Titre: Ab imo pectore ("du fond du coeur"...encore un titre latin et désespéré --' je suis pas douée...)

Auteur: Tenbra aka Nataku

Disclaimer: tous les charmants chevaliers mis en scène ne sont pas à moi… INJUSTIIIIICE!

Rating: K

Genre: Un peu de tout, général, drama, humour, angst…

Résumé général: Fic centrée sur un crabe tapageur et un poisson en crise existentielle.

Musiques écoutées pendant l'écriture:

Chukyuugi (opening theme Saint Seiya –Hadès)

Sadness and Sorrow (Naruto thème)

Garden of Everything (Rahxephon)


Dans l'atmosphère froide et silencieuse de l'aube flottait un doux parfum. Léger et entêtant à la fois, subtil, exquis, suave, fuyant, bon nombre de mots pouvaient le qualifier, sans vraiment parvenir à le cerner dans toute sa richesse. Il aimait cette fragrance. Il aimait ces fleurs qu'il plantait, soignait, chérissait, et qui en échange lui offraient leur parfum d'entre leurs pétales soyeux, dont les couleurs diaprées rappelaient immanquablement les toilettes des déesses antiques et charmeuses, un soir de fête. Il les aimait tant qu'elles en devenaient omniprésentes chez lui, autour de lui, ces fleurs symboles de l'Amour et de la Séduction.

Un jeune homme se tenait debout et silencieux au milieu du petit jardin à ciel ouvert et entouré d'un péristyle, dont les colonnes de marbres étaient rongées par le lierre et les liserons. Ce dernier était entièrement composé de rosiers, tous plus beaux les uns que les autres, et l'on remarquait immédiatement qu'ils étaient entretenus avec soin et patience, tant leur beauté était époustouflante: tous étaient en fleur, déployant leurs boutons de roses, déliant les pétales sous les rayons encore timides du soleil levant, alors que la rosée avait les avait serties de perles d'eaux scintillantes, comme les diamants d'une couronne paraient la coiffe des princesses de cet immense château de feuillages et d'épines.

Le maître du jardin, qui avait de ses mains bâtit cet endroit merveilleux, n'avait absolument rien à envier à ses belles roses. Sa silhouette svelte, sa taille fine et ses traits fins comme s'ils avaient étaient esquissés par le crayon habile d'un dieu, n'empêchaient pas cet homme de dégager une aura de pouvoir sensible, bien que son corps ne fut pas gainé cette fois de son armure dorée, mais d'une simple tunique hellénique, dont l'abondant drapé blanc soulignait plus que ne voilait sa silhouette, en laissant ses fins bras et une partie de ses jambes nues.

Une abondante chevelure, bleue comme le ciel de ce matin qui s'annonçait, ruisselaient sur ses épaules menues jusqu'au bas du dos, décrivant des ondoiements moirés et se parant de reflets argentés sous les rayons solaires. De courtes et larges mèches encadraient son visage pâle et délicat comme l'ivoire; ses yeux céruléens étaient ourlés de longs cils fournis, et sous le gauche apparaissait un discret grain de beauté, qui ne faisait qu'ajouter une couche de féminité à ce jeune homme. D'ailleurs, il semblait même cultiver cette androgynie, car ses lèvres, alors devenues l'écrin d'un doux sourire distrait, étaient colorées par un rouge à lèvre bleuté, qui se mariaient bien entendu à merveille avec la teinte de sa chevelure et de ses yeux.

Son nom était Aphrodite. Pisces no Aphrodite, le Saint Chevalier d'Or du Poisson, Gardien de l'Ultime Maison, aussi connu comme étant "le plus beau des chevaliers". Il pouvait jurer ne pas être lui-même à l'origine de cet énième titre, qui n'était pourtant pas usurpé.

Le Suédois se pencha vers un rosier blanc qui occupait le centre du jardin, sans doute le plus beau et le plus fleuri de tous. Ses mains arachnéennes et délicates étaient nues face aux cruelles épines, mais il ne semblait pas s'en soucier. Armé d'une serpe, il entreprit de couper les plus belles tiges, pour les assembler au creux de ses bras en un bouquet de roses immaculées. Le choix de cette couleur était loin d'être anodin, si on y songeait bien…

Aphrodite, une fois sa gerbe soigneusement agencée, se redressa, sans paraître remarquer les petites coupures qui labouraient la peau opaline de ses mains. Le soleil matinal baignait le jardin de rayons anémiques qui gagnaient au fil du temps en intensité, dissipant la fraîcheur laissée par la nuit. Le Chevalier leva brièvement ses yeux pâles vers le ciel poudré de quelques nuages cotonneux qui s'effilochaient paresseusement sous la caresse du vent, avant de tourner les talons et de se diriger vers le péristyle.

Une fois le jardin verdoyant quitté, et la ligne de colonnades passée, on se retrouvait dans le Temple morne et vide du Poisson. Pour une raison que lui seul connaissait, il n'offrait une once de vie qu'aux jardins qui entouraient sa Maison, laissant le reste aussi désert et nu que si elle était abandonnée.

Le clappement régulier de ses espadrilles à lacets se répondait à l'infini entre les murs tristes du Temple zodiacal. A vrai dire, peu de gens prenaient la peine de grimper tous les escaliers du sanctuaire, juste pour venir lui rendre visite. Dans un sens, Aphrodite ne leur en voulait pas du tout. Il appréciait autrefois les moments de solitudes qu'il offrait à l'horticulture et la confection de fleurs envenimées, mais à présent, ce silence omniprésent et presque accablant ne lui permettait que de ressasser ses remords, de se tourmenter pour ses pêchés en espérant une rédemption qu'il ne pensait même pas mériter, en fait…

Son sourire, le vrai, le sincère, il n'était que pour ses roses qu'il chérissant tant. Aux autres, pour cacher la sourde et profonde douleur qui le rongeait, il affichait un sourire factice, une expression dédaigneuse, "comme avant". Mais tous savaient que rien ne serait jamais plus comme avant. Ils avaient connu la mort, la souffrance du Monde d'Hadès, et elle resterait à jamais gravées dans la moindre parcelle de sa chair, à hanter leurs nuits comme leurs jours…

Le Poisson était à présent en train de monter une large et longue volée de marches en marbre blanc, encadrée de part et d'autre d'un champ de roses rouges, qui autrefois étaient empoisonnées mais qui à présent que les Guerres Saintes étaient terminées, ne servaient plus qu'à la décoration. Cet escalier menait au Temple d'Athéna, là où siégeait de nouveau Sion et où apparaissait parfois Saori, l'incarnation d'Athéna. Là aussi trônait la colossale statue à l'effigie antique de la déesse de la Justice, et c'était à cet endroit précis que, chaque matin depuis qu'il était comme les autres Chevaliers d'Or revenu à la vie, il se rendait.

Le Soleil, qui surplombait maintenant les lointaines collines grecques, éclairait d'une lumière éthérée et encore tiède l'immense les monuments du sanctuaire. Après la Guerre Sainte, Saori, grâce à la société Graad, avait fait appel aux meilleurs architectes qui soient pour restaurer tous les temples détruits, donnant à présent à l'antique sanctuaire une nouvelle vie, comme Athéna l'avait déjà fait pour ses Chevaliers d'Or et d'Argent tombés au combat…

Une fois arrivé au pied de l'immense construction de pierre blanche, Aphrodite s'arrêta, et leva ses yeux bleus clair pour contempler le lointain visage altier de Minerve, comme d'habitude. Et comme d'habitude, un douloureux sentiment tordait son cœur, bien que rien sur son beau visage ne l'indique.

Il abaissa son regard sur le bouquet qu'il portait toujours au creux de ses bras nus. Chose surprenante, les pétales blancs étaient à présent ourlés d'une petite marge écarlate, leur donnant encore plus de beauté, mais aussi une image de peine, comme si elles saignaient à la place du cœur d'Aphrodite…

D'ailleurs, si on regardait bien…c'était son sang qui les avait ainsi colorées.

Les roses blanches du Chevalier du Poisson avaient toujours eut cette sinistre faculté de puiser dans le sang humain une progressive coloration écarlate…

Aphrodite déposa le magnifique bouquet sur l'imposant socle de marbre, et resta là un moment, à contempler sa Déesse, et ses roses en apparence si belles, si pures, mais qui n'étaient en fait qu'un instrument de souffrance, non plus pour ses ennemis, mais pour lui-même.

Un léger courant d'air fit frémir les fleurs bicolores et ondoyer la longue chevelure bleutée du suédois, qui demeurait toujours immobile, comme une énième statue du sanctuaire. Le monde commençait tout juste à s'éveiller. Dans une ou deux heures, on entendrait dans tout le domaine d'Athéna la rumeur des affrontements amicaux dans l'arène, dont étaient particulièrement friands Aldébaran, Milo, Aiolia et Ayoros, ainsi que les frères des Gémeaux. Les autres Chevaliers s'y rendaient en tant de spectateurs, et parfois même, des gens des alentours du sanctuaire ou de la ville venaient y assister. Une nouvelle vie, bien plus douce, semblait avoir prit racine sur les cendres des guerres saintes. Athéna leur avait prié de rattraper le temps perdu, d'être heureux et de profiter de la nouvelle existence qu'elle leur avait offerte. Être heureux…

Aphrodite esquissa un sourire amer à cette pensée. "Être heureux". De toute son enfance ou son adolescence, il n'avait connu que les entraînements du Groenland, les combats pour obtenir son armure d'or, et les Guerres Saintes. Il ne pouvait aller nul part. Cela faisait si longtemps que ses parents étaient morts en le laissant seul, la Suède n'était plus sa patrie…

Il n'avait jamais été amoureux, aucune femme n'était parvenue à prendre son cœur. Son narcissisme le poussait à vouloir que l'"élue" doive l'égaler en beauté, ce qui à son humble avis, n'était pas chose facile.
Alors, après tout ça, que lui restait-il, pour "être heureux"…?

"Hey, la Morue!"

Aphrodite se hérissa comme un chat offensé à ce surnom, et tourna la tête en direction des escaliers aux roses rouges, d'où lui étaient parvenue cette voix familière aux charmants accents latinos.

Bien sûr, il n'y avait que lui pour oser lui donner ce surnom stupide, sans risquer de recevoir en retour une vague déferlante de Roses Piranha. Il n'y avait que lui qui pouvait prétexter un jogging pour venir le voir de temps à autres pour l'agacer.

Un jeune homme de haute taille, à la carrure athlétique et bien virile arriva un pas de course, à peine essoufflé par la traversée des huit maisons zodiacales mais visiblement satisfait d'être enfin arrivé au bout. "Il" possédait le teint hâlé des méditerranéens, une chevelure en bataille bleu marine et des yeux cobalt, avec un visage aux traits sûrs, voire même un peu sauvage. Il avait revêtit son armure d'or, dont les lignes acérées se mariaient parfaitement à l'ensemble de son porteur, et qui brillait actuellement sous les rayons solaires.

Aphrodite demeura immobile, suivant de son regard clair l'approche du Chevalier en affichant une expression de dédain subtilement mêlé d'ironie.

"Mais qui vois-je?" Siffla de sa voix doucereuse le Suédois. "C'est mon petit Angelo!"

Œil pour œil, dent pour dent, disait l'adage. Autant Aphrodite n'aimait pas être traité de noms de poissons que son ami de toujours haïssait son prénom de baptême, préférant de loin son ancien surnom…

"C'est Death Mask!" Maugréa l'Italien entre les dents en s'arrêtant face au dernier Chevalier.

"Et moi Aphrodite, enchanté de faire ta connaissance" Répliqua pince-sans-rire l'androgyne en croisant ses fins bras sur son torse.

Il y eut un bref instant de silence entre les deux chevaliers au cours duquel ils se dévisagèrent intensément, puis tous deux semblèrent se détendre aussitôt, et s'adressèrent un sourire en coin, signe d'une trêve momentanée dans leurs sempiternelles taquineries.

"Encore là…?Fit remarquer le Cancer en jetant un bref regard vers le bouquet de roses qui reposait aux pieds de la déesse.

-Et toi, qu'est-ce qui t'amène jusqu'ici?" Coupa le Chevalier du Poisson en s'asseyant d'un bond léger sur le haut socle du monument dédié à Athéna, battant machinalement de ses longues et fines jambes gainées des lacets de ses espadrilles, à la manière d'une gamine. Encore un jogging matinal?

-Entre autre, oui," répondit-il sans bouger d'un pouce et se contentant de regarder distraitement le balancement des jambes glabres de Pisces, avant de sembler reprendre ses esprits et de déclarer de son ton énergique: "J'venais te chercher en fait, ça te dirait un combat à l'arène?"

Aphrodite esquissa une moue dubitative devant la proposition, le regard perdu dans le vague, avant de répondre d'un ton bas et ennuyé, en détournant les yeux de côté:

"Non, je n'en ai pas envie.

-C'est pas une question d'envie, Madre di Dio!" S'exclama Death Mask. "Tu vas te ramollir si tu te bouges pas plus que ça! Joues pas ta princesse, viens!"

Tout en parlant, il étendit sa main pour saisir le poignet délicat d'Aphrodite pour le tirer de son perchoir. Le Suédois ne sembla pas opposer résistance et se trouva debout, tout près de l'Italien, en levant vers lui un regard courroucé:

"Death Mask, si je te dis que je ne veux…"

Le Cancer battit des cils, perplexe, en voyant soudainement son ami s'interrompre en pleine réplique. Perplexité qui se mua en inquiétude quand il remarqua la pâleur soudaine du visage figé d'Aphrodite. Un voile passa subitement dans les yeux d'azur du nordique, juste avant que ses jambes ne se dérobent sous lui et qu'il ne tombe assis au sol, à peine soutenu par un Death Mask pris de surprise.

"Hé, Aphrodite! Aphrodite!"

Le méditerranéen s'agenouilla aussitôt en soutenant le dos de l'androgyne, pour qu'il s'affale pas complètement sur le dallage du sanctuaire. La tête de Pisces dodelina légèrement alors qu'il murmurait une phrase inintelligible, et rencontra l'épaule de DM pour ne plus bouger. Ses longues franges de cils ombrageaient ses yeux céruléens qui paraissaient fixer un point immobile dans le vide, avant qu'ils ne se ferment complètement, le plongeant dans l'inconscience.

Complètement dépassé par la tournure que prenait sa visite, Angelo grommela des kyrielles de jurons qui traduisaient parfaitement son affolement actuel, se demandant ce qu'il devait faire. Attendre qu'il reprenne ses esprits? Aller auprès du Grand Pope? Réveiller tout le Sanctuaire à force de cris d'alerte?

Nouveau juron, en italien cette fois. Death Mask posa alors, par hasard, son regard sur les bras amorphes et nus d'Aphrodite dont l'un était plié en travers de son ventre, et l'autre échoué au sol. Ils étaient, au niveau des avant-bras et de ses mains, constellés de minuscules marques aléatoirement réparties sur sa peau laiteuse. Certaines paraissaient anciennes, d'autre encore rosées ne devaient pas dater de plus d'une heure. Ne voulant pas croire ce qu'il voyait, le Chevalier d'Or cracha un juron en saisissant sans grande douceur le bras du jeune homme inconscient, pour observer ses cicatrices avec plus d'attention.

"Et merde."

Une vague de colère emplit l'Italien lorsqu'il leva ses yeux bleu sombre vers le bouquet de roses rouges et blanches, presque insolentes de par leur cruelle beauté. Il fréquentait Aphrodite depuis suffisamment de temps pour connaître sur le bout des doigts ses techniques de combat. Les Roses Blanches, bien sûr, ses fameuses fleurs friandes de sang humain. Mais pourquoi? Pourquoi?

Death Mask planta un regard dur sur le visage d'Aphrodite. Si délicat, si pâle...

Ses muscles se décrispèrent sensiblement devant cette apparente fragilité.

Mais il avait tord de s'en faire autant pour lui –comment ça s'en faire? Non, il ne s'est pas du tout inquiété voyons!- Aphrodite n'était pas en sucre. Un peu de sang en moins ne le tuerait pas…-mais s'il avait agit ainsi chaque jour, n'était-ce pas dangereux pour sa santé? Il n'était pas en roc non plus.

L'Italien, plongé dans son entretien intérieur, ne remarqua pas immédiatement que son ami émergeait lentement de son inconscience. Ses cils frémirent et ses lèvres esquissèrent une grimace furtive de douleur, avant qu'il n'entrouvre lentement ses yeux bleu ciel.

La première chose qu'il vit fut le visage fermé, et assez proche d'ailleurs, de Death Mask. Remettant aussi vite que possible de l'ordre dans ses idées, le Suédois conclut avec une exemplaire perspicacité que ça allait barder pour lui. Tentant malgré tout d'apaiser un peu l'atmosphère silencieuse de l'instant, il se permit un petit mouvement d'épaules pour attirer son attention et murmura d'une voix pâteuse mais incontestablement taquine:

"Je dois toujours rêver…"

Deux yeux bleu cobalt et aussi durs que la pierre se plantèrent subitement sur lui. Comme il l'avait prévu, le petit Angelo n'était plus d'humeur à plaisanter. Soit. Il était prêt à encaisser.

La main se serra violemment autour du poignet d'Aphrodite, alors que l'Italien le forçait à élever son bras pour le regarder, l'agitant comme une preuve sous le nez de l'accusé tout en s'écriant d'une voix vibrante de colère:

"T'es stupide ou tu le fais exprès !"

L'intéressé plissa ses lèvres bleutées, et abaissa ses yeux sans répondre. Death Mask resta un instant hérissé tel un félin furieux, avant d'abaisser les épaules en poussant un soupir exaspéré, signe qu'une fois de plus il capitulait devant le visage adorable de son ami de toujours, qui lui n'esquissait plus un seul mouvement. Il reprit d'une voix un peu plus calme, mais où flottait encore significativement sa colère et son incompréhension:

"Ca doit être les deux… Mais tu pourrais au moins m'expliquer ce que ça peut t'apporter, à toi ou à elle, de te saigner tous les jours pour de maudites fleurs?"

Toujours pas de réponse. Mais il savait bien qu'il n'y en avait pas, au fond. Aphrodite et lui étaient rongés par le remords de leurs péchés passés, et même s'ils avaient officiellement reçu le pardon d'Athéna, ils n'en étaient pas moins tourmentés. Ils avaient dû changer.

Son temple du Cancer, lors des rénovations, avait été délesté de tous les trophées morbides qui le décoraient. Il ne voulait plus avoir le moindre rapport avec Hadès, qu'il abhorrait plus que tout à présent. Il voulait que les autres Chevaliers lui pardonnent, aussi se mêlait-il un peu plus à eux, prétextant des entraînements et des combats dans l'arène…

Mais Aphrodite…depuis leur "renaissance", il se terrait dans son temple, à soigner ses roses et n'arborant plus son armure, refusant tout affrontement, même amical.

Il ne savait pas ce qui trottait dans la tête du Suédois, même s'il restait le seul à être proche de lui. Cette saignée quotidienne, juste pour la beauté de ces roses qu'il offrait à Athéna, n'était-elle pas une forme de punition qu'il s'infligeait lui-même? Si, bien sûr. Mais il trouvait ça stupide, terriblement stupide de la part de son ami.

"Aphrodite…"

Le Suédois demeura immobile, le regard toujours ostensiblement abaissé, et se préparant mentalement à recevoir les réprimandes sévères du Cancer, qui n'y allait jamais avec des pincettes pour faire entendre son avis. Mais rien ne vint ensuite, attisant une perplexité naissante chez l'androgyne, qui osa lever légèrement son regard vers le visage de Death Mask. Son regard clair rencontra celui cobalt de l'Italien, pour ne plus le quitter. La mine du Chevalier d'Or était grave, et pouvait-il se risquer à dire qu'elle était aussi triste? Enfin bref, il resta captivé par cette vision peu courante, et l'autre en profita pour faire d'une voix basse:

"Je suis sûrement très mal placé pour te sermonner là-dessus, Aphrodite, mais ça sert foutrement à rien de te punir si Athéna t'a pardonné. Et c'est pas avec des roses rougies de ton sang que tu te sentiras mieux, j'en suis sûr."

Un silence pesant s'installa entre eux deux, sans qu'ils ne cessent de se dévisager. La matinée était maintenant bien annoncée, et quelques moineaux sautillaient déjà sur les dalles blanches en gazouillant. C'était une très belle journée qui s'annonçait, visiblement; mais ni Death Mask, ni Aphrodite n'y prêtaient pour l'heure une quelconque attention, trop occupés à se sonder mutuellement du regard.

Au bout d'un temps, le Suédois cilla et abaissa les yeux en dessinant un sourire amer sur ses lèvres lustrées, puis murmura d'un ton docile:

"Okay, je te promets de plus recommencer…"

-Ravi de l'entendre, mon p'tit thon, répliqua le Cancer avec un sourire railleur, pour échapper à la gêne que lui avait causée cet entretien trop sérieux et sentimental.

-P'tit Thon! S'offusqua Aphrodite, avant d'étirer un sourire cruel. Tu tiens donc si peu à la vie?

-Te la joues pas trop, Princesse, je te rappelle que la seule chose qui t'empêche de t'étaler lamentablement au sol, c'est moi."

Aphrodite fronça les sourcils de dépit, se rendant bien compte que le Cancer avait raison. Mais cette posture n'était pas vraiment pour lui déplaire, et même s'il pouvait encore balancer des vannes à Death Mask, il n'était pas sûr de pouvoir se remettre debout tout de suite. Il se contenta de grommeler une vague réplique, laissant l'Italien arborer un grand sourire satisfait.

"Bon, sur ce…"

Aphrodite songea pendant une demi-seconde que ce début de phrase annonçait le départ de Death Mask, et il aurait bien voulut se pincer les lèvres de contrariété, s'il n'avait pas sentit au même instant deux larges mains saisir sa taille et le soulever de terre comme s'il ne pesait pas plus qu'une plume.

"Qu…!"

Et il se retrouva balancé en travers de l'épaule de l'Italien, pareil à un sac à patates. L'effarement l'empêcha d'articuler le moindre mot, et il ne se mit à réagir que lorsque, sifflotant tranquillement, le Chevalier du Cancer commença à marcher en direction des escaliers inférieurs. Aphrodite agita frénétiquement ses jambes pour se dégager de cette posture si peu chevaleresque, et apostropha vertement son kidnappeur en le sommant de le lâcher. Mais tout ce qu'il obtint fut le rire enjoué de Death Mask, visiblement ravi de l'état quasi hystérique dans lequel il venait de le plonger.

"ANGELOOO! Lâche-moi IMMEDIATEMENT, t'entends! Ca va pas, nan? Et si le Grand Pope passait par là! LÂCHE-MOI, CRABE LUBRIQUE!

-Eh Princesse, faut se calmer!" Ricana-t-il. Je te ramène chez toi, alors n'abuse pas de la bonté du crabe lubrique, hein…"

L'Italien en terminant sa phrase administra une légère tape sur le postérieur d'Aphrodite, qui sentit ses joues s'enflammer d'embarras. Mais en même temps, son irritation disparut et il cessa de s'agiter dans tous les sens, parce que cela épuisait aussi ses maigres forces.

Après tout, il n'allait pas refuser une marque d'altruisme de la part de Death Mask, la chose étant si rare! Enfin, ce vicieux de crabe en profitait aussi pour le trimbaler comme une marchandise et risquer de le tourner en ridicule devant d'éventuels spectateurs... Soit. Il se vengerait en temps voulu…

Le Gardien du quatrième temple se mit à descendre les escaliers entourés des champs de roses. Le vent faisait s'envoler quelques pétales écarlates qui dansaient autours des deux passants, portant également sur ses ailes leur douce fragrance, devenue bien inoffensive depuis la fin des Guerres Saintes.

Death Mask avait du mal à comprendre l'attachement d'Aphrodite pour ces roses. Elles avaient été ses armes de combat, maintenant elles tenaient plus de sa raison d'être. Enfin, si certains passaient maintenant le plus clair de leur temps à bouquiner –Saga-, s'occuper des orphelins –Mü et Aldébaran- ou encore de former des apprentis –presque tous les autres-, pourquoi ne pas chouchouter des fleurs carnivores?

"Eh, la Morue, je pensais à un truc…"

L'Italien s'attendait à recevoir en retour des vociférations du Poisson, ou au moins une tentative de coup de talon dans la figure, mais rien ne vint. Le Chevalier aux cheveux bleu clair demeurait aussi inerte et silencieux qu'une poupée. Il était retombé dans les pommes? Pas si étonnant vu la verve avec laquelle il s'était débattu…

Death Mask poussa un soupir entre l'exaspération et l'amusement, et poursuivit son chemin en prenant note qu'il devrait lui reparler de "sa pensée" plus tard. Une fois arrivé au large palier en contre-bas de l'escalier, il jeta un bref regard sur la devanture du temple, qui portait le symbole de Pisces, ces deux poissons unis au très curieux background mythologique, avant de pénétrer dans la Dernière Maison.

Y'avait pas à dire, ce coin était sinistre. C'était assez paradoxal d'ailleurs, car Aphrodite était un incurable esthète, plaçant de ce fait la beauté et l'élégance au-dessus de tout… Mais depuis leur renaissance, cette maison qu'il avait autrefois connue resplendissante –presque trop à son goût- n'était plus qu'un Temple désert et silencieux, aux façades à peine éclairées par la lumière du jour. Enfin…le jour où il comprendrait enfin les rouages de cette tête de moule n'était pas encore venu.

Lorsque, après quelques instants d'errance dans le temple –qu'il ne connaissait pas forcément par cœur –, il déboucha sur le jardin aux rosiers, Death Mask resta pantois. Cette infime partie de la Maison du Pisces semblait concentrer toute l'"âme" que devait lui apporter son habitant. Certes, il n'était pas très porté sur l'horticulture, ni l'esthétisme en général, mais il devait avouer que ce jardin était magnifique. La lumière du Soleil tombait sur les plants dépourvus d'imperfections en nimbant chaque rose d'une clarté presque irréelle, et l'on apercevait même quelques minuscules papillons dorés voleter entre les massifs. Le péristyle qui l'entourait avait été envahi par le liseron et le lierre, mais aussi de quelques autres petites plantes que l'Italien ne pouvait nommer, faute d'être très calé sur le sujet.

Abandonnant son observation –contemplation? – de la petite roseraie, le Chevalier du Cancer, portant toujours son homologue du Poisson sur l'épaule, repartit à la recherche de sa chambre, ou d'une pièce s'en rapprochant.

Et il ne fut qu'à moitié surpris de la trouver juste en face du jardin.

Lorsqu'il poussa la porte, il découvrit une chambre comme tant d'autres, aux murs, plafond et sol de pierre brute, dont le mobilier se composait simplement d'un lit du style antique aux draps encore défaits, d'une table de chevet où reposait un chandelier et un monstrueux pavé portant le titre de L'Inimitable, une petite étagère sur laquelle sommeillaient quelques autres livres poussiéreux et une immense armoire qui contenait certainement la garde-robe d'Aphrodite, que tous savaient impressionnante. Ce qui amusait Angelo, c'était que contrairement à ce que pouvaient penser les autres, Aphrodite n'était pas un modèle dans le maintien de l'ordre dans une chambre; Il était même assez bordélique. Il avait toujours su que ce type cachait quelque chose de normal…

Une fois son temps de réflexion achevé, Death Mask s'approcha du lit et y déposa avec une douceur surprenante son fardeau, non sans pousser un léger soupir de soulagement.

"Faudrait penser au régime, Princesse."

Ladite princesse fronça les sourcils sans ouvrir les yeux et grommela quelque chose en s'étirant sur sa couche lascivement, comme un chat. Death Mask se retint de ricaner de cette comparaison en voyant qu'Aphrodite replongeait dans son sommeil: il avait besoin de se reposer, cet imbécile fini…

L'Italien considéra un moment le visage trop fin de son ami, auréolé de son abondante chevelure bleu ciel, trop éthérée, trop fluide entre les doigts, trop captivante.

Certes, Aphrodite était beau. Tout le monde le savait, tout le monde l'acceptait, tout le monde le disait, voilà. Mais Death Mask le trouvait trop beau. Cette apparence était inutile, elle ne lui avait jamais sauvé la vie et ne l'aiderait jamais à gagner un combat. Et il le lui avait longtemps répété, mais ce fichu Suédois avait toujours, toujours le dernier mot, et ça c'était très frustrant.

En revanche, il ne cessait plus de le taquiner à ce sujet, tournant en dérision le symbole de son armure, le lestant de surnoms complètement débiles mais qui avaient le don d'apaiser comme d'animer leurs disputes quotidiennes (que Milo avait une fois qualifié de "querelles de couple", avant d'éviter de justesse une rafale de Roses Piranha et un Sekishiki Mekai Ha…). En bref, c'était ça, leur amitié. Et à bien y songer, c'était sans doute une des choses les plus précieuses que possédait désormais Angelo du Cancer…

Sur cette pensée, que Death Mask trouva un tantinet saugrenue et indigne de sa grandeur, le Chevalier de la quatrième maison tourna les talons en laissant Aphrodite se faire bercer amoureusement par les bras de Morphée.


Mwa: voilà le premier chapitre d'une fic plutôt courte sur mes deux chouchoux chéris, assez différente de "VCID", puisque j'ai commencé à rédiger celle-ci bien avant l'one-shot...j'espère que le début vous plaît! La suite ne devrait pas tarder, puisqu'elle est déjà écrite (ce sera aussi plus long!)
DM: foutue fic! J'suis encore OOC! Merde!
Aphrodite: et moi alors! J'ne ai marre de passer pour une petite chose sans force! Merde!
Mwa: j'les adore... T.T