruse d'Ulysse restaient énigmatiques avait récemment ouvert à Rodorio, dans un quartier autrefois mal famé mais qui avait subi un ravalement complet dans l'intervalle entre la fin de la guerre sainte et leur résurrection. Des galeries d'art s'étaient installées dans les hangars désaffectés, des clubs tendance avaient remplacé les tavernes miteuses et une clientèle de touristes branchés et d'artistes lassés d'Athènes y avait remplacé dealers et prostituées. Le Cheval de Troie se présentait comme un « espace culturel et de détente avant-gardiste » qui associait bar à cocktails et salle d'exposition. Un vernissage devait d'ailleurs s'y tenir le soir même.

Même un classique de la science-fiction ne faisait pas le poids.

Restaurant ?

Bar ?

Dîner aux chandelles ?

Vernissage ?


La première fois, ça avait été dans une librairie, et par hasard. Enfin, presque.

Milo cherchait un cadeau pour l'anniversaire des jumeaux quand il avait aperçu Camus qui entrait dans la boutique, à quelques dizaines de mètres.

Il ne savait toujours pas pourquoi il l'avait suivi en masquant son cosmos. L'instinct, peut-être. Ou les regrets qui lui grignotaient les entrailles depuis que Camus et lui s'ignoraient. Sans doute un mélange des deux.

Il avait feint de s'intéresser à une couverture, puis à une autre, sans jamais perdre des yeux la chevelure aux reflets turquoise, ni quitter la discrétion offerte par un haut rayonnage. Puis il avait reposé un ouvrage, en avait saisi un autre, et pendant cette seconde d'inattention, Camus s'était volatilisé… Pour réapparaître au coin de l'allée dans laquelle il se trouvait, et déclarer, en pointant du menton le volume que Milo venait de remettre à sa place :

- A mon avis, celui-là était un meilleur choix.

Milo, qui se maudissait intérieurement d'avoir sous-estimé les compétences d'espion de Camus, n'avait rien trouvé de mieux à répondre que :

- Ah, parce que tu les as lus tous les deux ?

- Naturellement. Sinon, je ne me permettrais pas d'émettre un jugement.

Le froncement des sourcils fourchus indiquait clairement que de telles insinuations de manquement à l'éthique littéraire ne faisaient qu'aggraver le cas de Milo.

- Eh bien… si tu m'expliquais ta préférence, alors ?

La question, posée le doigt pointé vers le café qui occupait la mezzanine au-dessus de la librairie, surprit Milo tout autant que Camus. Une fois de plus, une idée avait trouvé le raccourci qui menait directement de son cœur à sa bouche sans passer par la case cerveau. Et ça le jetterait droit dans le mur, pour ne pas changer, songea-t-il alors que le Verseau se détournait. Jusqu'à entendre le « D'accord », que Camus lui lança en haussant les épaules avant de se diriger vers l'escalier sans jeter un coup d'œil en arrière.

- Tu viens souvent ici ?

Milo n'avait pas supporté longtemps le silence pesant qui s'était installé entre eux depuis qu'ils avaient pris place dans des fauteuils confortables face à un cappucino pour l'un, une théière pour l'autre.

- C'est la première fois, avait répliqué Camus en portant sa tasse à ses lèvres. Je ne suis pas d'ici, avait-il ajouté sans la reposer, un regard glacial fixé sur Milo.

Un regard dans lequel brillait pourtant la même lueur de défi que lorsque Camus s'apprêtait à affronter un adversaire à l'entraînement. Ou qu'il se lançait dans un quelconque débat avec la certitude d'avoir les meilleurs arguments.

- Heu… Ben oui, tu viens du Sanctuaire, je…

- J'habite à Athènes.

Là, Milo avait commencé à sérieusement s'inquiéter. Pour la santé mentale de son ami ou pour la sienne, au choix, mais visiblement l'une ou l'autre était en péril.

- Qu'est-ce que tu… ?

- Je m'appelle Camus, avait coupé l'autre. Je vis à Athènes. Je suis bibliothécaire. C'est pour ça que j'ai lu tes deux livres. Et toi ?

Milo était resté trop interloqué par cette déclaration pour réagir pendant quelques secondes. Et puis, il avait enregistré la note d'hésitation dans la voix du Français. Vu ses longs cils battre une fois, deux fois, trop vite.

L'assurance avait cédé la place à autre chose dans l'outremer de ses yeux.

Une prière.

Joue le jeu. S'il te plaît.

Et parce qu'ils avaient été amis, parce qu'il avait trop souffert de l'avoir perdu, parce qu'il souffrait plus encore de ne pas avoir su le retrouver, parce que sa présence chavirait toujours ses sens, Milo avait décidé de faire confiance à Camus. Parce que c'était peut-être leur dernière chance.

- Milo, annonca-t-il en tendant la main à son interlocuteur. J'ai grandi sur une île pas très loin, alors je connais bien le coin. Je me disais aussi que je ne t'avais jamais vu dans les parages !

Si Milo avait pu imaginer que ces simples mots feraient naître sur le visage de Camus le sourire le plus chaleureux et le plus sincère qu'il y ait vu depuis leur enfance, il les aurait sans doute prononcés des années plus tôt.

Ils avaient terminé leurs consommations et en avaient commandé d'autres. Camus avait parlé à Milo des deux romans entre lesquels il avait fait semblant d'hésiter un peu plus tôt il connaissait bien l'œuvre de leur auteur, un écrivain de son pays d'origine. De là, la conversation avait dévié sur la France. Camus n'en gardait aucun souvenir de ses premières années mais avait eu l'occasion d'y aller plusieurs fois depuis. Puis tous deux s'étaient mis à échanger des anecdotes sur les régions du monde qu'ils avaient fréquentées, sous prétexte de « séjours linguistiques », « voyages d'études » et autres « déplacements professionnels ». Aucun n'avait osé pousser le bouchon jusqu'à parler de « vacances ».

Ils avaient évoqué jusqu'à la fermeture les lieux qu'ils avaient aimés ou détestés, les coutumes locales, les mets surprenants, les paysages les plus impressionnants. Et Milo s'était senti incroyablement bien. Pas seulement parce que Camus lui en disait plus sur sa vie qu'il ne l'avait jamais fait depuis leur enfance. Ni parce que les rayons de soleil qui teintaient de miel les tables en bois, le cliquetis des tasses, l'odeur de café et de gâteaux, les murmures des autres clients tressaient autour d'eux un cocon chaud et accueillant. Mais parce que là, dans cet échange de demi-vérités et de vrais mensonges, le regard de Camus vissé au sien, il se sentait plus à sa place, plus lui-même qu'il ne l'avait été depuis sa résurrection au Sanctuaire.

Quand ils s'étaient retrouvés sur le trottoir, il y avait eu une seconde d'hésitation. Un flottement. Et puis, Camus avait devancé Milo qui s'apprêtait à parler :

- J'ai été heureux de faire ta connaissance. C'était un agréable moment. Peut-être qu'on aura l'occasion de se revoir ?

- Je… Moi aussi. Oui, bien sûr. Camus…

- Bien. Il faut que j'y aille. Bonne soirée, Milo.

Et Camus avait tourné les talons, plantant là un Milo qui hésitait entre rire, pleurer ou se taper la tête contre les murs.

Le lendemain à l'entraînement, ils s'étaient salués poliment, puis ignorés, comme ils le faisaient depuis des mois. Mais la tension qui étendait ses barbelés entre eux s'était légèrement relâchée, et quand quelques jours plus tard Camus avait expliqué à Aioros qu'il entendait assister à une conférence sur les neurosciences à l'Université d'Athènes, le tout à portée d'oreille de Milo, ce dernier avait su ce qu'il lui restait à faire.

Le jeu avait commencé.


Milo éteignit son ordinateur, en rabattit le couvercle d'un coup sec, et le glissa dans sa housse. Le soleil déclinait. Il n'avait pas le temps de chercher d'autres indices. De toute façon, il devinait confusément qu'il n'y en aurait pas. Camus le testait. Il devait choisir.

Il ouvrit à nouveau son placard, en sortit quelques effets. Son instinct ne l'avait jamais trahi. Il ne lui ferait pas défaut aujourd'hui.

Et tu vas voir si je suis prévisible…


Merci de m'avoir lue! Suite la semaine prochaine.

Et bien sûr, toutes les reviews sont bienvenues:-)