Je suis désolée d'avoir tant tardé à poster l'épilogue. J'ai été très occupée et j'avoue que mes préoccupations étaient très loin du fandom. J'espère que vous aimerez ce dernier chapitre, qui clot la fic d'Aucta Sinistra.

Si vous lisez l'anglais, n'hésitez pas à lire ses autres fics qui sont toutes excellentes ! (lien sur ma page de profil)

J'adresse tous mes remerciements à Aucta Sinistra pour m'avoir permis de traduire sa fic, et à Zazaone (la seule, l'unique !) pour son merveilleux travail de relecture ! Croyez-moi, le texte serait illisible sans elle !


Without ceremony

Harry regarda le hibou prendre son envol dans le ciel d'été, puis baissa les yeux sur la lettre froissée dans sa main. Il secoua la tête.

- Je n'arrive pas à croire que Shelagh soit partie comme ça.

- Elle est amoureuse de toi, idiot, grommela Severus.

- Tu sais trouver les mots qui réconfortent.

- Viens, nous avons du travail.

Harry fourra la lettre dans sa poche et lévita un des coffres. Severus l'imita.

- Croyais-tu qu'elle allait rester ici ?

- Non. Je sais ce qu'on ressent quand on aime quelqu'un et que ce n'est pas réciproque. On a besoin de prendre du recul.

Severus lui jeta un regard en coin en levant un sourcil.

- Oh, je n'allais pas renoncer si facilement, se défendit Harry. Et puis, je suis chez moi ici. Je ne pouvais pas te flanquer dehors.

Il s'amusa à imaginer Severus Snape, les quatre fers en l'air dans la rue, robe remontée sur les cuisses, entouré de ses valises.

- Tu aurais pu demander à la maison de le faire pour toi. Maintenant elle t'est toute dévouée.

- Ce n'est plus la peine puisque tu pars.

Dans deux jours.

Severus rangeait les fioles de potions dans les deux coffres.

- Je ne pars pas parce que je suis amoureux de toi, contrairement à Shelagh.

- Tu es très fort à ce petit jeu, rétorqua Harry après un rire sans joie. Mais tu peux cesser de croire que mon ego va enfler démesurément si tu es gentil avec moi.

- La force de l'habitude, admit Severus après une hésitation.

Harry regardait ses gestes précis, imperturbables, pendant qu'il poursuivait son rangement. Il avait, lui, le cœur serré.

Ils étaient « ensemble » (comme disait Harry, ce qui faisait immanquablement grogner Severus) depuis presque deux mois. L'année scolaire commençait bientôt : Severus avait des préparatifs à faire.

Harry prenait grand soin de ne pas se montrer exigeant ou pleurnicheur, mais il mourait d'envie que Severus lui promette que son départ ne sonnerait pas la fin de leur relation.

Lorsque les coffres furent remplis, ils transportèrent les flacons restants dans la maison : c'étaient les ingrédients pour la potion de Ken, lui permettant de recouvrer partiellement la vue.

- Ken doit la prendre une fois par mois, c'est ça ? demanda Harry, nerveux de sa nouvelle responsabilité.

- Oui. Mais ne t'inquiète pas, Ken n'oubliera pas. Il est parfaitement sensé et organisé, lui.

- Oh. Même quand tu ne le dis pas, tu arrives à le dire, soupira Harry en rangeant les flacons dans un placard. C'est très gentil à toi de faire ça pour lui.

- Je n'avais rien d'autre pour me distraire, après que la maison se soit conduite correctement.

- Rien, vraiment ?

- Rien pendant mon temps libre, disons, corrigea Severus.

- A mon âge, je ne devrais te laisser aucun temps libre. Mais pour le bien de Ken, c'est mieux que je me maîtrise.

Severus émit un grognement, un son familier que Harry se surprenait à guetter.

- Certes. Ton self-control est légendaire, dans et hors de la chambre.

- Tu as toujours su démolir mon self-control, sourit Harry, voyant les yeux noirs s'allumer d'une lueur ardente.

- Je dois te retourner le compliment, répliqua Severus à voix basse, avançant vers lui. Si c'en était un.

- C'en était un.

Severus continua d'avancer jusqu'à ce qu'Harry soit acculé contre le mur. Harry respira l'odeur âcre de fumée que son corps dégageait et attendit. Puis il entendit s'ouvrir le placard au-dessus de sa tête.

- Que fais-tu ?

- Je m'assure que tu n'as rien oublié, répondit Severus en examinant les flacons, sans prêter attention au garçon pressé contre lui.

Harry posa les lèvres sur le cou exposé devant lui. Il entoura la taille de Severus, et ce dernier se laissa enfin aller contre lui.

- Tu es un salaud manipulateur, grommela Harry.

- Et toi un mioche irrespectueux, murmura Severus avant de lui lécher le lobe de l'oreille. Tu as goût de soleil.

Harry l'étreignit plus étroitement, plus qu'il n'était nécessaire, et pourtant pas encore assez. Ne me quitte pas.

Il sentit son angoisse se communiquer à Severus ; celui-ci se raidit et s'écarta en faisant les gros yeux.

- Harry…

Dobby apparut soudain avec un tintement cristallin.

- Maître Harry, maître Snape, professeur Dumbledore vous demande devant la cheminée.

Harry, qui ne souhaitait pas répondre à la question que Severus s'apprêtait à poser, se détacha

illico.

- Merci, Dobby.

Severus le traîna dans la bibliothèque, où Dumbledore leur sourit avec bienveillance, dodelinant la barbe.

- Harry, Severus, mes chers enfants. Comment allez-vous ?

- Bien, merci monsieur, répondit poliment Harry, sachant que Severus ne se donnerait pas la peine de répondre. Que pouvons-nous faire pour vous ?

- Le Ministre est inondé de courrier vous remerciant d'avoir arrêté les derniers Mangemorts. En temps normal, il présiderait une petite réunion informelle pour vous remettre vos Ordres de Merlin deuxième classe. Mais au vu des circonstances…, appuya Dumbledore avec emphase, … Fudge va tenir une grande cérémonie demain soir, en votre honneur. Il m'a demandé de vous y convier officiellement tous les deux.

- Non, répondirent-ils à l'unisson, avant de s'entre-regarder.

- Est-ce vraiment nécessaire ? reprit Harry avec un soupir.

Dumbledore joignit les doigts solennellement.

- Votre présence n'est en aucun cas une question de nécessité ou d'obligation. Mais je ne critiquerai pas l'initiative du ministre, ni le conseillerai sur la manière de remettre une récompense et à qui. Je ne peux pas davantage lui dire que vous ne méritez pas cette attention. Le monde sorcier vous doit beaucoup et désire vous montrer sa gratitude. Vous comprenez cela.

- Oui, concéda Harry en grimaçant, mais quand même…

- Vous êtes des héros, tous les deux. Les gens ont besoin de héros.

Harry rougit en entendant Severus ricaner.

- De nombreux amis seront là pour assister à la cérémonie, continua Dumbledore. Je sais que vous ne recherchez pas cette attention. Cependant…

Harry, se sentant pris au piège, resta silencieux.

- Viendrez-vous ? demanda le directeur. Fudge était fort cordial dans son invitation.

Harry donna tacitement son accord. Severus, fidèle à lui-même, se redressa et jeta :

- Que Fudge aille se faire foutre.

Puis il sortit dans un élégant tourbillon de cape.

HPHPHPHP

Ron, Hermione et Ken revinrent du ministère tout excités à propos de la cérémonie. Ils entourèrent Harry avec animation, et il fut chagriné qu'ils soient déjà tellement convaincus qu'il s'y rendrait. Et pas Severus.

Qu'ils aient pleinement raison ne l'empêcha pas d'être irrité.

- Nous aurons tous une décoration de troisième classe ! lança Ron joyeusement. C'est génial d'être au bon endroit au bon moment, n'est-ce pas Harry ?

- Vous le méritez, répliqua celui-ci. Tout le monde a joué un rôle.

- Shelagh sera là aussi, remarqua Hermione. Est-ce que ça te gênera ?

- Non. Nous avons un peu parlé avant qu'elle ne parte. Tout est clair.

- C'est clair que tu lui as brisé le cœur, taquina Ron en lui donnant un coup de coude.

- Ron, ce n'est pas drôle, réprimanda Hermione.

Puis, voyant l'air de Harry, elle s'empressa d'ajouter :

- Mais ce n'est pas de ta faute, Harry. Ce sont des choses qui arrivent.

- Harry, intervint Ken en souriant, nous partons dîner à Londres puis boire un verre en boîte. Tu veux venir ? Tu peux peut-être convaincre Severus de se joindre à nous. Tout au moins au restaurant.

Harry jeta un coup d'œil à Severus, qui lisait près de la cheminée en ignorant les autres. Une attitude familière chez lui.

- Je ne crois pas. Allez-y, vous. Si je dois perdre mon temps au ministère demain, c'est notre dernière soirée ensemble. J'ai bien l'intention d'en profiter.

Ken et Hermione sourirent et Ron leva les yeux au ciel.

- Pitié, épargne-nous les détails.

- Abruti... Amusez-vous bien.

Hermione entraîna Ron.

- Dépêche-toi. Nous avons réservé pour six heures et il faut se changer d'abord.

- Quel est le problème avec ma tenue ? marmonna Ron en regardant sa robe salie d'auror.

- Ah les garçons…, soupira Hermione en poussant Ron et Ken vers la sortie. Passez une bonne soirée, Harry et Severus.

Harry les regarda partir, lança un juron et se laissa tomber sur un coussin aux pieds de Snape.

- Je ne veux pas aller à cette stupide cérémonie demain.

- Mais tu iras quand même, rétorqua Severus sans quitter son livre des yeux.

- Tu crois vraiment que je n'attends que ça, que je veux…, balbutia Harry en rougissant de colère.

Severus l'interrompit en levant la main.

- Je crois que la peur de décevoir tes amis te poussera toujours à des actes dont tu préférerais t'abstenir. Enfin, la perspective d'un dîner rasoir, dont tu seras le principal raseur, ne sera pas la pire épreuve de ta vie.

- Tu ne viendras pas.

- Non. Contrairement à toi, je me fiche de ce que pensent les autres… de moi comme du reste.

L'horloge tinta. Dobby vint leur annoncer que le dîner serait servi dans trente minutes.

HPHPHPHP

Quelques heures plus tard, Harry était assis sur le lit de Severus, nu. Il regardait la valise pleine qui attestait d'un proche départ. Il se sentait moitié déprimé, moitié amusé par sa réaction pathétique.

Il n'est pas à l'article de la mort, pauvre idiot, et il ne t'a même pas envoyé bouler. Il ne t'abandonne pas. Il retourne seulement à son poste, comme il était prévu. N'en fais pas un drame.

Severus sortit de la salle de bains dans un nuage de vapeur, drapé dans son peignoir et les cheveux humides. Il s'arrêta en voyant Harry et secoua la tête.

- Tu es vraiment pathétique, Potter.

Harry se leva, alla à sa rencontre , l'attrapa par le col et le poussa sur le lit. Snape, quelque peu surpris, se laissa faire. Harry s'assit à califourchon sur lui et écarta les pans de la robe.

- Je suis peut-être pathétique, mais c'est moi qui commande.

Il glissa la main sur la peau douce et chaude. Severus le regardait, les yeux mi-clos, un rictus narquois sur les lèvres, alors que Harry se penchait pour embrasser son torse. Puis le garçon ondula des hanches, regardant le sarcasme et l'indifférence s'évaporer du visage de son amant, remplacés par la lente montée du plaisir, presque avec réticence, comme Harry aimait.

Les mains de Severus glissèrent jusqu'aux cuisses de Harry et commencèrent à les caresser avec insistance.

- Harry…, exhala-t-il, la voix emplie de désir, faisant presque ronronner le jeune homme en réaction.

- C'est pour ça que tu es si odieux en apparence ? articula Harry avec difficulté tout en le caressant. Parce que, à la minute où tu laisses tomber le masque, les gens tombent follement amoureux de toi ?

- Il serait incroyablement facile de te tuer à cet instant, Potter, asséna Severus en fermant les yeux. Je te prierais de ne pas déchaîner ma colère.

- Hum. Des chaînes, c'est une idée.

Severus ouvrit les yeux et lui pinça la cuisse.

- Fais attention. Tes pulsions suicidaires te trahissent.

Harry se frotta contre lui et Severus laissa échapper un gémissement. Il se pencha pour saisir le lubrifiant sur la table de chevet et plongea les doigts dans la crème onctueuse. Il entoura tendrement l'érection de Severus et la caressa, savourant ses coups de reins incontrôlés.

- Mmm… C'est bon, exhala-t-il en lâchant Severus pour se toucher lui-même, souriant au grondement menaçant qu'il provoqua. Tu es pressé ?

Il se pencha sur Severus, lui prit un profond baiser et s'empala sur lui avec un cri étouffé. Severus sentit un plaisir irrépressible à être brutalement enserré par cette chair étroite et brûlante. Harry renversa la tête et bougea sur lui, extasié. Severus répondait à ses mouvements.

- Mon Dieu… C'est si bon, si parfait quand tu es en moi…

Harry exprimait là ce qu'il ressentait, ce qu'il avait toujours ressenti, mais ne s'autorisait pas toujours à dire. Severus allait au-devant de lui, lentement, langoureusement, si profondément que Harry aurait pu pleurer de plaisir. Il voulut saisir son membre mais Severus chassa sa main pour prendre sa place avec assurance. Il avait vite appris comment faire vibrer Harry et en usait à sa guise : parfois il faisait languir Harry au point que celui-ci aurait préféré la mort à une telle torture, parfois il lui arrachait son plaisir avec une rapidité sauvage, comme s'ils avaient toute l'éternité devant eux pour refaire l'amour, encore et encore.

Ce soir, Severus le caressa, le provoqua, le maltraita ; Harry bondit, cria et jouit, frissonnant, sans forces, soumis aux coups dont le criblait son amant. Il tomba, se raccrocha à la poitrine moite de sueur de Severus qui continuait ses mouvements, de plus en plus rapides. Le plaisir arracha à l'homme un son trop rare : « Harry », prononcé avec adoration. Celui-ci frissonna et se blottit contre sa poitrine, savourant l'étreinte puissante, jusqu'à ce que Severus l'allonge sur le lit à ses côtés. Tous deux reprirent progressivement leur respiration.

Ne me laisse pas. Harry savait qu'il était un idiot, un idiot puéril et ridicule, mais son cœur ne savait pas dire autre chose : ne me laisse pas.

Quand Severus reprit son souffle, il lança : « Harry », sur un ton qui fit frissonner le garçon d'effroi. Celui-ci s'arracha au torse de Severus, qu'il considérait comme son oreiller préféré, et rencontra son regard perçant.

- Bien que j'ai parfois souhaité cela plutôt que d'enseigner aux Première Année, je ne vais pas mourir. Je retourne simplement travailler, déclara Severus, et Harry réalisa que son inquiétude était flagrante.

Harry s'assit, les yeux baissés sur ses mains qui tordaient le drap.

- Je voudrais juste savoir…

Severus lui prit le menton, le forçant à relever la tête.

- … Est-ce le moment où cette histoire grotesque connaît une fin tragique et douloureuse ? demanda Harry, tentant de garder sa voix sous contrôle.

- Si seulement tu avais si bien retenu tes cours, sourit Severus.

Il secoua négativement la tête et Harry sentit l'étau qui lui comprimait la poitrine se desserrer un peu. Severus lui caressa la joue.

- Ce sera difficile. Surtout si tu cesses de vivre dans ton château comme un noble moldu et que tu te trouves une vraie occupation.

- Mais tu n'es pas encore fatigué de moi ? interrogea Harry avec espoir.

- Je devrais me sentir offensé : tu imagines donc que la distance est suffisante pour détruire un engagement de ma part ?

- Alors ça veut dire que tu te sens…engagé ? répliqua Harry d'un ton amer qu'il échoua à dissimuler.

- Harry…, soupira Severus, s'asseyant et le considérant pensivement. Tu doutes de moi parce que je ne prononce pas les mots que tu espères ?

- Tu connais le pouvoir des mots mieux que moi. Ils ont une signification. Ils sont un engagement.

- Certains engagements n'ont pas besoin de mots, rétorqua Severus en secouant la tête.

- Alors pourquoi ai-je l'impression que tu pourrais me quitter d'une seconde à l'autre sans un regard en arrière ? Tu me connais bien, mieux que je te connais. Pourquoi est-ce que je ressens ça ?

- Harry, dit Severus en l'étreignant.

Harry prit une profonde respiration qui ressemblait à un sanglot, et se blottit contre Severus.

- Je ne te blâme pas, murmura Severus à son oreille. Je ne te blâme pas de douter de moi.

- Je ne doute pas de toi. Pas comme si tu m'avais fait une promesse et que je pensais que tu ne la tiendrais pas. C'est justement ton absence de promesses. Tu ne m'as jamais rien dit de façon claire. Voilà pourquoi je ne peux pas m'empêcher de penser que chaque jour est le dernier.

- Que veux-tu m'entendre dire ? demanda Severus doucement.

- Seulement ce que tu as envie de dire, répondit Harry et il vit une ombre de sourire sur ses lèvres. Oui, je sais bien. Ce que tu as envie de dire, tu l'as déjà dit. C'est un silence assourdissant quand tu parles…

- Alors je répète, reprit Severus, enjôleur. Que veux-tu que je te dise ?

Harry son regard avec entêtement, puis s'allongea.

- Je suis désolé, répéta le jeune homme en fixant le plafond. Je t'aime. Je suis désolé, j'ai besoin de ces trucs-là.

- Quels trucs ?

- Avoir des certitudes. Le besoin d'entendre les mots.

- Tu ne peux pas imaginer que je ne dis rien parce que moi je n'ai pas besoin de ces « trucs-là » ?! lança Severus avec incrédulité.

Harry lui jeta un coup d'œil. Severus était redressé sur un coude, un rictus hautain sur le visage. Il aurait été plus intimidant s'il n'était pas nu et décoiffé après leurs petits exercices.

- Non, répondit Harry en sentant les yeux le brûler, mais tu ne demandes rien de moi. Tu ne demandes jamais rien.

- Tu préfèrerais ?

- Oui. Je voudrais que tu aies besoin de moi. Au moins de temps en temps. Je voudrais te manquer quand je ne suis pas là. Je voudrais savoir si tu reviendras.

- Tu ne peux pas en être sûr.

- Exact. Mais je peux y croire. Je veux y croire, conclut Harry en détournant le visage.

- Harry…

Il détestait que Severus le voit ainsi : faible, exigeant. Mais ce serait pire qu'il tente de tout garder pour lui.

- N'as-tu jamais envisagé, commença Severus, que je ne te demande rien parce que, ce que j'aurais pu demander, tu me l'as déjà donné ?

Harry le regarda puis, doucement, laissa éclore un sourire. Les rares aveux de Severus étaient prononcés sur un ton fragile qui rendaient Harry très prudent. Il se blottit contre lui.

- Pourrais-je te rendre visite à Poudlard de temps en temps ?

- Nous devons être discrets, répondit Severus d'un air contrit.

- Bien sûr. Je sais que tu as honte de moi, ricana-t-il à moitié. Ton jouet sexuel.

- Ce n'est pas cela, non, répondit Severus gravement.

- Tu n'es pas embarrassé parce que je suis plus jeune que toi ?

- Tu suscites l'embarras pour des raisons plus sérieuses, Potter.

- Réalises-tu qu'à chaque fois que tu dis ça, j'entends « je t'aime » ?

- Tu dirais n'importe quoi pour détourner les conversations trop sérieuses…

- Oh, c'est comme le Fourchelangue. Il faut juste traduire.

Severus prit la main de Harry et entrelaça leurs doigts.

- Je reviendrai, promit Severus. Tu peux y croire.

HPHPHPHP

Le jour suivant, alors que Severus bouclait ses valises, Harry tenta sa chance une dernière fois par une attaque frontale :

- S'il te plaît, accompagne-moi au Ministère ce soir.

Severus ne s'interrompit même pas.

- Non.

Harry posa sa robe de cérémonie d'un vert profond, avec un soupir.

- Je n'en peux plus de recevoir des compliments qui devraient revenir à d'autres. Je sais que tu t'en fiches, mais pas moi. Je voudrais que mes amis soient honorés comme ils le méritent. Tu as fait plus que moi et j'ai envie que tout le monde le sache.

- Cela me convient parfaitement d'être ignoré par Fudge et ses valets, rétorqua Severus en fermant le dernier sac et en le miniaturisant d'un sort.

- Tu as lutté contre les Mangemorts plus longtemps et plus durement que moi.

- Mais dans l'ombre.

- Quelle importance ?

- Pour toi ou pour ceux qui refusent de regarder au-delà de la lumière ?

Severus envoya le sac flotter sur le palier avec le reste de ses bagages. Ils n'attendaient plus que leur transfert à Poudlard.

- Il faudrait une excellente raison pour que je perde mon temps avec des gens que je méprise et qui seraient ravis de me voir à Azkaban.

- Parce que tu m'aimes ? tenta Harry avec une expression suppliante.

Severus leva les yeux au ciel.

- Quel argument ! Par pitié, si tu veux y aller, libre à toi, mais ne m'entraîne pas. C'est une minable récompense de la part de quelqu'un qui prétend être reconnaissant.

Il sortit. Harry fit de son mieux pour ne pas s'en formaliser.

HPHPHPHP

A 17h, Harry descendit, se sentant gauche dans son habit de soirée. Il passa la tête dans la bibliothèque où se trouvait Severus, un livre à la main, un verre de vin dans l'autre. L'odeur du jasmin et de la menthe se répandait depuis le jardin par la fenêtre ouverte.

- J'y vais.

- Bonne soirée, répondit Severus sans lever les yeux.

Harry le regarda un moment en silence.

- Cela ne te concerne pas ?

- Quoi donc ?

- Ce que pensent les autres.

- Tout à fait.

- Même s'il s'agit de Dumbledore et de McGonagall ? Je croyais qu'eux au moins, tu les respectais.

- Crois-tu que j'aurais fait tout ce que j'ai fait si je n'avais pas ressenti le plus grand respect et la plus profonde gratitude ? demanda Severus en levant enfin la tête.

- Mais tu refuses d'assister à une cérémonie où Dumbledore t'a convié, remarqua Harry, croisant les bras et s'appuyant sur le chambranle.

- Il sait que ces démonstrations me sont odieuses. Il sait aussi que mon opinion sur lui n'a aucun lien avec cette mascarade de… loyauté, ou Dieu sait quoi. C'est juste pour l'apparence, Harry, ce n'est pas réel. Ne confonds pas les deux.

Harry eut l'air pensif.

- Tu dois me mépriser parce que je me laisse faire. Parce que j'y vais alors que je n'en ai pas envie.

- Tu ne veux pas décevoir tes amis, ironisa légèrement Severus. Je ne t'en méprise pas pour autant. Ce n'est qu'un détail et seules les questions importantes me tiennent à coeur. Tu n'es pas comme moi, comme je n'ai nul besoin de le souligner. Je ne m'attends pas à ce que tu partages mes lubies ou mes idées, tant que je peux t'influencer favorablement en des moments plus graves…

Harry digéra cette tirade, puis sourit.

- Que vas-tu faire ce soir ? Tout le monde est à la soirée. Tu seras tout seul.

- Quelle horreur ! Je pense pouvoir m'occuper quelques heures pendant que les enfants jouent dehors.

- Je te porterai un morceau de dinde.

- Dehors, Potter, avant que je ne te transforme toi-même en dinde.

- Idiot, sourit Harry en se tournant vers la sortie avant de s'arrêter et de lancer : Je t'aime.

- Pourquoi est-ce toujours la dernière chose que tu me dis ? s'enquit Severus, amusé.

- Au cas où.

- Au cas où quoi ?

- Au cas où ce serait justement la dernière chose que je te dirais, compléta Harry ponctuant ses paroles d'un petit haussement d'épaules.

L'amusement de Severus s'évapora. Il se redressa sur son siège.

- Approche.

Harry vint vers lui, un peu méfiant. La colère de Severus éclatait sans prévenir, même quand on le connaissait bien.

- Qu'est-ce qui ne va pas ? demanda le professeur.

- Rien. C'est juste que… tout peut arriver. Je ne veux pas que ton dernier souvenir de moi soit une dispute. Au cas où. Et ne lève pas les yeux au ciel. Tu sais que tout peut arriver. C'est toi qui me l'a appris.

- Je n'ai aucune intention de lever les yeux au ciel.

Cette déclaration était un cessez-le-feu. Harry se pencha, lui donna un baiser ardent avant de se redresser.

- Je dois partir. Je t'aime.

- Arrête, tu vas me faire pleurer. Va-t-en. Passe une effroyable soirée. Je ne veillerai pas pour t'attendre.

Harry lui sourit et tourna les talons.

HPHPHPHP

Harry transplana jusqu'au ministère et passa les différentes barrières magiques. Les salons de réception se trouvaient dans une des ailes les plus anciennes. Harry avança lentement, sans la moindre impatience de faire son entrée dans une pièce pleine de curieux.

Il entendit soudain des cris d'enfants. Spontanément, il suivit ce bruit et s'engagea dans un corridor. Au bout se trouvait une porte entrouverte qu'il poussa. C'était une garderie : de petites chaises, des jouets aux couleurs éclatantes et une douzaine d'enfants, entre cinq et dix ans s'ébattaient sous l'œil d'une femme aux cheveux blancs. Celle-ci leva les yeux.

- Oh, monsieur Potter. Vous m'avez fait peur.

- Qui sont ces enfants ? interrogea Harry en souriant. Vous les gardez pendant que leurs parents assistent à la réception ?

- Non, répondit calmement la sorcière. Ces enfants ont perdu leurs parents dans… Lors de la dernière bataille contre Celui-dont-on…

Harry sentit son visage se figer. Son interlocutrice, décontenancée, acheva maladroitement :

- … de Voldemort. Les enfants sont temporairement sous la garde du ministère.

- Jusqu'à leur adoption ? avança Harry, les yeux sur une petite brune potelée assise devant du papier à dessin.

- Si quelqu'un les adopte.

- Pourquoi pas ? insista-t-il en se penchant sur le dessin qui représentait une petite fille sur un balai.

Prudemment, la sorcière désigna la petite fille.

- Elle s'appelle Delia Crabbe.

Puis elle indiqua deux garçons, d'environ huit ans, qui chahutaient.

- Voici Andrew McNair et Tobias Grimm.

Harry la regarda.

- Ce sont les enfants de…

- Des Mangemorts, oui. Mangemorts avérés ou soupçonnés. Cela fait presque un an que les enfants sont là. Nous les avons proposés pour l'adoption, encore et encore. Il n'y a eu aucune réponse.

Harry parcourut la pièce des yeux. Cinq garçons, sept filles. Delia Crabbe semblait la benjamine. Un garçon maigre qui penchait ses lunettes sur un livre semblait l'aîné ; il intégrerait sûrement Poudlard dans un an ou deux. Tous avaient l'air très bien élevés. Juste un peu tristes, ce qui se comprenait.

- Ils vivent ici ? demanda Harry.

- Oui. Un couloir est devenu leur dortoir. Nous leur donnons de l'instruction aussi, mais…

Elle acheva sa phrase par un sourire triste.

- Mais personne ne veut d'un enfant de Mangemort, termina-t-il, secouant la tête devant une telle stupidité.

Il s'approcha de Delia, qui dessinait à présent deux personnages à côté de la fille au balai. Elle écrivit « papa et maman » en s'appliquant, sans amertume visible. Harry recula, la gorge serrée.

- Hey, Harry !

Ron apparut dans l'encadrement de la porte. Tous les enfants se tournèrent vers lui.

- Tu t'es perdu ? Viens, on a ouvert le champagne !

Harry jeta un dernier regard aux enfants qui le dévisageaient à présent. Il leur sourit et se dirigea vers la porte.

- Qui est responsable des enfants ? demanda-t-il à leur gardienne.

- Thomasina Gherkin.

- Merci.

Ron le prit par le bras pour l'entraîner. Harry jeta un regard en arrière.

- Tu étais au courant de ça ? interrogea-t-il.

- Oui, c'est un vrai problème. Les gens ont peur d'eux à cause de leurs parents. Comme si c'était héréditaire.

- Que deviendront-ils s'ils ne sont pas adoptés ?

- Aucune idée. C'est hors de ma compétence. Je me renseignerai si tu veux… Pourquoi ? Ça t'intéresse ? ne put s'empêcher de questionner Ron alors qu'ils revenaient dans le couloir principal.

- Je ne sais pas encore. C'est juste que ça me rend dingue que ces mômes aient perdu toute chance d'avoir un foyer à cause de leurs parents.

Tout en disant cela, il ressentit l'écho de sa propre enfance solitaire.

- Ils devraient avoir un foyer, une place dans la société, poursuivit-il. J'aurais donné n'importe quoi pour vivre dans le monde sorcier plutôt qu'avec les Dursley. J'aurais grandi en sachant que je n'étais pas un monstre, même en étant orphelin.

- Je vois ce que tu veux dire, mais ce n'est pas la même chose, répliqua Ron en haussant les épaules. Quelle est la différence entre un orphelinat et un autre ?

- Tu aurais voulu vivre dans un endroit pareil, toi ?

- Non, évidemment, concéda Ron avec une grimace. Euh… écoute, j'ai besoin d'un conseil. A propos de Hermione…

Il devenait cramoisi. Harry s'arrêta, perplexe.

- Quoi, Hermione ? Qu'y a-t-il ?

- … Je me demandais si j'allais lui demander de…

- Lui demander quoi ? insista Harry avec un demi-sourire.

- Comme si tu ne devinais pas. Lui demander de m'épouser.

Harry fit un geste vague. Il était ignorant en la matière, comme Ron en avait conscience.

- Tu l'aimes ?

- Tu sais bien que oui.

- Tu as une bague ?

Ron rougit encore et farfouilla dans sa poche.

- Elle n'est pas très…

- Aucune importance. Ca ne compte pas pour Hermione.

Ron sortit un petit écrin de velours et l'ouvrit d'une main tremblotante.

- Je suis mort de peur à l'idée de tout planter.

- Tu ne peux pas te planter si tu l'aimes, assura Harry. Dis-lui simplement ce que tu veux.

- C'est-à-dire ?

- Je t'aime, veux-tu m'épouser, et tu lui donnes la bague, expliqua-t-il patiemment, regrettant qu'une telle simplicité entre Severus et lui soit impossible. Entraîne-toi à le dire sans bafouiller, si ça peut te rassurer.

- Je m'entraîne depuis des jours, soupira Ron en refermant la boîte. Je crève de trouille.

- A mon avis, c'est normal, Ron.

- Comment sais-tu ce qui est normal, toi ? sourit son ami.

- Andouille. Avance, maintenant.

Ils trottèrent dans le couloir qui menait à la salle de réception.

HPHPHPHP

Hermione les attendait à l'entrée du grand salon. Harry lui donna une bise rapide et jeta un coup d'œil à l'intérieur.

Le salon était plein à craquer de sorciers, de verres d'alcool et de bruits de conversations. Dans un coin, Cornelius Fudge et Albus Dumbledore bavardaient, entourés d'auditeurs attentifs parmi lesquels Arthur et Molly Weasley.

Ce fut une illumination pour Harry. Alors que le trio se glissait dans la foule, il glissa à l'oreille de Ron :

- Je me disais… Tu crois que ta mère accepterait de m'aider ?

- A quel propos ? demanda Ron en saisissant une coupe de champagne sur le plateau qui flottait devant lui.

- J'ai envie de donner un foyer à ces enfants. Je parle d'une maison où ils se sentiraient chez eux, avec des gens qui s'occuperaient d'eux. Je n'y connais pas grand chose, moi. Est-ce que ta mère serait partante ?

- De quoi parlez-vous ? intervint Hermione.

Harry raconta brièvement sa rencontre avec les orphelins puis répéta à Ron :

- Crois-tu que ta mère m'aiderait ?

- Je pense que oui, répondit le rouquin en fronçant le nez sous la réflexion. Depuis le départ de Ginny, elle n'a plus personne à dorloter.

- Ron, tu devrais d'abord lui demander, s'inquiéta Hermione. Elle pourrait ne pas…

- Je lui demanderai moi-même, coupa Harry. Elle serait parfaite.

- Tu comptes réellement les installer chez toi ? insista Ron. Tu crois que la Bitch te laissera faire ?

- Oh, la maison se comporte parfaitement à présent, souligna Hermione. Mais tu sais, Harry, élever une douzaine d'enfants est un énorme travail.

Harry voulut répondre à Hermione qu'il ne comptait pas les élever seul, mais l'air soudainement stupéfait de Ron l'arrêta.

- Alors ça ! Je croyais qu'il ne venait pas.

Harry se retourna aussitôt.

- Merlin ! s'écria Hermione.

Severus se tenait sur le seuil, magnifique dans sa robe de velours noir teintée de vert soyeux. Avant que sa présence ne soit remarquée par ses voisins, il disparut dans la foule.

- Je n'arrive pas à le croire, bafouilla Hermione.

- A plus tard, lança Harry.

Il se mit à fendre la foule, souriant et saluant même ceux qu'il ne connaissait pas. Snape s'était certainement réfugié dans un coin tranquille ou tout au moins, le plus tranquille possible. Harry commença sa recherche dans les alcôves et débusqua la silhouette sombre, qui observait les lieux avec un rictus sur les lèvres, un verre de champagne à la main. Il bondit jusqu'à lui, enchanté, mais interrompit son geste. Personne ne savait qu'ils formaient un couple et Severus était terriblement réservé. Il n'apprécierait pas les démonstrations publiques. Ce qui n'empêcha pas Harry de lui adresser un sourire lumineux.

Severus fit un geste vague en plissant les yeux.

- Arrête. Tu m'éblouis.

- Tu es venu ! s'exclama Harry sans réprimer son sourire.

- Quel sens de l'observation.

Harry, délicatement, lui prit le poignet.

- Merci.

- Je ne suis pas dans mon état normal, constata Severus en secouant la tête mais sa voix était chaleureuse, caressante. Je n'arrive pas à croire que je suis là. Je me demande vraiment à quoi je pensais.

Harry ferma les paupières, savourant les mots qui signifiaient tant. Il est venu. Il n'en avait pas envie mais il l'a fait. Il l'a fait pour moi.

- Je t'aime, dit-il une nouvelle fois.

- Alors laisse tomber. Ma main, je veux dire, ajouta Severus en s'amusant de sa grimace. Tes amis et mes collègues se rapprochent.

Harry rougit et le lâcha pour se glisser à ses côtés. Dumbledore, Fudge et les Weasleys convergeaient vers eux.

- Severus ! Quelle merveilleuse surprise de vous voir ici !

La joie du directeur n'était nullement partagée par Fudge. En revanche, la surprise était générale.

- Je me suis laissé convaincre, monsieur le directeur, reconnut tranquillement Severus.

Harry retint à peine un sourire avant de se tourner vers Fudge.

- Monsieur le Ministre, j'aimerais vous parler, ainsi qu'à Thomasina Gherkin, à propos des orphelins. Le plus tôt possible.

Fudge se figea, déstabilisé.

- Les orphelins, monsieur Potter ?

- Les orphelins, les enfants des Mangemorts qui vivent ici. Je voudrais discuter avec vous de leur avenir.

Harry sentit le regard de Severus le transpercer, ainsi que l'expression intriguée de Dumbledore. Il se tourna vers Molly.

- Madame Weasley, à vous aussi, j'aimerais parler d'un projet. Quelque chose qui pourrait vous intéresser.

Un peu perplexe, Molly jeta un coup d'œil à son mari, aussi surpris qu'elle, puis sourit.

- Bien sûr, Harry. Quand tu voudras. Nous te voyons tellement peu, ces temps-ci.

- Je vous appellerai bientôt. Merci beaucoup.

Fudge arborait toujours son expression éberluée quand Dumbledore intervint :

- Nous devrions continuer à saluer les invités, monsieur le Ministre.

- Oh. Oui. Certes. Ravi de vous voir, monsieur Potter. Professeur Snape. Enchanté de votre présence, vraiment.

Il se laissa entraîner par Dumbledore dans la foule et les Weasleys leur emboîtèrent le pas. Le directeur de Poudlard leur lança un dernier regard et ils furent enfin seuls, aussi seuls qu'on peut l'être dans une salle pleine de monde. Severus attendit trois bonnes secondes (Harry les compta) avant de lancer :

- Des orphelins. Ne me dis pas que tu envisages ce que je sais que tu envisages, Potter.

- J'ai toute la place nécessaire, sans parler du temps, de l'argent et de la compréhension nécessaires au sort d'un orphelin.

- Mais tu n'as pas la moindre idée de ce qui est nécessaire à un bon parent.

- Je n'ai pas dit que j'allais les élever. Je peux leur offrir un foyer. Je trouverai des gens qui sauront s'occuper d'eux. Quelqu'un doit les sortir d'ici, moi je peux, ajouta-t-il après avoir vu l'expression sceptique de Severus.

Le professeur ferma les yeux avec ostentation.

- Des enfants. Que Merlin me damne…

- Est-ce que, si je fais ça…, balbutia Harry, sans trouver les mots qui atténueraient sa pensée. Je ne veux pas que ma décision te fasse fuir.

- Je doute que quelque décision que ce soit me fasse fuir…

Les mots ressemblaient bien plus à un aveu qu'à une critique.

- Fais ce que tu as à faire, ajouta Severus, résigné.

- C'est toi qui voulais que je m'occupe.

- Diriger un orphelinat ? dit Severus, arquant un sourcil.

- Euh… C'est ce que j'ai décidé.

- Je n'ai aucune intention de vivre dans un orphelinat. Je veux au moins passer mes étés loin de mioches insupportables… à une exception près, ajouta-t-il, provoquant chez Harry une moue boudeuse. Cette exception étant suffisamment agaçante et accaparante.

- Alors nous irons ailleurs pendant l'été. J'imagine que j'aurai moi aussi besoin de vacances. Et si je t'agaçais et t'accaparais, disons, en Grèce l'été prochain ?

- Est-ce une tentative de corruption, monsieur Potter ?

- Du moment que ça marche, monsieur !

Harry avait senti l'approbation sous le ton railleur de Severus. Pour la première fois, il songea que le départ de son amant était une bonne chose : il aurait le temps et l'énergie de se consacrer à son projet et cela l'empêcherait de trop regretter cet individu grincheux. La première étape était de vérifier que son projet était légal ; il y avait sûrement des lois relatives à ce sujet. Il lui faudrait rencontrer cette Thomasina Gherkin, la convaincre qu'il était capable de…

Severus inclina la tête vers lui, le tirant de ses pensées.

- Quoi ?

- Je connais ce regard. Tu manigances quelque chose. Tu es vraiment décidé…

- C'est vrai. Si je peux.

Severus se racla la gorge mais n'ajouta rien, ce qui équivalait pour lui à une bénédiction.

Finalement, Fudge entama son discours. Pendant qu'il parlait, beaucoup de gens, que Harry ne connaissait même pas, vinrent leur offrir force remerciements et compliments. Harry répondait, conscient que Severus lui laissait tout le travail, mais il ne lui en tenait pas rigueur. Severus était venu, il se tenait près de lui en ce moment même, c'était déjà inespéré.

Shelagh et Ken les rejoignirent brièvement. Ken semblait à l'aise mais Shelagh restait murée dans un silence embarrassé. Harry leur sourit tout en se sentant affreusement mal vis-à-vis de la jeune fille ; tout ce qu'il pourrait dire ne serait d'aucun secours. Heureusement Ken s'éloigna avec elle. Harry se demanda qui de Shelagh ou de lui était le plus soulagé. Il espéra qu'elle remarquerait bientôt quel garçon formidable était Ken et à quel point il était attaché à elle.

- Elle survivra, chuchota Severus.

- Je sais bien. Je ne suis pas une grande perte.

- Exactement ce que je m'apprêtais à dire.

Harry fit la tête. Severus eut un rictus narquois en buvant une gorgée de champagne.

Puis Harry entendit Fudge mentionner son nom. Le Ministre continuait son interminable allocution et ne semblait pas désirer immédiatement sa présence. Tant mieux. Harry trouvait très difficile de se concentrer sur les paroles du Ministre alors que Severus avait entrepris de lui caresser le dos.

- Ne fais pas ça ou je t'enlève pour me livrer sur toi à des actes que la morale réprouve.

Il glissa la main dans celle de Severus et sentit qu'elle se refermait sur lui. Fudge pérorait sur le sens de l'héroïsme.

- Dès que tu veux partir, je te suis, ironisa Severus.

- Bientôt.

Le mot promettait bien plus qu'un simple départ. Harry délivrerait moult témoignages de gratitude cette nuit, et il savait que Severus le lisait dans ses yeux.

- Parfait, fit Severus, goguenard. J'utiliserai la potion spéciale…

- Ne commence pas, prévint Harry. Il faut tenir jusqu'à la fin de cette stupide cérémonie.

Enfin Fudge prononça son nom avec emphase et lui fit signe de le rejoindre.

- Pas de blague pendant que je parle, lança Harry avant de fendre la foule qui éclata en applaudissements.

Il se tint près de Fudge et attendit que les bravos cessent, rougissant. Fudge se redressa, s'éclaircit la voix et prit la médaille.

- Monsieur Potter, veuillez accepter ce témoignage de gratitude de la part de tous les sorciers.

Harry prit son Ordre de Merlin ; de nouveau l'assistance applaudit à tout rompre.

- Merci, bafouilla Harry dès qu'il put se faire entendre. Je vous remercie de, euh, vos remerciements.

La barbe. J'aurais dû préparer un discours. Il ne regarda pas Severus, persuadé que celui-ci s'amusait à ses dépens.

- Je voudrais remercier mes amis, dont l'aide m'a été si précieuse : Shelagh O'Bannon, Ken Torrey, Hermione Granger, Ron Weasley, et plus particulièrement le professeur Severus Snape, l'homme le plus courageux et le plus admirable que je n'aie jamais rencontré…

Il lança un regard dans sa direction ; l'homme ouvrait de grands yeux surpris à l'autre bout de la pièce.

- … Je ne serais plus de ce monde s'il n'avait pas été là et… Je l'aime plus que tout.

Il vit le regard alarmé posé sur lui et se ressaisit, même si les mots se pressaient à ses lèvres.

- Et Voldemort n'aurait pas été vaincu. Monsieur, l'appela-t-il en inclinant la tête.

- Professeur Severus Snape, intervint Fudge, venez je vous prie recevoir l'Ordre de Merlin.

Severus les rejoignit de son allure majestueuse habituelle. Harry réalisa que, malgré ses protestations et sa nature discrète, Severus savourait la reconnaissance de ses pairs. En acceptant la médaille, ses yeux étincelaient dans son visage impassible. Débordant de fierté, Harry s'écarta pour lui laisser son moment de gloire, libéré du Survivant.

Ron et Hermione s'approchèrent. Hermione portait l'anneau offert par Ron et elle rayonnait de bonheur. Harry lança à Ron, qui souriait jusqu'aux oreilles :

- Pas trop tôt. Félicitations à vous deux !

Hermione rougit et l'embrassa. Ron sourit plus largement encore, si c'était possible.

- Merci, mon vieux.

Hermione leur fit signe de baisser la voix. Severus endurait stoïquement la tirade de Fudge sur son courage.

- Je croyais qu'il ne viendrait pas, observa Ron doucement. Qu'est-ce qui s'est passé ?

- Il m'aime, énonça Harry dans un sourire.

FIN