'Cause it's a bittersweet symphony, this life.

"Bittersweet Symphony", The Verve

Epilogue

« Je peux m'asseoir ? », demanda Remus à Harry en indiquant le sol devant le miroir.

L'adolescent hocha la tête. « Bien sûr. »

Moony se laissa glisser par terre et tapota le parquet à côté de lui, invitant Harry à faire de même. Celui-ci s'exécuta.

En face d'eux, James et Sirius étaient également assis en tailleur sur le sol. Remus et Harry se contentèrent de les observer quelques minutes en silence.

« Bon, je ne tiens plus », s'exclama soudain Moony. « Harry, peux-tu m'expliquer quel est le secret de ce miroir ? »

L'adolescent éclata de rire avant de répondre : « C'est le miroir du Rised. En première année, je suis tombé dessus par hasard en explorant le château sous la cape d'invisibilité. A l'époque, il me montrait… mon père et ma mère. Dumbledore m'a expliqué qu'il reflétait les désirs les plus profonds de celui qui s'y regardait. »

« Et… c'est lui que tu cherchais ici ? », se risqua Remus.

Harry répondit tout en fixant ses mains posées sur ses genoux. « Non. Je croyais qu'il avait disparu de l'Ecole après avoir servi à protéger la pierre philosophale. C'est juste que… je n'avais pas envie de rester dans mon dortoir. De toute façon, je n'arrive pas à dormir. Alors j'ai pensé à cette pièce et - Je ne sais pas vraiment ce que j'y cherchais, en fait. En tout cas, le miroir est tout ce qu'elle contient depuis ma sortie de –« Harry s'interrompit soudain, jetant un coup d'œil inquiet à Remus.

Celui-ci le rassura : « Je suis au courant, Harry. Je suis allé saluer Madame Pomfrey en arrivant. » Après une hésitation, il ajouta : « Par ailleurs, tu n'as pas de compte à me rendre… »

Comme Harry évitait toujours son regard, Remus le força gentiment à lever la tête. « Hé ! Tu n'as pas de compte à me rendre, je te dis. Il n'empêche que… Pronglet, qu'est-ce qui ne va pas ? »

Harry secoua la tête. « Rien. » Voyant l'expression de Remus, il insista : « Non, vraiment, rien. Rien de précis. Rien qui vaille la peine que je vous ennuie avec mes histoires, en tout cas. »

Bougre d'abruti. « Harold – James – Potter. Ecoute bien ce que je vais te dire, car c'est la dernière fois que tu l'entendras. » Il se tut un instant avant de reprendre : « Sais-tu ce dont je me réjouis à chaque fois que je rentre à Grimmauld Place ? Ce n'est pas de retrouver ce charmant intérieur, tu t'en doutes. Ce n'est pas non plus de revoir ses occupants. De toute manière, j'ai l'impression d'être plus seul en leur compagnie que je lorsque je le suis réellement. » Remus crut alors voir Harry prêt à l'interrompre, mais celui-ci se ravisa. Tiens, tiens. Il poursuivit comme si de rien n'était. « Ce n'est même pas la perspective de pouvoir me reposer ou de profiter d'un vrai lit. Non. C'est l'idée que, peut-être, j'aurai reçu une lettre de ta part pendant mon absence. »

Cette fois, Harry releva brusquement la tête et ouvrit la bouche, mais Remus ne le laissa pas parler. « Oui, Harry. Ce sont tes messages qui me font supporter ce manoir sinistre, les visites de Snivellus, l'absence de Sirius, les rencontres avec mes pauvres semblables… Et à chaque fois, Pronglet, à chaque fois, j'éprouve le même étonnement et la même joie à te lire. Etonnement, car je ne comprends toujours pas quel intérêt tu peux bien trouver à m'écrire ; joie, car tu ne pourras jamais imaginer à quel point tes lettres me donnent l'impression d'être encore utile à quelque chose et… potentiellement… important pour quelqu'un. » Eh bien. C'est moi qui viens de lui faire cette déclaration ?! Je ne me reconnais presque pas.

Après un bref silence, Harry murmura : « Ce n'est pas qu'une impression, Remus. Justement. Je vous dois déjà tellement… je ne voudrais pas abuser. Sans parler du fait que vous avez suffisamment de soucis comme cela de votre côté. »

Remus le coupa presque : « Peut-être que je ne te l'ai jamais assez dit ou montré, Harry, mais –« Allez, Moony, tu as fait la moitié du chemin. Tu n'en mourras pas. « Je 'tiens' à toi. » Je rêve où il vient de rougir ? Enfin… il n'est pas impossible que je sois dans le même cas. « Certes, je ne me considère pas comme un spécialiste en la matière, mais l'amitié, à mon sens, c'est l'art d'être présent pour l'autre lors des moments difficiles. Tu ne crois pas ? »

Harry finit par hocher la tête. « Je pense que vous avez raison, oui. Notez, je ne me considère pas non plus comme un expert », ajouta-t-il avec un petit sourire.

Mû par une brusque impulsion, Remus profita du silence qui suivit : « Harry ? J'aurais un service à te demander… »

Etonné, l'adolescent adressa un regard interrogateur à son ancien professeur. « Oui ? »

Merlin. Aurais-je brusquement le trac ? Ridicule, je suis ridicule. « Je sais que tu fais déjà l'effort de m'appeler par mon prénom, mais… cela me ferait extrêmement plaisir que tu acceptes de me tutoyer. Je ne suis plus ton professeur, après tout. Si tu continues à me vouvoyer, il faudra que je te retourne la pareille. Et tu veux que je te dise ? Si tu me tutoyais, j'aurais moins l'impression d'être un vieux décati… »

Harry acquiesça. « Je crois que je vais pouvoir faire cet effort. » Puis, avec un sourire narquois : « Décati, hein ? Vous avez entendu ça, les gars ? »

Ce ne fut qu'à ce moment que Remus se rappela la « présence » de ses deux amis. Il se tourna alors vers le miroir pour les apercevoir en train de se pousser à nouveau du coude en le regardant. Après un bref sourire dans leur direction, il revint à Harry. « Alors, Pronglet, tu n'es toujours par décidé à me dire ce qui se passe là-dedans ? », insista-t-il en tapotant du doigt la tempe droite de l'adolescent.

Celui-ci fit la moue. « J'aurais dû me douter que vous – tu ne lâcherais pas si facilement le morceau. » Il se tut un instant, tournant les yeux vers son père et son parrain. « D'accord. Mais je vous préviens, c'est plutôt bête. » Après une inspiration, il poursuivit : « Pourtant, je me réjouissais de retrouver Poudlard. Mais depuis que je suis ici, je repense sans cesse à l'année dernière. Ce que j'ai fait ou dit qu'il n'aurait pas fallu faire ou dire ; ce que je n'ai pas fait ou dit qu'il aurait fallu faire ou dire. Enfin vous voyez – tu vois ce que je veux dire, je suppose. J'ai beaucoup de peine à me concentrer en cours. Ça peut aller tant que j'ai la perspective de pouvoir m'échapper cinq minutes, prendre l'air, ou me retrouver seul un moment. En fait, le pire c'est le soir, lorsque je vais me coucher. Je déteste me retrouver enfermé dans ce dortoir, au milieu de tous ces gens, je déteste devoir faire semblant. Et toutes ces pensées qui tournent dans ma tête m'empêchent de m'endormir. Note, de toute façon, j'ai trop peur de faire un cauchemar ou de… me retrouver à nouveau dans l'esprit de Voldemort. »

Harry avait parlé d'une seule traite. Remus avait constaté avec étonnement qu'il n'avait jamais baissé la tête ni détourné les yeux. Il semblait vouloir être parfaitement franc et ne rien vouloir lui cacher.

« Et dire que je ne voulais rien te dire… Mais tu vois que je n'ai pas menti : rien de bien neuf là-dedans », termina Harry avec un rire désabusé.

Remus ne put que lui sourire tristement. « Effectivement. Mais cela ne change rien à la question. Tu ne devrais pas garder tout cela pour toi. Ne fais pas comme moi, Harry. » Celui-ci lui jeta un nouveau regard étonné. « Ne t'isole pas. Tu as des amis, n'oublie pas. »

Apercevant le presque imperceptible haussement d'épaules de Harry à ses derniers mots, Remus se décida à lui poser une autre question :

« Dis-moi… Je comprends parfaitement que tu puisses te sentir à l'écart des autres, et incompris. Néanmoins… Ron et Hermione ? »

L'adolescent baissa les yeux. Il semblerait que j'aie touché le point sensible…

« Ron et Hermione, justement. Ils sont toujours là, bien sûr. Et c'est eux qui me comprennent encore le mieux. Mais ces derniers temps, je ne peux pas m'empêcher de me sentir comme… la cinquième roue du carosse, en leur compagnie. »

Harry se mordit les lèvres d'un air coupable. Remus lui sourit.

« Tu sais quoi ? »

Harry releva les yeux.

« Tu me rappelles Sirius. »

L'adolescent haussa les sourcils.

« Parfaitement. Sirius, quand ton père et ta mère ont commencé… à se rapprocher. Au départ, il s'est même montré franchement désagréable envers Lily. Mais en voyant que c'était sérieux… il s'est simplement… retiré. »

Remus se tut un instant. Et c'est de là que date ma complicité avec Padfoot.

« Remus ? » Harry cherchait à regagner son attention.

« Oui ? »

« Et toi, tu l'as pris comment ? »

Moi ? Moi, j'étais heureux que Sirius se confie à moi. En fait, c'est avant que j'avais l'impression que Peter et moi n'étions que des satellites. Mais je peux difficilement lui dire cela.

« Moi ? J'étais moins proche de James que Sirius. Et j'ai toujours beaucoup apprécié ta mère… »

Harry hocha la tête, pensif.

Remus hésita un instant avant de reprendre la parole. Sirius aurait été bien mieux placé que moi pour aborder ce genre de sujets, mais bon, comme il nous a fait faux bond…

Il se racla la gorge. « Et toi ? Tu n'as pas – «

Remus ne put s'empêcher de regarder le miroir du coin de l'œil. Sirius lui souriait d'un air goguenard, tandis que James feignait de prendre un air outré. C'est ça, fichez-vous de moi. Je voudrais bien vous voir à ma place.

Reportant son attention sur Harry, il remarqua que ce dernier avait légèrement rougi. Il se mordit les lèvres pour ne pas sourire.

Harry finit par réagir : « Moi ? » Et avec une imperceptible hésitation : « Non. »

Moony se tourna alors carrément vers le miroir. « Non ?! Vous le croyez, vous ? »

Harry sursauta à ce brusque rappel de la présence de son père et de son parrain. Remus aurait pu jurer que l'adolescent avait encore rougi. Dans le miroir, Sirius et James avaient retrouvé leur sérieux.

« Alors, Sirius, qu'est-ce que tu es allé inventer ? »

Harry fronça les sourcils. « Hein ?! Sirius ? Mais qu'est-ce qu'il t'a - ? »

Devant l'air de reproche de son filleul, Sirius fusilla Remus du regard. Ahah. A mon tour de vous mettre mal à l'aise.

« Sirius croyait avoir remarqué que tu t'intéressais d'assez près à une Serdaigle, si ma mémoire est bonne, qui jouait au Quiddich. » Ayant été professeur à Poudlard, Remus savait pertinemment de quelle élève il était question. Mais je préfère ne pas attaquer trop… frontalement.

Il fut alors surpris de voir distinctement l'adolescent serrer les dents. Je dois avouer que je ne m'attendais pas vraiment à cette réaction. Soudain, le visage de Harry se détendit.

« Il avait remarqué ça ? » Il sourit. « C'est marrant… J'ai failli lui en parler… » Perdu dans ses souvenirs, l'adolescent se tut un instant. Remus ne le pressa pas.

Puis Harry secoua la tête. « Non, elle, c'est – En fait, elle n'a jamais rien compris. »

Il avait gardé les yeux baissés. Remus risqua un nouveau regard vers le miroir. James fronçait les sourcils. Bien sûr, il ne pouvait pas savoir de qui ils parlaient. Sirius, quant à lui, ne plaisantait plus. Il lança un coup d'oeil désolé à Remus. Qui, lui, aurait pu jurer qu'il y avait quelqu'un d'autre. Un quelqu'un d'autre qui ressemble étrangement à Lily. Malheureusement, il n'eut pas le temps d'approfondir la question.

Harry relevait les yeux. Soudain, il demanda : « Et… toi ? »

Pris au dépourvu, Remus balbutia : « M-moi ? » Cette fois, il n'eut pas besoin de se retourner pour savoir que James et Sirius devaient avoir repris leur sourire moqueur. A mon tour de rougir. Enfin, je suppose que c'est le principe de l'arroseur arrosé, n'est-ce pas ?

« Moi ? », reprit-il toutefois. « J'avoue que j'ai toujours laissé ça à James et Sirius » C'est ça, Remus. Tu espères t'en tirer par une pirouette ? Quand il osa regarder Harry, il put constater que celui-ci n'était effectivement pas dupe. Remus ne put s'empêcher de sourire. Allez, Moony. Tu ne vas quand même pas te laisser impressionner par ces deux crâneurs, non ? Mais c'est surtout le manque d'insistance de l'adolescent qui l'encouragea à poursuivre : « Il y a eu quelqu'un. Mais diverses circonstances ont fait que – que je n'ai pas grand-chose à te raconter. »

Harry se contentait de l'observer. Même Sirius et James ne songeaient apparemment pas à rire. « De toute façon, ma condition ne m'a jamais franchement prédestiné aux joies familiales », conclut-il. Il sourit pour atténuer le défaitisme de ses paroles.

« C'est dommage », déclara Harry en le regardant droit dans les yeux. « Parce que tu aurais fait un très bon père. »

Oh Merlin.

Remus ouvrit la bouche, mais fut incapable de prononcer un mot. La respiration coupée, il ne pouvait s'empêcher d'être gêné de ce compliment reçu devant James et Sirius. Il avait l'impression de leur voler quelque chose.

Oh Merlin. Moony, réagis. Tu es censé répondre quelque chose. Allez.

Finalement, c'est Harry qui le sortit d'embarras en interpellant son père et son parrain : « Vous ne trouvez pas, vous ? »

Oh Merlin.

Se tournant presque timidement vers le miroir, Remus put alors voir que James lui souriait chaleureusement et que Sirius lui faisait même le signe de la victoire.

Merci, les gars.

Se secouant enfin, il tendit le bras pour ébouriffer les cheveux de Harry. « Si c'est toi qui le dis, je te crois », affirma-t-il avec un clin d'œil. Puis, changeant brusquement de sujet, il lança : « Ce n'est pas tout cela, mais j'ai une proposition – des plus inconvenantes, je te préviens – à te faire. »

A sa grande joie, il vit que Harry prenait déjà… un air de Maraudeur, c'est ça, un air de Maraudeur. Il poursuivit donc : « Je pensais profiter de la sortie d'Halloween pour enfin révéler à Fred et George l'identité des Maraudeurs. Qu'en penses-tu ? » Et, encouragé par le sourire qu'affichait Pronglet, il se mit à exposer son plan…

MEFAIT ACCOMPLI ! (enfin et pour de bon)

P.S. : Aux lecteurs qui ont eu la patience de suivre cette histoire jusqu'au bout, et cela malgré les nombreuses interruptions qu'a connues sa publication : MERCI. Je me suis bien amusée à l'écrire, même si l'inspiration m'a fait faux bond sur la fin. Sans oublier que cette fic m'aura permis de rencontrer certaines personnes qui, j'en suis sûre, se reconnaîtront. ;-)