Note de la traductrice : Rien ne m'appartient, ni les personnages qui appartiennent, bien évidemment, à Madame JK Rowling ni l'histoire, qui appartient à Anna Fugazzi, qui m'a très gentiment donné l'autorisation de traduire sa sublime histoire.

Avertissement : Cette fic est un SLASH. Si les relations homosexuelles ou les relations explicites ne vous plaisent pas, ne lisez pas ce qui suit. Merci.

Rating : M

Statut de la fic originale : Fic terminée : 21 chapitres et un épilogue.

Rythme de publication de la traduction : Tous les premiers mardis du mois.

Note de la traductrice : Un énorme merci à mes deux bêtas Yepa et Orchideouxx :)

Chapitre 1

29 Septembre – 1er Octobre

1er jour, Mardi

…Qu'est-ce que…?

Harry reprit conscience, fixant enfin son regard sur quelque chose. Le plafond. Le plafond très familier de…l'infirmerie.

Merde, pas encore, fut sa première pensée.

Qu'est-ce qu'il s'est passé cette fois ? fut sa seconde.

Quidditch ? Non, il ne portait pas sa tenue de Quidditch, et n'avait mal qu'à la tête. Pas la cicatrice elle-même mais toute la zone autour…dans toute la tête, en fait. La douleur le martelait derrière les yeux, à l'arrière de la tête, près du cou…

Il entendit un faible gémissement, réalisa qu'il ne venait pas de lui et chercha d'où il provenait.

Malfoy. Il gémissait et semblait tout juste revenir à lui, dans le lit à sa droite. Rapidement entouré par de nombreux adultes – Madame Pomfresh, Dumbledore, Lucius Malfoy... quoi ?

"Harry !" s'exclama une voix familière à sa gauche. Madame Pomfresh regarda alors dans sa direction et Harry se tourna rapidement.

"Professeur Lupin ?"

Lupin sourit. "Comment te sens-tu ?"

"Comme si j'avais besoin d'un chocolat," dit Harry, désorienté, et Lupin sourit. "Que s'est-il passé ?"

Lupin glissa sa main dans sa poche, en sortant un carré de chocolat et le plaçant sur le lit à côté de Harry pendant que Madame Pomfresh s'affairait autour de lui.

"Comment vous sentez-vous, Potter ?"

"Bien, je pense... ma tête me fait un peu mal," commença Harry et elle acquiesça vivement.

"C'était à prévoir, vous l'avez pris en pleine tête. Allez, asseyez-vous," ordonna-t-elle, posant une petite bouteille de potion sur la table de nuit. "Mangez ce chocolat et buvez ce qu'il y a dans la bouteille. De quoi vous rappelez-vous ?"

Harry s'assit lentement, toujours perdu. Il semblait y avoir beaucoup de personnes – pas seulement Dumbledore, Pomfresh, Lucius Malfoy et Lupin, mais aussi McGonagall et Snape – et il ne pouvait se concentrer sur aucune des voix. Que se passait-il ?

"De pas grand chose... je, je sortais d'une salle de classe, je crois…"

"Quelle malédiction ?" s'éleva la voix de Malfoy depuis son lit tandis qu'il s'asseyait. Harry fronça les sourcils alors qu'un sentiment de malaise s'éleva des adultes, aucun d'entre eux ne voulant apparemment répondre. "Quelle malédiction ?" redemanda Malfoy.

"Jeunes gens," dit lentement Dumbledore, "Je crains que vous ne soyez… eh bien, enchaînés."

Silence.

"Quoi ?" dit faiblement Malfoy.

"Un sort d'enchaînement était sur la porte que vous avez tous les deux franchi, prêt à se déclencher en présence de fortes émotions. Quand vous l'avez traversée, vous vous disputiez à propos de quelque chose, et…"

"Non. Mon Dieu, non," Malfoy regarda les adultes, ses yeux s'élargissant comme tous les visages reflétaient l'air sombre de Dumbledore. "C'est... c'est impossible." Il fixa son père, qui pinça les lèvres et acquiesça. "C'est… putain... c'est insensé ! Non !"

"Draco... " commença son père, et Harry sentit un soupçon de peur quand Malfoy l'interrompit et sauta hors de son lit.

"Non ! Vous ne pouvez pas être sérieux !"

"Mr. Malfoy, je suis désolé, mais nous en sommes absolument sûrs," dit Dumbledore.

"Putain ! Non !"

"Attendez, de quoi est-ce que vous parlez ?" coupa Harry. "Quel sort d'enchaînement ?"

Malfoy fixa Harry, bouche bée. "Un sort d'enchaînement, imbécile."

Harry regarda Malfoy puis les adultes, complètement perdu et plus qu'abasourdi que personne ne dise un mot pour le langage grossier de Malfoy. Il s'était attendu à ce que, au moins son père, le réprimande. Mais Lucius Malfoy avait l'air secoué, presque malade, rien à voir avec la froide personne autoritaire qu'il était d'habitude.

"Mais... mais qu'est-ce que ça signifie ?"

"Tu ne sais même pas... oh, fantastique," Malfoy donna un violent coup de poing dans sa table de nuit et se détourna, dégoûté.

"Potter, le sort d'enchaînement est un mariage sorcier... " commença Pomfresh, mais Malfoy l'interrompit.

"C'est un putain de sort de mariage, Potter," cracha Malfoy. "Le sort était sur la porte, on se l'est pris, on est marié. Quelle partie est trop dure à comprendre pour ton petit cerveau de Gryffondor ?"

"Mais comment... le mariage n'est pas un sort, comment..."

"Potter. Laissez-moi vous expliquer," dit fermement le professeur McGonagall. "Dans le monde sorcier, un mariage n'est un mariage qu'à partir du moment où un sort d'enchaînement a été lancé, reliant les deux époux. Normalement c'est fait volontairement, presque de la même manière dont les Moldus font leurs vœux de mariage... " Lucius fit un bruit de gorge indigné mais ne l'interrompit pas pour autant "... mais contrairement aux vœux de mariage Moldus, un sort d'enchaînement impose une certaine conduite aux époux. Et contrairement aux vœux de mariage Moldus, un sort d'enchaînement peut être lancé comme une malédiction, sans le consentement des deux parties. Il est, bien sûr, totalement illégal de le lancer en tant que malédiction, mais il relie quand même les personnes."

Harry fronça les sourcils, complètement déconcerté. Un sort qui forçait des personnes à se marier contre leur volonté ? Ça ressemblait à une mauvaise blague. Il jeta un rapide coup d'œil dans l'infirmerie, espérant apercevoir les jumeaux Weasley ricanant du succès de leur dernier sort d'illusion.

Mais il n'eut pas cette chance. "Mais c'est ridicule. Les filtres d'amour, je comprends, mais comment pouvez-vous être obligé de vous marier ?"

"Le sort vous force à agir comme des époux. Pendant les premiers mois de mariage, vous devrez vivre ensemble, être presque constamment près de l'autre, faire tout ce qu'un couple marié fait, ou en subir les conséquences."

"Tout... non, attendez-"

"Non, ça ne veut pas forcément dire consommer sexuellement votre relation," le coupa Pomfresh, pragmatique. "Les personnes peuvent être enchaînées sans devenir marier... cela arrive parfois avec des jumeaux, ou de très proches amis qui ont décidé de jouir des avantages d'un sort d'enchaînement sans l'aspect sexuel. Mais la majorité des sorts d'enchaînement est également sexuelle par nature, à moins qu'il y ait une bonne raison pour qu'ils ne le soient pas."

"Comme se détester, par exemple ?"

"Ce n'est normalement pas un problème," dit-elle franchement. Harry la regarda bouche bée.

"Mordred (1), ferme la bouche, Potter, tu as l'air encore plus stupide que d'habitude," dit sèchement Malfoy.

Harry l'ignora. "Mais pourquoi quelqu'un consentirait à ça ?"

"Il y a des avantages, bien sûr. Augmenter les pouvoirs magiques, ce genre de chose. Ainsi que tout ce qui s'applique à un mariage sans sort d'enchaînement, comme la camaraderie, l'amitié, l'équilibre émotionnel."

"Mais comment une seule de ces choses pourrait arriver si vous ne le voulez même pas en premier lieu ?"

"Le sort d'enchaînement aide à apporter ces avantages en imposant une conduite, probablement pour les encourager. La plupart des mariages commencent au moins par l'empressement de débuter un mariage, mais il n'est pas impossible qu'un mariage marche après un sort d'enchaînement forcé."

"Comment ?"

"Parce que vous n'avez pas le choix sur la question, donc vous le faites marcher," dit Snape d'un ton brusque. "Les Moldus pensent qu'il est impératif de commencer avec des fleurs et de l'amour jusqu'à écoeurement pour former un engagement. Les sorciers ne sont pas aussi naïfs."

"Qu'est-ce que vous en savez ?" dit sèchement Harry avant de pouvoir s'arrêter ou de le dire d'une voix respectueuse. Mais Snape ne sembla pas le remarquer.

"Bien que ce ne soit absolument pas vos affaires, j'ai été marié, Potter. Pendant sept longues années, à une femme que je connaissais à peine quand on nous a lancé le sort d'enchaînement."

Draco le foudroya du regard. "C'est complètement différent !"

"Beaucoup de mariages sorciers débutent comme cela, Draco," dit doucement Lucius Malfoy et Malfoy le foudroya également du regard. "Tu sais que ta mère et moi nous connaissions à peine avant notre enchaînement. Tu savais que quelque chose comme ça arriverait un jour, tu étais d'accord pour te marier avec la personne que nous aurions choisi pour toi... "

"J'étais d'accord parce que c'était supposé être une alliance qui aurait profité à notre famille, et... et je sais que vous ne m'auriez pas forcé à me marier avec quelqu'un que je déteste et... "

Lucius grimaça et secoua la tête. "Je sais. Mais tu n'as pas le choix. Calme-toi... "

"Putain de merde, ne me dis pas de me calmer !" cria Malfoy, et Lucius Malfoy fronça les sourcils, se levant.

"Il est en colère, Lucius, il a besoin de temps pour... " commença Snape mais Lucius le coupa, faisant face à son fils sévèrement.

"Draco ! Tu es en colère, je peux le comprendre, mais ce n'est pas une excuse pour... " Lucius essaya de poser une main réconfortante sur l'épaule de Malfoy mais haleta et se recula lorsque Malfoy tressaillit et poussa un cri de douleur. "Je suis... je suis désolé, j'avais oublié... " il étendit son bras, ne touchant pas Malfoy pour autant, celui-ci le fixant avec consternation. "Assis-toi. S'il te plaît."

Malfoy se laissa tomber dans un fauteuil, mâchoire et poings serrés.

"Je suis désolé," dit doucement Lucius, et ses mots et manières firent vraiment frissonner Harry. Il n'avait jamais vu Lucius Malfoy traiter son fils avec autre chose qu'une froide réserve, et en ce moment, il était l'image même d'un père concerné, ayant l'air de vouloir réconforter son fils mais étant incapable de trouver comment faire. Oh mon Dieu. "Draco, je suis désolé," répéta Lucius.

Malfoy mit ses coudes sur ses genoux et se pencha en avant, la tête entre les mains. Harry regarda tour à tour tous les adultes, son appréhension grandissant à la vue de leurs expressions résignées et funestes.

"Attendez... les sorciers n'ont jamais réussi à lever le sort ?" demanda désespérément Harry. "A divorcer ?"

"Les deux personnes doivent être d'accord pour dissoudre le sort... " commença Snape.

"Je crois pouvoir dire sans aucun doute que l'on est tous les deux d'accord..."

" ... et seul celui qui a lancé le sort peut le briser. Ce n'est normalement pas un problème parce que ceux qui lancent ce sort sont ceux qui s'enchaînent, mais dans le cas d'un sort d'enchaînement involontaire…"

"Vous voulez dire que celui qui nous a lancé ce sort doit le briser ? On ne peut pas le faire nous-même ?"

"C'est fascinant de voir le temps que prend ta stupide cervelle pour saisir une notion aussi simple, Potter," cracha Malfoy, ne relevant pas la tête de ses mains.

"Soyez assuré que nous ferons tout notre possible pour trouver la ou les personnes responsables," dit Snape, "mais les chances de réussite sont remarquablement minces, à moins que quelqu'un ne s'avance et avoue. C'est un sort hautement illégal, Mr. Potter. Personne n'admettra l'avoir lancé. Et qui que ce soit, il aura très certainement effacé les traces qu'il a laissées."

"Mais… mais je ne suis même pas gay !"

Malfoy leva les yeux au ciel tandis que son père émettait un 'tsk' d'aversion. "Franchement, les Moldus," ricana Malfoy.

"Nous comprenons que dans le monde Moldu il y ait une certaine confusion à propos des relations sexuelles entre personnes du même sexe," commença Pomfresh, "mais dans le monde sorcier... "

"Je n'ai jamais entendu parler d'un seul mariage gay dans le monde sorcier !"

"Vous ne faites pas partie de ce monde depuis longtemps," dit McGonagall, "... et vous êtes à l'école, où la plupart des personnes autour de vous ne sont pas mariées. C'est rare mais non exceptionnel. Il est vrai que beaucoup de personnes pensent qu'il n'est pas très judicieux pour des sorciers de se marier avec quelqu'un du même sexe, comme notre natalité n'est pas aussi élevée qu'elle le devrait, mais nous n'avons pas ces sortes de préjugés aveugles que le monde Moldu a."

" 'Je ne suis même pas gay' " imita méchamment Malfoy. "Franchement, c'est totalement typique d'un Gryffondor de se concentrer sur le problème le moins important."

"Alors quel est le problème le plus important ? Le fait que si je devais vivre avec toi, je pourrais très bien te tuer ?" rétorqua Harry.

"Ce n'est pas un sujet de plaisanterie, Potter," dit fermement McGonagall. "Une des raisons pour lesquelles les sorts d'enchaînement involontaires sont illégaux est qu'ils peuvent aboutir au meurtre d'un époux par son propre mari. Il est question d'une situation extrêmement stressante. Vous devrez tous les deux être attentivement suivis pour s'assurer que… l'animosité qu'il y a entre vous ne devienne pas incontrôlable et n'aboutisse pas en de sérieuses blessures pour l'un ou l'autre."

"Sur le coup ça ne semble pas être une mauvaise idée," marmonna Harry, et Malfoy leva les yeux au ciel.

"Comment peux-tu être aussi stupide, Potter ? Parce que là tu vas vraiment atteindre des records... "

"Mr. Malfoy," le coupa McGonagall. "Ayez la bonté de vous taire." Elle se tourna vers Harry. "Tant que le sort est récent, vous allez très certainement être sensible aux émotions de l'autre et à son bien-être. Si l'un des époux meurt ou est sérieusement blessé, le choc est généralement suffisant pour tuer l'autre. Surtout si l'autre époux est la cause du décès ou des blessures."

Harry s'assit mollement.

Il y eut un long silence, finalement brisé par McGonagall.

"Messieurs, je pense que ceci vous prendra un certain temps pour l'accepter. Je crois qu'il serait bien que Madame Pomfresh vous explique ce à quoi vous pouvez vous attendre à traverser, pendant que nous discuterons du mieux à faire pour que vous le traversiez, dans une autre pièce."

"Vous voulez dire que vous allez discuter sans nous... " "Vous allez décider... " dirent les deux garçons en même temps dans leur indignation, et Lucius Malfoy les coupa.

"Draco, tu es difficilement en mesure de prendre une quelconque décision pour l'instant. Tu ne comprends même pas complètement ce qu'un sort d'enchaînement implique," signala-t-il.

"Ça ne veut pas dire que tu dois tout décider pour moi !" dit passionnément Malfoy, et les sourcils de son père se levèrent de surprise. Tout comme ceux de Harry. D'aussi loin qu'il s'en souvienne, le père de Malfoy décidait de tout pour son fils, même des cours qu'il prenait et des personnes avec qui il parlait. Malfoy devait être en sérieuse détresse pour penser à se rebeller contre ça maintenant.

"Jeunes hommes, personne ne va prendre une quelconque décision pour vous," dit raisonnablement McGonagall. "Nous allons simplement discuter de possibilités jusqu'à ce que vous nous rejoigniez avec plus d'informations sur votre situation et puissiez prendre part à la discussion." Lucius Malfoy la fixa avec surprise, et une partie reculée du cerveau de Harry se dit qu'il était vraiment très satisfaisant de le voir si déséquilibré. Si Harry n'avait pas été complètement déséquilibré lui-même, il aurait trouvé l'expression de Lucius Malfoy franchement hilarante.

"C'est d'accord, Harry," dit gentiment Lupin. "Allez, écoute Pompom."

ooooooo

Harry monta sur son lit d'hôpital quelques heures plus tard, toujours en état de choc.

Après une séance d'information extrêmement inquiétante avec Pomfresh, ils étaient retournés avec les adultes et avaient travaillé sur les aspects pratiques de comment vivre en proximité constante. Harry était content que Dumbledore ait fait appel à Remus Lupin, comme la figure parentale la plus proche qu'ait Harry à ce moment-là. L'équilibre et la bonne humeur de Lupin avaient été un véritable soulagement quand ils avaient parlé de leur travail scolaire et des dispositions prises pour vivre ensemble, la très douloureuse discussion à propos de Quidditch, et la réalisation grandissante que ceci n'était vraiment, vraiment pas une plaisanterie.

Hermione et Ron, quand il les vit enfin quelques heures plus tard, ne furent pas très réconfortants, bien que ce ne soit pas leur faute. Leurs expressions, soulagées quand ils le virent sauvé et en bonne santé, s'étaient transformées en horreur quand ils apprirent pour le sort ; Ron beaucoup plus qu'Hermione, parce qu'il avait grandi en sachant ce qu'était un sort d'enchaînement. Il en savait assez pour, par exemple, saisir la main d'Hermione quand elle avait étendu le bras pour enlacer Harry ; le sort était supposé faire en sorte que quiconque, mis à part leur époux, les touchait était douloureux les premiers mois. Mais autrement, ils ne savaient pas quoi dire à Harry, et leurs coups d'œil inquiets et hostiles à Malfoy, qui les ignorait d'un air maussade, firent prendre conscience à Harry que l'un de ses pires cauchemars était en train de se réaliser. Il haïssait Malfoy autant que Ron et Hermione haïssaient le blond. Mais contrairement à eux, il ne pouvait pas tout simplement sortir de la pièce et l'éviter.

Malfoy n'avait pas demandé à ce que ses amis viennent lui rendre visite à l'infirmerie.

Heureusement, Harry n'avait pas dû faire face aux regards de toute la Grande Salle car leurs dîners avaient été apportés à l'infirmerie, et ils mangèrent aussi loin de l'autre que possible. En fait, jusqu'à maintenant, Harry ne voyait vraiment pas pourquoi ils ne pouvaient pas retourner dans leurs dortoirs. Ils ne semblaient pas avoir besoin d'être si proche que ça de l'autre. Cependant, Pomfresh leur avait assuré qu'être dans des chambres différentes serait très douloureux.

Et voilà où ils en étaient à présent. Prêts à aller au lit, à l'infirmerie. Jusqu'ici ils avaient au moins été d'accord sur une chose : ils voulaient tous les deux faire comme avant autant que possible. Ils ne prirent donc pas le temps d'essayer de comprendre tout ce qui se passait ou apprendre à mieux se connaître, pas plus qu'ils n'appliquèrent l'une des suggestions que les adultes avaient formulées. Les Professeurs responsables des Maisons seront chargés d'expliquer la situation à leurs élèves ce soir après le dîner, pour répondre aux questions et démentir les rumeurs. Et Harry et Malfoy devront retourner en cours demain et emménager dans leur propre dortoir après l'école.

Harry jeta un coup d'œil à Malfoy, qui était déjà dans son lit et qui fixait le plafond, inexpressif. D'un accord tacite, ils ne s'étaient pas beaucoup parlés, sauf pour s'envoyer des petites piques alors qu'ils écoutaient Madame Pomfresh.

Harry s'allongea dans son propre lit, fixant également le plafond, pensant aux propos de Pomfresh. Ils seront, pendant environ quatre ou cinq mois, forcés d'être en contact constant. Ils devront être dans la même pièce, se tenir à, grosso modo, deux mètres à quatre mètres l'un de l'autre, au point qu'être trop éloignés entraînerait un malaise extrême et au final un évanouissement s'ils ignoraient le besoin de se rapprocher de l'autre. Ils auront besoin de se toucher toutes les deux ou trois minutes. Ils prendront lentement conscience de leur envie sexuelle de l'autre, puis le besoin d'avoir des contacts sexuels, quelques semaines après que le sort ait été lancé. Ils deviendront également sensibles aux humeurs de l'autre, et la douleur ou le malaise physique ou émotionnel de l'un aboutira à la douleur et au malaise de l'autre.

Génial. Tout simplement génial. L'un des principaux plaisirs de Malfoy dans la vie semblait être de peiner Harry ou de le mettre mal à l'aise. Harry aurait été assez content à la pensée de ce retour de flamme sur Malfoy s'il n'avait pas été conscient que de faire se sentir mal Malfoy lui nuirait également.

Et il ne voulait même pas penser à tout ce qui concernait l'aspect "contact".

Alors. Demain était Mercredi. Le premier cours était un double cours de Potions, et comme toujours les Serpentards et les Gryffondors étaient mélangés. Ensuite, à la place de l'Etudes des Moldus, il aura Métamorphose avec les Serpentards et les Serdaigles, puis le déjeuner, puis retour avec les Gryffondors pour le cours d'Enchantement, au tour de Malfoy de le suivre. Puis il ira avec Malfoy dans son cours d'Arithmancie. Heureusement, Hermione avait pris ce cours aussi, donc elle pourrait lui tenir compagnie et l'aider à se mettre au niveau. Puis, pour le dernier cours, il devra être en cours de Runes Anciennes avec Malfoy mais travaillera sur son Astronomie. Puisqu'ils avaient été incapables de se mettre d'accord pour ces deux cours, ils avaient décidé de voir s'ils pourraient les alterner. Ils avaient des cours plutôt faciles de toute façon.

Mon Dieu, à quel point le monde avait dramatiquement changer en si peu de temps.

Harry soupira. Il voulait retourner dans son dortoir pour écouter le blabla habituel de Ron, Neville, Dean et Seamus avant de se coucher. Il se demandait ce que pouvait bien faire ses camarades en ce moment même. Parlent-ils de lui ? Etaient-ils en colère du fait que, juste pour ça, Harry était exclu de leur dortoir et de l'équipe de Quidditch ? Parlaient-ils de ce que cela ferait d'avoir ce foutu Draco Malfoy dans les pattes à chaque fois qu'ils voulaient voir Harry ? Se demandaient-ils ce qu'il était en train de faire ? Leur manquait-il ?

A lui, ils lui manquaient. Sa Maison aussi lui manquait. Tout lui manquait.

Harry se tourna, dos à Malfoy, et essaya de s'endormir.

ooooooo

2ème jour, Mercredi

Draco ouvrit les yeux, momentanément désorienté. Où…? Oh.

Oh, mon Dieu. Il ferma fortement les yeux, souhaitant se rendormir, espérant désespérément qu'il pourrait d'une façon ou d'une autre faire de ses rêves la réalité, et la réalité de ce matin n'être qu'un cauchemar.

Il ouvrit à nouveau les yeux. Non. Il n'eut pas une telle chance.

Il regarda le lit à côté du sien. Potter dormait toujours, le visage paisible et détendu, et Draco fut pris par un besoin presque irrésistible de le frapper. Fort. Pour oser avoir l'air si serein alors qu'ils étaient ici, à l'infirmerie, confrontés au premier jour du reste de leurs foutues vies enchaînés ensemble.

Draco tourna le dos à Potter, espérant pouvoir se convaincre qu'il n'était à l'infirmerie que pour une blessure de Quidditch. Mais il chassa rapidement cette pensée, parce que cela lui faisait penser au Quidditch et il était trop douloureux de penser à cela dès le matin. Malheureusement, à peu près tout ce qui lui venait à l'esprit était trop douloureux pour y penser dès le matin.

Et c'était étrange, pensa-t-il, à quel point son esprit semblait ne pas pouvoir se décider entre essayer d'oublier désespérément le souvenir de la séance d'information de Pomfresh la nuit dernière, et de se la répéter avec d'insoutenables détails. Surtout la partie sur le besoin de se toucher... et la bouche de Draco se tordit de dégoût, alors que sur le moment il ne ressentait absolument aucune envie de toucher Potter autrement que violemment. Mais apparemment ils se sentiront obligés de se toucher, d'abord avec désinvolture, puis pour le confort, et puis, finalement, de manière sexuelle. Draco grimaça également à cette pensée. Pas une bonne image mentale, celle-là non plus. Ce n'était pas le fait de toucher un autre garçon de cette manière qui était une idée totalement dégoûtante, mais que, de toutes les personnes possibles, ce soit Harry Potter. Mon Dieu, c'était dégoûtant. Ce n'était que très légèrement mieux que de toucher un Sang-de-Bourbe.

Draco soupira et referma les yeux. Ça aurait pu être pire, essaya-t-il de se convaincre. Il aurait pu passer sous cette porte en se disputant avec Hermione Granger.

En fait, non. Il ne pouvait pas le voir d'une meilleure façon. Granger aurait été terriblement embarrassante pour la famille de Sang-pur Malfoy, mais finalement elle n'était qu'une Sang-de-Bourbe. Tant que Draco n'avait pas d'enfant avec elle (et il se serait assuré de ne pas en avoir) elle aurait été tolérable. Elle n'était pas l'ennemi numéro un du Seigneur.

Draco ne pouvait ne serait-ce qu'imaginer comment leur famille survivrait à cela. Le Seigneur des Ténèbres n'aura sûrement plus confiance en la loyauté de Lucius pour rester inébranlable. Peut-être, dans quelques années, quand le sort sera un peu usé par le temps et que l'enchaînement sera moins fort, il sera possible à Draco de survivre avec peu de répercussions néfastes une fois que Voldemort vaincra Potter. Mais…l'affrontement était supposé arriver bientôt. Et Voldemort ne ferait sûrement pas totalement confiance à un homme qui savait que son fils unique mourrait si Potter était tué ou blessé.

Allez, assez parlé de la position de son Père comme bras droit de Voldemort

Mon Dieu, c'était vraiment horrible.

"Très bien, les garçons, il est l'heure de se réveiller," Madame Pomfresh s'empressa d'entrer dans la chambre et Potter se réveilla. Draco observa son visage passer par la même désorientation, suivi de l'affaissement de son visage quand il réalisa où il était et ce que cela signifiait. Potter lui jeta un coup d'œil et ils échangèrent un regard de dégoût absolu puis Draco détourna les yeux.

"Maintenant, je vais vous examiner..." Pomfresh sortit sa baguette et l'agita en direction de Draco qui tressaillit un peu, alarmé. "Juste un rapide coup d'œil, Mr. Malfoy…ça a l'air d'aller…" elle se tourna vers Potter et répéta le mouvement, "Tout comme vous… comment avez-vous dormi ?"

"Heu, bien," marmonna Potter. Elle regarda Draco et il acquiesça.

"Séparément ?"

"Oui !" dirent-ils sèchement en même temps et d'une même voix embarrassée et irritée.

Pomfresh les fixa tous les deux, "Je dois le demander. Je suis chargée de suivre l'état de votre enchaînement. Dans les prochains mois, je poserai beaucoup de questions que vous trouverez dérangeantes et embarrassantes et vous feriez mieux de vous y habituer." Elle tapa dans ses mains et un couple d'elfes de maison apparut avec des plateaux repas, suivi de deux autres avec des petites piles de vêtements et de livres. "Voici vos livres et vos vêtements, les douches sont par-là," indiqua-t-elle, "et vous avez quarante-cinq minutes avant le début des cours. Des questions ?"

Draco et Potter la fixèrent.

"Très bien. Dépêchez-vous, messieurs," les bouscula-t-elle.

ooooooo

Snape ne leur jeta même pas un coup d'œil quand ils entrèrent dans sa classe en se disputant pour savoir où ils s'assiéraient. Ils ne parlaient pratiquement qu'en monosyllabes jusqu'à maintenant, sauf pour un occasionnel "Dépêche-toi," ou "Pousse-toi de mon chemin".

"Allez," siffla impatiemment Draco, n'aimant pas le fait que leurs camarades de classe essayaient de faire comme s'ils ne les regardaient pas.

"Non," marmonna Potter en retour. "Je veux m'asseoir là."

Draco ne se donna pas la peine d'en tenir compte. Il n'était pas question qu'il aille s'asseoir à côté de la Sang-de-Bourbe et de la Belette. "Ne sois pas ridicule."

"Tu n'as qu'à aller t'asseoir où tu veux," siffla Potter, déposant avec un grand bruit ses livres à côté de Granger. "Moi je m'assois là." Draco rétrécit les yeux, ne voulant pas céder, puis regarda son bureau habituel, mesurant mentalement la distance.

Peut-être quatre ou cinq mètres environ. Bien. Il s'y dirigea et s'assit à côté de Goyle, ignorant son expression surprise et répondant par un bref signe de tête aux salutations hésitantes de ses camarades Serpentards.

Au milieu du cours, il était presque prêt à admettre que cela avait été une mauvaise idée. Ce qui avait commencé comme une faible gêne s'était transformée en agacement, puis en démangeaison comme s'il avait besoin d'aller s'asseoir à côté de Potter. Ce sentiment s'accentuait de plus en plus et il devint incapable de se concentrer sur le cours. Snape était en train de dire quelque chose sur la façon dont on devait acclimater une certaine plante…pour empêcher une certaine potion de faire…quelque chose…

Super, pensa Draco. Très précis. Malgré sa gêne grandissante, il essaya de se concentrer sur Snape. Il avait l'impression d'être entouré d'abeilles. Il secoua la tête, essayant de se défaire de ce sentiment. Non, cela ne marchait pas. Il se frotta les yeux, poussant un léger soupir d'agacement.

"Malfoy ? Ça va ?" demanda discrètement Goyle.

"Ouais," grommela-t-il, s'efforçant au calme.

Lève-toi. Lève-toi, va au fond de la classe, dis à Granger de bouger, et assis-toi. Tu te sentiras mieux.

Il ignora cette petite voix, poussa un autre soupir et se concentra sur Snape.

"La primerose doit être utilisée dans les trois jours suivant sa récolte, qui peut me dire pourquoi ?" Snape jeta un coup d'œil à Draco, ses yeux se plissant un instant. Il laissa courir son regard au fond de la classe, puis regarda une nouvelle fois Draco. Draco se tendit, espérant que Snape ne l'interrogerait pas parce qu'il n'avait vraiment aucune idée de... "Potter ?" dit Snape. Draco eut un léger sursaut. Il y eut un petit silence, suivi d'un bruit sourd. Draco s'efforça de ne pas se retourner.

"Hum... je suis désolé, Professeur, quelle était la question ?" La voix de Potter semblait mal assurée.

Snape fit ce petit-sourire-de-satisfaction-sans-bouger-un-seul-muscle-facial qu'il faisait si bien, tandis que les Serpentards gloussaient. "J'ai demandé, Mr. Potter, pourquoi la primerose devait-elle être utilisée dans les trois jours suivant sa récolte."

Silence.

"Je ne sais pas, Monsieur."

"Alors pourquoi ne verrions-nous pas si vous pouvez le déduire. C'est une question à laquelle même Londubat serait capable de répondre. Dites-moi, quel est le rôle de la primerose dans cette potion ? Et non, Miss Granger, ne lui murmurez pas la réponse."

Autre silence.

"Je ne sais pas."

Le non-petit-sourire-satisfait de Snape s'agrandit et Draco se sentit inexplicablement rougir quand les ricanements de ses camarades Serpentards se firent plus bruyants. "Quel est le but de la potion, Mr. Potter ?"

"Je ne sais pas," répondit Potter d'un air maussade.

"Quel est le nom de la potion ?"

"Je. Ne. Sais. Pas," déclara distinctement Potter, la colère s'entendant clairement dans sa voix. Draco sentit son propre pouls s'accélérer, sa colère grandissant en lui de même que les questions de Snape continuaient. Merde, Snape savait exactement ce qui n'allait pas, pourquoi n'interrogeait-il pas quelqu'un d'autre…?

Non, Snape avait raison. Potter n'écoutait pas et Snape savait exactement pourquoi et il faisait ce qu'il devait faire : faire passer Potter pour un imbécile devant toute la classe ainsi Potter ne ferait pas deux fois la même erreur: il s'assiérait où Draco le voulait la prochaine fois. C'était bien. Il devrait se sentir reconnaissant envers Snape.

Sauf que, merci à ce foutu enchaînement, Draco ressentait la colère de Potter à la place de la reconnaissance.

"Quel est le nom de ce cours ?" demanda Snape.

"Potions !" dit sèchement Potter.

"Enfin une question à laquelle vous pouvez répondre. Très bien, un point pour Gryffondor pour cette réponse. Et dix points en moins à Gryffondor pour votre incapacité complète à répondre à autre chose." Il y eut un murmure de consternation de la part des Gryffondors, et une vague de ricanements du côté des Serpentards. "Je vous suggérerais de trouver une façon de vous concentrer, Potter, parce que je vous interrogerai encore."

Draco ferma fortement les yeux, essayant de repousser la colère et l'amertume de Potter et son propre besoin de changer de place qui grandissait rapidement et qui leur permettrait de mettre un terme à leur souffrance.

Non. Non. Non non non non.

Snape était à nouveau en train de parler, sur Merlin sait quoi, et il y avait une autre voix plus proche de lui qu'il ne pouvait même pas identifier car le bourdonnement des abeilles était encore plus assourdissant et

"Aïe, PUTAIN !" explosa-t-il, une douleur lui brûlant le bras. Il s'écarta de la source de cette douleur et ouvrit les yeux pour voir Goyle bouche bée devant lui. Le reste de la classe le regardait avec surprise. Il recula, frottant son bras et essayant de se calmer.

"Y a-t-il un problème ?" coupa la voix de Snape à travers les bourdonnements.

"Je n'avais pas l'intention de... je suis désolé, Professeur, j'avais oublié..." dit stupidement Goyle, "Je... il ne semblait pas bien et il ne m'a pas répondu quand je lui ai demandé s'il allait bien et je lui ai simplement tapoté le bras, monsieur..."

Snape fit un bruit agacé. "Goyle, allez à ce bureau vide. Potter, prenez la place de Goyle. La raison pour laquelle la primerose doit être utilisée dans les trois jours suivant sa récolte..." et Draco n'écouta pas le reste de la phrase. Goyle rangea ses affaires et alla à son bureau avec un regard d'excuse à Draco. Potter laissa tomber ses affaires sur le bureau avec un bruit sourd, s'asseyant sans un regard pour lui.

C'était absolument répugnant. Potter s'était assis à côté de lui et presque immédiatement le monde sembla relativement normal à nouveau: pas de bourdonnements, pas de démangeaison, pas de petite voix lui disant quoi faire. Se sentant infiniment mieux, il retrouva rapidement le fil du cours de Snape et remplit les parties qu'il avait manquées pratiquement sans effort. Bien sûr, n'importe quel imbécile pouvait comprendre que si la primerose était utilisée pour ses propriétés curatives, elles défraîchissaient après trois jours.

Il trempa sa plume dans son pot d'encre et retranscrit les mots de Snape, jetant un coup d'œil aux notes qu'il avait prises jusqu'ici et s'arrêtant de surprise. Son écriture était affreuse, presque illisible. Il manquait des mots, il y avait des confusions…il allait devoir emprunter les notes de quelqu'un pour avoir quelque chose qui ressemblait à un cours convenable. Il jeta un coup d'œil sur la feuille de Potter et gloussa devant le désordre complet de son cours.

"Tais-toi," marmonna Potter dans sa barbe. Draco eut un sourire en coin et retourna à ses notes, immensément réconforté malgré l'animosité enveloppant Potter comme un nuage.

ooooooo

Ils entrèrent ensemble dans la Grande Salle, ayant réussi à passer le reste de la matinée sans s'adresser la parole, mais s'arrêtèrent maintenant quand ils réalisèrent qu'ils ne savaient pas où s'asseoir. Cela n'avait pas été un problème pendant la Métamorphose, le cours suivant celui de Potions, parce que depuis que Potter avait été transféré dans les cours de Draco, il s'asseyait où Draco le voulait. Et Draco voulait s'asseoir avec ses amis, qui se moquaient de Potter et qui étaient contents de revoir Draco parmi eux. Ils firent comme s'il ne s'était rien passé et évitèrent de mentionner la malédiction. Draco s'était amusé pendant la moitié du cours à imaginer ce que les différents parents de ses amis devaient leur avoir dit hier. Il semblait, du moins pour l'instant, que dans l'ensemble la tactique était la vigilance. La famille Malfoy avait subi un sérieux échec, mais il n'était pas inimaginable qu'ils se relèveraient et la plupart de leurs collègues avaient appris par d'amères expériences de ne pas essayer d'exploiter leurs moments de faiblesse ; les Malfoy exigeaient toujours vengeance.

Bien que cela n'était d'aucune aide dans la situation actuelle. La Grande Salle se remplissait d'élèves, et eux restaient là, entre les tables de Serpentard et de Gryffondor.

Potter commença à se diriger vers la table des Gryffondors et Draco lui saisit la manche. "Où vas-tu ?"

"A ma table. J'ai dû m'asseoir avec tes amis toute la matinée. C'est ton tour."

"Je ne m'assiérai pas à ta table."

"Pourquoi ?"

"Ne sois pas stupide."

"Malfoy," Potter dégagea son bras d'un coup sec, "On doit faire des compromis, tu te rappelles ? Des concessions mutuelles ? Ça te dit quelque chose ?"

"J'ai fait des compromis en laissant tomber mon cours d'Histoire de la Magie en échange de ton foutu cours d'Enchantements et en prenant Botanique."

"J'ai laissé tomber l'Etude des Moldus et-"

"Je ne m'assiérai pas à la table de Gryffondor !"

"Bien, alors où proposes-tu qu'on mange ? Parce que je ne m'assiérai pas à la table de Serpentard !"

"De toute façon aucun Serpentard ne veux que tu t'assois là-bas !"

"Alors propose autre chose !" Ils se fusillèrent du regard, ne se souciant pas des quelques personnes qui observaient leur dispute. Finalement, Draco se dirigea vers la table la plus proche, passa devant deux Serdaigles surpris, pris deux sandwiches et une pomme, et fit signe à Potter de faire de même. Potter l'imita, suivant Draco en-dehors de la Grande Salle, celui-ci entrant dans la cour la plus proche, et se laissa tomber sur un banc le plus loin possible de Draco.

ooooooo

Ça…Draco n'en avait vraiment pas besoin. A la fin d'une journée entière passée avec Potter, essayant de l'ignorer le plus possible et de ne pas penser à quel point cette situation était vraiment terrible, après toute une journée passée à essayer, autant que possible, de rester dans la dénégation à propos de tout ça, c'était…vraiment trop.

Le cours d'Enchantements avait été horrible. Il avait dû s'asseoir près de la Sang-de-Bourbe et de la Belette et être entouré de ces foutus Gryffondors et Poufsouffles et pas un seul Serpentard en vue. Après ça, ils n'avaient eu que des cours qu'ils avaient déjà avant cette satanée malédiction.

Mais maintenant, à la fin de la journée, il avait besoin de se détendre et peut-être d'aller étudier à la bibliothèque ou de passer du temps avec ses camarades Serpentard, jouant aux interminables jeux politiques Serpentard auxquels il était si bon. Il avait besoin du confort de sa salle commune et de son dortoir. Etant enfant unique, il avait toujours détesté partager sa chambre avec trois autres garçons à l'école, mais en ce moment, il donnerait n'importe quoi pour voir les stupides visages de Goyle et Crabbe et d'entendre la voix traînante de Zabini.

A la place, il avait dû passer devant ses camarades accompagné de Potter, aller dans sa chambre, et ranger ses affaires, ainsi les elfes de maison pourraient les emmener dans leur nouveau dortoir. Puis il avait dû suivre Potter dans la tour Gryffondor pour qu'il fasse de même.

Et maintenant, ils étaient là. Dans un endroit normalement réservé aux professeurs mariés. Une petite chambre qui semblait pleine à craquer uniquement avec leurs deux lits. Un salon, assez grand, avec quelques fauteuils et chaises et deux bureaux. Une salle de bain – pas comme celle que l'on partage avec les autres étudiants car la leur comprenait une baignoire. Et une petite armoire.

S'il avait été seul, il aurait été plutôt content. Malheureusement, il avait un camarade de chambre.

Il avait un désir incroyable soit de tuer Potter soit d'éclater en sanglots. Et il ne pouvait faire ni l'un ni l'autre. Il décida alors d'agir de manière automatique, rangeant ses affaires. Il ne se donna pas la peine de sortir les bibelots qu'il avait pris dans son dortoir... ce serait admettre que maintenant c'était cela sa maison, et il ne voulait certainement pas le faire. Le mieux était de simplement ranger ses vêtements et ses livres, comme le faisait Potter, tout en l'ignorant comme il l'avait fait tout au long de la journée. Puis il prit les notes de Botanique que le Professeur Chourave lui avait données et commença à rattraper son retard. Il s'assit pour étudier mais sentit le regard de Potter sur lui.

"Quoi ?" demanda-t-il.

"C'est tout ? Tu vas commencer à étudier ?"

"J'ai raté tous les cours du premier mois de Botanique," dit-il sèchement. "Je ne veux pas que mes notes chutent. D'ailleurs tu devrais commencer avec l'Arithmancie ; ce n'est pas une matière facile."

"Le dîner est dans une heure."

Draco haussa les épaules et tourna la page.

"Où s'assiéra-t-on pour dîner ?"

"Pas dans la Grande Salle."

"On va manquer les annonces."

"Ça m'est égal."

"Pas à moi."

"Tant mieux pour toi."

"Malfoy, je veux aller dans la Grande Salle et voir d'autres personnes. Bien que j'apprécie ton silence je n'ai pas l'intention de rester enfermé ici avec toi éternellement."

"Ce n'est pas l'idée que tu te fais d'une lune de miel convenable, Potter ? Je suis désolé, je m'assurerai de demander à mon père de nous réserver une croisière sur la Méditerranée." Il tourna une autre page. "Après que j'ai rattrapé ces stupides cours."

"Malfoy. Je vais dîner dans la Grande Salle. Je vais m'asseoir avec mes amis."

"Je dirai aux elfes sur quel lit te déposer quand ils t'amèneront après que tu te sois évanoui."

Il pouvait presque entendre Potter compter jusqu'à dix. "Pourquoi ne mangerait-on pas à la table de Gryffondor aujourd'hui, et à celle de Serpentard demain ?"

"Parce que mes camarades vomiraient s'ils devaient être assis près de toi pendant qu'ils mangent."

"Alors on pourrait encore manger à la table de Gryffondor. Les Gryffondors n'ont pas une constitution aussi délicate."

"Dégage."

"J'adorerais. Malheureusement il y a ce petit problème de malédiction." Draco l'ignora. "Malfoy," la voix de Potter prenait un ton exaspéré. Draco continua de l'ignorer. "Regarde-moi quand je te parle." Draco bâilla et tourna une autre page. C'était nouveau. Potter le lui avait fait à plusieurs reprises au cours de ces années... feignant l'indifférence, refusant de répondre, ce qui rendait Draco furieux. Draco n'avait jamais essayé avant, mais il comprenait pourquoi Potter le faisait. C'était vraiment satisfaisant. Il devrait s'en rappeler.

"Malfoy !" Potter semblait vraiment en colère maintenant, et Draco sourit intérieurement alors qu'il gardait prudemment les yeux fixés sur ses notes de Botanique. Potter frappa violemment de son poing sur le bureau juste devant Draco, le faisant sursauter et lui faisant lever les yeux vers lui.

"Tu as un problème, Potter ?" demanda-t-il d'une voix traînante, regardant avec joie le visage rouge de colère de Potter.

"Arrête de te comporter en imbécile et réponds-moi !"

"Je ne m'assiérai pas à la table de Gryffondor pour dîner et tu ne seras pas autorisé à t'asseoir à la table de Serpentard. Alors je propose qu'on demande aux elfes de maison de nous apporter à dîner ici. Je pense que ça résout ce petit problème domestique."

Potter fixa Draco un moment, puis il se leva et se jeta sur son lit.

ooooooo

"Des personnes sont à la porte," annonça leur portrait, Sir Xander, le Chasseur de Vampire Allemand, quelques heures plus tard.

"Qui ?"

"Hermione Granger et Ronald Weasley."

"Dites-leur d'entrer..." "Dites-leur de foutre le camp..." dirent-ils simultanément.

"C'est aussi mon dortoir," dit très calmement Potter, et Draco réfléchit une minute, pesant le pour et le contre. Il était très tenté de refuser, et de voir ce qui arriverait. Mais Potter (qu'il aille se faire voir chez les Grecs) avait raison: ils ne pouvaient pas être tout le temps seuls. Et la prochaine impulsion de Draco fut de dire à Potter que s'il voulaient être avec ses amis, il n'avait qu'à le faire en-dehors de leur dortoir. Malheureusement cela voudrait dire que Draco devrait aller avec eux. Et il n'avait pas l'intention d'être vu en public avec les petits amis à Potter.

Et s'il voulait amener ses amis ici, il aurait besoin de la permission de Potter pour le faire.

"D'accord, tes amis peuvent entrer... mais seulement si les miens le peuvent aussi."

Potter le regarda étrangement. "Bien sûr," dit-il, comme si c'était évident. Draco acquiesça sèchement.

"Harry, où étais-tu pendant le dîner ?" demanda Granger lorsqu'elle et Weasley firent irruption dans leur dortoir. Draco ne prit pas la peine de les saluer, se plongeant simplement dans ses notes.

"Par ici," marmonna Potter.

"Oh, Harry..."

Draco prit impatiemment sa baguette et lança un sort de silence autour de son bureau, bloquant ainsi le son infâme des petits copains de Potter et se replongeant dans la Botanique.

ooooooo

3ème jour, Jeudi

Mon Dieu, non, pensa Harry quand il se réveilla le lendemain.

Ça ne paraissait pas s'améliorer.

Il jeta un coup d'œil à l'autre lit, où Malfoy était encore endormi. Il paraissait bien plus agréable que quand il était éveillé, sans son petit sourire satisfait ni son expression dédaigneuse. Sauf que, depuis deux jours, Malfoy n'avait pas eu beaucoup d'expressions, sa favorite semblant être "renfrogné".

Il était mieux endormi.

Harry le fixa, pensif. Il avait passé les deux derniers jours à imaginer ce que serait sa vie quotidienne, et s'était délibérément forcé à ne pas penser à tout ce que cela impliquait. Il trouvait toujours cela inenvisageable de devoir vraiment vivre avec lui, encore plus comme un couple. Quand ses pensées prenaient ce chemin, il se distrayait en se rappelant que Pomfresh avait dit que tous les sorts d'enchaînement n'étaient pas tous comme des mariages. Peut-être que le leur serait un des quelques chanceux qui consistaient à simplement vivre ensemble. C'était étonnant de voir à quel point cette simple idée semblait répugnante. Colocataires de toute une vie. Même pas cela, en fait... selon Pomfresh, ce besoin d'être physiquement proches ne durerait pas éternellement. Un jour, tout ceci ne serait peut-être qu'un lointain souvenir d'une de ses années à Poudlard gâchée par le fait de devoir passer le plus clair de son temps avec Malfoy, qui vivait maintenant à l'autre bout du monde.

Bien.

Harry repensa aux évènements d'hier quand il alla dans la salle de bain pour se changer: l'horrible désorientation pendant le cours de Potions, Snape qui l'avait énervé, puis son changement de place – forcé – pour aller à côté de Malfoy et aussitôt ce sentiment de bien-être qui l'avait envahi. L'embarras que tout cela avait causé... et le petit sentiment de compensation quand il avait vu que les notes de Malfoy, qui n'étaient pas aussi mauvaises que les siennes, certes, étaient néanmoins un véritable fouillis. Au moins il n'avait pas été le seul à être affecté.

Hermione lui manquait. Et Ron aussi. Et de penser qu'ils se levaient et suivaient leurs routines matinales sans lui, que tous ses amis étaient ensemble dans la Tour Gryffondor pendant que lui était coincé ici avec cet imbécile, était à la limite du supportable.

Hermione et Ron étaient venus la nuit dernière et étaient restés assez longtemps, mais ils avaient finalement dû retourner dans leurs dortoirs. Et il n'avait pas pu aller avec eux. Tout ce qu'il avait pu faire avait été de se préparer à aller se coucher, avec Malfoy à un mètre cinquante de lui. Il avait fixé le plafond en se demandant comment il pourrait survivre plus de deux ou trois jours comme cela.

Cependant, s'il y avait une chose qu'il ferait c'était de tout faire pour convaincre Malfoy d'aller manger dans la Grande Salle. Il allait s'assurer qu'ils verraient d'autres personnes. Peut-être que l'emploi du temps d'aujourd'hui l'aiderait: Malfoy allait assister aux cours de Harry une grande partie de l'après-midi ; il serait alors isolé des ses camarades Serpentards. Harry ne pouvait qu'espérer.

Malfoy se retourna, poussant un profond soupir dans son sommeil, et Harry détestait l'idée de devoir le réveiller. Il aurait aimé laisser Malfoy dormir, et aller prendre son petit-déjeuner puis aller en cours. Malheureusement, si Malfoy ne se levait pas, ils seraient tous les deux en retard.

"Malfoy."

Malfoy ne bougea pas d'un poil.

"Malfoy," répéta Harry un peu plus fort. Malfoy ne tressaillit même pas.

Harry s'approcha du lit de Malfoy, et poussa son épaule. "Malfoy. Réveille-toi." Malfoy se réveilla avec un sursaut et fixa Harry. Puis il ferma fortement les yeux.

"Oh, mon Dieu, encore toi," marmonna-t-il d'une voix endormie.

"Ouais, encore moi. Lève-toi."

"Non."

"Non ?"

"Non. Dégage."

Harry se recula, perplexe. Qu'est-ce qu'il était censé faire maintenant ? Il n'avait pas envie de commencer la journée avec une dispute ni de traîner un Malfoy de mauvaise humeur au petit-déjeuner et ensuite en cours.

Il ne voulait pas se lever, très bien. Il s'allongea sur son lit et prit un livre.

Vingt-cinq minutes plus tard, Malfoy demanda d'une voix trouble. "Quelle heure est-il ?"

"8h20."

"Quoi ?" Malfoy s'assit. "On a cours dans dix minutes !"

"Je sais."

"Mais bon sang, pourquoi tu ne m'as pas réveillé ?"

"J'ai essayé. Tu ne voulais pas te lever."

"Et tu m'as simplement laissé me rendormir ?" Malfoy sortit précipitamment du lit, attrapant ses vêtements et son uniforme.

"Je ne suis pas ton réveil," dit doucement Harry, se levant, tout habillé et prêt à partir. Il avait manqué le petit-déjeuner, évidemment, mais cela valait le coup de voir Malfoy paniquer à l'idée d'arriver en retard au cours de McGonagall.

"Très..." La voix de Malfoy fut assourdie quand il enleva son tee-shirt, "... amusant, Potter. Hilarant, en fait,..." il enfila rapidement un pantalon propre, "... tu devrais vraiment envisager de faire des affaires avec les jumeaux Weasley..." il mit une chemise propre et commença à attacher les boutons puis réalisa qu'il en avait sauté un et recommença avec un grognement de frustration, "... comme tu n'es apparemment pas capable de faire autre chose." Il balança ses livres dans son sac, et se rendit compte qu'il lui en manquait un.

"Si tu cherches ton livre de Défense Contre les Forces du Mal…" dit gentiment Harry, et Malfoy le regarda avec soulagement, "… alors j'ai bien peur de ne pas pouvoir t'aider."

C'était intéressant, pensa Harry, de voir à quel point la partie du sort 'ressentir les sentiments de l'autre' marchait. Il ressentait la colère et la gêne de Malfoy en ce moment, c'était vrai, mais son propre plaisir de revanche l'emportait largement. Après l'embarras pendant le cours de Potions d'hier, il prenait sa revanche sur Malfoy en l'imaginant arriver en retard et énervé au cours donné par la Responsable de la Maison de Harry. Non pas que McGonagall faisait du favoritisme comme Snape, mais ça resterait un agréable souvenir.

Malfoy ramassa alors un manuel et le lui lança. Harry eut tout juste le temps de se baisser avant qu'il ne lui passe au-dessus de la tête et cogne le mur avec un bruit sourd. Harry fixa Malfoy, surpris. Malfoy n'avait jamais fait preuve de violences physiques quand il était en colère: il était le roi des répliques cinglantes et des railleries sarcastiques, mais tout ce qui était intimidation physique était laissée à ses deux acolytes, Crabbe et Goyle, comme si Malfoy ne voulait pas s'abaisser à de telles activités, jugeant qu'elles étaient inférieures à son rang. Mais là, il était furieux, et il ramassa un autre livre pour le lancer violemment sur Harry.

"Malfoy, arrête ça ! On n'a pas le temps !"

Malfoy jeta tout de même violemment le livre mais se retourna et mit sa robe, cherchant sa cravate.

"Je sais où est ta cravate," déclara Harry, amusé. Malfoy ne lui répondit pas. "Je te l'amènerai même." Il attendit un peu. "Si on s'assoit avec mes amis pendant le cours de Défense Contre les Forces du Mal."

Malfoy semblait vouloir lui jeter un autre livre, mais il acquiesça fermement. Harry sourit et ramassa la cravate de Serpentard, qui était tombée sous le bureau de Malfoy.

"On y va," marmonna Malfoy, et ils coururent vers la salle de Métamorphose, Malfoy passant avec précipitation sa main dans ses cheveux et s'évertuant à nouer sa cravate.

Je devrais quand même me rappeler que je vis avec un Serpentard, pensa Harry. Pas la peine d'être juste et décent ; la manipulation et l'intérêt personnel sont les choses qu'ils comprennent.


(1) Dans la légende arthurienne, Mordred, ayant une réputation de chevalier traître, est le fils du Roi Arthur et de Morgause, sa sœur. Mordred aurait blessé mortellement Arthur, son propre père lors de la bataille finale. (source : Wikipédia)


Note de la traductrice: Voilà ! Le premier chapitre est fini. Très franchement, cette fic est la meilleure Harry/Draco que j'ai jamais lue. La traduction n'est très certainement pas parfaite, c'est pourquoi si le job de bêta readeur tente quelqu'un, je suis preneuse :)