Chapitre 3
Harry était maudit : le pseudo-détesté professeur Snape était en réalité un sex symbol qui affolait les foules. Harry se sentait à deux doigts de lancer un Doloris bien senti, voire même un Avada Kedavra si cet (censored) de Malfoy continuait de battre des cils comme une pouffiasse. A croire que c'était de famille.
Draco glissa nonchalamment :
« Je m'ennuie comme un rat mort chez ma mère. Je ne l'ai pas vue depuis hier, elle insiste pour garder la chambre… »
Tu m'étonnes, songea Harry.
« …Je n'ai rien à faire, à part étudier. J'ai suivi vos conseils en la matière ! Alors je me suis inscrit au concours de vétérinaire. »
« C'est un concours très difficile, dit Snape avec étonnement. J'ignorais que tu voulais soigner les créatures magiques. Ce n'était pourtant pas ton cours préféré, à l'école. »
Draco haussa les épaules et marmonna une remarque indistincte, où émergeaient seulement les mots « Hagrid » et « dégénéré ». Harry était démangé par l'envie de saisir sa baguette. A la place, il se gratta le poignet.
« Le métier me tente. C'est le cursus universitaire le plus difficile. Il faut bien ça pour mes grandes capacités. »
Harry se gratta plus fort.
« Tu es venu pour des conseils de lecture ? » demanda Snape.
« Vous savez que votre opinion est très importante pour moi. Vous êtes le plus proche ami de ma mère… bien que vous ne soyez pas aussi proche qu'elle le souhaiterait. Mais j'ai surtout besoin de votre grand talent. Il me faut absolument quelque chose pour développer ma mémoire, avec toutes les connaissances que je dois ingurgiter. »
« Tu sais que je suis contre les stimuli chimiques. Lorsque tu as passé tes ASPIC, je t'ai dit que tu avais seulement besoin d'étudier avec méthode et régularité. »
« Tout le monde prend des trucs ! protesta Draco avec une moue boudeuse. Et cette fois, ce n'est plus pour ces stupidités d'ASPIC, que tout le monde décroche les doigts dans le nez. Quand je pense que même ces andouilles de Crabbe et Goyle les ont eus… Bref. Là je vais présenter le concours le plus dur qui soit. Je vous en prie, Severus ! J'ai besoin de vous ! Je suis prêt à tout pour que vous m'aidiez. Je suis sûr que je peux trouver un moyen de vous dédommager de votre peine… »
Sa voix était à présent bien plus que suggestive. Elle disait carrément que Draco était prêt à payer en nature.
« Je ne ressens aucune peine, dit Snape avec un sourire. Potter ! Etagère du fond, deuxième flacon à droite : « Mémoire d'éléphant ». Faites attention à ne pas me rapporter la potion pour oreilles d'éléphant, avec votre stupidité coutumière. »
Harry rougit de fureur. Il prit une nouvelle fois le chemin de la réserve et revint avec une fiole qu'il tendit à Draco. Celui-ci lui adressa un sourire narquois en la prenant dans sa main. Avec une certaine méfiance, il renifla le contenu avant de se décider à boire. Il inspecta alors ses mains, palpa son visage et ses oreilles. Aucun changement. Il sourit de satisfaction.
« Merci, Severus. Je vous suis très reconnaissant et je peux vous le prou-VER !… »
Le mot se finit dans une sorte de barrissement spectaculaire. Draco, horrifié, porta la main à sa bouche. Il voulut dire quelque chose, en anglais probablement et de sa voix mélodieuse, mais seul un cri horrible résonna dans le laboratoire. Les bocaux en verre, alignés sur les étagères, se mirent à s'entrechoquer dangereusement. Snape se précipita pour les empêcher de tomber.
« Potter ! dit-il sourdement. Qu'avez-vous encore fait ? »
Harry haussa les épaules, dans un geste très malfoyien. Draco se tourna vers lui et se mit à l'invectiver. Par chance, il était incompréhensible. Par malchance, ses barrissements puissants firent reculer Harry, dont les lunettes tombèrent du nez tandis que ses cheveux se hérissaient un peu plus.
Snape, qui tentait désespérément de sauver ses bocaux et n'avait pas assez de mains pour cela, cria à Draco :
« Pour l'amour du ciel, sors d'ici ! Tu ne vois pas ce que tu provoques ? »
Draco protesta énergiquement, mimique furieuse et gestes à l'appui. Il sembla qu'un troupeau de pachydermes traversait la pièce. Le tableau de Salazar Serpentard se décrocha du mur et vint s'écraser sur le sol.
« Hey ! ça ne va pas, non ? » cria le portrait de l'auguste Fondateur.
Les potions de Snape vinrent s'écraser au sol dans un joli concert de verre brisé. Harry s'accroupit sous la table pour échapper aux secousses sismiques, ainsi qu'il l'avait vu dans un documentaire sur le Japon. Snape prit Draco par les épaules et le poussa manu militari hors de la pièce.
« Va barrir dans le jardin ! »
La porte refermée, il s'épongea avec son mouchoir. Il se retourna vers Harry, dont seuls le front et les yeux dépassaient de la table.
« Par le monstre du Loch Ness ! Vous allez encore me dire que vous vous êtes trompés de potion ? »
« Ce n'est qu'un banal accident, monsieur. »
« Cela fait trois fois, quand même ! »
« C'est bien pour ça que c'est banal. »
Les narines de Snape frémirent, comme les naseaux d'un dragon. Il semblait se retenir d'exploser, soit de colère, soit de rire.
« Je vous avais dit d'éviter les oreilles d'éléphant, alors vous vous êtes rabattu sur la voix. Vous êtes un danger public, Potter ! »
« En fait, il n'y a pas que la voix, confessa Harry. J'ai bien peur qu'il n'y ait un éléphant dans le jardin de Poudlard, à l'heure qu'il est… »
Snape demeura impassible. Puis il dit avec philosophie :
« Heureusement que j'ai dit à Draco de sortir. Il aurait été à sa place dans cette pièce, comme un éléphant dans un laboratoire. »
Il poursuivit, plus menaçant :
« Cette fois, Potter, bas les masques ! »
Rapide comme l'éclair, il marcha droit sur Harry. Celui-ci, terrorisé, se disant qu'il était allé vraiment trop loin, farfouilla frénétiquement dans sa poche pour sortir sa baguette. Il la saisit, la coinça dans les pans de sa robe, l'extirpa péniblement, la fit tomber, la ramassa. Lorsqu'il la pointa en tremblant vers Snape, celui-ci avait pris la sienne depuis déjà fort longtemps.
« Vous êtes pathétique, Potter. On dirait Lockhart. Pas l'escargot, non, votre professeur en deuxième année. Expelliarmus ! »
Harry fit un magnifique vol plané par-dessus la table et chuta lourdement sur le sol, sa baguette d'un côté et son amour-propre de l'autre. Encore heureux qu'il n'ait pas atterri les fesses dans le chaudron…
Il se releva, endolori, et la baguette de Snape vint lui chatouiller le menton. Il recula, jusqu'à se trouver acculé contre le mur. Certes, être pris en sandwich entre le mur et le Maître des Potions ressemblait beaucoup à l'un de ses fantasmes. Mais sans la baguette menaçante, toutefois.
« A présent, vous allez m'expliquer, dit Snape avec une douceur feinte. Pourquoi cette manie de nuire à tous ceux qui passent cette porte ? »
C'est à peine si Harry décrypta la question. La seule voix de Snape lui faisait perdre tous ces moyens. Quand en outre elle venait de si près, Harry en oubliait jusqu'à son propre nom.
« Alors, Potter ? »
« Huh ? »
C'était qui, Potter ? Harry décida d'écarter justement tous les souvenirs désagréables que Snape associait à ce nom. Il était temps d'en créer de nouveaux.
« Je ne supporte pas que ces abrutis vous tournent autour ! »
Voilà, c'était dit. Si Snape se rejetait en arrière avec un air horrifié, on saurait pourquoi. Mais l'homme, au contraire, baissa sa baguette pour se rapprocher de Harry.
« Que suis-je censé comprendre ? Que le grand héros du monde sorcier ne tolère pas que d'autres que lui reçoivent un brin d'attention ? »
« Vous savez bien que non ! Vous m'avez toujours considéré comme un m'as-tu-vu, alors que c'est archi faux ! Vous passez votre temps à vous tromper sur mon compte. »
« Peut-être, concéda Snape. Mais je vous ferais remarquer que vous aussi n'êtes pas exempt de préjugés me concernant. »
« … En anglais, ça donne quoi ? »
« En anglais, cela signifie que vous avez cru qu'il suffisait de quelques avances grossières et intéressées pour me faire succomber. M'avez-vous pris pour un sorcier facile, Potter ? »
Harry rougit, bafouilla :
« Non, monsieur... Euh, vous voulez dire que vous n'aviez pas l'intention de... Que vous n'aviez pas envie de… »
« Pour parler comme vous : en anglais, ça donne quoi ? », soupira Snape d'un air lassé.
« Ni Lockhart, ni la famille Malfoy au complet ne vous plaisent ? demanda Harry avec espoir. Il ne se serait rien passé, même si je n'étais pas intervenu ? »
« Vous admettez donc être intervenu ? Vous êtes jaloux ? »
« Oui, je suis jaloux. Je ne supporte pas l'idée de vous voir avec ces cafards… ni avec qui que ce soit, tant qu'on en parle ! »
Le rictus sarcastique se transforma lentement en sourire sincère, en sourire chaleureux, qui transfigura le visage si sévère.
« Jamais je n'aurais cru entendre ça un jour… Harry. »
Et Snape rangea sa baguette.
Harry demeura immobile un moment, sans trop savoir comment réagir. Le choc de sa chute, suivi du choc de voir Snape lui sourire, cela faisait beaucoup pour un seul homme. Serait-il de bon aloi de lui sauter dessus pour lui rouler une pelle ? Ou était-ce un autre piège tendu par le fourbe professeur ? Snape souriait toujours, mais avec plus d'ironie, à présent. Il s'était rapproché de Harry au point de le frôler. Il dégageait une aura de puissance, que les sens aiguisés de Harry ressentaient comme profondément sexuelle. Le jeune homme sentait monter son excitation, comme des picotements insistants dans une zone sensible…
« Il semblerait qu'il se produise un phénomène embarrassant chez vous, Potter », susurra Snape dans son oreille, en se frottant –trop- brièvement contre son bassin.
« Je ne me sens pas embarrassé », répondit Harry sur le même ton.
Beaucoup d'émotions diverses et variées le traversaient en ce moment même, mais l'embarras, grâce à Merlin, n'en faisait pas partie. Harry humecta ses lèvres lentement. Le désir le rendait provocant. Il avait confessé son attirance ; maintenant il voulait que Snape craque le premier. Peut-être le moment était-il venu d'effectuer le strip-tease envisagé deux jours auparavant.
Il n'en eut pas le temps. Snape se pencha et captura sa bouche dans un baiser ardent. Harry entrouvrit les lèvres, n'attendant que ça, et il fut récompensé de sa docilité : la langue le pénétra profondément… Harry comprit tout de suite qu'il était damné pour toujours, qu'il n'en aurait jamais assez. L'homme le prit dans ses bras et l'étreignit tout en le dévorant. Une de ses mains fines descendit jusqu'aux fesses de Harry, exigeante et rude. Harry se sentit pris de vertige. Enfin, Snape le touchait ! Il se rejeta en arrière pour reprendre son souffle.
« S'il vous plaît, monsieur… »
« Dis mon nom. »
« Severus. »
Harry sentit sa chaleur, son pouvoir, sa force. Il plongea dans les yeux si noirs qu'il avait cru froids si longtemps. A présent, ces yeux brûlaient, comme le corps contre lui.
Severus se pencha et murmura contre son oreille :
« Tu as veillé attentivement à ma vertu, ces derniers jours. Cependant, tu ne me sembles pas si vertueux toi-même… »
« Poudlard n'est pas un lieu de débauche ! plaisanta Harry en prenant un ton choqué. Du moins tant que ce n'est pas avec moi ! »
« Alors nous y voilà. Enfin. Et nous avons tous les deux une excroissance à notre anatomie. Que faisons-nous maintenant ? »
« On joue à la bataille explosive ? », suggéra Harry, espiègle.
« Je pourrais te montrer un jeu bien plus excitant... »
Evidemment, on frappa à la porte.
Severus s'écarta vivement. Sans qu'il eut le temps de dire « Entrez », Dumbledore parut. Il enveloppa les deux sorciers d'un bref regard mais aucun pétillement suggestif n'y apparut. Harry s'en inquiéta.
« Hagrid vient de m'avertir qu'un éléphant piétine les parterres de fleurs. Qu'est-il arrivé, encore ? Une potion qui a mal tourné ? »
« Non », dit Harry.
Elle avait tourné tout à fait comme prévu, cette potion !
Dumbledore avait l'air inquiet et fatigué.
« Hagrid est ravi d'avoir trouvé un nouvel animal non répertorié à Poudlard. Il veut lui construire un enclos et le dresser. »
« Cela ne fera pas de mal à l'animal en question », répliqua Severus avec une impassibilité que Harry lui envia.
« Vous voulez dire que c'est un vrai éléphant, Severus ? interrogea Dumbledore, l'air désarçonné. Pas un être que l'on appelle communément humain, transformé après une bévue de notre jeune Harry ? »
Harry faillit protester de son innocence avec mauvaise foi. Severus le prit de vitesse :
« Vous avez raison, monsieur le directeur, il s'agit en réalité de Draco Malfoy. Mais comme sa mère n'est pas en état de s'occuper de lui dans les jours qui viennent, je pense que le confier à Hagrid jusqu'à sa transformation n'est pas une idée saugrenue. Surtout qu'il veut se consacrer aux soins des animaux. Il verra un professionnel à l'œuvre. »
Dumbledore faillit en avaler ses lunettes.
« Je savais que laisser Harry s'approcher de ce laboratoire était une erreur. Je suis très déçu, Harry. Ta maladresse est désespérante. Va m'attendre devant mon bureau et je te trouverai un autre passe-temps pour tes vacances. Severus, toutes mes excuses pour vous avoir infligé cet effroyable assistant. Je vais de ce pas voir Hagrid »
Dumbledore referma la porte derrière lui.
Severus soupira.
« C'est une malédiction. Depuis trois jours, tous ceux qui me font des avances sont interrompus dans leur lancée. Il est vraiment très dur de se vautrer dans la débauche, à Poudlard… »
Harry éclata de rire et se jeta à son cou. Même si Dumbledore lui confiait un autre travail, il serait facile de voir Severus.
« Je peux te rejoindre chez toi, ce soir ? » interrogea-t-il.
« Tu as intérêt à ne pas être en retard ! Quand je pense qu'il a fallu que je demande à Draco de venir me faire des avances pour que tu te décides à me parler ! »
Harry eut un hoquet. Quoi ? Pardon, comment ? C'était un coup monté ? Severus avait tout manigancé pour le pousser à se déclarer ?
Severus, parfait legilimens, acquiesça.
« J'avais des doutes depuis l'incident Lockhart, mais j'avais peur de me bercer d'illusions. »
Harry, profondément choqué, lui adressa une moue renfrognée.
« Ce soir, je te ferai regretter de m'avoir mené en bateau. »
Il quitta dignement la pièce alors que Severus ricanait derrière lui :
« Des promesses, toujours des promesses… »
FIN