Avant-propos

Rating M pour langage grossier seulement (pour le moment ;).

Disclaimer (ne vous sentez pas obligé de le lire)

L'œuvre originale appartient à Hajime Isayama. En tout bien tout honneur, je me suis permis d'emprunter ses personnages (sans rancune, allez, ni intérêt pécuniaire) et de les transposer dans cet autre monde qu'est le nôtre : avouons-le, je n'ai pas la prétention de maîtriser son univers. Il s'agit donc d'un U.A., dans lequel Levi et Eren ont évolué à leur manière, s'échappant petit à petit du carcan auxquels je voulais les soumettre… Diable. J'espère avoir évité l'O.O.C. malgré tout.

Ce que j'aime particulièrement (ou bien n'arrivé-je qu'à cela, allez savoir), c'est m'attacher à l'intériorité des êtres, à leur manière de percevoir le monde extérieur, de l'appréhender à travers leur propre kaléidoscope. Aussi, si vous cherchez de l'action, je crains que vous ne soyez déçu. (On me dit dans l'oreillette que je suis une boulette et que je ne vais pas aller loin si je commence d'emblée par vous décourager. Coucou, ceux qui ont lu jusque-là ! :D Nooon ! Ne partez paaaas !).

A ce jour, ma fiction est terminée et comporte douze chapitres, ainsi qu'un bonus. C'est la première histoire à laquelle je mets un point final. Je suis très fière d'en être venue à bout.

Attention, les chapitres ne sont pas toujours chronologiques : ils fonctionnent parfois par échos thématiques. Les points de vue sont aléatoires et alternés, il y a des flottements dans les temps, dans les pronoms : c'est voulu. Je m'amuse avec toutes les significations que cela peut induire.

Un petit clin d'œil à la B.U. de Lettres de Strasbourg (Ah, le Portique…), mais après tout – rien n'existe sinon dans le spectre de ma propre nostalgie.


Chapitre 1 – Pas de fumée sans feu

A peine eut-il passé la porte qu'il aperçut, sur sa gauche, des jambes reposer sur le sol. Pute borgne.

Elles appartenaient à quelqu'un, évidemment. Le contraire eût été trop beau ; un cadavre cependant moins gênant. Levi marqua un infime temps d'arrêt, manquant faire demi-tour aussi sec – foutre, ce n'était pas son jour – mais, se ravisant, il haussa les épaules et avança tout à fait sur la terrasse. Il suffirait de virer l'importun, manu militari s'il en était besoin, voilà tout. C'était plus simple, et ça lui passerait les nerfs. Rien de mieux qu'un petit miteux qui s'écrase, tiens.

Les étudiants avaient vite retenu qu'on ne lui marchait pas sur les pieds, à celui-là, que la politesse n'était pas son fort et qu'ils n'avaient pas intérêt à le faire répéter – en fait, Levi ne répétait pas. Et, s'il ne retenait pas votre nom (ou n'en prenait pas la peine, pour être honnête), il n'oubliait pas votre visage. Certains avaient bien été tentés de se plaindre, black listés en moins de deux, mais on avait toujours trouvé à leur répondre que n'appliquait pas délit de faciès qui veut, et que s'ils avaient été exclus, c'est bien qu'ils l'avaient mérité, belle gueule ou non.

Cette gueule-là, justement, Levi la connaissait, et si son poing le démangeait, c'était juste pour se gratter. Il dévisagea le squatteur, mi-figue mi-raisin, sa colère étouffée dans l'œuf. Celui-ci ne méritait pas d'être frappé, pas comme l'autre agitée du bocal qu'il avait virée parce qu'elle mangeait des patates (des patates !) dans la bibliothèque, d'un coup de pied au bronze s'il-vous-plaît, et qu'il n'avait jamais revue ; encore heureux, sans quoi il les lui aurait fait manger par un organe dont la fonction radicalement différente – il n'y avait pensé qu'après et s'en voulait encore – l'aurait empêchée de postillonner et de baver comme la dégueulasse qu'elle était. Il avait dû passer derrière elle pour nettoyer ses miettes collantes. Des patates, non mais pourquoi pas des poireaux pendant qu'on y était ?

Levi considéra un instant l'idée – un poireau induisait de séduisants sévices – puis revint au morveux, qu'il observa d'un œil circonspect. C'était l'ami d'Armin Arlelt. Connu comme le loup blanc, celui-là. Assidu. Amoureux des livres. Blondinet dont la taille n'avait rien à envier à la sienne. Faisait péter chaque semaine le record d'emprunts dans toutes les bibliothèques universitaires du coin. Comment avait-il trouvé le temps même de se faire des amis ? Levi pensait qu'à ce rythme-là, il était le seul – avec ses collègues – à avoir vent de son prénom. Cependant, il l'avait vu plusieurs fois accompagné : toujours, à vrai dire, à l'extérieur, rarement dans la bibliothèque, mais souvent en compagnie d'un môme de vingt centimètres de plus.

Ce môme… Fallait croire qu'il prenait la B.U. pour une garderie : il venait y faire sa sieste, manquant de peu d'y baver. Levi, qui le voyait régulièrement somnoler, tolérait ses poses improbables (les pieds sur les chaises, merde !) pour plusieurs raisons d'importance croissante.

Primo, il était ami avec Arlelt. Ce gamin au Q.I. démesuré ne pouvait décemment pas s'acoquiner avec le dernier des demeurés. Deuzio, il fermait sa grande gargue. Le silence, il n'y avait que ça de vrai. Tercio, il était propre. La seule fois où il avait haussé la voix, c'était pour aboyer : « Oï ! Ton verre ! Ramasse ton foutoir ! » à un étudiant crado qui comptait partir comme au Flunch©. Et l'autre s'était exécuté, contrit, gêné de sentir converger vers lui tous les regards, y compris celui du « dragon ». Rien que d'y penser, il renifla sardoniquement – son surnom était un secret de polichinelle et ses étudiants pouvaient se mettre le doigt dans le coquillard s'ils pensaient qu'il l'ignorait.

En clair, Levi le tolérait suffisamment pour qu'il retînt son prénom ; ce qui, pour un individu lambda, devait signifier qu'il n'était pas loin de mériter son respect.

Enfin, ça c'était jusqu'à ce qu'il le vît se faire ramasser en pleine rue par deux gaillards qui tenaient vraisemblablement à lui intenter un procès dans les règles de l'art urbain. Avec un peu plus d'entraînement, le gamin aurait pu s'en tirer. Mais, s'il était vigoureux, s'il bougeait vite, à l'instinct, ça ne l'empêchait pas d'encaisser une mandale de plein fouet l'instant d'après. Il en voulait, c'était certain, mais manquait cruellement de technique.

Tout occupé par l'analyse de leurs mouvements – et quand bien même –, Levi n'avait pas bougé le petit doigt. Une pisseuse à l'écharpe rouge, quant à elle, n'y était pas allée de main morte.

Lamentable.

Et pourtant, au rythme de ses allées et venues quotidiennes, au gré des gens amalgamés, conciliants – Arlelt toussant discrètement son nom dans sa main afin de le réveiller – ou réfractaires – comme ce mec à la face de cheval, là, qui galopait derrière lui en s'époumonant et ne récoltant que l'honneur de son doigt –, au bip du logiciel affichant son nom tandis qu'il empruntait un jour Le Joueur d'Echecs, son nom s'était imposé.

En l'entendant renifler, Eren avait relevé le nez.

« J'ai pas le droit d'être là, peut-être ? dit-il et, pour être honnête, vu le ton, il aurait aussi bien pu dire, « t'as quelque chose à me dire, mec ? J'attends que ça. »

Provocateur, donc.

Levi sortit – enfin – sa clope. L'alluma.

– Je m'en fous, morveux. J'suis là pour ranger des livres, pas pour faire la sécurité.

Expira.

– Pas la sécurité ? ricana-t-il. J'ai testé plusieurs B.U.. La tienne a toujours été la plus calme. »

Et c'était peu de le dire.

Levi le regarde, comme pour le défier d'aller plus loin. Grâce au ciel, Eren n'ajoute rien, il sourit et se replonge dans son livre. Il aime ça, enjamber les limites sur la pointe des pieds. C'est ainsi qu'il conquiert le monde qui l'entoure. Levi s'accoude à la barrière ; il ne lui tourne pas complètement le dos, jamais à quiconque. Sa clope se consume lentement et, sous ses yeux, les nuages fluctuent au gré du vent et des pages qui se tournent.


À lire : Le Joueur d'Echecs, de Stefan Zweig. Un de mes livres favoris. J'en ai beaucoup, vous aurez l'occasion de vous en rendre compte, hi hi.

On se retrouve dans deux semaines !