Titre : Athios
Fandom : Harry Potter
Couple : Blaise Zabini/Théodore Nott
Rating : PG-13
Notes: Et voilà, c'est le dernier chapitre de cette fic! Profitez en bien! Merci à tous ceux et celles qui auront lu et qui auront pris le temps d'envoyer une petite review, chaque mot sera chéri à sa juste valeur! A bientôt pour une autre fic, j'espère:)


La première fois que ça arrive, rien ne les a préparés à la soudaineté et à la violence de la chose. C'est un bruit de vaisselle brisée qui alerte Blaise, et, le temps qu'il rejoigne la cuisine à grands pas, il a distinctement entendu quelqu'un s'effondrer sur le parquet.

Et comme un miroir illusoire qui éclate, Blaise se tient dans l'embrasure de la porte, à observer, le sang glacé, Draco étendu sur le sol, la main crispée sur son bras droit et le visage déformé par une douleur inhumaine. Il respire par à coups et s'il en avait la force, il chercherait certainement à se refermer sur lui-même pour échapper à cette souffrance.

"Prépare de l'eau chaude," ordonne Théodore en passant à côté de lui.

Tandis que Blaise se précipite vers l'évier, il voit du coin de l'œil son amant s'agenouiller auprès de Draco et lui saisir le bras d'une main impérieuse. Les doigts du blond s'ouvrent et se referment convulsivement, de même que ses paupières et sa bouche. C'est comme s'il se noyait, comme si son propre corps le trahissait et le torturait.

Quand Théodore remplace ses doigts par un linge détrempé et brûlant, la Marque apparaît un instant avant d'être de nouveau dissimulée. Draco ne bronche pas malgré la brûlure, et il reste sans réaction, étendu sur le sol jonché d'éclats de porcelaine, qui paraît à cet instant moins blanche que sa propre peau.

Ils restent un temps qui leur semble infini à genoux à côté de lui, leurs mains jointes sur le linge qui apaise trop peu sa douleur. Draco finit par se détendre, mais il est trop faible, trop tremblant et trop désorienté pour que Blaise arrive à être soulagé.

Ils le soutiennent jusqu'au canapé dans lequel ils l'installent, et cette image a quelque chose de douloureux. Voir Draco, si fier et si impérial en être réduit à l'état de marionnette malmenée sonne comme une injustice. Théodore lui glisse une tasse de thé brûlant entre les mains, mais Blaise doit l'aider à la porter à ses lèvres. Pâle et choqué, ses yeux semblent encore perdus dans les brumes de la douleur, et quand il reprend enfin ses esprits, son murmure est celui d'un enfant égaré.

"Il faut que je reparte," souffle t'il, éperdu.

La gifle claque sèchement et Blaise est au moins aussi sonné que Draco. Théodore baisse son bras et se relève.

"Va te reposer, Draco," ordonne t'il en se détournant, mais Blaise perçoit quelque chose de farouche dans son regard.

Ils montent péniblement à l'étage, Blaise trop retourné pour ressentir plus qu'une vague nausée en passant son bras autour de la taille du blond. L'abandon dont fait preuve Draco en se laissant mettre au lit n'arrange rien et Blaise pince les lèvres, presque physiquement malade.

Comment a-t-il pu se laisser faire ça? Comment ce monstre a-t-il pu lui faire ça? Comment Théodore et lui-même ont-il pu laisser ça arriver? La colère et l'indignation lui brûlent les entrailles et quand Draco se laisse retomber sur l'oreiller, ses cheveux clairs trempés de sueur forment malgré tout un halo des plus appropriés.

Il n'y a pas d'hésitation dans ses gestes quand Blaise s'installe à côté de lui, resserrant les couvertures autour de son corps tremblant comme il l'a fait il n'y a pas si longtemps pour Théodore. Il n'a pas de berceuse, pas de mots rassurants à offrir à Draco, rien hormis la chaleur de son corps et la solidité de ses bras. Et quand le blond s'endort tout contre lui, ça n'a rien de magique ou de touchant, c'est au contraire presque insoutenable alors il se relève et il quitte la pièce.

La maison est vide. Théodore a dû sortir, et Blaise ressent comme un curieux manque. Sur l'étagère dans la cuisine, la tasse auparavant brisée est posée avec les autres, et cet étrange déni lui laisse un goût amer. Il fait machinalement du thé et s'assied, le regard dans le vide et les pensées en désordre.

Il a cette certitude horrible que tout est fini. Qu'ils vont devoir partir. Leur havre de paix dans la plaine grecque semble s'écrouler de l'intérieur, miné par quelque chose qu'ils ne contrôlent pas, leur affection pour Draco. Parce qu'ils pourraient le tuer, s'en débarrasser, si c'était quelqu'un d'autre. Mais c'est de Draco qu'il s'agit, et Blaise veut plus qu'un fantôme pour hanter leurs nuits.

Combien de temps reste t'il assis là, à chercher une alternative à cette fin qu'il sent arriver, à guetter le moindre bruit à l'étage ou à la porte? Les pensées ne se comptent pas en seconde et l'horloge lui paraît factice tant elle avance lentement par rapport aux mots qui se bousculent dans sa tête.

Théodore revient finalement, le souffle court et les joues rougies par l'effort, et Blaise n'a qu'à ouvrir les bras pour qu'il s'y blottisse, le cœur battant contre son torse. Ils ferment un instant les yeux, la chaleur de leurs corps repoussant leur angoisse glacée.

Puis, une fois calmés, main dans la main, ils montent à l'étage rejoindre Draco. Ils le trouvent réveillé, penché sur son bras, observant avec un rictus haineux la Marque qui le défigure. Il ne relève même pas la tête à leur arrivée, mais il se mord les lèvres quasiment jusqu'au sang, et ce geste donne à Blaise l'envie d'y répondre en y déposant ses propres lèvres.

Il n'y a pas de question, aucun doute exprimé tout haut, mais la pièce vibre de leur tension, de leur inquiétude, et c'est finalement Théodore qui brise le silence.

"Il n'y pas beaucoup d'alternatives," souffle t'il. "Mais quoi que nous choisissions… nous allons devoir partir."

Un coup à l'estomac n'aurait pas fait aussi mal à Blaise, il en est sûr. Entendre Théodore dire cela tout haut confirme ses propres pensées, mais il aurait cent fois préféré avoir tord.

"Partir?" murmure Draco, ses traits fins recouverts du masque du remords. Il sait certainement aussi bien que Blaise l'importance que Théodore attache à l'endroit.

"Est-ce qu'il sait où nous sommes?" coupe Théodore d'un ton sec.

Draco secoue négativement la tête, mais son geste n'a rien de bien convaincu ou rassurant. Combien de temps faudra t'il à Voldemort pour les retrouver, ou à Draco pour craquer et les vendre? Blaise se raidit soudain, surpris par cette pensée avant d'en admettre à contrecoeur la véracité. Il sait que Théodore lui-même l'a prise en compte, et il lui suffit de jeter un coup d'œil à Draco pour réaliser qu'il a fait de même.

"Il a envoyé les plus jeunes comme moi à la recherche des fuyards. Flint, Pucey et tous les autres ont été dispersés en Europe. Mais on dirait que j'ai été le seul à ne pas revenir…"

Draco jette à son bras un regard presque effrayé avant de se reprendre.

"Qu'est-ce que vous comptez faire?" demande t'il, les yeux baissés.

"Partir."

"Tu as parlé de plusieurs alternatives, Théodore," insiste le blond en relevant les yeux, soudain méfiant.

Théodore avance jusqu'à lui et penche légèrement la tête, sa posture soudain presque enfantine.

"Disons que ça dépendra de si nous partons à deux ou à trois…" explique t'il.

La réaction de Draco est explosive. Pendant plusieurs minutes, il se répand en invectives, les traite tous les deux d'idiots pour ne serait-ce que penser à l'emmener avec eux. Puis sa colère retombe et avec elle son énergie et sa fougue. Il ne reste plus qu'un jeune homme, à peine un adulte, voûté et troublé, la personnification de la défaite.

"Je suis un esclave, Théodore. Je suis son esclave…"

"Les seules chaînes que tu as sont dans ta tête, Draco," répond calmement Théodore, et il y a de une finalité dans sa voix.

Comme s'il comprenait le message, Draco ferme les yeux et soupire, puis il tend muettement la main, et Blaise ne peut que regarder.

Il regarde Théodore prendre cette main dans les siennes et tirer Draco à lui. Il voit leurs lèvres se frôler puis se trouver, il voit leurs doigts glisser, s'entrelacer, et leurs yeux se fermer.

Blaise n'a jamais rien vu d'aussi beau.

Cette nuit-là, ils s'aiment à trois. Sur un lit un peu étroit, ils partagent leur passion mutuelle et s'enflamment de soupirs et de caresses. La beauté de leurs gestes et de leurs corps ne leur est pas perdue, et il leur semble brûler encore plus sous le regard des autres.

C'est peut-être un adieu, certainement pas un au revoir, et c'est si doux-amer que quelques larmes coulent, peut-être… Des larmes et des murmures abandonnés, nés de la conscience d'un lendemain trop noir.

Mais cette nuit-là, ils s'aiment. Tout simplement

Les jours qui suivent passent dans un brouillard d'incertitudes. Théodore disparaît parfois pendant des heures, et ne revient du village qu'en fin de journée, la tête visiblement remplie de données dont Blaise et Draco ignorent tout.

Eux passent leurs journées à apprendre à se connaître à nouveau, car s'ils se côtoyaient à Poudlard, leurs mensonges et leurs dissimulations les ont laissé pleins de carences. Ils se réapprennent et choisissent de ne pas parler de demain. Chaque jour est un tout clos par la tombée de la nuit et leur réunion dans un lit agrandi par magie.

Blaise s'émerveille de la connaissance quasiment innée que Draco semble avoir de Théodore, et c'est là aussi une source d'amertume, car c'est la première fois qu'il peut vraiment profiter de son savoir, c'est la première fois qu'il peut vraiment profiter de Théodore et apprécier son humour et sa tendresse teintée de timidité. Mais ça aussi, ils choisissent tous les trois de le laisser de côté, afin que chaque soir, quand Théodore revient, ils l'accueillent à deux et calment de leurs caresses les soucis qui noircissent ses yeux.

Et chaque nuit, ils fuient la solitude de leurs pensées dans l'étreinte passionnée de leurs corps. Chaque nuit, ils s'aiment.

Toutes les meilleures choses ont une fin, pense Blaise en voyant Théodore arriver un soir. Il échange un regard avec Draco et ils comprennent qu'ils savent tous les deux.

"Nous partons demain," déclare simplement Théodore, immobile au milieu de la pièce, comme s'il ne savait pas quoi faire de son corps.

Draco hoche la tête comme un condamné à mort, et c'est peut-être ce qu'il est, à bien y réfléchir. Ils ont discuté, tous les trois, et décidé que Draco mentirait le moins possible à son Maître. Lui dire la vérité sur sa capture et son enfermement est la solution la plus sûre, même s'il sera certainement puni de ne pas savoir dire où ses proies se sont enfuies. Quand Blaise fait remarquer cela, Draco hausse les épaules, et il lui semble soudain voir déjà un cadavre. Puis le blond pose ses lèvres chaudes sur les siennes, et l'illusion se dissipe.

"Tu ne poses même pas de question? Tu ne veux pas savoir où vous allez?" s'étonne Draco après la déclaration de Théodore.

Blaise secoue la tête et sourit à Théodore.

"J'ai choisi de le suivre. Je n'ai pas choisi de savoir où il m'emmène," explique t'il.

Les joues de Théodore prennent une adorable teinte rosée à cette phrase qui ressemble désespérément à une déclaration d'amour. Draco, lui, sourit d'un air entendu, et il n'y a aucune rancœur dans sa réaction.

Quand le soir vient, la maison est quasiment vide. La chance d'être sorciers et de pouvoir réduire leurs bagages à une taille moindre leur rend la tache facile, même si voir les pièces dépourvues de vie rend Blaise déjà nostalgique.

Ils s'endorment tous les trois sur le canapé qui restera là, face à la cheminée qui les aura vu quitter l'enfance et devenir vraiment adultes, qui les aura vu se connaître et s'aimer. La nuit passe doucement, rythmée par le silence et l'écho de leurs soupirs.

Il fait étrangement doux le lendemain matin. Le pâle soleil de cette fin d'hiver perce la brume et leur offre un magnifique cadeau d'adieu. Tout le jardin de Théodore, qu'il a patiemment, passionnément soigné est illuminé, et les feuilles luisent paisiblement sous le givre, les plantes bruissent paresseusement et tout semble vivant.

"Je vous laisse partir d'abord," souffle Draco, et une fois de plus, Blaise est frappé par son air de gamin paumé, abandonné.

Ils ont tous les trois cette blessure, ce sentiment d'abandon comme un vide en eux. Abandonnés par leurs parents, même vivants, abandonnés par leurs pairs qui n'ont jamais fait l'effort d'apprendre à les connaître et abandonnés par eux-mêmes, par perte d'espoir ou d'intérêt, ils découvrent à peine maintenant la valeur d'une compagnie désirée. Et pourtant, ils savent aussi qu'ils vont la perdre.

Ils progressent lentement, le petit-déjeuner est un épisode calme, presque recueilli, et Blaise en vient à soupirer à chaque chose, chaque mouvement, chaque parole prononcée car il sait que d'une certaine façon, ce sera la dernière. Ils se frôlent, se regardent, profitent de chaque fraction de seconde, et le moindre sourire devient un trésor, une relique à garder précieusement en souvenir à défaut d'autre chose.

Et puis vient le moment où ils ne peuvent plus retarder l'échéance. Ils se tiennent tous les trois dans le jardin, caressés par les rayons timides du soleil, qui ne parviennent pourtant pas à les réchauffer.

"C'est un adieu, je crois," murmure Draco.

Il semble soudain si loin, comme déjà reparti vers son monde tout en noir, loin des matins gris et des jours ensoleillés de la Grèce, et Blaise fait un pas en avant, comme pour le retenir près d'eux encore juste un instant.

"Viens avec nous, Draco," lance t'il, une toute dernière tentative pour changer le cours des choses, lui qui a toujours préféré se laisser porter.

Le vent souffle entre eux comme s'il cherchait à voler et à garder pour lui cette supplication. Draco pâlit et sa résolution paraît faiblir. Il se tourne vers Théodore, geste bien futile dans l'espoir de trouver un appui.

"La liberté passe souvent par la fuite, Draco," murmure t'il. "Et il n'y a rien de plus digne que d'être libre…"

Le vent porte ses paroles vers le blond jusqu'à ce qu'elles soient comme une caresse à ses oreilles. La liberté prend pour Draco un goût sucré et une peau d'ébène, des yeux gris et un sourire charmeur, et il ferme les yeux, bras écartés, comme pour se laisser porter par le souffle du vent, un vent qui capture et porte à jamais l'écho de trois éclats de rire.

Il y a une petite maison en Grèce, une maisonnette inhabitée au jardin qu'on dit perpétuellement fleuri. On dit que ceux qui y ont vécu ont disparu un jour, comme par magie. Et si vous demandez à la vieille épicière du village où ils ont bien pu aller, elle se contentera de sourire.

FIN.