Poupée de sang

Par Tsubaki Hime

Et voilà l'épilogue. Enfin !! soupir de soulagement Elle m'aura donné du mal cette fic mais j'aurai eu ce que je voulais (ou presque mais ça se finit comme mon cerveau et mon imagination le désirait). Un mot pour toutes les reviews qu'on m'a envoyées : merci beaucoup, très sincèrement. Car Yami no Matsuei est ma toute première fic publiée, ben oui et des gens la trouvent bien. Que demander de plus ? Cela ne me donne qu'une envie : continuer et continuer pour vous. Merci, merci encore…

Note: le passage en italique correspond à un flash-back (on s'en serait douté, tiens...)

Le fin mot de l'histoire et toutes les zones d'ombres éclaircies (j'espère…)

Epilogue

- ABRUTI D'IDIOT DE STUPIDE D'IMBECILE DE FONCTIONNAIRE FUMISTE QUI NE PENSE JAMAIS AUX AUTRES!!!!!!

La porte du bureau du chef du service des Assignations, à l'Enma-Cho, bien que fermée, trembla sur ses gonds si fort qu'un scientifique au visage presque couvert de pansements n'eut qu'une demi-seconde pour rattraper le plateau débordant de gâteaux qu'il tenait en main, complètement soufflé par l'ampleur du cri de son patron. Il était vraiment en pétard cette fois. Il y avait que quoi en plus.

Respirant calmement, le Shinigami aux cheveux blonds frappa à la porte avant d'entrer.

- Mr Konoé, voici l'encas que…

- TSUZUKIIIIIIII!!!! MAIS QUE FAIT UN PARESSEUX COMME TOI A MON SERVICE, NOM D'UN CHIEN!!

- AAAH!!!

Watari fut renversé sous le choc, emportant avec lui le plateau qui cette fois lui échappa des mains. Maudissant intérieurement son patron, il se surprit à prendre en pitié l'homme aux yeux d'améthystes s'inclinant et se confondant en excuses lamentables, comme un gamin qui venait de casser un verre. Il n'en ratait pas une.

Konoé se rassit avec tant de brutalité dans son fauteuil que ce dernier faillit se briser. Son visage plissé par la fatigue était devenu si rouge qu'on aurait pu y faire bouillir l'eau pour le thé. Ses mains recommencèrent à bouger rageusement, comme si elles voulaient passer autour du cou du Shinigami d'apparence de vingt-six ans. A ses côtés, le secrétaire demeurait inébranlable. Il avait toujours cet air sérieux bien que difficile à apercevoir ces derniers temps car un large bandage lui barrait la joue et le front. Le fonctionnaire réprimandé avait eu un peu de chance, son visage avait vite cicatrisé.

- Tsuzuki, continua le patron, furieux. Mais est-ce qu'il t'arrive de faire fonctionner le machin dans ton crâne qu'on nomme le cerveau!! Bon Dieu, vous avez détruit un bâtiment entier!! Qui ne nous appartenait pas!! L'architecture a été basée sur des milliards de yens et toi, comme un abruti que tu es, tu l'as incendié!!

- Mais… patron, bégaya Tsuzuki, tout sourire. Ce n'est que le mauvais côté des choses et prenons-les du bon, cette fois… Hahaha… On a retrouvé le criminel, sous un certain point, non? L'enquête a été résolue, n'est-ce pas? Et hem… Ca mérite bien une petite prime… hein, Mr Konoé et Tatsumi.

Le regard que lui lancèrent les deux hommes aurait suffit à assombrir tout Meifu. Tsuzuki se sentit encore plus diminué qu'il ne l'était, marmonnant encore des excuses à n'en plus finir.

- PAS. DE. PRIME!! Lâcha le patron en détachant les syllabes, comme si Tsuzuki n'avait que deux ans d'âge mental. Et ce de toute l'année!

Tatsumi raya une feuille déjà bien barbouillée de refus, lançant au passage un de ses regards terrifiants dont il avait le secret. Le Shinigami aux yeux d'améthystes aurait voulu disparaître dans un trou de souris.

« Irrécupérable… », pensa Konoé.

Il détendit ses muscles en s'avachant dans son fauteuil en cuir.

- L'affaire n'a pas été des plus faciles à résoudre. Concernant Kagura, les juges ont tranché: il est le coupable. Donc, son âme devrait être envoyée en Enfer.

Tsuzuki tressaillit.

- Mais… Il n'y a pas une autre solution?! Kagura n'a fait que tuer sous l'influence de Muraki qui est le véritable coupable.

Konoé secoua la tête, pensif. La ride au coin de sa bouche s'intensifia par une grimace de dégoût et de tristesse.

- Laisse-moi finir, Tsuzuki. Il se trouve que tu ne connais pas toute l'histoire. Rends-toi un peu compte: l'affaire a été amenée au Tribunal Suprême. Le Tribunal Suprême est le Conseil le plus important de tout le Juo-Cho. Le roi Enma lui-même était présent.

Tsuzuki eut un petit signe de tête. L'affaire avait été salement complexe pour être traînée devant le Tribunal Suprême. Le Shinigami se mordit la lèvre, sentant comme une nausée l'envahir. Combien de fois lui-même avait dû passer devant ce fichu Tribunal? Un nombre incalculable malheureusement…

Konoé ferma les yeux quelques secondes avant de les rouvrir, vagues et fatigués.

- Je vais tout te dire, Tsuzuki…


- Majesté! L'affaire est pourtant des plus banales! Ce meurtrier n'a pas le droit d'aller au Paradis en attendant une réincarnation!! Son âme est pécheresse, il doit aller en Enfer!!

- Non, Majesté, rétorqua violemment Konoé, furieux d'un tel jugement. Comprenez bien que ce garçon n'avait été que le bouc émissaire d'un plan tordu… de… de cet humain maléfique.

Le brouhaha furieux des Juges du Tribunal lui répondit dans un vague galimatias qu'il n'en était pas question et que l'affaire n'avait pas à prendre de telles envergures.

Le patron du service des Assignations crispa ses mains sur la table où tous les juges étaient réunis. Les toisant d'un air digne, le roi Enma ne disait mot, comme un spectateur devant une scène de théâtre particulièrement intéressante.

BLAM!!

Konoé frappa violemment le bois verni d'un geste large du poing. La frustration et la colère battaient en lui comme deux tambours.

- Majesté, s'adressa-t-il au roi implacable, assis sur son trône derrière le rideau transparent d'un voile. Cet humain, Kagura Tatsuhiko a tué de sang-froid, ça je le reconnais parfaitement. Mais il l'a fait contre son gré.

- Ah oui, fit un des juges dans un rictus sardonique. Aurais-tu oublié que cet humain avait tué ses propres parents et un de ses camarades? Ta mémoire flanche un peu, Konoé.

- Nous ne devons pas nous faire avoir encore une fois!! Trépigna un autre juge, le visage si ridé qu'on aurait dit un vieux bout de parchemin tout fripé. Konoé, tu nous as déjà eu avec l'affaire du démon Sargatanas et ton cher Tsuzuki. Et tu voudrais que le Tribunal reste clément face à ce tueur?! Quatre victimes tuées impitoyablement!! Cela a failli dérégler les trois-quarts de l'administration du Juo-Cho! Un tueur!! Un simple tueur qui ne mérite que la peine capitale!

- SILENCE!!

La voix du roi tonna dans l'air, stoppant toutes les effusions de propos outrés et courroucés. Konoé, devenu d'un pâle inquiétant, se tourna vers le roi majestueux, posant son regard limpide de sagesse sur le Tribunal. Pas un mot ne vint troubler le silence avant que Enma ne prenne la parole.

- Il est vrai que d'un certain point, le dénommé Kagura Tatsuhiko, mort il y a maintenant trois jours sur Terre, a bouleversé une partie du Juo-Cho. Les autres rois ont été assez troublés de ce dérèglement. Konoé, sur ce point, je serai inflexible: cet humain est l'assassin de tous ces meurtres, de son plein gré ou non.

- Mais Majesté,! S'écria Konoé, outré, se relevant brusquement.

Le roi leva une main, signe pour l' homme d'environ cinquante ans d'apparence de se rasseoir et d'écouter la suite.

- Toutefois, continua Enma d'une voix profonde. Je n'irai pas jusqu'à la peine capitale. Cela serait bien trop injuste et je risquerais de me faire mal voir des autres rois du Juo-Cho. Je propose une seconde solution… L'épreuve de sentiments.

Les juges se figèrent, abasourdis. C'était impossible, le Roi Enma ne pouvait pas dire une telle chose…

- Majesté! S'offusqua un des juges, ulcéré d'un tel choix. L'é… L'épreuve des sentiments?! Vous n'allez quand même pas…

La colère lui coupait le souffle. Le Roi, sous son masque magnifique, laissa échapper un sourire amusé.

- Si, mon cher Fukoka… Ce jeune homme passera l'épreuve de sentiments pour devenir un Shinigami.

Il parcourut de son regard divin tous les visages blancs, figés d'horreur des juges et s'amusa du regard ébahi de Konoé, la bouche entrouverte comme un poisson hors de l'eau.

- Le Conseil s'achève sur ce point, déclara Enma. Les juges peuvent se retirer.

Dans un craquement sonore de chaises et de bougonnements à peine dissimulés, les hommes responsables des affaires complexes partirent. Seul Konoé resta, debout face au roi qui, souriant toujours derrière son masque, l'avait vu venir.

- Y a-t-il un problème, mon cher Konoé? Demanda-t-il poliment. Je pensais que mon choix te serait le bon.

- Le fait de ne pas envoyer Kagura à la porte des Enfers est une bonne chose, je le reconnais, répondit le patron du service des Assignations. Mais ce que je comprends pas, c'est…

- Que je lui laisse une chance de devenir Shinigami, c'est bien cela?

- Je… Oui…

Un rire très doux perça le masque de pierreries du roi.

- Ce garçon est la parfaite réplique de Tsuzuki, autant sur le point moral que physique. De plus, je dois avouer que son pouvoir est d'une force rarissime. Haha… il serait fort dommage de laisser un tel avantage disparaître. Voilà pourquoi. Konoé, je te laisse carte blanche pour le reste, comme d'habitude. Tu peux partir.

- Bi… Bien, murmura Konoé avant de se retirer d'un pas rapide.

Lorsque la lourde porte se referma sur lui, le roi eut un bref soupir. Un serviteur, le visage masqué par une impressionnante tête d'oiseau doré, s'approcha de lui.

- Majesté, est-ce vraiment prudent de prendre un… deuxième garçon de ce genre? Vous savez bien que cela est comme de mettre de l'huile sur le feu.

Le roi rit.

- Je ne fais que ça, Haïku. Chaque seconde qui passe, le feu prêt à devenir incendie est nourri d'huile. Mais qu'en dis-tu, mon cher? Deux diables à mon service… Deux démons qui un jour ou l'autre, feront effondrer ce monde plein de faux-semblants. Cela sera sûrement passionnant, très passionnant.

« Noir et Améthyste… Deux meurtriers… Lequel allait devenir la bête noire du Juo-Cho en premier? »


Konoé eut un soupir, attendant la réaction de Tsuzuki à son récit. Le visage du Shinigami était figé dans un abasourdissement profond, ses prunelles mauves écarquillées de stupeur. Le patron joignit ses mains sur son bureau en jetant un coup d'œil à Tatsumi qui hocha la tête avant de poursuivre d'une voix profonde.

- Il se trouve que Kawashi était parfaitement au courant du réseau de prostitution qu'avait organisé Migamôto. Mlle Enzô et Mr Wabashi étaient ce qu'on appelle des colporteurs. Tous deux gagnaient un pourcentage sur le virement de l'argent du compte de Migamôto. En échange de quoi, ils ramenaient des pensionnaires à faire quelques photos pour le site et les contacts avant de les forcer à aller plus loin, sous peine d'être envoyé en maison de correction. Le pensionnaire retrouvé mort, Kentarô Shinayama était un des élèves prostitués qui à l'ordre de Migamôto ramenait d'autres garçons.

- Et Kawashi n'a rien fait?! S'exclama Tsuzuki, écœuré.

- C'est plus compliqué que ça. Kawashi avait essayé par plusieurs moyens d'avertir la police de la ville mais on a découvert que Migamôto avait fait participer certains des policiers ainsi que le commissaire à certaines soirées avec quelques garçons. Impossible donc pour lui de demander de l'aide. Migamôto l'a menacé de le faire éliminer s'il n'en soufflait ne serait-ce qu'un mot à un député de Kyushu. Enzô et Wabashi avaient tenté de le faire céder et d'aider le réseau à se développer tandis que Shinayama lui envoyait par des lettres soi-disantes anonymes les photos de ses élèves lors des soirées organisées. Kawashi était complètement pris au piège mais…

- Kagura a été informé, finit Tsuzuki, le visage impassible mais sentant la nausée remonter jusqu'à sa gorge. Et pour protéger Kawashi, il a tué Wabashi, puis Enzô, Migamôto et enfin Shinayama. Au fond… Muraki n'avait fait qu'accentuer sur les meurtres en aidant Kagura à son insu.

« Kagura… Tu as été refusé du Paradis pour ces meurtres… Tout ça pour Kawashi… »

Tatsumi soupira faiblement.

- Kagura passera l'épreuve des sentiments dans quelques temps. Pour l'instant, son âme repose toujours au foyer temporaire. Mais il n'est pas certain qu'il réussisse.

Tsuzuki s'assit pesamment, les bras croisés sur son torse. Son regard était perdu dans le vague.

- Je pense qu'il passera l'épreuve… Il la passera pour une seule raison.

Les deux hommes ne demandèrent pas pourquoi. Cela était bien évident.

- Oh fait, où est Hisoka? Demanda Tsuzuki après un silence.

Tatsumi lui lança un regard triste.

- Tu le sais aussi bien que moi…


Le ciel était gris. Gris et opaque comme la fumée d'une cigarette. Le vent soufflait en un gémissement à fendre l'âme et la pluie, semblable à des larmes amères, coulait sur le sol humide et les pierres.

Un homme s'avançait d'un pas tranquille, ne se protégeant nullement de la morsure du froid et des gouttes d'eau de son imperméable. Son chemin était déjà tout tracé.

La grille du cimetière grinça lorsqu'il l'ouvrit davantage tandis qu'il allait à une tombe précise. Ses chaussures claquaient contre les flaques d'eau. Ses cheveux brun foncé étaient parsemé de cristaux liquides, ses yeux mauves cherchant une personne. Il la retrouva à l'endroit même qu'il voulait.

Un adolescent se tenait devant une toute nouvelle pierre tombale, une main dans la poche de sa veste en jean trempée, l'autre serrant un bouquet de lis blancs. Il était raide, impassible, ses yeux d'un splendide vert émeraude se noyant dans la pénombre du ciel maussade. Ses cheveux châtain clair tombant en mèches lourdes de pluie dans son cou et sur ses joues humides.

L'homme le regarda poser le bouquet dans le vase déjà bien rempli de fleurs fraîches et revigorées par la pluie avant de passer une main consciencieuse sur le marbre froid afin de le nettoyer d'une quelconque saleté. Puis, le jeune garçon se redressa pour joindre les mains en une prière silencieuse.

Il y eut un petit moment où seul le bruit incessant de la pluie se fit entendre.

- Tsuzuki… Arrête de me fixer dans mon dos, murmura l'adolescent d'une voix traînante.

- Ah, pardon…Hisoka, bredouilla l'homme aux yeux mauves, vaguement gêné.

Il s'approcha de lui, lisant machinalement le nom sur la pierre tombale: Kagura Tatsuhiko.

- Kawashi est déjà passé, fit Hisoka.

- Tu l'as vu?

- Non, ses sentiments sont partout sur les fleurs et le marbre.

La main de l'empathe se crispa sur son bras. Les émotions glacées et tristes du professeur de japonais lui soulevaient le cœur et chaque seconde qu'il passait tout près de la tombe ne servait qu'accentuer cette nausée.

Tsuzuki frissonna. L'eau glissait dans son cou et le vent le glaçait jusqu'aux os.

- J'ai appris qu'il a pris un nouveau poste à Tokyo, ajouta Hisoka. Comme professeur de philosophie. Je me demande s'il arrivera à épancher sa douleur. Quant à Kagura, tu crois qu'il…

- Il passera l'examen, c'est sûr. Pour la simple et bonne raison que son amour pour Kawashi est bien trop fort pour rester dans l'Autre Monde. Quelque chose me dit qu'il travaillera dans la section de Honshu mais ce n'est qu'une impression.

« Kagura… »

C'était un garçon qui n'avait jamais connu l'amour ou une quelconque affection. Toute sa vie, il avait cherché un peu de chaleur humaine, avec désespoir et panique, pour se raccrocher à son existence noire comme ses yeux mystiques. Et lorsqu'il avait trouvé cette personne, il l'avait protégée de toutes ses forces, de toute son âme meurtrie par le passé. Ne sachant pas exprimer ce trop plein d'émotions violentes, il ne faisait que cacher précieusement l'être qu'il adorait, comme un bijou fragile dans un écrin d'acier.

« Kagura… », songea le Shinigami aux yeux d'améthystes. « Nous nous ressemblons tellement, toi et moi… Pourquoi…. L'histoire se répète-elle? Comme toi, j'avais aimé une personne d'un amour si fort qu'il m'avait consumé, jusqu'au moment où ma vie s'était achevée dans un goût amer de dépit et de tristesse. Et maintenant, tu ne peux te résigner à la mort, car la seule idée qui te retient en ce bas-monde est cet homme que tu as aimé passionnément… »

La nausée revint en lui et de nouveau, il dut se mordre la lèvre pour ne pas laisser sortir toute cette bile acide, pleine de dégoût pour lui-même. Il avait tenté alors que le bâtiment allait s'écrouler de demeurer au creux des flammes. Comme ça, pour se purifier de toute cette torture qui lui nouait l'âme.

« Nous sommes des démons… De simples monstres… Pourquoi devons-nous exister… pour n'êtres que des jouets maudits sur un échiquier gigantesque? »

Ses pensées devinrent trop lourdes à porter. Il sentait que sa barrière pour ne pas engluer l'empathe près de lui de tous ses sentiments allait céder. Il secoua énergiquement la tête et chassa tant bien que mal toutes les phrases qui grondaient en lui.

- Hisoka…, fit-il d'une voix basse. On devrait peut-être…

- Pourquoi…?

Tsuzuki se figea. La voix de son partenaire était étrange. Tremblante et lourde. Ses épaules tressautaient comme s'il était pris d'une quinte de toux. Son regard posé vers le sol humide ne se faisait pas voir.

- Pour… quoi? Pourquoi faut-il… faut-il que ceux qui me ressemblent restent seuls?! Je ne veux plus… J'en ai assez… de tout ça…

Ébahi, Tsuzuki observa le visage pâle de Hisoka. De la pluie coulait sur ses joues et descendait dans son cou. Une pluie fraîche et triste. Mais ces gouttes d'eau étaient intérieures, recrachées avec violence et désespoir. Le Shinigami aux yeux d'améthystes se rendit compte que… pour la deuxième fois depuis très longtemps, Hisoka pleurait. Pleurait de véritables larmes. Tout ce que son cœur avait emmagasiné avait éclaté et avait déversé dans les yeux émeraudes du jeune garçon un flot de tristesse infinie, semblable à des dizaines de cristaux liquides. Son regard était déformé par toute l'eau que ses yeux déversaient.

- Je ne veux plus… être seul…, fit l'empathe d'une voix suffocante, comme s'il était en train de se noyer dans le désespoir qu'il recrachait par ses larmes. Je crois… Je peux croire en quelqu'un… Je le sais… Je… le… sais…

- Hisoka, murmura Tsuzuki, bouleversé.

Ce visage… blanc comme la Mort… Ses yeux, tels des joyaux merveilleux resplendissant d'une lueur inconnue de ce monde mais tellement belle… Comment un tel ange pouvait-il être un Shinigami? A seize ans… presque un homme et pourtant vulnérable comme un petit enfant… Son passé noir était lié au sien. Alors… pourquoi cette tristesse?

Tsuzuki, très doucement, posa ses mains sur les épaules tremblantes d'Hisoka qui continuait de pleurer dans un souffle précipité. De lui-même, l'empathe se serra contre lui, presque jusqu'à l'étouffer. Ses larmes mouillèrent encore plus la chemise déjà trempée de son partenaire qui lui caressa la tête avec tendresse. Cette chaleur lui faisait tellement de bien, le réconfortait tellement. Ses lèvres tremblèrent, prêtes à délier la vérité. Cette vérité qu'il cachait depuis longtemps, sans oser se l'avouer à lui-même. Mais il le fallait. Pour lui. Pour eux.

- Ne me laisse pas…, gémit Hisoka contre lui. Ne me laisse plus… Je veux être toujours prêt de toi…

Cette musique…

- Je suis si bien avec toi…

Lancinante et douloureuse…

Trois mots… qui résonnèrent dans l'air, comme un appel suppliant et sincère. On n'entendait plus la pluie.

- Je… Je t'aime, Tsuzuki…

Le cœur du dénommé fondit. Hisoka lui avait ouvert son cœur, pourtant clos il y avait déjà un an. Et maintenant, il lui déclarait son amour. Les démons de Tsuzuki s'envolèrent loin, bien loin derrière les nuages gris. Hisoka releva la tête, les yeux encore baignés de larmes, nerveux, comme si la réponse de son partenaire allait décider du restant de son existence. Tsuzuki lui fit un sourire plus radieux que tout, plein de tendresse.

- Hisoka…

Leurs visages se rapprochèrent. Centimètre par centimètre, chacun sentait le souffle de l'autre sur ses joues, observait ses magnifiques yeux. Cette même lueur se faisait voir dans leur regard passionné.

Un carillon incessant et mystique…

Leurs lèvres se scellèrent enfin. Le temps sembla se figer, garder cette image pour l'éternité. Les lèvres de l'empathe, douces et salées, avaient posé une empreinte indélébile sur la bouche de Tsuzuki, son cœur et son âme. Un goût délicat, représentant tout l'amour qu'ils se portaient. La pluie glissait sur leurs visages mais cela n'avait plus aucune importance. Juste ce baiser comptait, cette chaleur tendre, et ce murmure se détachant de ces lèvres sensuelles.

- Hisoka… Je t'aime tellement…

Leurs bouches se réunirent une seconde fois, plus hardie que la précédente sans pour autant devenir violente. Hisoka passa timidement ses mains autour du cou de son partenaire tandis que son partenaire le serra à la taille, comme s'il avait la peur irréfrénable qu'il s'envole.

Le temps, bien que cruel, reprit son cours normal et il arriva le moment où la pluie, sournoise, fit sentir sa présence sur les joues froides d'Hisoka. Ses épaules se mirent à trembler puis ce fut le tour de tout son corps.

- Tu trembles, remarqua Tsuzuki.

- Ce n'est rien…, répondit vaguement l'empathe. Rien du tout…

Dans un mince sourire, il se serra contre Tsuzuki.

- Tant que tu restes avec moi, je ne sentirai rien de ce froid. Jamais.

Sonate perdue d'un mystère… enfermée dans le brouillard de la mélancolie.

- On rentre? Proposa Tsuzuki. Au passage, on va aller dans un café et se prendre quelque chose de chaud. Tu es complètement frigorifié.

- Hum… Pourquoi pas?

Tous deux, d'un commun accord, ne saluèrent pas une dernière fois le nom gravé dans la pierre. Les adieux n'étaient pas de bonnes choses. Car concernant ce jeune garçon aux yeux d'un profond noir de tristesse, cela n'était pas nécessaire.

« Kagura… A bientôt, peut-être… Nous nous reverrons un jour, nous en sommes persuadés… »

Le brouillard se mit à engloutir l'atmosphère froide de la pluie. Tout se mit à devenir incertain, la fumée géante d'une cigarette, glacée et terrifiante.

Tous en nous, cette mélodie résonne… Protégée dans notre âme, elle attend de se laisser entendre…

Les deux Shinigami, instinctivement, s'étaient serrés l'un à l'autre, les mains jointes. L'adolescent posa ses cheveux humides contre l'épaule de Tsuzuki, respirant cette odeur unique qui était la sienne. Il allait si bien… que même cet étrange frisson lui nouant les entrailles ne parvint à le troubler. Le début d'une fin ou plutôt la fin d'une amitié ambiguë et le début d'un véritable amour sincère… commençait.

- Quel brouillard, fit Tsuzuki, à voix haute. On ne voit pratiquement plus rien!

- Fais gaffe où tu mets les pieds, railla Hisoka sans être méchant. Tu pourrais encore t'affaler par terre comme un idiot.

- M'enfin, Hisoka! Dis tout de suite que je le suis!

- D'accord, tu es un idiot.

- Mais, c'est pas gentil ça!

- Haha… Tu changeras jamais…

Pris dans une discussion passionnante d'insultes infantiles et de sous-entendus pertinents, les deux Shinigami ne virent pas passer près d'eux un homme tout de blanc vêtu s'avancer vers les tombes qu'ils avaient côtoyés le temps d'une prière. Le brouillard opaque le protégeant comme un cocon gris, il alla tranquillement jusqu'à la nouvelle tombe, portant dans ses mains un paquet assez imposant.

Ses yeux, argentés comme la lune maléfique, eurent une étincelle amusée et cruelle. Lentement, il déballa de ses mains aussi blanches que ses vêtements le paquet qu'il tenait.

- Les voici en complet…, murmura-t-il avec une joie non feinte. Mes jolies… si jolies… filles…

Il posa le paquet déballé sur la tombe humide. C'était un coffret raffiné, fait de bois d'ébène ciselé de fleurs magnifiques et étranges. Une façade de verre, recouverte de gouttes de pluie semblables à des cristaux, laissait dévoiler ce trésor parfait.

Cinq poupées se côtoyaient, leur splendide visage de porcelaine figé dans un triste sourire mélancolique, leur bouche peinte en rouge sang étirant cette moue résignée. Verte, vermeille, bleue, blanche, noire… Les cinq couleurs qui avaient causé la mort d'un même nombre de personnes étaient ensemble, imprégnées dans de magnifiques robes de dentelle et de soie, de mousseline et de gaze raffinée. Elles avaient tué par un bourreau au visage d'ange tombé. Et maintenant, prises dans les ficelles de la mort, elles demeuraient immobiles. Pour l'éternité.

L'homme eut un sourire encore plus grand, plein de satisfaction. Il porta son regard sur le ciel gris où dans quelques heures, l'astre lunaire reviendrait, de nouveau couverte de sang, pécheresse tout comme lui. Et plus loin, la musique retentirait, assourdissante et immortelle.

En chacun de nous, il existe une mélodie blottie au plus profond de notre âme, déterminant ce que nous sommes en réalité.

Un jour, elle se met à entonner ce chant incessant et douloureux, un carillon mélancolique où s'entrechoquent toutes nos émotions.

Mais viendra le jour où cette demoiselle ressortira des ténèbres, et alors, sa bouche rouge étirera le sourire de la victoire totale. Belle, innocente comme le Diable, pure comme Méphistophélès, habillée d'une robe noire comme le fond de notre cœur, elle chantera, chantera jusqu'à en perdre la vie sous la lune souillée

La musique d'une poupée de sang était le dernier chant de notre existence, à nous qui domptons la mort au creux de nos ailes noires.

And the darkness closed the door for eternity… or not?

Owari

Le début d'une fin... Cela veut dire ce que ça veut dire… Cette histoire est celle qui me permet à mettre au clair la relation entre Tsuzuki et Hisoka. Car je ne vais m'arrêter là. D'ici là, je vous retrouve donc dans un autre univers, tout cela se déroulant à l'époque victorienne à Londres, en compagnie du plus séduisant des comtes : Cain Hargreaves. Poison, mystère… ainsi que de la romance… Que tout cela me donne envie de m'y mettre !! Mais ne vous inquiétez pas, je reprendrai Yami no Matsuei avec encore plus de pêche. Car je suis Tsubaki Himé (rire complètement démoniaque, on dirait Muraki d'un certain point)

Blood Kiss,

Tsubaki Himé qui vous retrouve chez le splendide Cain.