Squall Leonhart.
Ben mon vieux ! T'as touché le fond là ! La voix de Seifer se voulait habituelle et désinvolte.
Le brun ne fut pas dupe, le ton moqueur n'y était pas. Ils se ressemblaient tellement dans leurs différences qu'ils ne pouvaient se cacher l'un de l'autre.
Quelles nouvelles avec Ellone ? Comment va-t-elle ?
Elle est revenue à elle. Le blond prit un temps pour réfléchir avant de finir sa phrase. Inutile de jouer aux devinettes avec Squall, il n'en avait jamais eu la patience et après une journée comme celle qui venait de passer, mieux valait aller droit au but. Elle a perdu toutes les magies et G-Forces volées. Elle a même perdu une partie de son don. On ne sait pas encore comment ça va concrètement se manifester. Le professeur pense qu'elle ne pourra plus s'en servir mais que ça s'arrêtera là. Elle survivra.
Squall hésita avant de poser la question suivante.
Que sont devenues les magies et G-Forces volées ?
Tu connais la réponse aussi bien que moi, non ? Risqua Seifer pour vérifier sa théorie bien qu'il en soit quasi-sûr.
Comment es-tu au courant ? Demanda Squall sur le même ton, sans chercher à se défendre. Et qui d'autre le sait ?
Oh, tu connais les cerveaux esthariens, ils sont plutôt lents à réagir… Je suis le seul à avoir compris. Ellone a passé une phase de semi-délire. Pour tous, elle était incohérente, ils n'ont pas prêté attention à ses paroles, moi si. Ca m'a suffit…
Seifer, je sais que je n'ai pas le droit de te le demander, que c'est contraire à…
Squall, tu n'as pas à me demander quoique ce soit. Je ne dirai rien parce que je ne sais rien et qu'il n'y a d'ailleurs rien à savoir.
… … Merci.
On verra ça plus tard. Pour le moment, Monsieur le héros a eu une dure journée et il doit aller se coucher. Il a une sorcière à défendre après tout !
On se voit à votre retour. Répondit Squall en guise d'au revoir avant de raccrocher.
Ainsi donc ses doutes étaient confirmés... C'était maintenant que les choses sérieuses allaient commencer pour Linoa et son chevalier. Ses émotions étaient la clé. Colère, souffrance ou peine, si elles n'étaient pas canalisées, elles menaient droit à d'immenses pouvoirs et la laissait virtuellement sans limite. Le chevalier était cette limite. Il était le barrage, la digue qui ne devrait jamais céder. La tâche était énorme, mais en récompense, il y avait la sorcière, son sourire, ses regards, son amour. Pour elle, il était prêt à accepter la charge, sans hésitation. Si elle lui offrait cette chance, il serait son chevalier, parce qu'il l'aimait, tout simplement.
Il ouvrit précautionneusement la porte de sa chambre et la trouva allongée tout habillée sur le lit, veillée par Angel, son fidèle chien. Rassemblant le peu de force qui lui restait, il se déshabilla sans bruit et se glissa sous la douche. Elle le regarda faire, inquiète. Sortant de la salle de bain, il chassa le chien et s'allongea près d'elle, nerveux. Il passa timidement un bras autour de sa taille. Elle avait peur, mais elle devait le faire, elle devait savoir. Elle lui prit la main et ferma les yeux. Il sentit son esprit être appelé vers un temps passé mais ne lutta pas. Ils devaient savoir.
Il se revit dans le néant, tentant de discuter avec Ellone, de lui faire entendre raison:
Ellone, tu délires complètement… Tu ne connais pas tes parents et alors ? Tu es orpheline, nous aussi. Peu importe. On existe avant tout par soi-même.
…Pourquoi tu ne veux pas m'aider à savoir ?
Tu n'as pas besoin de savoir ! Tu as une autre famille. Tu as Laguna,… tu as eu Raine. Il y avait un soupçon de jalousie et de ressentiment dans le ton qu'il avait employé. Ce sont eux tes parents, ce sont eux tes repères… Que cherches-tu chez ces inconnus ?
Tu aurais pu tout changer… Tu aurais pu me dire si c'est lui mon père, ou lui… Elle montra une silhouette imprécise à sa droite, puis à sa gauche, des formes floues. Papa, c'est toi ? … Elle baissa les bras et fixa le sol. Je ne sais pas. …Je ne sais plus…
Relâche-le. Laisse-le partir, laisse-nous tous tranquille ! Cette fois, c'était Linoa qui était intervenue.
Il veut pas m'aider... Mais il le faut, sinon, je n'y arriverai pas !
Tu es horrible ! Tu ne vois donc pas qu'il n'a pas besoin de tes images pour se sentir coupable ? Relâche-le !
C'est pas ma faute !…Je veux juste qu'il m'aide…
Comment ?! En lui demandant de renoncer à sa vie pour satisfaire la tienne ? Après ce que tu lui as fait ? Tu ne vois pas que le pire c'est qu'il le ferait sans hésiter s'il était seul ?
Ecouter cette conversation qu'il n'était pas censé entendre le troublait, surtout la justesse avec laquelle Linoa l'avait cerné. Elle en savait presque plus que lui-même.
Mais non, c'est pas vrai ! C'est pas moi !… Je ne lui ai jamais rien demandé…
Je ne te laisserai pas me le prendre. Je ne te laisserai pas lui faire du mal, pas encore…
Laisse-moi, arrête, non ! … Tu me fais mal…
Tu ne veux pas céder mais moi je mettrai un terme à tout ça. Il n'aura pas à te faire de mal, il n'aura pas à assumer ça en plus…
La limite. Elle venait de la dépasser. Elle était en train de puiser en Ellone renforçant du même coup ses propres pouvoirs. Au fur et à mesure que les sorts lui étaient repris, Ellone s'affaiblissait, de même que ses appels au secours. C'était l'élément qui lui avait fait comprendre. C'est à cet instant qu'il était intervenu.
C'est pas moi…Non… Se défendait Ellone. Elle l'avait senti arriver. Aide-moi ! Je t'en prie, aide-moi !
La suite, ils la connaissaient. Linoa rouvrit les yeux et rompit l'expérience. Elle lui lâcha la main et demanda.
Squall… Je t'ai choisi pour chevalier une première fois égoïstement, sans te demander. Je ne savais même pas à quoi je t'engageais. Pourtant, tu as accepté de remplir ce rôle face à Ultimécia, en plus de ce que l'on attendait déjà de toi. Merci.
Les mots étaient difficiles à dire mais il sentait qu'elle avait besoin de terminer, pour eux.
Maintenant, je veux te demander d'être mon chevalier, je veux que tu me promettes de veiller sur moi, parce que… J'ai vu ce que j'aurais fait si tu n'avais pas été là et … j'ai tellement peur Squall…Les larmes se remirent à couler malgré ses efforts pour les retenir. Elle ne voulait pas qu'il se sente obligé d'accepter, elle voulait qu'il choisisse. Librement.
Il n'hésita pas. Il avait échoué aujourd'hui. Il n'avait pas pu l'empêcher de se faire dominer. Il n'avait pas pu l'empêcher d'attaquer Ellone. Il l'avait fait passer après son travail, après le SeeD, l'organisme qui n'existait que dans l'éventualité d'avoir à la tuer un jour. Il avait passé l'épreuve haut la main, il l'avait fait revenir de la possession, il l'avait couverte et, surtout, il était revenu auprès d'elle. Elle le voulait pour chevalier, lui. Il ne laisserait pas passer cette chance. Il ne repartirait plus, pas sans elle. Il murmura, la voix claire:
Je serai ton chevalier Linoa. Je te promets de te protéger. Je ne te laisserai plus, plus jamais. Ne crains rien, je resterai à tes côtés, et je veillerai sur toi.
Il reprit sa main dans la sienne, la jeune femme accepta le contact et entremêla leurs doigts. Alors seulement se détendit-il enfin.
A Esthar, Laguna avait envoyé Ellone à l'hôpital, en observation, pour qu'elle reprenne lentement des forces. A son réveil, elle ne souvenait en rien de la semaine passée. Seifer soupira de soulagement, leur mission était officiellement terminée. Kyros et Ward le convoquèrent dans le bureau présidentiel "pour signer le terme du contrat" tandis que Laguna, Zell et Selphie restaient au chevet de la convalescente.
Seifer, tu te souviens de la raison première de votre venue à Esthar, n'est-ce pas ?
Il acquiesça sans mot.
Le professeur Geyser est retourné travailler en ville aujourd'hui, il rentre tous les soirs à pieds par le même chemin. Esthar est une ville calme, mais on a malgré tout nous aussi quelques problèmes de criminalité… Il nous arrive d'avoir affaire à des agressions de temps à autre. Certaines plus violentes que d'autres, ça peut aller jusqu'à l'homicide parfois… Je m'inquiète pour lui. Voudrais-tu aller à son devant s'il te plait ? J'ai un mauvais pressentiment…Il prononça la dernière phrase en le regardant droit dans les yeux.
Je ferais bien de me dépêcher alors, je ne voudrais pas arriver trop tard… Il compléta par son petit sourire confiant.
Quand le scientifique vit la silhouette venant vers lui, il comprit son malheur sans pour autant pouvoir y changer quoique ce soit.
Bonsoir professeur Geyser! Je ne pouvais pas quitter Esthar sans vous saluer, n'est-ce pas ? Et puis, j'ai un secret à vous dire…Il l'attrapa par le col et le souleva à hauteur d'yeux pour lui souffler. La sorcière existe toujours ! Et elle est plus puissante que la précédente ! Ca fait deux bons points dans votre histoire de prophétie. Il le reposa à terre. Aussitôt le petit savant chercha à s'enfuir mais la poigne sur son épaule était ferme. Maintenant, de là à savoir si les autres se réaliseront: moi, je décide que votre destin est de ne pas vivre suffisamment vieux pour connaître la réponse.
Un craquement sec se fit entendre dans le silence de la rue.
Il n'y a qu'un destin, celui que l'on écrit soi-même.
Il lâcha le corps qui tomba mollement dans un bruit de chiffon. Il s'éloigna tranquillement et tourna à l'angle de la rue, faisant voler les pans de son indispensable trench-coat gris.
FIN
note de l'auteur : merci de m'avoir lu ! A bientôt sur une prochaine fic' !
