Titre: Etincelle

Auteur: Maeve Fantaisie (ou Maeve tout court :) )

Disclaimer: Les personnages ne sont pas à moi, mais appartiennent aux géniales Clamp! Puissent-elles toujours écrire de si merveilleuses histoires :) !

Genre: Euh... "bizarre"?

Résumé: Ce chapitre est la suite directe du précédent: la mère de Seï partait pour son "travail" et laissait son fils profondément désemparé. Et le résumé de ce chapitre, me direz-vous? Eh bien, euh...

"Quand on cherche, on trouve".

Pardon, je suis nulle pour les résumés... T.T

Note 1: Comme promis, voici, avec beaucoup de retard (pardon T.T), le tout dernier chapitre de ma fanfiction. YOUPI :) ! ...Mais pour un chapitre final, c'est un chapitre final! C'est même un chapitre monstre... Ahaha, cela m'apprendra, à faire des pronostics! J'espère tout de même très fort que sa longueur ne vous arrêtera pas... et qu'il vous plaira :) !

Note 2: En toute logique, je comptais intituler ce chapitre "Réponse", mais finalement, "Arc-en-ciel", c'est bien mieux! (l'auteur toute ravie de l'étrange analogie qui est née dans sa petite tête...) Et puis, à bien y réfléchir, je ne pense pas qu'il existe une logique à l'amour... Maintenant, place au chapitre :) !

Bonne lecture à tous :) !

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Etincelle, chapitre V: Arc-en-ciel

Ce soir-là, lorsqu'elle revint de son "travail", elle ouvrit la porte d'entrée à la volée comme à son habitude, mais ne put aller plus loin.

Appuyé contre le mur, à seulement quelques mètres d'elle, se tenait l'enfant, dans une attitude légèrement crispée. Cependant, lorsqu'il l'aperçut, ses traits se détendirent soudain, comme soulagés. A l'évidence, cela faisait un bon moment qu'il restait ainsi, à fixer la porte sans bouger.

A l'attendre.

Oh, bien sûr, il l'avait déjà attendue auparavant, mais cette attente avait toujours eu quelque chose de vague, de lointain: lorsqu'elle revenait, elle le trouvait souvent en train de déambuler dans la maison, ou de se promener dans le jardin...

Après tout, pourquoi s'inquiéter ou s'impatienter? Elle arriverait bien tôt ou tard, il le savait parfaitement.

Mais ...

Elle restait figée dans l'embrasure de la porte, complètement hébétée, muette de stupeur.

Jamais il n'avait montré autant d'empressement. Jamais il n'avait souhaité la voir aussi ardemment.

Jamais il ne l'avait fixée aussi intensément.

Les jambes de la jeune femme flageolèrent.

Pourtant, elle savait bien qu'il y avait une raison derrière cette soudaine impatience. Elle savait que l'enfant n'avait pas fait cela juste "comme ça", comme on se justifie quand on a un geste tendre envers une personne que l'on aime.

Elle savait parfaitement que cette attente était motivée, par quelque chose que l'enfant souhaitait savoir... ou plutôt voulait comprendre.

Mais malgré tout, elle la touchait cette attente!

Elle avait l'impression que son enfant s'était soudain approché, comme s'il avait brusquement réduit cette distance qu'il mettait toujours entre lui et le monde extérieur, pour enfin venir véritablement vers elle.

Pour enfin venir à sa rencontre, de lui-même.

Et cette pensée la faisait fondre.

Alors, qu'importe qu'elle soit devenue son nouveau sujet d'observation. Qu'importe qu'il analyse ses moindres faits et gestes, ses moindres expressions, comme on observe un cobaye de laboratoire.

Tout ce qu'elle voyait, c'était qu'il était enfin là, enfin présent, près d'elle, à ses côtés de sa propre volonté, et à cette pensée, tout son être fondait, réchauffé par les rayons ardents d'une joie solaire.

Il était là, et c'était tout ce qui comptait.

Alors, lorsqu'il sembla enfin sortir de son observation attentive pour l'accueillir comme il le faisait d'habitude, elle ne le laissa pas finir.

Il n'avait pas prononcé une parole qu'elle l'étreignait déjà, lui, le petit être auquel elle tenait tant. Toujours muette sous le coup de la surprise, elle le serrait contre elle avec délicatesse, n'osant y croire, le nez dans ses cheveux pour respirer son odeur...

Appréciant tout simplement sa présence.

xxx

Elle n'avait pas prononcé un mot.

Depuis l'après-midi, les questions n'avaient fait que se multiplier à une vitesse affolante dans la tête de l'enfant, menaçant un peu plus à chaque instant de le submerger. Elles s'emmêlaient, s'imbriquaient, se liaient, tourbillonnaient, finissant par ne plus pouvoir se dissocier les unes des autres, et il avait l'impression que son cerveau ne pourrait plus contenir longtemps l'amas informe qu'elles formaient alors, et qui engloutissait toutes ses facultés.

Amas qui grossissait, grossissait toujours plus, sans relâche... et au milieu duquel il se sentait inexorablement sombrer.

Confusion.

Perdu, cerné de toutes parts par l'obscurité de ses incertitudes, il étouffait lentement. Et c'était comme si, sous l'assaut des questions qui arrivaient toujours plus nombreuses, son esprit hoquetait, saturé...

Tourbillon.

"Saturé"?

Non.

Pour que son esprit "sature", il fallait d'abord qu'il soit "plein". Or, qu'était une question sans réponse?

Une ébauche de "chose", un rien...

Un néant qui n'aspirait qu'à "être".

Au final, ce n'était rien d'autre que le vide qui une nouvelle fois l'écrasait de son poids...

Alors, seul au milieu des ténèbres, il n'avait pu se raccrocher qu'à elle.

Elle, qui l'avait tant surpris lorsqu'il l'avait aperçue dans l'après-midi, et qui depuis l'obsédait.

Elle, si vive et brillante, si lumineuse... et vivante.

Mais il avait beau s'accrocher de toutes ses forces à son souvenir, celui-ci, fugace, s'effilochait entre ses doigts, lui échappait.

C'est pour cela qu'il s'était inconsciemment déplacé jusqu'à l'entrée, guettant son arrivée avec impatience. Il voulait la revoir, afin de graver une fois pour toutes son image au fond de son coeur...

Cette chose qu'il désirait tant comprendre, et trouver.

Mais lorsqu'elle l'avait aperçu depuis l'entrée, elle s'était soudain figée, et, incapable de réagir, n'avait pu que le fixer de ses prunelles troublées...

Non, ce n'était pas cela qu'il désirait voir, non...

... Et sa confusion n'avait fait que le noyer un peu plus au milieu du flot de questions qui l'accablait.

Interrogations...

Interrogations sans issue.

Ensuite, elle s'était finalement précipitée vers lui, et l'avait enlacé. Mais pas de la manière dont elle avait toujours fait preuve.

Elle l'avait serré contre elle avec une étonnante tendresse, et une certaine réserve, comme si elle avait peur de le briser...

Et depuis était restée... muette.

Muette.

Abîme.

xxx

Trois petits mots.

Trois petits mots qu'elle adorait lui dire, mais que pourtant elle n'avait pas prononcés.

Trois petits mots insignifiants, mais qui constituaient pourtant un appel.

Trois petits mots incompréhensibles, mais qui parvenaient pourtant à traverser sa barrière de ténèbres...

Et auxquels maintenant il ne pouvait même plus se raccrocher.

L'enfant n'en pouvait plus. Sous le poids des interrogations qui le hantaient, son esprit menaçait de se disloquer, mais était-cela qui lui faisait aussi mal?

Non...

L'étreinte trop douce de sa mère... c'était comme s'il ne la sentait plus. Et les mots qu'elle ne prononçait pas? Avaient-ils seulement existé un jour?

Tous ces petits gestes qui avaient pu traverser son monde de noirceur, les avait-il seulement imaginés?

C'était la Solitude.

Alors, que pouvait-il faire d'autre? Cette fois-ci, c'est lui qui la prit dans ses bras. C'est lui qui attira sa mère contre lui et l'étreignit avec force, agrippant son kimono presque désespérément.

Parce-qu'il avait juste besoin de quelque chose sur lequel prendre appui.

Parce-qu'il ne recherchait rien de plus qu'une lumière pour l'éclairer.

Parce-que, quoi qu'il pût dire, faire, ou même penser, cette femme, qui était venue vers lui malgré son cocon de ténèbres...

Il ne désirait pas la perdre.

La jeune femme ouvrit des yeux ronds. Puis, lentement, l'expression de surprise qui était apparue sur son visage à la suite de ce geste s'effaça, et, se reculant légèrement, elle se dégagea de son étreinte avec douceur... et planta son regard dans le sien.

Et les yeux perdus rencontrèrent alors des prunelles gorgées de lumière.

xxx

Elles qui avaient toujours été de nuit, les voilà maintenant qui s'habillaient de jour, irradiant d'une lumière pourpre et solaire.

Le feu.

Elles, elles semblaient soudain brûler, d'une joie incommensurable, éclairées de l'intérieur par un feu unique et secret.

Un feu intense, à la fois chaleureux et violent, et auquel rien ne semblait pouvoir résister.

Un feu aux multiples facettes, indéchiffrable... mais qui semblait promettre le ciel.

Alors, elle n'avait pas prononcé un mot, mais était-ce vraiment la peine? Quand un regard, un seul regard, pouvait exprimer plus, tellement plus, que de simples paroles...

L'enfant la fixa, hagard, ses yeux vides rivés sur les prunelles ensoleillées.

Ses questions oubliées.

Et soudain, ses poings se serrèrent sur les manches de soie.

- "Pour... quoi... ?"

Les lèvres de la jeune femme s'entrouvrirent en une nouvelle mimique de surprise, mais presque aussitôt après se dessina sur ces dernières un sourire d'une douceur ineffable.

Un sourire léger comme le vent, doux comme une caresse... et profond comme le coeur.

Alors les poings de l'enfant se serrèrent encore plus fort, jusqu'à trembler...

Et il repoussa brutalement sa mère.

xxx

Seul.

Il avait toujours cherché seul les réponses à ses questions, mais pouvait-il faire autrement?

Dans ses profondes ténèbres, il errait solitaire... depuis toujours.

Pourtant, quand on cherche des réponses, ne suffit-il pas parfois de poser simplement les bonnes questions, aux personnes appropriées?

Ne suffisait-il pas, finalement, que lui pose tout simplement la question, à cette personne qui, bien qu'à l'extérieur, avait toujours été là pour lui?

Non...

C'était impossible. Parce-que justement, en elle-même, une question contenait déjà très souvent des réponses.

En posant des questions, c'était comme si, quelque part, il se livrait. Comme s'il dévoilait du même coup à son interlocuteur une partie de lui-même...

Et pour lui qui justement se cherchait, cela était tout simplement inadmissible.

Alors, seul, il était...

Seul, il chercherait.

Cependant...

Lui qui voulait tant la comprendre, la voilà maintenant qui réapparaissait sous ses yeux.

Lui, qui désirait tant savoir mais qui, malgré tous ses efforts, n'avait toujours rien trouvé...

Pouvait-il continuer ainsi? Pouvait-il continuer à chercher, seul et obstiné... au risque de passer à côté d'elle?

Au risque de la laisser lui échapper?

Non! Non, il ne pouvait pas, il ne devait pas, tout simplement parce-qu'il devait savoir!

Elle semblait annihiler toutes les autres questions autour d'elle, comme si, au final, il n'y avait qu'elle qui importait. S'il la comprenait, alors peut-être, le reste...

Mais...

Même s'il posait la question, trouverait-il des réponses?

Les ténèbres n'avaient fait que s'épaissir, jour après jour... Pourquoi cela changerait-il?

Il se sentait si fatigué, si las...

Las de chercher chaque jour des réponses qu'il ne trouverait pas.

Las de chercher chaque jour une lumière qui ne l'éclairerait jamais.

Et pourtant, au fond de lui, une partie de son être continuait à hurler.

Non... Non non non!

Que devait-il faire? Abandonner, et se laisser tranquillement bercer par l'obscurité?

Et se laisser sombrer sans rien faire...

Non! C'était hors de question, non!

Jamais...

Mais malgré tout, il avait beau écarquiller les yeux, tout, autour de lui, n'était que ténèbres...

Il était donc là, à se débattre au milieu de ses pensées nébuleuses, quand ses yeux se posèrent sur sa mère.

Et lorsqu'il aperçut son regard voilé, soudain, sa décision fut prise.

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Ses poings avaient cessé de trembler.

C'est ce petit détail qui la tira des brumes de l'obscure tristesse qui l'avait assaillie.

Ses poings avaient cessé de trembler.

Alors, lentement, elle se libéra de sa torpeur, puis ses prunelles se mirent à chercher celles de l'enfant, presque avec appréhension...

Et ne les quittèrent plus.

L'enfant arborait une expression totalement impassible, presque froide, tandis qu'il se tenait là devant elle, fier et droit, les sourcils légèrement froncés et ses poings toujours serrés ramenés le long de son corps. Cependant, il l'observait toujours, et ses yeux, qui avaient étrangement vacillé lorsqu'ils avaient croisé les siens l'instant auparavant, la fixaient maintenant sans ciller, avec une intensité presque surnaturelle.

Ses prunelles de néant la maintenaient prisonnière de leur étreinte d'or, menaçant de l'engloutir, en un regard inaltérable que rien ne semblait pouvoir détourner...

Et elle ne put que frémir sous le poids de ces yeux déterminés à vivre. (1)

C'est alors qu'il prit la parole, d'une voix parfaitement neutre, calme et détachée. Cependant, tandis qu'il parlait, ses poings se serrèrent un peu plus fort le long de ses côtés.

- "Quelle est cette étincelle qui brille au fond de tes yeux?"

Et sa bouche se referma aussitôt les mots prononcés, comme pour les ravaler.

Mais c'était trop tard.

La Question était posée.

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La jeune femme le fixa, hébétée.

Au son de sa voix, les battements de son coeur s'étaient soudain accélérés, et une joie sans nom avait brusquement saisi tout son être à la pensée que son fils, son propre enfant, qui ne lui avait jamais rien dit, était finalement passé outre sa fierté pour enfin lui confier, à elle et elle seule, ce qui le tourmentait.

Ce n'est qu'au bout de quelques instants qu'elle prit pleinement conscience du sens de la question, et de tout ce qu'elle impliquait.

- "Ah, ça!", dit-elle alors, usant du même ton indifférent que celui employé par l'enfant.

Mais ses yeux pétillaient, et un sourire doux dansait à nouveau sur ses lèvres. Sourire qui se fit d'ailleurs légèrement taquin tandis qu'elle s'avançait vers le petit garçon, pour lui murmurer doucement à l'oreille:

- "Ca, c'est à cause de toi..."

Alors le masque glacé de l'enfant se brisa net. Et, face à son expression médusée, la jeune femme n'y tint plus et éclata de rire, laissant finalement exploser le sentiment qui l'envahissait en une myriade de notes cristallines et fraîches.

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- "A cause de...?"

Les mots s'échappèrent de ses lèvres avant qu'il ne pût les retenir, mais l'enfant parut le regretter aussitôt et plaqua sa main contre sa bouche. Quelques secondes après, il la retirait, son regard fixe et droit rivé sur sa mère, son expression de nouveau impénétrable.

Son masque de nouveau en place.

La jeune femme aussi s'était tue soudainement, et à présent elle contemplait ses mains réunies devant elle comme un miroir, une lueur stupéfaite dans les yeux comme si elle pouvait y déceler ses joues rosies d'avoir tant ri, et l'éclat irisé de ses prunelles.

- "C'est vraiment... un sentiment étrange..."

Sa voix était faible, presque hâchée, et ses membres encore tremblants au souvenir des éclats de rire qui les avaient secoués.

L'enfant ne répondit pas, se contentant de l'observer sans un mot.

Soudain, comme se réveillant, elle laissa glisser son regard un peu perdu vers lui, et en apercevant ses sourcils froncés, ses lèvres s'étirèrent en un triste sourire.

- "Tu ne comprends pas..."

Ce n'était pas une question, mais une simple constatation. Cependant, à ces mots, l'enfant la fixa soudain effrontément, avec une intensité presque féroce.

La jeune femme rit doucement devant sa mine presque vexée.

Bien sûr qu'il ne comprenait pas: il ne pouvait pas comprendre. Et cela parce-qu'elle n'était pas la personne qui pourrait lui fournir des réponses.

Ce n'était pas elle, la personne qui détenait la clef, cette clef si précieuse, qui ouvrirait les portes de son coeur.

Ce n'était pas elle, cette Lumière qu'il recherchait tant, et qui pourrait le délivrer des ténèbres de sa solitude.

Oui, ce n'était pas elle, elle le savait parfaitement... Et pourtant, à cette pensée, elle ne pouvait empêcher un éclair douloureux de la pourfendre.

Et pourtant, l'Espoir était toujours là, tapi au fond d'elle... et il brûlait.

Bah, après tout, se dit-elle alors en croisant une nouvelle fois ses yeux vides. Même si ses explications étaient vaines, elle pouvait toujours lui montrer, non?

Même s'il ne trouverait pas de réponse aujourd'hui encore... elle pouvait toujours lui donner matière à réfléchir.

Et c'est avec cette idée en tête que soudain, elle se mit à danser.

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Elle fit quelques pas vers lui, d'abord hésitants puis de plus en plus fermes, puis soudain elle s'arrêta, et, fermant à demi les yeux, elle se décida finalement à se laisser porter par ce sentiment qui l'emplissait toute entière.

Alors, elle se mit à tournoyer sur elle-même, tout doucement, les pans de soie de son kimono flottant tout autour d'elle, sa chevelure sombre encadrant sa silhouette comme deux ailes. Puis elle effectua quelques pas, aussi légers qu'un souffle, d'un côté, puis de l'autre, avec une grâce incomparable, ses bras ouverts en direction de l'enfant en une lointaine étreinte, tandis que sur ses lèvres flottait un sourire ineffable.

Tout son être n'était que douceur et tournoyait, virevoltait doucement, au rythme d'un sentiment empreint d'une tendresse infinie.

L'enfant contemplait la scène, le souffle coupé, tentant désespérément de saisir le sens du ballet qui se jouait devant ses yeux.

Puis soudain, tout s'accéléra. Les mouvements de la jeune femme se firent plus vifs, plus violents, ses pas plus précipités, presque furieux, et une rage intense sembla brusquement irradier de tout son être, tandis qu'elle virevoltait toujours plus rapidement, sur un rythme de plus en plus féroce, tout sourire effacé de son visage d'une blancheur sans égale, ses cheveux d'ébène bondissant à sa suite et les pans de son kimono claquant dans l'air avec fureur.

Et puis tout-à-coup, sous les yeux stupéfaits de l'enfant, la Rage se mua en Douleur.

Les pas se firent beaucoup moins vifs, presque tremblants, tandis que la jeune femme, qui avait cessé de tournoyer, enserrait à présent son propre corps de ses mains, en un dérisoire cocon protecteur face aux sanglots inaudibles qui la secouaient toute entière. Puis soudain, elle chancela et tomba à genoux sur le sol, sans un bruit, sa chevelure qui retombait derrière elle auréolant sa silhouette de ténèbres, ses paupières à demi closes laissant apercevoir deux gouffres de souffrance écarlate.

Dans l'esprit de l'enfant, l'image d'un oiseau au vol désespéré passa en un éclair, et ses poings se serrèrent aussitôt. Cependant, il n'eut pas le temps d'esquisser un geste vers sa mère que celle-ci se relevait déjà...

Et lui adressait un regard enflammé qui le cloua sur place.

Se laisser porter... Il n'y avait qu'à se laisser porter...

Alors la danse reprit, encore plus intense que précédemment.

Ses pas se firent de plus en plus vifs, de plus en plus précipités, presque allègres, ses tournoiements plus rapides, plus violents, à mesure qu'elle se laissait entraîner par le torrent de sentiments qui l'envahissait, balayant tout sur son passage, et c'était comme si, soudain, la pièce s'était éclairée, comme si, soudain, le feu qui l'habitait était devenu palpable, et l'enfant avait l'impression qu'en fermant les yeux, il pourrait même le discerner.

Et le feu, comme mû par une volonté propre, semblait gagner en puissance et en luminosité, de seconde en seconde. Il grossissait, grossissait... et, à mesure qu'il enflait, la danse devenait toujours plus rythmée, toujours plus saccadée.

Il enflait, enflait... et, à mesure qu'il s'étendait, la jeune femme s'essoufflait, littéralement consumée.

Elle haletait, s'épuisait, la fatigue perlant à ses tempes, le coeur battant douloureusement dans sa poitrine, ses pas toujours plus chancelants... Et il l'observait, impuissant, tandis que son corps se tordait sous les efforts, et que ses membres tremblaient malgré elle.

Et pourtant, elle dansait toujours, à un rythme effréné.

Elle dansait, un petit sourire flottant sur ses lèvres, portée par les remous d'un sentiment arc-en-ciel...

Un sentiment aux milles couleurs, aux milles contrastes, une musique intérieure lancinante, presque douloureuse, si violente et cependant si tendre, une étincelle vive qui lentement l'embrasait...

Et, lorsqu'enfin, complètement vidée, elle s'effondra entre les bras de l'enfant et aperçut son visage penché au-dessus du sien, elle se dit qu'au monde, il n'existait pas d'agonie plus douce...

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L'enfant la fixait, son esprit perdu au milieu de tournoiements et de pans de soie. Il ne comprenait pas, ne savait pas comment réagir, alors il se contentait de la maintenir contre lui, attendant qu'elle reprenne son souffle.

Et à son étreinte, elle répondit par un sourire doux comme la brise.

- "C'est... à cause de toi... que je brûle" ,dit-elle alors, ses prunelles de crépuscule rivées dans les siennes. Et l'enfant ne put s'empêcher de frissonner sous les accents tendres de cette voix chaleureuse.

- "C'est pour toi... que je vis" ,acheva-t-elle enfin, frôlant sa joue de l'extrêmité de ses longs doigts blancs en une caresse presque imperceptible.

Et sa voix n'était plus qu'un murmure.

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L'enfant ne bougea pas, ne réagit pas...

Ne comprit pas.

La jeune femme finit par fermer les yeux, se laissant aller à la chaleur de cet instant, souhaitant le graver à jamais au tréfonds de son âme.

Et l'enfant l'observait toujours, impassible et froid.

Pourtant, un mot planait toujours dans l'air...

Ce mot, qui paraissait si incongru, prononcé en ce lieu, au milieu de ces deux êtres si sombres...

Ce mot, qui lui était indifférent, parce-qu'étranger, et qui pourtant résonnait toujours à ses oreilles...

- "Vi... vre...?"

La jeune femme ouvrit les yeux, et son regard tomba alors sur le visage inexpressif de l'enfant...

Sur son insensible indifférence.

Et pourtant, elle l'avait bien perçue, malgré tout...

La petite note de détresse de sa voix légèrement tremblotante.

- "Oui, vivre ..." répéta-t-elle doucement, un petit sourire tendre aux lèvres.

Puis elle cligna des yeux, et soudain son regard se fit dur, acéré, sa voix tranchante.

- "Vivre..."

Et l'enfant eut tout juste le temps de s'écarter alors qu'elle se relevait prestement, son visage dissimulé derrière ses longues mèches d'ébène, sa fatigue envolée comme si elle n'avait jamais existé.

- "Ma... man?"

Alors elle se retourna pour lui faire face, et l'enfant ne put réprimer un frisson, tandis qu'elle le fixait soudain de ses prunelles éteintes et sanglantes, son visage aussi lisse et froid que le marbre, ses cheveux cascadant sur ses épaules en une rivière ténébreuse, tout son être empreint tout-à-coup d'une neutralité presque irréelle.

Inconsciemment, il recula d'un pas, hagard.

Jamais la jeune femme n'avait eu une telle expression en sa présence, et il avait la sensation confuse que ce n'était qu'à cet instant précis qu'il la rencontrait véritablement pour la première fois.

- " Vivre ..." , répéta-t-elle à nouveau, et ses lèvres s'ourlèrent d'un sourire.

Un sourire profondément moqueur et sarcastique.

L'enfant la fixa, figé. Elle ne semblait plus le voir.

- "Moi non plus, je ne savais pas ce que c'était" , dit-elle alors d'une voix extraordinairement neutre et détachée, sur le ton guilleret de la conversation banale.

- "Oui..."

Elle porta ses mains blanches à ses yeux, et contempla avec indifférence les marques de sang séché qui les maculaient, derniers vestiges de son "travail" du soir.

- "Je ne savais pas ce que c'était, avant de tuer pour la première fois."

Et à ces mots, son sourire se fit carnassier, avide, et ses yeux prirent l'éclat fauve du prédateur auquel rien ne résiste.

L'enfant frissonna de tous ses membres.

- "La vie", reprit-elle alors dédaigneusement, son regard remontant le long de ses bras avec gourmandise, "c'est quelque chose de si fugace, de si fragile! Un rien l'éteint, comme un souffle la flamme d'une bougie, et même si on ne fait rien, la bougie se consume d'elle-même, et finira par s'éteindre à un moment ou à un autre. Et elle aura beau lutter, cette petite bougie solitaire, de toutes ses forces... elle ne pourra rien faire contre cela. Si ce n'est pas pathétique!"

Et elle éclata de rire, un rire dont les accents outre-tombe résonnaient dans tout le vestibule de manière presque inhumaine.

Un rire méprisant et acide, mais sans substance, creux, et vide, pâle, et sans vie.

Le rire cruel et froid du Sakurazukamori.

xxx

L'enfant se crispa.

Sakurazukamori ...

La jeune femme se tut soudain, et le fixa avec intensité, semblant enfin le voir. Puis elle poursuivit d'une voix calme et posée, emprisonnant le regard doré dans une étreinte glacée et pourpre:

- "Je perds tous les êtres que j'aime autour de moi, et je ne peux rien faire.

Pourquoi partent-ils tous avant moi? Pourquoi suis-je celui qui reste?

Je suffoque doucement, prisonnier d'une solitude éternelle,

Errant dans une nuit sans fin.

La vie est Souffrance."

L'enfant ouvrit des yeux ronds. Pas un sentiment, pas une émotion, n'était passé dans le regard de la jeune femme tandis qu'elle parlait, mais sa voix emplissait tout l'espace et alourdissait l'air...

Elle sonnait, profonde et pure, et pesait sur les coeurs comme la Vérité même.

- "Je m'admire dans mon miroir, me saupoudrant le nez de cosmétiques,

Ignorant délibérément les animaux qui meurent à cause de moi.

Que vais-je acheter encore aujourd'hui? Quels vêtements, quels parfums, pour paraître encore plus belle?

Je m'enchaîne dans de flatteuses illusions, rien n'est pire pour moi que le temps qui défile.

La vie est Artifice."

-"Je me lève, je travaille, je me couche.

Chaque jour semblable à hier, chaque jour semblable à demain.

Rien ne change, rien ne bouge, je stagne, je m'enlise dans une boucle sans fin.

Je me lève, je travaille, je me couche.

La vie est Ennui."

-"Je possède des usines, des entreprises, des musées.

Combien d'argent vais-je encore gagner aujourd'hui?

Je ne vois pas ceux qui ont faim, ceux qui sont malades, ceux qui meurent.

Qu'importe, puisque moi je vis?

La vie est Pouvoir."

Puis l'étrange litanie cessa, et la jeune femme reprit, un rictus narquois déformant ses traits.

- "Souffrance, Artifice, Ennui, Pouvoir... Voilà ce qu'est la Vie, voilà comment les êtres humains la voient.

Ils s'enferment dans leur détresse, et oublient qu'ils ont déjà été heureux et peuvent encore l'être. Quelque chose ne va pas comme ils veulent? Ils ne font pas le métier qu'ils désiraient, ne gagnent pas assez d'argent à leur goût? Et les voilà qui se mettent à mépriser leur propre existence.

Ils s'enferment dans leur jalousie et leur haine, et les voilà qui vont jusqu'à mépriser celle des autres.

Ils s'enferment dans leur propre égoïsme, et oublient leurs semblables qui souffrent et meurent chaque jour à l'autre bout de la planète. Entraînés par les rouages de l'habitude, ils n'y pensent déjà plus, et cela devient "normal".

Et toujours, ils se plaignent.

Toujours.

Alors, puisqu'ils ont si "mal" ...

Puisque la vie est Douleur, et qu'elle cessera de toutes manières un jour ou l'autre...

Qui peut nous en vouloir d'abréger leurs souffrances?

Qui peut nous en vouloir d'arrêter l'engrenage de cette futilité que l'on nomme Vie , avant que ses dents ne blessent?

QUI LE PEUT, HEIN?"

L'enfant sursauta. La voix de la jeune femme avait soudain enflé, puis s'était brutalement brisée sur ce qui semblait être... un sanglot?

L'enfant observa sa mère, les yeux écarquillés.

Non. Ce n'était pas possible, il le savait bien.

Et pourtant, la voilà à présent qui baissait la tête, dissimulant du même coup son regard écarlate derrière ses mèches sombres.

Et seul se distinguait vaguement derrière ce rideau de ténèbres son sourire moqueur, et, quelque part, cruel aussi...

Cruellement triste.

- "Pourtant, ils n'ont pas le droit... Ils n'ont pas le droit de se plaindre, ils n'ont pas le droit!"

La voix était basse, vibrante, étrangement rauque et incertaine, comme si la jeune femme n'avait pas parlé depuis longtemps...

Ou plutôt comme si elle parlait pour la toute première fois.

- "Non, ils n'ont pas le droit!... Parce-qu'eux au moins, ils rient, ils pleurent, ils souffrent, ils aiment..."

Elle releva la tête, plantant enfin son regard dans celui de l'enfant: un regard perdu et voilé...

- "Eux aux moins, ils vivent."

Un regard vide.

xxx

Elle parlait.

Est-ce que la Parole était Libération?

Dans son cas à elle, oui.

Ou était-ce plutôt parce-que c'était lui qui l'écoutait?

Il l'écoutait, et à cette seule pensée, son coeur s'envolait soudain, porté par les ailes d'un sentiment indéfectible.

Et il s'allégeait soudain, apaisé.

Elle parlait...

- "Ils vivent. Et pourtant, ils ne se rendent pas compte à quel point, parce-que courte, la vie est importante.

A quel point, parce-que "fugace" , la vie est précieuse.

Et, prisonniers de l'Habitude, du Pouvoir, de l'Egoïsme, du Désespoir... ils en oublient le petit bonheur apporté par le simple fait d'être en vie.

La petite joie apportée par le simple fait d'exister."

Un sourire triste se dessina sur ses lèvres.

- "Mais moi, quelle existence me reste-t-il?

Que suis-je?"

Oui, au final, qu'était-elle? Quelle était la raison d'être du Sakurazukamori ?

- "On m'engage pour ôter la vie."

Engager ...

- "Ils m'engagent pour ôter la vie de leurs semblables."

Oui, c'était cela...

- "Moi, au final... je ne suis que le fruit de leurs pulsions meurtrières."

Un instrument, sans vie et sans existence, manipulé par la Mort elle-même.

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Une vérité dévoilée, un cri venant du coeur.

Une souffrance enfouie depuis longtemps.

Un silence, apaisant.

Puis un regard, doré et scrutateur.

Un regard sans vie, mais pourtant présent.

Et la lumière...

La jeune femme cligna des yeux, puis, croisant le regard de l'enfant posé sur elle, son visage s'éclaira soudain, et un sourire tendre apparut sur ses lèvres.

- "Mais cela n'a plus d'importance, à présent..."

Parce-qu'un jour, il était arrivé comme le soleil se lève sur l'horizon obscur, chassant les ténèbres de la nuit de ses rayons d'or...

- "... Parce-que tu es là."

La tirant de sa solitude...

- "Et maintenant, grâce à toi, je ris, je pleure, je souffre..."

L'auréolant de lumière...

- "... j'aime..."

Et lui offrant un but.

- "Et pour toi je vis."

L'enfant la fixa, hébété, mais qu'importe à présent?

Tout se passerait bien...

Elle savait maintenant que la nuit n'était pas éternelle.

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Elle s'approcha de l'enfant qui se tenait immobile, s'agenouillant auprès de lui pour être à sa hauteur sans lâcher ses yeux de ses prunelles lumineuses, puis elle lui dit alors, d'une voix calme et assurée, mais teintée de douceur:

- "Tuer m'a fait comprendre ce que c'était que vivre, mais c'est aimer qui m'a rendue vivante.

C'est toi qui m'a rendue vivante."

Et l'enfant ne quittait pas son regard, cherchant à saisir dans le feu qui y brûler le sens de ses paroles.

Et il écoutait, auditeur attentif, cherchant à les graver pour toujours au fond de son âme.

Cherchant, encore...

- "Et toi aussi, un jour... tu rencontreras quelqu'un qui ouvrira ton coeur et te libérera de ton monde noir.

Quelqu'un qui sera la lumière que tu recherches tant...

Quelqu'un qui deviendra ton monde... er pour lequel tu deviendras étoile."

A ces mots, un sourire s'esquissa soudain sur les lèvres de l'enfant.

Un sourire moqueur, profondément méprisant, profondément sceptique... mais un sourire.

Son premier sourire.

La jeune femme se pétrifia, figée par la surprise.

C'était la première qu'elle voyait son fils sourire, et son premier sourire était narquois?

Alors, elle ne put se retenir et, détournant la tête, elle éclata de rire.

Un rire léger, clair et profondément gai.

Comme on disait familièrement: cela promettait...

En réponse à son rire, le petit garçon se figea à son tour, son sourire plus qu'un souvenir ancré dans l'esprit de la jeune femme, ses yeux braqués férocement sur elle.

Se moquait-elle de lui?

Mais non... Son rire s'élevait, pur et cristallin, exempt de toute trace de sarcasme, et il résonnait doucement, notes mélodieuse empreintes d'une joie véritable...

Et d'un sentiment sans limites.

Quand la jeune femme se tut enfin, à bout de souffle, elle leva son regard perlé vers lui, puis, ses prunelles plantées dans les siennes, elle lui dit alors, un sourire tendre jouant malicieusement sur ses lèvres:

- "Tu as beau dire, ou faire...

Malgré ta carapace de glace,

malgré ta froide indifférence, et ton apparente insensibilité,

malgré tout... tu cherches, non?

Tu cherches.

Même si les questions se font toujours plus nombreuses...

Même si tu erres seul, perdu parmi tes incertitudes, et que tu n'aperçois pas la lumière...

Tu cherches, encore et toujours.

Et si malgré ton absence de réponses, tu cherches encore...

Et si malgré tout, tu n'abandonnes pas...

C'est bien que quelque part, tu espères, non?

Tu espères." (2)

L'enfant la fixa, interloqué, incapable de réagir.

C'était vrai? Il... espérait?

Lui... Il pouvait espérer?

Et devant son air confus, la jeune femme se rapprocha encore davantage, son visage seulement à quelques centimètres du sien, ses yeux brillant soudain d'un éclat solaire.

- "Toi, vraiment..."

Puis, penchant la tête sur le côté, elle l'embrassa sur la joue, en un baiser aussi léger que les ailes d'un papillon...

Et aussi chaleureux que le soleil.

- "... tu es adorable."

Alors, lorsqu'enfin elle s'écarta et se retrouva face à l'enfant et son expression abasourdie... elle ne put que repartir sur un nouvel éclat de rire, pétillant et frais. (3)

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La jeune femme tourbillonnait sur elle-même telle une petite fille, tout son être empreint d'une joie sans bornes, les pans de son kimono ondoyant gracieusement autour d'elle sous l'oeil perplexe de l'enfant.

Puis soudain elle s'arrêta, et, se tournant vers l'enfant, elle riva ses prunelles de feu dans les siennes, ses traits illuminés d'un sourire.

- "C'est vraiment... un drôle de sentiment!"

Puis, s'avançant doucement vers lui, elle ajouta avec mélancolie:

- "Mais tu vois, ce sentiment grandit en moi, jour après jour...

Cette étincelle qui brûle en moi... se fait chaque jour plus forte, chaque jour plus intense.

Et un jour, quand je ne pourrai plus la contenir..."

Elle s'arrêta à quelques pas de l'enfant, l'éclat de ses prunelles dansant comme la flamme de l'âtre.

- "... elle m'emportera."

Puis elle s'agenouilla de nouveau face à lui, aussi sereine que si elle parlait du beau temps de la semaine. Cependant, elle le fixait avec une intensité sans égale, et sa voix semblait s'écouler, se tisser, inaltérable, comme le fil même du Destin.

- "Ce jour-là, tu comprendras enfin ce que c'est que vivre...

Ce jour-là, tu tueras un être humain pour la première fois.

Tu me tueras..."

Elle posa alors un doigt sur la bouche du jeune garçon, avec une douceur indéfinissable...

Et lui ne pouvait qu'écouter, incapable d'aller contre cette voix guidée par une volonté farouche, et sans faille.

- "Oui, tu me tueras, me permettant de faire partie de toi, juste à cet instant...

Juste une fois..."

Elle posa la main sur son propre coeur.

- "Et mettant fin à la plus douce agonie qui soit."

Elle planta son regard dans celui de l'enfant, comme voulant l'emprisonner dans sa lumière écarlate, sa voix plus profonde, plus vibrante, que jamais.

- "Car il n'y a rien qui ne saurait me rendre plus heureuse, que de m'endormir pour toujours en emportant comme dernière image celle de ton visage penché au-dessus du mien.

Car il n'y a pas de plus grand bonheur que celui de mourir de la main de l'être que l'on aime le plus...

De mourir dans ses bras, en une dernière étreinte."

Et soudain elle se releva, s'éloigna de l'enfant de quelques pas, puis, lui tournant le dos, son regard se posa sur le ciel étoilé que l'on apercevait entre les arbres du jardin tout proche.

- "Alors, cette étincelle m'emportera, là-haut, dans le ciel où elle rejoindra ses semblables, et où je continuerai de brûler, éternellement."

Elle se retourna vers l'enfant.

- "Et où, paradoxalement... je continuerai à vivre, pour toujours..."

Elle s'avança à nouveau vers lui, un petit sourire doux aux lèvres.

- "Mes pas résonnant derrière toi.

Mon souffle mêlé au tien.

Mes yeux veillant sur toi depuis le ciel..."

Elle se pencha vers lui, lui ébouriffant doucement les cheveux.

- "Mon enfant..."

Elle lui effleura la joue du bout des doigts, en une caresse infime...

En un geste d'une infinie tendresse.

- "Mon héritier..."

Puis elle lui chuchota à l'oreille ces mots, juste ces quelques mots, le coeur cognant tel un tambour dans sa poitrine, sa voix aussi légère qu'un souffle...

- "Mon Amour..."

Son regard flamboyant comme le soleil qui se lève.

- "Mon seul et unique... Amour."

Alors, quand l'enfant se tourna finalement vers elle, les yeux écarquillés, la jeune femme lui sourit de nouveau, avec toute la douceur du monde.

Elle lui répondit simplement d'un sourire, une étincelle resplendissant au fond du coeur telle une étoile.

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Sur le toit d'un immeuble, tout près du Rainbow Bridge, l'homme observait les étoiles, remontant lentement le fil de ses souvenirs. Soudain, un bruissement se fit entendre et il se tourna aussitôt, fixant d'un regard perçant le pont face à lui, de son seul oeil valide désormais.

De son oeil profond et doré, mais plus si vide...

Sur le pont en contrebas se tenait un jeune homme, de dos, sa fine silhouette enveloppée d'un manteau blanc immaculé balayé doucement par l'air nocturne.

Il ne semblait pas conscient de sa présence.

En l'apercevant, l'homme se raidit légèrement, mais se détendit la seconde d'après, comme honteux de sa propre réaction. Alors, veillant à ne pas attacher son regard trop intensément sur le jeune homme, il se mit à détailler sa silhouette, avec une douce lenteur.

Le jeune homme contemplait la ville en contrebas, tout son être empreint d'une mélancolie tendre, et, bien qu'il ne pût apercevoir son visage, il devinait fort bien le bandage enroulé autour de ses cheveux bruns, dissimulant son oeil blessé, et l'autre oeil fixant les lumières urbaines, triste émeraude esseulée sur ce visage blanc et pur.

Et ce que cette silhouette ne savait pas, c'était que, pour l'homme qui l'observait, les lumières de la ville, et même les étoiles, étaient devenues tout-à-coup bien fades.

Bien fades...

Ce qu'il ignorait...

L'homme secoua la tête, déterminé à attacher son attention sur un autre détail. Et, lorsqu'il remarqua que le jeune homme allumait une cigarette, ses lèvres s'étirèrent en un imperceptible sourire.

Lui-même laissa alors tomber sa propre cigarette sur le sol, inachevée, et l'écrasa négligemment de son pied, son regard unilatéral toujours rivé sur la silhouette immaculée, des mots tendres qu'on lui avait murmurés il y a longtemps lui revenant lentement en mémoire.

"Vivant", hein?...

Alors son sourire se fit profondément méprisant, et narquois, acide, et moqueur, mais pas moqueur envers la silhouette en contrebas, non...

Moqueur envers lui-même.

Et, conscient de cela, ce sourire s'élargit doucement, plus triste encore.

L'homme leva les yeux au ciel, une dernière fois, et lorsqu'une étoile lui adressa un clin d'oeil, ses sourcils se froncèrent, comme ils le faisaient autrefois.

Il reporta son attention sur le jeune homme, son oeil doré pétillant soudain à la lumière de la lune.

Cela avait assez duré.

Il esquissa un pas en direction de la silhouette, l'éclat de son oeil unique s'intensifiant à mesure qu'il approchait.

Allez...

Il sauta sur le pont et s'avança vers lui, aussi silencieux qu'une ombre.

Il était temps que cette étincelle l'emporte.

FIN

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L'auteur, toute heureuse : Yahou! Cette fanfiction est terminée :) ! Argh, quand je lis ce genre de fin dans une fanfiction, cela me laisse sur ma faim... (pardon pour le jeu de mots idiot - -;) Mais je ne pouvais pas terminer autrement, parce-que pour cette histoire, il n'y a pas de plus belle fin que celle des Clamp!

Sorata, relit la fin : Attends: tu veux dire que depuis tout ce temps, le célèbre et redoutable Sakurazukamori pensait à sa maman? Ce n'est pas un peu...

Regard noir dudit "célèbre et redoutable Sakurazukamori", qui, rappelons-le, n'est pas seulement "célèbre et redoutable", mais aussi, et surtout, très dangereux.

Sorata: Gloups! Je n'ai rien dit...

Yuzuhira, attendrie : Mais non! Moi, je trouve cela trop trop mimi...

L'auteur, un immense sourire aux lèvres, sautillant partout : Tout à fait d'accord avec toi! Hihi :) !

Deuxième regard noir... Tiens? Le vent se lève?

Yuzu et l'auteur: Aaaaaah! Pardon, pardon, on n'a rien dit!...

Subaru, perdu dans ses pensées : Au moins, il aura vécu une enfance entourée d'amour...

Silence.

Subaru, se rend compte qu'il a parlé à voix haute : Euh...

Regards insistants de la foule... (et sourire idiot de l'auteur)

Subaru, légèrement rouge : Euh... je n'ai rien dit?

Et la foule estomaquée se précipite sur le pauvre Subaru, sans remarquer Seïshiro qui s'est reculé, ses lèvres ornées d'un sourire imperceptible.

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Notes:

(1) : Ah, je n'ai pas pu m'en empêcher... Hihi, je crois que j'ai un petit faible pour tous ces personnages droits et sûrs de leurs convictions (même si l'adjectif "droit" ne convient pas vraiment à Seïshiro... - -; ), qui n'abandonnent pas quoi qu'il arrive afin de réaliser leur souhait... (comment cela, "un gros faible, plutôt"? Maiheu!... )

(2) : C'est la question qui me taraudait à la fin de Tokyo Babylon: "Mais pourtant, il a cherché, non?" Et s'il cherche avec autant d'ardeur, c'est bien que quelque part, il espère trouver. Et il a beau faire tout ce qu'il peut pour le cacher, "espérer" est une marque d'humanité...

(3) : Kya! Cette scène était dans ma tête depuis le début de l'histoire, et je mourais d'envie de l'écrire... Hip hip hip, hourra pour la Sakurazukamorette! (n'est-ce pas, Lyra? ;) )

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L'auteur, toute contente : Ahaha, sacré Subaru :) ! Mais tout de même... (regarde la fanfiction d'un air affolé) ...C'est décidé: je suis atteinte de "plumite", c'est-à-dire que ma main, dès qu'elle tient un stylo, ne peut plus s'arrêter d'écrire... (Seïshiro: Hum, n'est-ce pas toi qui disais vouloir "entreprendre des études médicales"? ; l'auteur: Euh... si :) . ; Seïshiro, excédé : Et tu ne crois pas que si tu commences à inventer des noms médicaux, tu es, comment dire... "mal barrée"? ; l'auteur: En effet... V.V ; Seïshiro: ... Idiote.)

Eh oui, je vais rentrer en fac de Médecine, et du coup, durant l'année qui arrive, à cause du concours, je ne pourrai plus écrire... (ni lire de fanfictions, normalement... T.T) Mais, je sens que cela va être dur... Surtout que mon esprit est attiré en ce moment par un jeune homme droit et tendre, au regard déterminé, à l'immense courage, et à la gentillesse sans bornes... (Seïshiro: La revoilà qui s'emballe... - -; Mais au moins, elle va me laisser tranquille, maintenant. ; l'auteur: Snif! ) Gyaaah! Allez, moi aussi, courage :) !

Hihi, cette fanfiction m'a donné beaucoup de mal, mais j'ai été heureuse de l'écrire! (surtout la fin :) ) J'espère qu'elle vous aura plu et vous remercie de tout mon coeur, vous qui avez lu cette histoire jusqu'au bout! Je fais également un énoooooooorme bisou sur chaque joue de Lyra et Altayr, Sofela, Kokoroyume et Maveck pour leurs si gentilles reviews et leurs encouragements :) ! Surtout, n'hésitez pas à me laisser des commentaires pour me dire ce que vous en pensez!

Gros gros bisous à tous, à bientôt et bonne rentrée :) !

Maeve