Mon père, ce…

Par Maria Ferrari

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Les personnages et l'univers de Harry Potter appartiennent à J.K. Rowling.

Base : Tomes 1 à 4 de Harry Potter

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—Chapitre 1 – Avada Kedavra

Le rayon vert fonçait droit sur lui ; Karkaroff l'avait évité de justesse. Le Russe paraissait être rompu à ce type d'exercice ; ce n'était sans doute pas la première fois qu'il sauvait sa peau in extremis. Les yeux de son père s'écarquillaient ; il arrivait à les distinguer malgré le nombre de mètres qui les séparait. Potter tournait son visage vers lui ; un visage où se lisait la surprise – l'effroi peut-être.

Qu'est-ce qu'il était venu faire dans cette galère ? Pourquoi n'était-il pas resté sagement à l'abri à l'école ? Ça ne lui ressemblait pas de risquer sa peau inutilement… en fait, ça ne lui ressemblait pas de risquer sa peau tout court.

C'était incroyable le nombre de choses qu'on pouvait voir et le nombre de choses auxquelles on pouvait penser en l'espace de deux secondes. Qui s'en douterait ? Deux minuscules petites secondes. Deux infimes poussières de temps au milieu de centaines de millions d'années.

Si Karkaroff l'avait évité, il pouvait le faire lui aussi. Surtout qu'à la base cette attaque ne lui était pas destinée. Son instinct de survie lui commanda d'esquiver, il fit un pas en arrière.

Trop tard.

~oOo~

Cette scène se déroulait sous les yeux de Lucius Malefoy qui constata que Karkaroff était sain et sauf. C'était le deuxième Avada Kedavra dont il se sortait indemne. Les gens avaient tort de croire que Potter était le seul à avoir résisté à ce sortilège, Igor Karkaroff ne se débrouillait pas mal non plus dans ce domaine-là. Il fallait dire aussi qu'il n'y résistait pas vraiment ; lui choisissait l'esquive… et il était doué.

La première fois que le Seigneur des Ténèbres avait lancé ce sort sur lui, quelques années auparavant, et qu'il l'avait vu l'éviter, cela l'avait fait rire. Oui, il avait ri. Le Seigneur des Ténèbres avait ri. Il n'avait pas lancé une seconde attaque pour pallier l'échec de la première, lui laissant ainsi la vie sauve.

A cette minute, Igor venait de renouveler son exploit. Il avait sûrement un avenir dans le milieu du cirque.

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Quand Lucius avait vu Igor sortir du champ de l'attaque, il en avait été très soulagé – Igor était un ami de longue date –, son soulagement avait hélas été de courte durée, car il avait alors aperçu la personne qui se trouvait quelques mètres derrière le Russe et qu'il n'avait pas vu jusque-là.

Son fils.

Et le sort mortel allait le heurter de plein fouet.

C'est ce qui se produit et il vit Drago tomber. Et il ne revit plus son fils. Il ne distinguait même plus son corps ; celui-ci était dissimulé derrière une butte de terre. Il fut soudainement pris d'un espoir insensé, celui qu'il soit vivant, qu'il ait accompli la même performance que son ami Igor. Il vit alors Rogue se précipiter derrière la butte et son espoir grandit : Severus se pressait sûrement pour prêter secours à son fils, ce qui signifiait qu'il était vivant car on ne court pas à l'aide d'un cadavre.

Cependant, ce fol espoir fut anéanti par Severus ; quand ce dernier se redressa, ce fut pour annoncer la mort du jeune homme.

La mort de son fils.

Drago.

Lucius sentit ses jambes devenir molles, prêtes à céder sous son poids. Un immense désespoir l'envahit. Des larmes roulèrent sur ses joues. Des larmes de rage. Contre Igor qu'il aurait préféré mort car son fils serait vivant. Contre le Seigneur des Ténèbres qui avait lancé le sort fatal. Et contre lui-même qui avait été incapable de protéger son enfant.

Il hurla. Du moins, il eut l'impression qu'il hurlait ; le bruit qui sortit de sa bouche fut quasiment inaudible.

Lucius se tourna vers le Seigneur des Ténèbres. Voldemort avait l'air légèrement contrit. C'était embêtant ce qui venait de se passer. Ce petit aurait pu faire un Mangemort efficace. C'était dommage. En plus, il venait de tuer le fils unique de son meilleur lieutenant, ce qui était pour le moins maladroit. Ceci étant, ce n'était pas bien grave, ce n'était pas comme s'il l'avait fait exprès, c'était un accident ; Lucius était un être sensé, il le comprendrait parfaitement.

Tiens, non, il n'avait pas l'air de comprendre.

« Je suis désolé », dit-il du même ton qu'utiliserait un individu sain d'esprit pour s'excuser d'avoir légèrement bousculé quelqu'un. Ces "excuses" ne firent que renforcer la rage de Lucius. Il avait l'impression que ses yeux le brûlaient. A le voir ainsi, Voldemort comprit que la perte de son fils ravageait son adepte. Il n'avait jamais pensé que ce gamin avait une importance réelle à ses yeux ; il avait toujours cru qu'il n'était qu'un descendant pour Lucius et qu'il était facilement remplaçable.

Il s'était trompé.

-

La suite se passa très vite. Voldemort n'eut que le temps de regretter de ne pas s'être aperçu quelques secondes plus tôt du désespoir de son fidèle, car ce dernier se précipita sur lui, l'agrippa à la gorge et commença à l'étrangler. Le Seigneur des Ténèbres se rendit alors compte de la faiblesse de son corps, surtout par rapport à un homme parfaitement sain qui s'entretenait physiquement.

Il ne pouvait pas mourir d'un simple étranglement. C'était impossible. Ses autres Mangemorts allaient réagir… et même si ces crétins n'agissaient pas, il était quand même capable de se débarrasser tout seul de Malefoy. Certes, ce n'était pas un mauvais sorcier, mais comparé à lui, il n'était rien.

Rien du tout.

Par contre, il ne tenait plus sa baguette, il l'avait lâchée lorsque Lucius l'avait précipité au sol ; il se retrouvait les mains nues pour se défendre. Il ne voyait pas où elle était, il ne pouvait pas l'attraper.

Qu'importait ! Il n'avait pas besoin de cette baguette. Il allait se servir de ses yeux, de sa voix. Malheureusement, la pression sur sa carotide était trop forte, il était incapable d'articuler. Ses yeux étaient donc son seul recours, sauf qu'utiliser sa magie de cette façon nécessitait une grande concentration et qu'il n'était pas aisé de se concentrer alors qu'on tentait de le tuer ; l'oxygène commençait à manquer à son corps et à son cerveau. Et il se rendit compte avec horreur qu'aucun sort jeté par le regard ne pourrait être assez fort pour atteindre Lucius Malefoy ; la rage qui émanait de lui était trop puissante et formait bouclier. Il était actuellement invulnérable à de simples sorts ; tous rebondiraient sur lui.

Des bruits de suffocations s'échappèrent de sa gorge. Que faisaient donc ses fidèles Mangemorts ? Il ne lui restait qu'eux, à quoi jouaient-ils ?

C'était la fin. Ses forces l'abandonnaient. Il ne pouvait plus respirer. Sa vie le quittait.

C'était risible.

-

Il était venu à deux pas de Poudlard accompagné de sa petite armée, se sentant enfin prêt à affronter Dumbledore, le seul sorcier qu'il craignait ; le seul aussi à lui opposer une véritable résistance avec son petit bastion d'irréductibles. Il avait beaucoup appréhendé ce moment, il s'était longtemps préparé pour cet affrontement. Dumbledore était une menace pour lui, il fallait qu'il s'en débarrasse. Il s'était finalement décidé à le défier directement sachant que s'il réussissait le tour de force de vaincre Albus Dumbledore, le reste du monde sorcier n'aurait plus qu'à se prosterner devant lui et à implorer son indulgence.

Et voilà qu'au lieu de la gloire attendue, il succombait sous les mains d'un de ses fidèles ; il ne mourrait même pas de la main du seul sorcier qui le surpassait.

C'était pire que risible, c'était pathétique.

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Lucius Malefoy continua à serrer malgré l'absence de réaction sous ses doigts. Il serra et serra encore, secouant le corps sans vie de celui qu'il avait servi durant tant d'années. Celui qui avait tué son fils, son fils unique.

Dix sept ans, ce n'était pas un âge pour mourir. Il n'était pas dans l'ordre naturel des choses qu'un enfant meurt avant ses parents. Jamais il n'aurait dû avoir à subir ça. Jamais il n'aurait dû avoir à assister à ça.

« Lucius, je crois qu'il est mort à présent », dit la voix de Dumbledore derrière lui.

Cette voix était lointaine dans son esprit, l'information lui parvint tout de même. Il regarda mieux le Seigneur des Ténèbres, tentant de discerner quelque chose derrière le voile de larmes qui rendait sa vue floue. Il s'aperçut que le directeur de Poudlard avait raison, desserra son étreinte progressivement et se releva.

Il avait vidé sa rage. Cependant, rien ne pouvait changer ce qui était arrivé : Drago n'était plus de ce monde. Il serra les dents et les paupières.

« Papa ? » l'appela une voix bien connue. Il se tourna brusquement et regarda son fils, son cœur battant à tout rompre. Drago tentait de prendre un air dégagé, il avait pourtant de la peine à retenir un large sourire et ses yeux paraissaient un peu trop humides. « Tu l'as tué ? » Question de pure forme : Drago connaissait la réponse. Ce qui l'intéressait plus, c'était de savoir pourquoi. Enfin, là aussi, il connaissait la réponse : son père avait agi ainsi parce qu'il l'avait cru mort. Drago en aurait sangloté de bonheur.

Lucius le prit soudainement dans ses bras. Ce n'était pas exactement une preuve d'affection, plutôt la peur qu'il lui échappe encore une fois. Il voulait vérifier qu'il était bien là, bien réel, bien vivant. Il ne se souciait même pas des regards portés sur lui pendant qu'il serrait son fils contre lui. Il ne comprenait pas ce qui s'était passé. Il ne comprenait pas comment son fils pouvait être vivant alors que Severus avait annoncé sa mort.

Oui, Severus avait dit qu'il était mort. Il avait dit ça solennellement… avec un tremblement dans la voix… en tirant une tête d'enterrement. Il lui avait odieusement menti.

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Lucius desserra son étreinte, prenant conscience que des gens le regardaient et qu'un geste de tendresse aussi prononcé risquait de nuire à son image. Il garda tout de même une main agrippée à une manche de l'uniforme de son fils comme une preuve palpable qu'il était vivant.

Lucius parcourut l'assistance du regard, se souciant de ce qui s'était passé pour la première fois depuis la pseudo-mort de son fils. Il vit un bon nombre de Mangemorts à terre ; certains étaient morts, d'autres étaient juste blessés et tenus en respect par d'autres sorciers. Peter Pettigrow était étendu sur le sol, le nez éclaté, du sang maculant son visage, le coude et la jambe brisés ; Sirius Black le menaçait de sa baguette. Ce dernier avait le visage tendu et se retenait à grand peine de lancer un sort mortel contre son ancien ami. Queudver le dévisageait avec effroi en tremblant de tous ses membres.

Lorsque Lucius avait attaqué Voldemort, les partisans de Dumbledore avaient attaqué ceux du Seigneur des Ténèbres. Lucius était tellement inondé de colère que l'étrangeté du fait qu'aucun Mangemort ne l'ait empêché d'étrangler Voldemort ne l'avait pas effleuré un seule instant. Il ne pensait plus à rien d'autre qu'à supprimer le meurtrier de son fils.

Tiens, quelle fin minable d'ailleurs ! Il se serait attendu à mieux de lui. Alors il suffisait de l'étrangler pour qu'il meure ? Pas si légendaire que ça finalement.

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Il recommença à parcourir l'assistance du regard et s'étonna de ne pas trouver celui qu'il cherchait.

« Dites-moi Dumbledore : où est passé Severus ? demanda-t-il d'une voix douce.

— Pourquoi tenez-vous à le savoir ?

— Pour que mes poings puissent lui faire savoir combien je trouve son sens de l'humour douteux », ne put s'empêcher de répondre Lucius, l'humeur vindicative.

Albus pouffa dans sa barbe.

« Je me vois donc dans l'obligation de ne pas vous répondre. De toute façon, même si j'étais d'accord pour le dénoncer, je ne le pourrais pas : j'ignore sa position géographique actuelle. Il s'est esquivé dès qu'il a vu que vous aviez tué Voldemort et que la situation était pleinement maîtrisée au niveau des Mangemorts ; étrange, non ? » constata-t-il avec un sourire amusé. Severus avait prévu que son ami prenne mal qu'il lui fasse croire à la mort de son fils ; c'était d'ailleurs prévisible car c'était là une bien mauvaise farce… mais qui s'était révélée d'une rare utilité ; son maître de potions avait un don pour prévoir la façon de réagir des personnes et il avait audacieusement et malicieusement profité de l'occasion qui lui était offerte de se servir de Lucius. « A ce propos, je me demande bien ce qui vous a pris de le tuer ? » ajouta Albus malicieusement. Il était curieux de voir comment Lucius allait présenter la chose ; l'aristocrate était réfractaire à l'idée de déballer ses sentiments en public, il admettrait donc difficilement d'avoir agi ainsi pour venger son fils. Sans compter qu'il allait évidemment profiter de cette nouvelle donne pour se dédouaner de tous ses crimes passés, la situation était par trop idéale pour qu'il ne l'utilise pas.

Le directeur s'en délectait d'avance.

Lucius se promit de retrouver Rogue plus tard et de lui faire payer sa "plaisanterie". Il regarda Dumbledore du coin de l'œil ; le directeur était tout sourire, il attendait gentiment sa réponse. Lucius se devait d'improviser une explication digne de lui et qu'elle soit crédible. Afin de se donner un sursis et de comprendre ce qui avait bien pu se passer quelques minutes auparavant, il se tourna vers son fils.

« Qu'est-ce qui s'est passé au juste ? Tu as réussi à éviter le rayon ? Comment as-tu fait ? » demanda-t-il d'un ton posé. Il avait retrouvé toute sa maîtrise de soi et commencé à réfléchir froidement à un scénario plausible. Il se devait aussi de songer à son futur inévitable procès ; il pouvait préparer avantageusement le terrain : n'était-ce pas lui qui venait d'éliminer le Seigneur des Ténèbres ?

« En fait, commença Drago, quand j'ai vu que le sort allait me frapper, j'ai eu le réflexe de faire un pas en arrière, mais c'était trop tard, et ce n'était pas suffisant de toute façon… mais il y avait une énorme pierre juste derrière mon pied ; j'ai trébuché, je suis tombé en arrière, et juste au moment où je tombais, le rayon me passait au-dessus. ça m'a vraiment frôlé, j'ai été à deux doigts d'y rester ! Je me suis un peu assommé dans ma chute – forcément, avec le sort mortel que j'étais en train d'éviter, je ne me suis pas occupé de me rattraper correctement et je me suis cogné la tête ; j'ai été un peu étourdi. Bref, je ne me suis pas relevé tout de suite. C'est alors que le professeur Rogue est arrivé, m'a plaqué une main sur la bouche et m'a fait signe de me taire avant de se relever pour annoncer ma mort. ça m'a fait tout drôle.

— Et tu t'es prêté à ce jeu ? » constata sévèrement son père. Son fils s'était gentiment prêté à cette mascarade. Trahison. Une gifle serait-elle appropriée pour lui faire clairement comprendre son point de vue sur ce qu'il avait osé faire ?

« J'ai confiance en Rogue. Il m'a dit de le faire, alors je l'ai fait », répondit naturellement Drago en haussant les épaules.

Les yeux de Drago étaient secs à présent. Néanmoins, Lucius avait parfaitement remarqué leur humidité quelques minutes auparavant. Il avait pleinement conscience de ce qui avait réussi à émouvoir son fils : Drago croyait que c'était la douleur de sa perte qui l'avait conduit à tuer le Seigneur des Ténèbres ; il n'avait pas tort de penser ainsi. Cela étant, il était inutile de le crier sur les toits, il trouverait une explication bien meilleure et plus avantageuse à son geste mortel. Une explication qui lui permettrait d'obtenir un nouvel acquittement par exemple – après tout, le fait d'avoir tué Voldemort ne l'innocentait pas de ses autres crimes. Il commençait à entrevoir ce qu'il allait raconter à ce vieux fou de Dumbledore. Il allait lui faire un grand numéro théâtral ; n'était-il pas encore meilleur comédien que Severus ?

Lucius eut un sourire fugace. Drago avait été au bord des larmes, mais elles n'avaient pas coulé et ses yeux étaient vite redevenus secs. C'était un Malefoy digne de ce nom. Il échapperait à la gifle pour cette fois.

« Papa, tu peux me lâcher à présent ? »

Drago avait été très soulagé qu'il arrête de le serrer dans ses bras – c'était très gênant –, mais son père le tenait toujours fermement par une manche de sa robe. Il la lâcha et Drago courut vers l'école. Il rattrapa Harry Potter qui s'y dirigeait.

-

Il n'y avait que deux élèves à avoir assisté à la dernière bataille contre Voldemort. Et encore n'auraient-ils jamais dû se trouver là.

Avant d'aller voir Lucius pour lui indiquer que Voldemort avait succombé, Dumbledore avait pris le Gryffondor à part pour lui dire de rejoindre Poudlard et l'informer qu'il serait puni pour désobéissance et pour avoir mis sa vie en danger. Il aurait vraiment pu lui arriver des choses très graves ; sans compter que sa présence avait bien failli tout faire échouer. Il n'avait pas encore eu l'occasion d'en informer Drago qui était aussi coupable qu'Harry. Ceci étant, il serait forcément indulgent, envers le Gryffondor qu'il aimait beaucoup, et envers le Serpentard dont la présence avait été particulièrement opportune, pour ne pas dire providentielle.

« Mon père a tué Voldemort ! » s'exclama Drago triomphalement en arrivant à la hauteur de Potter. Inutile de l'appeler Seigneur des Ténèbres ou Vous-Savez-Qui, maintenant que le sorcier tant craint était décédé, il pouvait dire son nom sans trembler.

Drago rayonnait de fierté, son menton était haut, un sourire supérieur était plaqué sur son visage.

« Et alors, Malefoy ? Je croyais que tu étais un adorateur de cette créature ? » répondit abruptement Harry. Au fond, il était très heureux de la tournure des événements. Voldemort était mort ; c'était ce qui lui était arrivé de mieux depuis le début de sa scolarité à Poudlard. Et ceci sans perte de leur côté, ce qui était inespéré. Cela étant, l'attitude actuelle de Drago lui laissait un goût amer dans la bouche et gâchait son plaisir. C'était quand même lui, Harry, qui avait dû subir en permanence pendant toutes ces années la menace Voldemort. Drago n'avait rien subi du tout, les Malefoy étaient du mauvais côté de la barrière. Et aujourd'hui, c'était son père le héros !

Il y avait de quoi se taper la tête contre un mur.

Qu'est-ce qu'il lui arrivait ? Il n'allait quand même pas être jaloux de Lucius Malefoy ! Durant toutes ces années, il n'avait eu qu'une envie : être un étudiant comme les autres et se fondre dans la masse. Et maintenant que quelqu'un lui volait la vedette, voilà qu'il ne trouvait rien de mieux à faire que de l'envier.

Stupide !

« Mon père l'a tué pour moi », précisa rageusement Drago avant d'accélérer le pas pour le dépasser. Harry se rendit alors pleinement compte de ce que ça représentait pour le jeune homme. Son père n'avait pas la réputation d'être quelqu'un d'affectueux, c'était une personne froide et distante. Drago n'avait sûrement pas été élevé dans une tendresse excessive. Ce qu'il venait de faire était synonyme d'une preuve d'amour pour Drago.

Le jeune Malefoy regrettait déjà ses paroles. Il n'était pas convaincu qu'elles plaisent à son père ; il ne faisait aucun doute que celui-ci préférerait garder un silence pudique sur la raison qui l'avait poussé à tuer Voldemort ; cela ne cadrait pas avec le personnage qu'il s'était donné tant de mal à façonner durant toutes ces années. Pourtant, il n'avait pu s'empêcher de jeter cette phrase à la figure de Potter. En temps habituel, à part lui offrir des cadeaux hors de prix, son père ne faisait jamais rien pour lui démontrer son affection. C'était mieux que Noël aujourd'hui pour le Serpentard.

Et Potter avait droit à tellement d'affection. Pourquoi Potter aurait-il droit à des choses que lui n'avait pas ? Comment ne pas lui cracher la preuve de l'amour de son père à la figure dans ces conditions ?

Ce n'était pas tout. Tout le monde s'attendait plus ou moins à ce que ça soit Potter qui tue Voldemort ; cela faisait partie de sa légende, une sorte de destinée, peut-être même que c'était cela qui l'avait poussé à se rendre sur le champ de bataille malgré l'interdiction du directeur de quitter Poudlard jusqu'à nouvel ordre pour tous les élèves – Dumbledore avait bien insisté sur le "tous", signifiant ainsi à Potter que son mépris pour les ordres et les règles n'était pas le bienvenu dans les circonstances. Et contre toute attente, c'était Lucius Malefoy, son père, qui avait débarrassé le monde de ce terrible sorcier. Harry Potter pouvait aller se rhabiller, il n'avait été d'aucun secours dans cette bataille. Il avait même mis son bord dans une situation périlleuse en débarquant à un moment inopportun. Alors que c'était grâce à lui, Drago Malefoy, que Voldemort était mort. Certes, il ne l'avait pas fait exprès. De plus, l'idée venait de Rogue. Enfin, c'était son père qui avait tué le grand sorcier, pas lui. Sans compter que, s'il était venu au départ, c'était pour assister à la victoire de Voldemort et des Mangemorts et non à leur débâcle.

N'empêche, s'il n'avait pas été là, tout était fichu pour les partisans de Dumbledore.

Vive lui !

~oOo~

Drago courut pour arriver à Poudlard. Il débarqua dans la grande salle où les élèves angoissés étaient dans l'expectative et l'arrivée d'un Drago Malefoy souriant et essoufflé plongea la majorité de la salle dans le désarroi le plus total. Drago était heureux, c'était donc que Celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom avait gagné. Harry Potter était mort ? Albus Dumbledore était mort ? C'était tragique. C'était la fin de tout.

« Mon père a tué Voldemort ! » cria Drago, les yeux brillants de fierté et de suffisance.

L'assistance resta bouche bée. Son père a tué Voldemort ?… Non ! Il avait dû fourcher ; son père a tué Dumbledore, avait-il plutôt voulu dire. Et la salle redoubla de désespoir.

« C'est tout l'effet que cela vous fait ? » ajouta Drago, perplexe, les yeux écarquillés. Une annonce pareille méritait une joie indescriptible, des ovations en l'honneur du héros qui les avait débarrassés de celui dont ils avaient tant peur et, évidemment, que tous s'inclinent respectueusement devant son père dorénavant. Au lieu de ça, ils affichaient tous des têtes d'enterrement et le contemplait avec crainte – non que ce dernier point le dérange, c'était plutôt plaisant.

McGonagall fut la première à comprendre que Drago ne s'était pas trompé, que ce n'était pas un lapsus, qu'il avait bien voulu dire ce qu'il avait dit. Elle lui fit quand même répéter.

« Votre père a tué Voldemort ? Celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom ? Vous-savez-qui ? Le Seigneur des Ténèbres ?

— Oui ! Oui ! » s'exclama Drago en secouant la tête impatiemment. Quelle bande d'imbéciles ! Ils n'étaient même pas fichus de comprendre une phrase toute simple avec sujet, verbe et complément.

Les élèves hésitaient à être heureux. Certains souriaient d'une oreille à l'autre, d'autres se disaient que c'était peut-être une mauvaise plaisanterie de Drago, histoire de leur faire une fausse joie pour mieux les enfoncer après. Il y en avait aussi certains qui se demandaient – avec raison compte tenu de ce qu'ils savaient de Lucius Malefoy – si Malefoy n'avait pas tué Voldemort pour prendre sa place et s'ils ne venaient pas de tomber de Charybde en Scylla ; la peste ne valait pas mieux que le choléra.

Severus Rogue passa la tête dans la grande salle pour y jeter un coup d'œil prudent. Il tenait à vérifier que Lucius ne s'y trouvait pas avant d'entrer tout à fait. Drago l'aperçut et vint à lui alors que le maître de potions semblait avoir décidé que la grande salle ne présentait pas de danger immédiat.

« Mon père vous cherche.

— Ah ? dit prudemment Severus.

— Il veut coller son poing sur votre nez, ajouta Drago avec un grand sourire.

— Figurez-vous que je m'en doute un peu.

— Severus ! Qui-vous-savez est vraiment mort ? les interrompit Minerva d'une manière assez peu polie qui ne lui ressemblait guère ; étant donné les circonstances, il fallait lui pardonner.

— Oui, de la main de Lucius Malefoy. » Manifestement, le professeur de métamorphoses avait du mal à intégrer cette donnée. Drago leva les yeux au plafond et prit un air profondément excédé ; cette incrédulité devenait offensante et si elle insistait encore dans ce sens, il lui ferait connaître son point de vue sur ses manières. Severus sentit qu'il valait mieux préciser les circonstances du geste de Lucius. « Il a cru que Voldemort avait tué Drago, ça l'a rendu fou de rage. J'ai vu sa tête horrifiée lorsque l'Avada Kedavra menaçait de frapper son fils et j'ai constaté ensuite que Drago l'avait évité ; je me suis alors précipité pour lui dire de faire le mort. Nous avons contrôlé les Mangemorts pendant que Lucius étranglait Voldemort. Tout est réglé… du moins, je le pense. »

Mais alors, ce n'était pas une blague de Malefoy ! Et son père n'avait pas fait ça pour prendre la place de son lord ! Les élèves se jetèrent tous dans les bras les uns les autres… à la grande satisfaction de Drago, heureux qu'on prenne enfin conscience de l'exploit de son père.

A la table des Serpentard, la joie était plus mitigée. Si certains étaient heureux, d'autres ignoraient sur quel pied danser ; leur maison n'était pas en odeur de sainteté à Poudlard et ils étaient réputés pour soutenir Voldemort – même si c'était loin d'être le cas pour tous, mais les stéréotypes étant ce qu'ils sont… –, maintenant que toute menace Mangemort semblait dissipée, ils pouvaient légitimement se demander s'il n'y aurait pas des représailles à leur encontre. Et puis, il y avait ceux qui avait de la famille parmi les Mangemorts – et tous n'étaient pas Serpentard, qu'on se le dise – ; Crabbe et Goyle se levèrent timidement et s'approchèrent Drago.

« Est-ce que tu sais si… commença Crabbe.

— Je ne sais pas, l'interrompit Drago, sachant déjà ce que Crabbe voulait demander. Je sais qu'il y a des morts et des blessés parmi les Mangemorts, mais je ne sais pas qui. Je t'avoue que je n'ai pas fait attention, j'avais la tête ailleurs.

— Tant pis. » Crabbe se mordilla la lèvre et prit une profonde inspiration. « La vie va être plus calme maintenant, hein ? reprit-il en ébauchant un sourire.

— Si ça se trouve, mon père est mort. Et s'il n'est pas mort, il va finir à Azkaban ! s'exclama Goyle, désespéré.

— Votre père n'est pas mort, Monsieur Goyle. Quant à Azkaban, oui, il va sûrement y finir ses jours. Soyez cependant assurés que les Détraqueurs vont être démis de leurs fonctions, déclara Rogue.

— Et le mien ? Il ne va pas finir à Azkaban, n'est-ce pas ? » demanda Drago. Il n'avait pas pensé à cela jusque-là, tout à sa joie que son père tienne à lui et qu'il ait réussi là où tout le monde avait échoué. Ils ne pouvaient tout de même pas enfermer son père, c'était lui qui venait de sauver tout le monde, non ?

« Vu les circonstances, un non-lieu me semble tout à fait envisageable. Ce n'est cependant pas à moi d'en décider.

— Les Détraqueurs ne seront plus là ? Sûr ? intervint Crabbe.

— Après ce qui s'est produit, il est absolument impensable qu'ils restent en place. »

Crabbe et Goyle se sentirent soulagés. Drago remarqua que Rogue le semblait aussi ; le fait que les détraqueurs s'en aillent paraissait lui ôter un poids. Drago se demanda s'il n'avait pas des amis emprisonnés à Azkaban. C'était possible.

~oOo~

« Heureusement que je suis là pour sauter sur les occasions quand elles se présentent ; laissez-moi vous dire – sans vouloir vous offenser – que votre grand âge commence à user vos réflexes, mon cher Dumbledore. »

C'est en ces termes dits ô combien doctement que Lucius débuta "l'explication" de son geste.

« Tiens donc ? commenta malicieusement le directeur en regardant Malefoy par dessus ses lunettes.

— Vous n'aviez donc pas remarqué que c'était le moment pour attaquer Voldemort ? Il n'était plus sur ses gardes, il avait été surpris de voir Igor éviter son attaque et plus encore de la voir atteindre une personne non visée. C'était le moment ou jamais, ajouta Lucius en arborant un air supérieur.

— Bien sûr, approuva Albus en hochant doucement la tête.

— Cela dit, je comprends. Vous n'étiez pas sur la brèche comme moi. »

Dumbledore regarda Lucius du coin de l'œil, attendant impatiemment la suite de son conte.

« Depuis le retour du Seigneur des Ténèbres, je guettais constamment ce moment – comme je l'avais guetté en vain il y a quelques années de cela : avant qu'il se rende chez les Potter et qu'il se passe ce que nous savons.

— Vous avez bien caché votre jeu durant toutes ces années, Lucius.

— C'était essentiel. La discrétion était primordiale. Il était indispensable que Voldemort ne se doute de rien. Il fallait qu'il ait confiance en moi.

— Et pour cela, vous avez pris le risque qu'on vous prenne pour un véritable Mangemort. Vous savez que vous auriez pu finir à Azkaban à cause de cette discrétion ?

— C'était un risque à courir.

— Et vous l'avez couru. Félicitations, vous êtes admirable », s'exclama Dumbledore en lui adressant un sourire signifiant : « Nous savons tous les deux à quoi nous en tenir, n'est-ce pas ? »

Lucius traduisit parfaitement l'expression de son visage. Il savait très bien que le vieux sorcier n'avait pas cru un mot de ce qu'il avait raconté. Cependant, il savait aussi qu'il irait dans son sens et témoignerait en sa faveur ; son indulgence était proverbiale.

Sans compter qu'il venait quand même de débarrasser le monde de Voldemort.

Ce n'était pas rien.

« Normalement, vous devriez être arrêté au même titre que les autres Mangemorts. Cependant, je crois que nous allons faire une exception au vu des circonstances. Il faut que j'en parle aux personnes compétentes avant de pouvoir vous le garantir bien sûr, mais je pense que vous pourrez vous promener en toute liberté. Ne perdez pas de vue que vous devrez tout de même passer en jugement. »

Lucius se crispa légèrement. Il avait cru l'espace d'un instant que son stratagème lui vaudrait d'échapper au procès.

« Ce procès vous acquittera. Soyez sans crainte. »

Lucius recommença à respirer plus librement. Dumbledore témoignerait en sa faveur et il serait acquitté… définitivement cette fois.

« Néanmoins, je vous conseille d'être irréprochable dorénavant. Voyez-vous, des personnes pourraient penser que vous avez inventé cette histoire de toutes pièces afin de vous disculper. Donc, tout acte enfreignant un tant soit peu la loi est évidemment à proscrire. Comprenez que cela pourrait être retenu contre vous.

— Mais je suis parfaitement respectueux de la loi, mon cher Dumbledore.

— Je disais ça pour la forme », rétorqua Albus. Ils se dévisagèrent un instant, l'un ouvertement amusé, l'autre forçant un sourire poli.

Albus sentait qu'il pouvait désormais faire confiance à Lucius Malefoy. Ce qui avait failli se passer aujourd'hui couperait toute envie à l'ancien Mangemort de repasser du mauvais côté. Il s'en était fallu de peu pour que son fils soit perdu à jamais, il retiendrait la leçon. D'une manière générale, le directeur de Poudlard était contre toute idée de punition – et que dire sur ce qu'il pensait de la vengeance ? Il préférait faire en sorte que tous les criminels et délinquants ne fassent plus les mêmes sottises qu'auparavant. S'il fallait en passer par la prison ou même par les éliminer comme dans le cas de Voldemort qui était définitivement perdu pour le genre humain, alors il fallait malheureusement s'y résoudre. Cependant, si la personne comprenait d'elle-même ses erreurs, décidait de ne plus jamais retomber dans ses anciens travers – peu importait la taille des travers – et se rachetait, cela suffisait à Dumbledore qui accordait volontiers son pardon et son aide.

Certains disaient qu'il n'y avait aucun pardon possible dans certains cas, mais le vieux sorcier pouvait tout pardonner à partir du moment où il sentait un changement radical chez la personne, à partir du moment où il était convaincu qu'elle n'était plus dangereuse, qu'elle n'était plus la même que lorsqu'elle avait accompli ce qu'on lui reprochait. Et, vraiment, Lucius Malefoy n'était plus dangereux pour personne, le directeur aurait pu en jurer, sauf peut-être pour Severus Rogue du fait de son petit mensonge (Dumbledore avait toujours admiré l'intelligence, la vivacité d'esprit et le sens stratégique de son maître de potions). Toutefois, ce n'était pas bien méchant et il aura tôt fait de ne plus lui en vouloir. Ils étaient d'ailleurs amis pour ce que Dumbledore en savait, et il ne pensait pas que cet incident y change quoi que ce soit ; Lucius n'était pas idiot et il aurait tôt fait d'accepter les motivations de Severus… une fois qu'il lui aurait fait une bonne peur.

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Arthur Weasley, qui n'avait pas perdu une miette de cette conversation, ne partageait pas l'avis de Dumbledore. C'était un très grand homme, néanmoins, il était bien trop indulgent ; Lucius Malefoy avait commis des actes très graves, on ne pouvait lui offrir l'impunité comme ça, même en échange de l'immense service qu'il venait de rendre au monde entier. Qu'on atténue sa peine, soit ! Mais qu'on le dédouane de tous ses crimes, hors de question !

~oOo~

« Severus a été vif à réagir. Pour ma part, je n'aurais jamais pensé à faire ça, surtout en si peu de temps. D'ailleurs, je ne crois pas que j'aurais osé. »

Remus marchait à côté de Sirius vers le château de Poudlard. Pour la première fois depuis leurs retrouvailles, ils étaient détendus, ils se sentaient même heureux.

« C'est sûr que c'était gonflé. Et la façon dont Rogue l'a dit, jamais je n'aurais cru qu'il mentait. Ce qui m'a le plus surpris, c'est la réaction de Malefoy. C'est rassurant dans un sens de voir que même les types comme lui tiennent à leurs gosses », jugea Sirius. Il n'avait pas habitué Remus à tenir de tels propos. C'était rassurant de voir que même Sirius était capable de dire du bien de gens qu'il n'aimait pas.

« A propos de Malefoy, où est-il passé ? » demanda le lycanthrope.

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Arabella Figg et Albus Dumbledore marchaient devant eux, devisant gaiement. Cette dernière bataille avait été la bonne. Et ils n'avaient subi aucune perte dans leurs rangs… du moins pendant celle-là ; c'était cependant toujours cela, Dumbledore avait craint de très lourdes pertes, et il n'était même pas tout à fait sûr de réussir à l'emporter. Non, vraiment, ce qu'avait fait Lucius méritait bien qu'on l'acquitte.

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Igor Karkaroff marchait tout seul derrière. Il était indiciblement soulagé. Depuis les nombreux mois qui s'étaient écoulés depuis le retour de Voldemort aux affaires, il n'avait pas eu une seconde de répit. Le Seigneur des Ténèbres avait lancé un "contrat" sur sa tête (comme disent les Moldus) afin de montrer à tous ses fidèles le sort qu'il réservait aux traîtres. Plus personne ne l'avait revu à l'institut Durmstrang depuis le jour où il avait été à Poudlard avec quelques-uns de ses élèves pour le tournoi des trois sorciers. Deux semaines auparavant, il était revenu à Poudlard, la mine grise et les habits sales, se disant que c'était le seul endroit où il serait vraiment en sécurité. Il avait supplié Dumbledore de l'héberger et le vieux sorcier avait accepté.

Puis, Voldemort avait décidé d'attaquer Poudlard.

Décidément, on ne pouvait pas dire qu'il était verni.

Il se demandait encore comment Dumbledore avait pu le convaincre de se mêler à cette bataille. Mais il avait les nerfs tellement à bout, il en avait tellement assez de cette fuite (même les lâches ont leurs limites) qu'il n'avait pas dû être si dur à convaincre. Le périple qu'il avait mené l'avait épuisé nerveusement, il était prêt à tout à ce moment-là pour faire cesser cette situation.

Sa mort ou celle de Voldemort.

Il était donc venu se battre.

Il avait survécu, une fois de plus ; Voldemort était mort, son filleul était vivant – oui, Drago était son filleul. Il ne l'avait pas vu souvent. En fait, il ne l'avait vu que quand il était bébé. Qu'il était mignon ce chérubin à cette époque ! Il venait régulièrement le voir. Drago se plaisait dans ses bras. Il lui faisait toujours de grands sourires. Enfin, ça, c'était avant qu'Azkaban le vide des rares bonnes choses qu'il y avait en lui. Il n'était même pas sûr que Drago sache qu'il était son parrain. Et avait-il envie de le savoir ? Un type comme lui, il n'y avait bien que Lucius Malefoy pour en vouloir comme ami.

Bon sang, où était-il celui-là d'ailleurs ? Il devait absolument le remercier.

~oOo~

Lucius passait le domaine de Poudlard au peigne fin, accompagné à quelques pas par Arthur Weasley qui ne le quittait pas d'une semelle.

Il n'avait pas songé une seconde que Severus ait pu se réfugier à Poudlard même, c'était trop évident, un Serpentard n'aurait pas fait ça… à moins d'une double astuce : Severus aurait pu penser que Lucius ne penserait pas qu'il soit assez idiot pour se réfugier dans le château car c'était beaucoup trop évident comme cachette, et donc : il s'était réfugié dans le château.

D'une manière ou d'une autre, il n'allait pas passer la nuit à regarder sous les buissons, derrière les arbres et à chercher comment convaincre Hagrid de le laisser fouiller sa cabane, pardon, sa maison (un bien grand terme pour une habitation aussi médiocre).

Et cet abruti de Weasley qui le suivait comme un petit chien.

« à la niche, Weasley ! Fichez-moi la paix, je n'ai pas besoin d'un garde du corps.

— Je ne vous laisserai pas me fausser compagnie.

— Vous croyez que vous pourriez m'en empêcher ?

— Vous aurez un procès. Ce n'est pas parce que vous avez tué Voldemort que vous ne devez pas expier de vos autres crimes. »

Alors, Lucius serra les poings et se retint de lui faire connaître son point de vue sur la question dans un corps-à-corps indigne de lui… et qu'il réservait à Severus – le fait que son adversaire soit un estimé maître es potions ne changeait rien à l'indignité de se battre comme un moldu, cela étant, il était important qu'il se passe un minimum les nerfs sur lui pour lui faire payer son audace ; c'était une question de principe.

« Dumbledore ne voit pas les choses ainsi », lui dit-il d'un ton narquois ; après lui avoir dédié un sourire du même tonneau, il partit vers l'école d'un pas léger. Il y trouverait son fils – à qui il dirait au-revoir en attendant les prochaines vacances –, sa femme devait s'y trouver aussi – bien qu'elle soit assez grande pour rentrer toute seule au manoir, peut-être même était-elle déjà partie fêter la mort du Seigneur des Ténèbres avec le premier garçon majeur qu'elle avait trouvé et ne rentrerait-elle pas de la nuit – et peut-être tomberait-il, par hasard, sur Severus.

Il entra dans Poudlard et commença à parcourir les couloirs méthodiquement. A un croisement, il tomba enfin sur la personne qu'il désirait le plus voir.

« Severus, justement, je te cherchais », fit-il d'un ton doucereux, le sourire trop grand pour être honnête.

— Quelle coïncidence ! » s'exclama l'intéressé, se demandant bien pourquoi Lucius se baladait dans les couloirs à cette heure alors que tout le monde était dans la grande salle, le regrettant surtout.

« Severus, je ne vais pas te tuer.

— Voilà une bonne nouvelle.

— Je vais juste te frapper et te frapper encore jusqu'à ce que tu t'agenouilles devant moi et que tu t'excuses pour le coup que tu m'as fait.

— Nous pouvons gagner du temps : je peux m'agenouiller tout de suite, cela t'évitera de te fatiguer, et moi, j'aurai moins mal. Cela me paraît un bon compromis.

— Certes, mais là, j'ai vraiment envie de te frapper. J'ai envie de passer sur toi ce qui me reste de rage. J'ai horreur qu'on se paie ma tête, Severus. »

Rogue n'était pas violent, du moins pas avec les poings. Il n'avait pas envie de se battre contre Lucius. D'ailleurs, il savait qu'il n'avait aucune chance. Aux duels de sorciers, il faisait plus que se défendre ; aux combats à mains nues, il était pathétique.

Il connaissait Lucius depuis de longues années. Il savait, malgré le ton amical de cette conversation, qu'il était très en colère contre lui. Il savait aussi à quel moment précisément Lucius ne pourrait plus se retenir de le cogner. Quand il sentit ce moment approcher, il s'enfuit à toutes jambes en bon Serpentard qu'il était. Lucius le poursuivit immédiatement. Severus se réfugia dans les cuisines. Lucius ne l'avait pas vu entrer, mais il vit la porte battre, ne se posa pas de questions et s'engouffra à l'intérieur.

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Rogue était dans une impasse. Cela avait été une très mauvaise idée d'entrer dans cette pièce. Mauvaise option, il était acculé. Lucius s'avança vers lui, l'empoigna par le col, Severus voulut se dégager, il se balança en arrière et ils dégringolèrent tous les deux dans un amas de casseroles.

Une fois la pluie de casseroles terminée, Severus s'exclama dans un langage auquel il n'avait accoutumé personne : « Tu voulais qu'on se casse la gueule, c'est fait, je crois : on s'est joliment fracassé par terre. »

La situation était rocambolesque, Lucius ne put s'empêcher d'émettre un rire inattendu, d'autant plus inattendu que ce rire n'avait rien d'un ricanement. Le maître es potions ne se sentait pas vraiment à son aise, sa tête reposait sur une casserole et il y avait un manche qui lui sciait le dos, sans compter qu'il avait tout le poids de Lucius sur lui. Malefoy était mince et son inférieur par la taille, mais il était assez musclé, et il faisait un certain poids. Enfin, l'essentiel, c'était que son envie de lui cogner dessus lui soit passée.

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Ils se regardèrent dans les yeux. Severus crut voir passer quelque chose dans les yeux de Lucius et dans la seconde qui suivit, les lèvres du blond vinrent se plaquer contre celles du brun au grand étonnement de ce dernier.

« Oh ! » cria une voix, interrompant la magie de l'instant.

Lucius releva la tête soudainement et se retrouva nez à nez avec Dobby.

« Dobby ? s'exclama-t-il avec une grimace de dégoût.

— Maî… Maître ! » balbutia craintivement Dobby ; Malefoy n'était pourtant plus son maître depuis longtemps.

Lucius se redressa brusquement, réajusta sa tenue et sa dignité, prononça un « Bonsoir Severus » assez sec et partit sans plus de cérémonie.

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Dobby contempla Severus de haut et à l'envers.

« Est-ce que le professeur Rogue va bien ? C'est la première fois que Dobby voit son ancien maître pratiquer ce sortilège, ça ne fait pas trop mal au professeur Rogue ?

— Non, Dobby, tout va bien », répondit Severus en gardant son sérieux. Il mentait, il n'allait pas tout à fait bien, ce n'était pas le dernier geste de Lucius qui était en cause mais plutôt les casseroles sur lesquelles il s'était écroulé. Il avait très mal au dos et au cou.

Il se releva, fit quelques étirements et se remémora le "sortilège" de Lucius. Non, ce n'était pas douloureux, ce n'était même pas désagréable. Au contraire, les lèvres douces, sensuelles, charnelles et parfumées – Severus leur aurait bien encore attribué quelques qualificatifs supplémentaires, mais il était à court d'inspiration – de Lucius provoquaient des sensations inattendues… pour ne pas dire très agréables.

Restait à savoir ce qui l'avait poussé à faire ça. Il y avait beaucoup de bruits qui avaient couru et qui couraient toujours sur sa sexualité. Certains disaient qu'il ne s'était marié avec Narcissa qu'afin d'éviter que son grand-père (qui avait déjà déshérité sa fille, c'est-à-dire la mère de Lucius) le renie et le raye de son héritage. On disait aussi que les seules fois où ils avaient fait l'amour, c'était uniquement lorsqu'ils essayaient de concevoir un enfant et qu'ils avaient immédiatement arrêté dès qu'ils avaient su que Narcissa était enceinte.

Ce n'est pas le cas de toutes les rumeurs, mais celles-ci disaient vrai : Narcissa et Lucius n'étaient en fait que bons amis, colocataires, et coparents d'un enfant. Lucius avait choisi Narcissa car elle était parfaite pour interpréter le rôle de sa femme. Elle était belle, intelligente, cultivée… surtout elle n'était pas comme toutes ces filles avec lesquelles son grand-père voulait le marier : ces niaises attendant le prince charmant et voulant toute une ribambelle d'enfants.

Son grand-père tenait à avoir une descendance. Plus la fille était niaise, plus il jugeait qu'elle ferait une épouse idéale (il avait très peur qu'une femme un peu trop maligne se marie avec son petit-fils uniquement pour accaparer les biens familiaux). Autant dire qu'il avait été plutôt mécontent de ce mariage. Narcissa lui déplaisait : trop intelligente et indépendante à son goût. Néanmoins, un mariage était un mariage et les rumeurs sur la sexualité de son petit-fils étant arrivées à ses oreilles, il avait été plutôt soulagé.

Pour Lucius, c'était l'idéal. Et l'arrangement qu'ils avaient conclu satisfaisait pleinement Narcissa à laquelle un enfant suffisait et qui n'avait rien contre pouvoir avoir une ribambelle d'amants. Lucius pensait la même chose que sa femme. Ils se ressemblaient.

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Severus n'aurait jamais cru qu'un homme comme Lucius Malefoy puisse avoir des vues sur lui. C'était flatteur quelque part.

Cela lui ouvrait des horizons.