Bonjour !
Cette histoire est la troisième partie d'une série qui est une suite de la saison 8 où Cersei, Jorah et Daenerys ont survécu. Il n'est pas absolument nécessaire d'avoir lu la première partie (qui suivait Cersei et Tyrion) et la deuxième (qui suivait Jorah et Daenerys) pour comprendre ce qui se passe ici (cette partie se déroule en parallèle et couvrira une période de temps plus longue), sachez toutefois que toutes les intrigues vont finir par se rejoindre.
Bonne lecture !
don't give up (even when i'm gone)
Chapitre 1
oOo
Sansa court dans la neige.
Il fait nuit, seules la lune et quelques étoiles éclairent son chemin. Elle n'a pas besoin de lumière pour la guider, pourtant. Ce qui la guide est le hurlement des loups, l'appel de sa famille. Ils l'attendent, ils n'attendent plus qu'elle.
Ses quatre pattes foulent à peine le sol, son museau est levé vers le ciel couleur d'encre. Son cœur accélère. Ils ne sont plus très loin.
La louve rouge pousse un long cri qui déchire le silence de cette nuit paisible. Plus que quelques pas et elle les retrouvera enfin, après tout ce temps. La neige fond sous ses pattes. L'été revient. Elle pénètre dans une petite clairière.
Un énorme loup lèche les oreilles d'une louve plus petite tout en surveillant les deux plus petits louveteaux de la portée alors que le plus gros observe une petite louve agile se chamailler avec un loup blanc.
Tous se tournent vers elle. Sansa pousse un nouveau hurlement, cette fois c'est un cri de soulagement..
Ils sont enfin réunis.
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Quand le jour se lève et que Sansa ouvre les yeux, quelques larmes coulent sur ses joues.
Ce n'était qu'un rêve.
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(C'est étrange. Quand elle rêve de ses parents, de sa famille, c'est presque toujours sous la forme de loups. Comme si leurs visages commençaient à s'effacer. Comme s'il ne restera bientôt plus rien.)
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Les jours à Winterfell se suivent et se ressemblent. Le Nord essaye de se remettre de la Longue Nuit, de panser ses blessures – lentement, très lentement. On savoure sa chance d'être encore en vie, on essaye de sourire, de rire, parfois. C'est ce que Sansa fait. En apparence, du moins.
Intérieurement, la louve rouge hurle.
(Qu'est-il en train de se passer à Port-Réal ? La bataille a t-elle déjà eu lieu ? Cersei Lannister est-elle morte ? Daenerys s'est-elle emparée du Trône de Fer ? Que se passe t-il ? Que se passe t-il ?)
Alors Sansa court trouver Bran, s'assoit en face de lui, plonge ses yeux dans les siens et le regarde partir loin, très loin de Winterfell.
Sa réponse est toujours la même.
« Pas encore. »
Elle crispe les poings, prend une grande inspiration dans une vaine tentative de calmer les battements effrénés de son cœur.
(Ça ne marche jamais, bien sûr.)
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Sansa entend Brienne pleurer, parfois. Elle s'isole dans sa chambre ou dans une pièce vide et elle laisse couler quelques larmes avant de les essuyer rapidement et de prétendre que tout va bien, que son cœur n'est pas en morceaux.
Un matin, Sansa la trouve seule dans l'armurerie. Brienne sursaute et baisse la tête, comme une enfant prise en faute. Sansa se laisse glisser contre le mur et lui offre son soutien silencieux.
(Elle hait Jaime Lannister, elle le maudit. Les lions sont-ils donc destinés à tout détruire sur leur passage ?)
« Excusez-moi, ma dame, » dit Brienne, les yeux toujours baissés, comme si elle avait honte d'être aussi faible, comme si elle se détestait pour ça.
(Il n'y a pas de honte à avoir le cœur brisé. Sansa en sait quelque chose.)
« Souhaitez-vous en parler ? » demande t-elle d'une voix douce.
Jamais le nom de Jaime n'a été prononcé depuis qu'il s'est éclipsé dans les ombres de la nuit. Le matin suivant son départ, Sansa a simplement trouvé Brienne seule dans la cour, le regard vide. Elle s'entraînait toujours avec Jaime, le matin.
Sansa a tout de suite compris. Le plus triste dans tout ça est qu'elle n'a même pas été étonnée.
Brienne hausse les épaules.
« Je ne veux pas vous déranger avec ça, ma dame. Vous êtes bien assez occupée. Je... »
« Vous ne me dérangez pas, Brienne, » la coupe t-elle. « Vous ne me dérangez jamais. Je vous le promets. »
Elle acquiesce doucement, fait courir ses doigts sur la lame de Féale. Un cadeau de Jaime, pense Sansa. Un rappel constant de sa trahison.
« Pensez-vous qu'il va s'en sortir ? » demande t-elle finalement.
Sansa ne sait que répondre. Jaime est-il assez fou pour penser qu'il aura une chance d'échapper au courroux de la reine dragon ? Elle lui a pardonné une fois. Elle ne recommencera pas.
Est-il assez naïf pour penser qu'il parviendra à s'enfuir avec Cersei ?
(Pourquoi est-il retourné vers son monstre de sœur ? Pourquoi a t-il renoncé à l'amour d'une femme honorable, pourquoi l'a t-il abandonnée sans hésiter pour retrouver un poison ?)
« Je ne sais pas, » répond honnêtement Sansa.
C'est ça, le pire. L'ignorance. L'attente.
Sansa tend la main, saisit celle de Brienne et la presse doucement.
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(Où est Jon ? Où est Arya ? Elle se sent mal, sa meute est en danger et elle ne peut rien faire pour l'aider.)
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Sansa aime se réfugier dans le Bois sacré. Elle se surprend à prier de nouveau, parfois, elle qui avait affirmé ne plus jamais le faire.
(Quand les dieux ont-ils répondu à ses prières ? Elle ne croit pas que ce soit déjà arrivé mais elle prie quand même, elle prie pour Jon, pour Arya, pour sa meute de loups.)
La neige l'apaise. La neige est glace, paix, solitude, sérénité. La neige est le sourire de sa mère, les yeux de son père, la force de Robb, la bonté de Jon, la détermination d'Arya. La neige est l'agilité de Bran, l'innocence de Rickon. La neige est Winterfell, cette maison qu'elle n'aurait jamais dû quitter. Cette maison qu'elle doit protéger.
(Protéger de quoi ? L'armée des morts a été vaincue, la nuit s'est achevée. Sansa sait que ce n'est pas fini, pourtant. Le feu et la glace ne sont pas faits pour être ensemble.)
Elle pense à Daenerys. La mère des dragons. L'Imbrûlée. Sa future reine – si tout va bien. Elle ne peut pas s'empêcher de penser à Aerys, à ce qui est arrivé à Brandon et Rickard Stark, à l'héritage sanglant que la reine de feu a apporté avec elle.
Peut-être est-elle injuste de se méfier d'elle à ce point. Peut-être devrait-elle arrêter de regarder en arrière, d'essayer de croire ses promesses et ses belles paroles – un monde libre, un monde juste, un monde sans tyrans, sans esclaves.
Peut-être.
Elle aimerait y croire, vraiment. Elle aimerait que ce soit la fin de la guerre, elle souhaite le retour de la paix, elle qui a tant souffert, tant perdu.
Elle aimerait faire confiance.
(Et puis elle se souvient du feu, celui que son dragon crache, celui qui brille dans ses yeux et elle se rappelle que le feu est l'ennemi de la glace, ils ne sont pas faits pour être ensemble, pas faits pour s'entendre.)
Alors Sansa se lève et retourne se réfugier dans le château.
(Victoire, défaite, victoire, défaite – elle ne sait plus pour quoi elle prie exactement.)
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(Cersei, Daenerys, Cersei, Daenerys – elle ne sait pas quelle reine elle souhaite voir sur le Trône de Fer.)
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Sansa court à travers les rues de Port-Réal. Elle n'a que deux jambes, cette fois, pas quatre pattes – la louve rouge a repris forme humaine.
Elle fuit quelque chose, quelque chose de brûlant, puissant, dévastateur.
Le feu.
Elle n'est pas assez rapide, elle le sait, il finira par la rattraper, par la consumer, que peut la glace contre un tel brasier ? La glace fond, la glace ne peut espérer l'emporter. Sansa est essoufflée. Quand elle n'a plus la force de courir, quand elle s'effondre, les jambes tremblantes, quand elle a l'impression que son cœur va exploser, c'est là qu'ils viennent – les fantômes. Elle ne fait plus la différence entre ceux qu'elle cherche à fuir et ceux qu'elle aimerait retrouver.
Jorah Mormont et Jon discutent comme de vieux amis. Jaime s'éloigne de Brienne après avoir posé une main sur son ventre. Daenerys, suivie par deux enfants aux cheveux d'argent, court après Cersei mais celle-ci prend la main de Tyrion et s'enfuit avec lui. Les Immaculés poursuivent Arya mais elle saisit Aiguille et se met à les combattre.
Les fantômes disparaissent, engloutis par le feu.
« Brûlez-les tous ! »
La voix vient de partout et nulle part à la fois.
Sansa ne tente pas de se relever. C'est inutile. Les loups ont perdu, la glace a perdu. On n'arrête pas le dragon.
Au moment où le feu est sur le point de la consumer, Sansa se réveille en hurlant.
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(C'était un cauchemar, rien qu'un cauchemar, alors pourquoi Sansa a t-elle l'impression que c'était réel, que le dragon a réduit Port-Réal en cendres ?)
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Ce n'était pas qu'une impression, finalement.
Les mots de Bran sont plus brûlants que ce feu qui a transformé son rêve en cauchemar.
« La bataille est terminée, » dit-il d'une voix sans émotion. « Daenerys Targaryen l'a emporté. »
Sansa attend qu'il poursuive. Ses mains tremblent.
« Les cloches ont sonné pour annoncer la reddition mais Daenerys ne les a pas écoutées. Elle a réduit la ville en cendres. »
Sansa n'a qu'une envie, courir se réfugier dans le Bois sacré pour oublier ces mots au goût de cendres, ces mots qu'elle redoutait, ces mots auxquels elle s'attendait.
(Elle est horrifiée, elle est consternée, elle est en colère mais elle n'est pas surprise – et elle aurait aimé l'être, vraiment. Elle aurait aimé ne pas voir la tempête qui s'annonçait, être comme Jon, comme Tyrion. Être ignorante.)
« Tous les habitants ont été tués, ou presque. »
« Jon ? » demande aussitôt Sansa. « Arya ? »
« Ils sont en vie. »
Sansa pose la main sur sa poitrine, elle essuie les larmes qui perlent au coin de ses yeux, elle a eu peur, tellement peur.
Les loups sont en vie. Sa meute est saine et sauve.
« Jorah Mormont et Davos Mervault s'en sont sortis eux aussi. »
Brienne, qui est à ses côtés, pince les lèvres, Sansa devine sans mal le prénom qu'elle brûle de prononcer.
« Et Tyrion ? »
Elle pense à son ancien mari, celui qui regardait Daenerys avec des étoiles dans les yeux, celui qui est parti en guerre contre sa propre sœur pour elle.
(L'amour rend aveugle.)
« Je ne le vois pas, » répond Bran.
« Comment ça ? Tu veux dire qu'il est mort ?
« Je ne le vois pas, » répète t-il sans donner plus de précisions.
(C'est impossible, pas vrai ? Tyrion ne peut pas être mort. Pas comme ça, pas déjà. Il ne peut pas être mort brûlé par ce même feu qu'il vénérait, qu'il chérissait. C'est impossible.)
Brienne n'y tient plus, son cœur brisé l'emporte sur sa réserve.
« Et Jaime et Cersei ? »
Sansa s'étonne un peu du fait qu'elle ne dissocie pas le sort des jumeaux, c'est vraiment triste, c'est accepter que Jaime l'ait abandonnée pour Cersei, c'est espérer qu'ils s'en soient sortis tous les deux, c'est souhaiter qu'il vive, même si ce n'est pas avec elle.
(Brienne est prête à accepter que Jaime vive, même si c'est loin d'elle. Cersei aurait préféré le voir mort plutôt que dans les bras d'une autre – comment Jaime a t-il pu la choisir ?)
« Je ne les vois pas. »
Brienne fronce les sourcils, ce n'est pas la réponse qu'elle attendait, et Sansa non plus. Pourquoi Bran ne se montre t-il pas plus précis ? Refuse t-il de leur annoncer la mort de Jaime et Tyrion pour les préserver ?
(C'est ce que Bran Stark aurait fait, mais Bran Stark n'est plus vraiment là. La Corneille à Trois Yeux ne se soucie certainement pas de leur cœur brisé.)
Sansa acquiesce lentement et tourne les talons.
Lorsqu'elle se retrouve hors de la pièce, Sansa s'appuie contre la porte, se prend la tête entre les mains et se met à pleurer.
Des larmes de soulagement parce que Jon et Arya sont en vie.
Des larmes de tristesse parce que tous ces innocents sont morts dans d'atroces souffrances.
Des larmes de rage parce qu'elle savait que ça arriverait et n'a rien fait pour l'empêcher.
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(Elle savait que son pire cauchemar se réaliserait, elle savait qu'on ne peut pas faire confiance aux dragons, ils finissent toujours par tout détruire.)
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Quand vient la nuit, Sansa ne parvient pas à dormir. Une seule question hante son esprit.
Et maintenant ?
Lasse de se retourner encore et encore dans son lit, elle se lève et parcourt les couloirs sombres.
Et maintenant ?
Daenerys a obtenu ce pour quoi elle est venue à Westeros, ce qu'elle voulait, le rêve de sa vie. Sa destinée.
Le Trône de Fer.
Va t-elle décider de brûler le reste du royaume dans sa folie ? Va t-elle voler jusqu'à Winterfell, va t-elle réduire sa maison en cendres par vengeance ? Va t-elle s'en prendre à Jon et Arya ?
« Lady Sansa ? »
Elle sursaute. La voix de Brienne la tire brusquement de ses pensées.
« Vous n'arrivez pas à dormir non plus ? » demande Sansa.
« Non. »
« Voulez-vous marcher un peu avec moi ? »
« Ce serait avec plaisir. »
Elles se remettent en marche dans un silence inconfortable. Comment mettre des mots sur de pareilles horreurs ? Comment parler de ce massacre sans être hanté par des images de feu et de cendres ?
« J'aimais le château la nuit, quand j'étais enfant. Tout était calme, paisible. Les loups sont de sortie la nuit. J'avais l'impression que rien de grave ne pouvait m'arriver. »
C'était avant que sa vie ne commence à s'effondrer autour d'elle, bien sûr. Avant Port-Réal. Avant Ramsay. Avant que la nuit ne signifie douleur et désespoir.
« Tout va changer, n'est-ce pas ? » murmure Sansa, sa voix se brise un peu.
Une nouvelle ère s'annonce, un nouveau jour se lève. Daenerys Targaryen va devenir la reine des Sept Couronnes, pour le meilleur et, Sansa en est persuadée, surtout pour le pire. Comment protéger sa maison ? Comment protéger sa meute du feu du dragon ?
« Oui, » confirme Brienne. « Tout va changer. »
Toutes deux sortent dans la cour et lèvent les yeux vers le ciel.
Quand le soleil se lèvera, en apparence, rien ne changera. Ni la neige blanche qui recouvre le Nord, ni les arbres du Bois sacré, ni Winterfell – sa maison.
Ce ne sera qu'une illusion, bien sûr. Elle partira en fumée aussi rapidement que Port-Réal.
« Je ne la laisserai pas tout détruire, » dit Sansa d'une voix déterminée. « Je protégerai ma famille, je protégerai le Nord. Je protégerai ma maison. »
Brienne sourit tristement. Un sourire de deuil.
« Je serai à vos côtés, ma dame. »
Cette fois, c'est elle qui lui presse doucement la main.
Sansa ferme les yeux et savoure ces quelques derniers instants de paix avant qu'ils n'appartiennent définitivement au passé.
Le titre vient de la chanson "From The Grave" tirée de l'album For the Throne.