Notes: Cette histoire et ces personnages ne m'appartiennent vraiment pas. Un, Harry Potter appartient bien sûr à J.K Rowling; deux, cette histoire je l'ai traduite d'une auteur américaine, Hilarity.

J'en profite pour vous expliquer le titre de cette fic. Hilarity l'a intitulée "Acquainted with the Night", en référence à un poème de Robert Frost. Une fois traduite, la référence ne tenait plus, et j'ai donc préféré la changer totalement. J'ai alors pensé à une chanson de Francis Cabrel, que vous aurez peut-être reconnue. A chaque fois que je l'entends, je ne peux pas m'empêcher de penser à la relation Harry-Sirius…

Voilà, maintenant vous savez tout. Bonne lecture !

Chapitre 1: Scones et rêveries

"The very warmth of my blood seems stolen away." - Le Retour du Roi de J.R.R Tolkien (La chaleur même de mon sang semble s'être évaporée.)

2 mai 1996

Sirius offrait son visage à la pluie glacée, désirant tout à la fois qu'elle cesse et qu'elle ne s'arrête pas. Après tout, la pluie décrivait si bien son humeur qu'il était presque réconfortant de sentir le monde pleurer avec lui. Un monde du moins: le monde qu'il ne pouvait plus supporter, le seul qu'il ait jamais connu, et pourtant, celui qu'il détestait. Il le détestait avec une telle force qu'il l'avait quitté délibérèment; le monde, lui, ne voulait pas le quitter. Le trottoir moldu qu'il suivait se couvrait gentiment de nouveaux brins d'herbe et de différentes fleurs sauvages: un avant-goût de l'été qui viendrait dans quelques mois. Des arbres depuis peu en fleurs l'entouraient, rendus visqueux par la pluie. Leurs troncs couverts de mousse étaient semblables ˆ des serpents. Des serpents: Sirius sentit un grognement s'étrangler dans sa gorge. Les serpents lui rappelaient la chute de quelqu'un qu'il aimait. Il chassa cette pensée avant qu'elle ne l'étouffe et releva la tête à temps pour apercevoir le petit café moldu qui se trouvait le long de la rue. C'était dommage, vraiment, cette manière que les rues avaient d'entrecouper les parcs, aussi calmes en apparence soient-ils. C'était la seule chose qu'il regrettait de cet autre monde: son détachement, son isolement. Pourtant, il pouvait aussi être terrifiant et étouffant de par son intensité...

Sirius posa une main pâle et froide sur la poignée en cuivre de la porte et frissonna. Azkaban, bien qu'il en soit sorti depuis trois ans (et qu'il soit libre depuis dix mois), ne l'avait pas totalement abandonné. Il avait toujours l'air terriblement ailleurs, et ses yeux ne comptaient pas plus d'étoiles qu'il y a deux ans de cela. Il ne s'était pas non plus beaucoup occupé de ses cheveux. Il aurait pu les couper à l'aide d'un sort, mais il ne le faisait pas et les laissait pousser le long de sa nuque. A cette pensée, Sirius ouvrit la porte d'un coup sec. Au moins, ils ne descendaient plus jusqu'à sa taille et n'étaient plus aussi emmêlés, même si ce n'était pas beaucoup mieux.

"A quoi bon" était l'expression qui revenait le plus souvent dans ses pensées depuis ces derniers mois. Au début, il avait une motivation, une mission. La mission était remplie, mais elle lui avait coûté trop cher. Durant son absence, celui qui comptait tellement pour lui avait disparu.

Une fois encore, Sirius mit fin à cette désagréable rêverie (foutus souvenirs !), et s'avanca jusqu'au comptoir de verre qui venait d'être nettoyé et recouvrait des étagères de pâtisseries moldues toutes fraîches. Cela, et le fait qu'il n'y avait personne d'autre dans le café, informa Sirius sur l'heure certainement encore matinale. Il grogna, passa sa main dans ses cheveux noirs dégoulinants et attendit que quelqu'un vienne le servir. Du thé et un scone. Tout simplement. Du café l'exciterait beaucoup trop, et de toute façon il ne s'y était jamais vraiment habitué. En général, les sorciers européens n'aimaient pas trop le café, même si les américains l'appréciaient.

Enfin, bien que Sirius se ficha passablement du temps que cela avait pris, une femme à l'air très fatigué et portant un tablier blanc déjà taché s'approcha du comptoir. Elle jeta un coup d'oeil surpris en direction de Sirius (ce dernier, amusé, pouffa) et se placa discrètement (ou plutôt ostensiblement) près de la caisse. Sirius, bien qu'il se savait être la dernière personne à vouloir cambrioler un café moldu un samedi à 7 heures du matin, pouffa de nouveau en pensant à la facilité avec laquelle il pourrait ouvrir cette caisse. Sa baguette, la seule chose au monde qu'il possédait et DESIRAIT, ne le quittait jamais. Une habitude qu'il avait prise au début de sa mission, et avait gardée depuis. On lui avait donné cette baguette (au désaccord total du ministère, bien sûr) avant sa libération, et on l'avait libéré à la fin de sa mission. Voldemort était mort (l'était-il ? Sirius ne s'en préoccupait pas vraiment), Pettigrew faisait partie des Mangemorts qui avaient été arrêtés, et on leur administrait du Veritaserum. C'était suffisant. Cornelius Fudge, quelle que soit la longueur de ce balai qu'il avait continuellement dans le cul, ne pouvait ignorer les faits et les preuves.

Mais il pouvait ignorer un garçon de quatorze-bientôt-quinze ans, ou l'absence de ce dernier. Marrant.

Sirius grogna de nouveau, avant de réaliser le temps qu'il prenait pour se décider.

"Du thé." Il prit un moment pour examiner les présentoirs, les néons le

faisant loucher. "Et un scone à la framboise."

La femme, paraissant visiblement soulagée du fait que Sirius n'était pas sur le point de l'assassiner (bien que, Sirius songea à nouveau, il aurait pu s'il voulait), sourit et lui demanda si c'était tout. Sirius fit signe que oui, et sortit de sa poche une poignée de dollars moldus. L'argent moldu n'était pas si difficile à gérer, et (après avoir changé la majorité des ses autres monnaies mondiales) il en avait suffisament pour un bon bout de temps. Il pensait bien ne pas pouvoir trouver un travail moldu, même s'il essayait. Que mettrait-il sur son curriculum, de toute façon ? A suivi l'école de sorcellerie Poudlard. Préfet les trois dernières années. Formé comme aurore. Ordre de Merlin, seconde classe (qu'on lui avait donné après sa mission). C'était franchement ridicule.

Ordre de Merlin, deuxième classe. Avec comme prix la perte d'un être cher. Il s'en fichait complètement. Dumbledore (et même, bien que cela lui fasse mal d'y penser, Snape) avait insisté pour la première classe, mais Fudge, toujours guidé par son balai, ne l'avait pas permis.

"Une sale histoire !", avait-il dit.

Bien que malade à chaque fois qu'il y repensait, Sirius avait donné son accord à Fudge. Il n'avait jamais protesté à voix haute, mais avait toujours donné son accord en silence. Snape avait reçu sa première classe, mais il semblait que la disparition de quelqu'un qui (bien qu'il ne l'admettrait JAMAIS, même pas maitenant) signifiait tant pour lui l'avait aussi secoué.

Retournant brusquement à la réalité et emportant son plateau vers la plus petite des tables, située dans un coin reculé du petit café, Sirius s'assit, sans aucune réelle intention de manger. Il se placa de manière à pouvoir observer la rue moldue qui passait devant le café. La route tournait en s'approchant du parc, direction le centre ville. En ce triste samedi matin, l'activité y était pourtant élevée. Un bus passa, ses deux étages passablement vides, suivi par une voiture avec un essuie-glace cassé.

Sirius se laissa fléchir par sa voix intérieure et but une gorgée de son thé. Il fit une grimace dégoûtée et réalisa qu'il n'y avait rien ajouté. Mais il était trop paresseux (ou il s'en fichait trop) pour s'en soucier, et, sans faire le moindre geste, il continua à boire, ignorant son scone.

Une mère entra dans son champ de vision, accompagnée de deux jeunes enfants. Tous deux avaient l'air très excités en attendant à l'arrêt du bus. Sirius se prit à plaindre cette petite famille, car le bus venait de passer. La mère semblait l'avoir remarqué, elle paraissait très énervée et gifla le petit garçon. Un client ayant ouvert la porte et laissé entrer un courant d'air froid, Sirius put entendre ce qu'elle disait.

"... ça suffit, Harry !", cria la femme.

L'estomac de Sirius se serra et il sentit ses yeux le brûler. Il avait tellement voulu oublier ce prénom. Il repoussa la tasse et la sous-tasse et mit sa tête entre ses mains. Cela faisait si mal de se souvenir, et pourtant il ne voulait jamais oublier. Mais l'oubli paraissait aussi douloureux que le souvenir, et les deux mettaient ses émotions en lambeaux. Rien n'était plus juste.

Sirius releva la tête et regarda sa montre. Il était huit heures et demi. Il fut soulagé qu'il ne soit pas réellement sept heures, bien qu'il ait très bien pu ressasser des souvenirs pénibles durant cette dernière heure sans même s'en rendre compte. Mais il se rendait toujours compte de ces souvenirs. C'était les pires. Ceux qu'il voulait oublier, et qu'il voulait garder tout à la fois.

Une main sur son épaule forca Sirius à se reprendre. Il leva les yeux, étonné, et rencontra le visage inquiet d'un homme âgé.

"Vous allez bien, monsieur ?", lui demanda l'homme.

Sirius fit un effort sur lui-même pour sourire, et espéra qu'il avait réussi. Il se sentait paralysé.

"Tout va bien." Sirius tressaillit au son de sa propre voix. Il ne l'utilisait plus que rarement.

Cela semblait suffir à l'homme, qui s'assit à une table derrière Sirius et commenca à grignoter une autre sorte de scone.

Le scone. Sirius baissa les yeux vers l'innocente pâtisserie, et ses framboises presque toutes dissimulées dans la pâte dorée. Il n'avait vraiment pas très faim, après tout. Il n'avait pas beaucoup mangé durant cette dernière année d'ailleurs. Bien sûr, sa cuisine en était peut-être en partie responsable. Même la magie ne pouvait aider ceux qui n'ont aucun talent culinaire à la base.

Sirius soupira, se leva de la petite table métallique, oubliant la tasse vide et le scone, et rentra la tête la première dans quelqu'un. Un quelqu'un qui était très grand et très maigre. Sirius recula précipitamment, bafouillant des excuses, mais lorsqu'il vit de qui il s'agissait il se paralysa à nouveau, la bouche ouverte.

"Remus !", murmura Sirius, comme s'il essayait de se convaincre lui-même que c'était vrai. Remus Lupin, qui se remettait encore du choc, sourit avec lassitude, et ajusta son manteau.

Toutes sortes d'émotions traversaient l'esprit de Sirius comme il regardait son ami. Bien sûr, il voyait Remus environ deux fois par mois (et quelquefois lorsque ce n'était pas ce Remus du tout), mais à chaque rencontre il avait l'impression de le voir pour la première fois.

Remus sourit à nouveau, mais son sourire était moins jovial, et il semblait remarquer que Sirius n'y répondait pas aussi chaleureusement qu'il l'avait espéré.

"Salut Sirius", dit Remus.

"Remus", recommenca Sirius. "Que... ? Comment... ?"

Remus leva la main, et fit asseoir Sirius dans la chaise métallique qu'il venait de quitter.

"Avant que tu finisses de me poser tes questions, est-ce que je peux t'en poser une ?", demanda Remus de sa voix très calme de professeur.

Sirius sourit faiblement à cet essai flagrant de détendre l'atmosphère, et fit signe que oui.

"Est-ce que tu vas le manger, ou je peux l'avoir ?", demanda Remus en montrant le scone.

Sirius fit signe que oui, toujours trop paralysé pour formuler des phrases complètes et compréhensibles.

Remus s'empara du scone, puis fit signe à Sirius qu'il pouvait continuer.

"Tu es... ?"

"Un loup-garou", interrompit Remus, paraissant toujours très amusé.

Sirius fronça les sourcils d'un drôle d'air, et croisa les bras. "Tu sais ce que je veux dire."

Ah, il pouvait enfin parler.

"Qu'est-ce que tu fais ici ?", demanda Sirius en se penchant en avant.

Remus, mordillant son scone, leva un sourcil en regardant Sirius. "En fait, je n'avais pas compris que tu étais ici", répondit-il.

"Ce n'est pas ce que je t'ai demandé." Ou si ?, Sirius n'était plus sûr de ce qu'il voulait demander à Remus, mais c'était moins "Que fais-tu ici ?" que "Pourquoi tu as besoin de venir me surveiller ? J'suis pas un gamin, merde !".

"Je sais", dit Remus. Sirius eut l'impression d'être un livre ouvert. Malheureusement, ce n'était pas un livre de la Réserve. Trop de gens pouvaient lire en lui. D'abord, un vieil étranger, et maintenant, son meilleur ami.

Soudain, Remus eut l'air dégrisé. Il prit un air sérieux, posa la pâtisserie, regardant attentivement Sirius. Ce regard mettait Sirius mal à l'aise, et il tourna les yeux vers la femme et ses deux enfants. Ce garçon aux cheveux blonds s'appelait... Harry. Y penser faisait mal, donc il n'avait pas d'autre choix que de retourner au regard attentif de son ami-professeur.

"Sirius, je m'inquiète pour toi." Sirius grogna comme Remus commençait ce qu'il était persuadé être un long discours sur la nécessité de ne pas succomber aux ténèbres. Ou à la folie.

"Ne me dis pas que tout va bien, je vois que ce n'est pas le cas. Regarde-toi: tu es plus maigre que moi, et c'est moi qui suis atteint de lycanthropie !" Sirius se renfrogna à nouveau alors que Remus continuait.

"Venu pour me faire la leçon, hein, Professeur ?", grogna Sirius. Remus le regarda fixement. "Et bien arrête, parce que je ne suis pas d'humeur", conclut-il. Il voulait en dire plus, mais sa voix tremblait. Il n'avait pas réalisé qu'il était si accablé.

"Tu ne m'écouteras jamais à moins d'y être obligé." Remus avait raison. Le loup-garou réfléchissait apparemment toujours sur le mode professeur.

Le silence qui suivit donna à Remus l'opportunité de continuer, ce qu'il fit:

"Ressasser le passé ne va aider personne, et surtout pas toi." Il leva un sourcil comme s'il s'attendait à ce que Sirius riposte, mais tout ce qu'il fit, fut de regarder en direction de la fenêtre. Remus continua:

"Tu dois essayer de lâcher prise. Ta conduite est totalement inacceptable, Sirius. Je me rappelle de la dernière fois où tu as rendu visite à Ron et Hermione, par exemple."

Sirius croisa les bras et soupira profondèment. Il savait qu'il n'allait pas apprécier cette conversation, mais maintenant il en était sûr.

"Tu t'es complètement effrondé face à eux, au moment où Ron t'a montré sa chambre. Il t'a montré la cage d'Hedwige, t'a montré son Eclair de Feu. Tu as rendu Molly hystérique, si je me rappelle bien." Il mordit pensivement dans le scone, regardant attentivement Sirius et attendant sa réponse à ce souvenir désagréable.

Oui, pensa Sirius. C'était la dernière fois qu'il avait vu Ron et Hermione. Ce n'était pas parce qu'il avait honte de se retrouver face à eux après sa crise; c'était parce qu'il y avait une partie de... Lui... qui flottait autour d'eux comme une épaisse fumée. Ils étaient les plus grands rappels de ce que Sirius avait perdu, et il ne désirait pas franchement avoir à affronter une douleur pareille jour après jour. Il leur écrivait de temps en temps, mais la première fois qu'il l'avait fait, Ron avait renvoyé Hedwige... Une décision bien peu judicieuse.

"Ecoute." Remus avait l'air fatigué, aussi fatigué que Sirius de cette conversation à sens unique. "Si tu acceptes, je voudrais bien te faire à

manger. Je voudrais te voir manger. Tu es aussi décharné qu'Harry...", la

voix de Remus s'éteignit. C'était stupide, totalement stupide. Il retint sa

langue, attendant le contrecoup, mais il n'en vint aucun. Sirius s'enfonca seulement plus profondèment dans sa chaise froide et métallique.

Mentalement, Remus soupira de soulagement. La dernière fois qu'il avait

prononcé ce nom, Sirius l'avait gifflé. Bien sûr, tous deux s'étaient senti

aussi responsables l'un que l'autre, et Sirius avait fini par regretter son

geste, mais ces sortes d'éclats étaient incontrôllables.

Après un long silence, durant lequel Sirius regarda la petite famille monter dans le bus qui venait d'arriver, il y eut un bruit, et Sirius sortit de son état semi-comateux.

"Si tu insistes, mon pote", dit-il avec un sourire forcé qui alluma à peine ses yeux bleus pâles et creux. Remus sourit en retour, mais ce n'était guère mieux.

"Oui, j'insiste."