Rating : M

Prairing : HP/SS

Disclaimer : Vraiment rien à moi, personnages et univers de JKR, histoire de l'exquise Cybèle, moi je traduis seulement (et uniquement la fin)…

Note de la traductrice : Ceci est la suite d'une traduction déjà largement entamée par la talentueuse Gaeriel Palpatine. Si vous êtes arrivés ici par hasard, je vous conseille fortement d'aller lire le début en premier. Le lien est dans mon profil. Vous y trouverez également le lien vers l'histoire originale de Cybèle, ainsi que vers les autres fics qu'elle a écrites.

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Si vous êtes prêt – III. Advienne que pourra

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Chapitre 20 : La fin

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Je n'aurais pas dû le laisser partir. J'aurais dû l'arrêter.

Je ne l'ai pas arrêté.

Le banquet d'Halloween est encore plus insupportable que ce dont je me rappelle. Les bruits et l'ambiance festive. Tous ignorant que le monde entier est au bord du précipice. Se balançant à la merci de la chance d'un gamin. Personne ne sait cela, tandis qu'ils jouent avec quelques absurdités explosives, jacassant et revêtant leurs stupides figures avec des choses stupides ce garçon est en train de donner sa vie pour eux. D'une façon ou d'une autre.

Je ne devrais pas être là.

« Snape, » siffle Black du bout de la table. Je jette un coup d'œil sur le côté pour voir la question dans ses yeux. Je hausse les épaules. Je ne sais pas où il est. Il est parti.

Je suis là.

Il ne l'est pas.

Au lieu de cela, Weasley est assis à sa place, me regardant avec la même question que Black écrite au travers de son visage grave. Il est parti, je lui dis. Il ne reviendra pas.

Je ne ressens rien. Je me suis attendu à ressentir quelque chose. Un signe qu'il ait réussi. Que tout n'est pas perdu.

Mais tout est perdu aussi bien s'il a réussi ou non. Et il n'y a rien. Je ne ressens rien.

Je n'aurais pas dû le laisser partir. Aussi puissant qu'il est, il n'est pas qualifié. Pas assez. Cela ne prend qu'une seule seconde et tout est perdu. Il est parti depuis quarante cinq minutes.

Il avait le droit d'essayer, argue une petite voix. Il mérite une chance de venger ses parents, ses grands-parents. Une chance, de plus, de venger cette vie qu'il aurait pu avoir si les choses avaient été différentes. Si Voldemort n'avait jamais existé.

Si Voldemort n'avait jamais existé je serais heureux de lui lancer des regards noirs en ce moment, le détestant comme une extension de son père. Mais ce n'est pas juste. Je ne serais pas là du tout. Je serais paisiblement en train de me vautrer dans ma maison familiale, la conscience libre et claire. J'aurais seulement la vague idée que Harry Potter existe et je n'aurais aucune attention pour le gamin. Je ne l'aurais probablement jamais vu.

Il avait le droit, j'insiste. Le seul espoir auquel je me raccroche désormais est que Dumbledore avait foi en lui. Dumbledore croyait qu'il pouvait le faire. Et de toutes les années où j'ai connu cet homme exaspérant, il n'a jamais eu tort. La plupart du temps.

Je n'aurais pas dû le laisser y aller seul. J'aurais dû insister pour venir avec lui. Tu essaierais juste de me sauver, a-t-il dit. Bien sûr que j'aurais voulu. C'est mon putain de boulot.

Je porte mon verre à mes lèvres et prétends boire ainsi je cache cette étrange expression que je sens sur mon visage. Une que je n'ai pas la force d'enlever. Un peu du jus s'écoule entre mes lèvres et est porté vers mes poumons par une brusque inspiration.

Je m'étouffe.

Mon visage devient chaud et mes yeux se mouillent alors que je tousse de façon rauque. Chourave me tapote le dos et je continue de recracher les gouttes. Je regagne finalement quelque contrôle et essuie mes yeux pour voir plusieurs regards tournés vers moi. Je fronce les sourcils en direction de mes collègues et des élèves assez insensés pour me regarder dans les yeux. Puis je retourne mon attention à mon assiette intouchée. J'interdis à ma poitrine de se contracter de nouveau et éclaircis ma gorge.

« Severus ? »

Je lance un coup d'œil au murmure de McGonagall. « Quoi ? » Je crache après avoir été irrité par sa tentative de chercher mon regard.

« Si vous préférez être autre part, je ne le retiendrai pas contre vous, » dit elle à voix basse, se penchant vers moi derrière les dos de Vector et Chourave.

Autre part. Oui. Autre part semble charmant. Mais où est ce que cela serait ? La pensée de revenir à mes appartements me rend malade. J'ai vu ce qui m'attendait là-bas. Le vide. Le froid qui me calmait autrefois et qui me rappellera seulement désormais qu'il n'est putain pas là. Il ne reviendra pas. Je l'ai laissé partir.

Mais McGonagall a raison. Je préférerais être autre part. A mon bureau peut être, où une flasque incrustée de pierreries se tient remplie avec la fine fleur de la magie Moldue. Et si je parviens à en boire assez, je pourrais même parvenir à oublier qui m'a donné le contenant.

Je n'aurais pas dû le laisser partir. Sans connaître la réalité qui l'aurait attendu de l'autre côté de ces festivités. Il voulait sa liberté. Je l'ai laissé partir.

Il est parti.

Me sentant vraiment malade, je me lève et fais mes excuses, acquiesçant ma gratitude à McGonagall. Je pars par la porte de côté uniquement pour m'arrêter à cause de la douleur écrasante et lancinante dans mon bras gauche. Je m'y accroche par réflexes, sifflant entre mes dents, puis continue à marcher.

Je suis seulement vaguement conscient d'une soudaine montée d'adrénaline et de mes jambes se ployant. La pièce s'efface dans les ténèbres murmurant sourdement quand quelque chose d'électrique se propulse dans mon corps. Je suis paralysé par cela pendant ce qui semble être des heures.

Finalement je retrouve le chemin du retour à la voix de McGonagall criant mon nom. Je cligne des yeux pour voir son visage concerné et Lupin s'approchant de moi. Je leur fais signe de s'en aller et m'assieds, essayant de me rappeler par quel enfer je pourrais possiblement être par terre.

« Severus ? »

Et ça revient.

Je relève ma manche, me fichant de toute discrétion. Je fixe avec incrédulité la peau impeccablement lisse de mon avant bras. Mes doigts se déplacent sur l'endroit où la marque devrait être.

« Severus, les élèves. Plusieurs de vos élèves… »

Je m'affale contre le mur, fléchissant distraitement mes doigts pour les débarrasser de la sensation de picotements de magie nouvellement intégrée.

Il l'a fait.

« Severus ! Est-ce que vous m'écoutez ? Vos élèves sont en train de s'effondrer de partout et j'aimerai énormément avoir quelques réponses ! » Siffle frénétiquement McGonagall.

Je me concentre sur son visage rougi. « Voldemort est mort, » dis-je sèchement, regardant son expression passant de la panique à la confusion. Je renifle par amusement amer. « Commençons les célébrations. »

Je me redresse en tremblant et m'échappe…

Vers mon bureau, je pense, mais quand j'y parviens, je ne m'arrête pas. Je tourne au fond du couloir menant à mes appartements, poussé par un inexplicable sentiment d'optimisme. Quelques derniers lambeaux d'espoir qu'il aura accompli l'impossible. Cela ne serait pas la première fois, après tout. Le gamin est connu pour défier la raison.

J'entre dans mes appartements, force confortée par ce ridicule espoir. Ou terreur. C'est dur de distinguer les deux en ce moment. Quelque chose de lourd s'installe dans mon estomac quand je trouve l'air inchangé. Mais ça ne fait pas longtemps. Il pourrait être en train de parcourir le domaine de l'école maintenant, sur le chemin de cette hutte endommagée d'où il utilisera la cheminée. Il reviendra ici.

Je m'assois dans mon fauteuil, fixant le feu et attendant le son familier de la cheminée. J'attends qu'il trébuche, répande de la cendre sur mon sol, et puis grimpe sur mes genoux et finisse sa journée. Je l'attends pour qu'il prouve une fois pour toute qu'il est invincible. Que rien ne peut l'atteindre. Que son insistance à être une pique permanente à mes côtés sera assez pour le ramener à moi.

Pour prouver que l'amour était assez pour sauver son âme infortunée.

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Je ne sais pas combien de temps je suis resté là quand les coups recommencent, me surprenant momentanément. Je me réinstalle dans mon fauteuil.

Il n'utiliserait pas la porte.

Une certaine partie de moi est toujours assez lucide pour maudire l'autre pour rester assis là en attendant inconsidérément. Elle me dit qu'il faut que je réponde aux coups. Que je devrais accepter qu'il ne reviendra pas et continuer ma misérable existence.

Cette partie de moi est effectivement mise à terre par l'autre part qui insiste qu'il doit revenir. Qu'avec Dumbledore parti et maintenant Voldemort, il est tout ce qu'il me reste pour m'accrocher. Il ne peut pas être mort parce que ma vie serait trop facile sans lui pour y déranger les choses. Le Destin ne serait pas si bienveillant.

Le Destin ne pourrait pas être aussi cruel.

Depuis combien de temps suis-je assis ici ? Deux, trois mille ans. Pas pour la première fois, je me demande si peut être il est quelque part et ne peut pas revenir. Peut être qu'il est blessé et ne peut pas transplaner. Et je ne saurais pas où le trouver. Il attend peut être que quelqu'un le trouve. Il ne pourrait pas sortir de son dernier combat indemne, après tout.

Sont-ils allés le rechercher ?

Peut être qu'ils l'ont déjà trouvé et qu'il est avec Pomfresh maintenant dans un sommeil réparateur. Ou ils l'ont amené à Sainte Mangouste et il récupère avant de retourner à l'école. A moi.

Réponds à la porte, Severus.

Cette voix encore. J'en viens à me demander si Albus Dumbledore n'est pas uniquement mort pour prendre résidence dans ma tête. Je ne veux pas répondre à la porte. Je ne veux pas voir quelqu'un. Je ne veux pas de mauvaises nouvelles.

Tu devras y faire face dans quelque temps.

Je devrais y faire face dans quelque temps. Lundi, quand les classes recommenceront. Quand je serai trop occupé pour y penser.

Mon estomac se retourne violemment quand je considère qu'il pourrait ne pas être là, s'y prenant maladroitement avec ses potions, charcutant ses ingrédients, jetant des regards noirs à Malfoy.

Qui ne sera pas là non plus. Une personne de moins à se soucier.

Les cognements se sont arrêtés, je réalise. Je suspecte qu'ils recommenceront dans quelques heures. Comme une horloge. Je joue avec l'idée de réactiver les protections d'Albus et de les enlever tout aussi rapidement.

Il ne trouverait pas le chemin du retour.

Il ne reviendra pas.

Il doit.

La cheminée fait tout a coup du bruit et je me tends, décroisant mes jambes et me redressant avec attente bien que sans trop d'espoir. Quelque soit l'espoir que j'avais il se dissout le moment où je vois McGonagall sortir et se redresser, me regardant de haut avec reproche.

« Severus. »

« Minerva. »

Sa bouche tressaille alors que ses yeux m'étudient soigneusement. Je renifle puis regarde à travers elle vers la cheminée.

« Comptez vous vous joindre à nous ? » Demande-t-elle, prenant place dans l'autre fauteuil. J'ai l'idée saugrenue de la pousser de là. Mais je ne le fais pas. Il ne s'assoit jamais là de toute façon.

« C'est aussi confortable que toi. »

« C'est mon fauteuil. »

« Bien, tu t'assois ici. Je m'assoirai là. »

« Insolent. »

« Andouille. »

« Severus ? »

Je dirige mon regard vers elle pour voir ses sourcils se froncer avec ce qui ressemble à de la compassion. Je renifle dédaigneusement puis me souviens qu'elle m'a posé une question. Je ne me rappelle pas ce que la question était.

« Vous ne pouvez pas rester ici pour toujours, » dit elle calmement.

Je lui lance un regard noir. « Je n'en ai pas l'intention. Il m'est permis des week end, non ? Je serai là pour enseigner à mes classes lundi. »

Elle cligne des yeux et ouvre sa bouche stupidement. Je détourne mon regard.

« Nous sommes lundi après-midi. »

« Ne soyez pas ridicule, » dis-je. Je ne suis certainement pas resté assis ici pendant trois jours. Je n'ai pas complètement perdu l'esprit.

« Les cours ont été annulés, bien sûr. Et demain également. » Elle prend une grande inspiration. « Pour la commémoration, » ajoute-elle.

Commémoration, certes. Qui viendra pleurer le Seigneur des Ténèbres ? Je frotte mon avant-bras distraitement.

« Vous serez attendu pour y participer, bien entendu. » Sa voix est serrée avec l'effort d'y mettre de l'autorité. « En tant que membre du personnel de Poudlard, » ajoute-elle rapidement.

Je serre les dents, espérant qu'elle s'en aille. « Non. »

« Nous avons tous besoin d'y mettre fin. Vous venez. En tant que professeur de cette école, Directeur de la maison de—

« Et bien je démissionne. Je ne—

« Et son ami, Severus Snape, vous venez ! »

« Je n'étais pas son ami, femme idiote ! » Je hurle. Ma voix surpasse ses ordres et les écrase dans un silence soumis. « J'étais son professeur. Il est mort. Je ne suis rien maintenant. »

Quelque étrange avertissement surgit me pressant de revoir ma dernière affirmation. Mais je ne peux pas me souvenir de ce que j'ai dit. Je décide que ça ne fait rien de toute façon.

Elle se lève. « Je n'accepterai pas votre démission. Je m'attends à vous voir demain à midi dans la Grande Salle. Je ne peux pas vous forcer à venir, mais je vous y incite fortement. Il est temps que l'on laisse ce bourbier derrière nous. » Elle fouille dans ses robes et en sort… des journaux, je réalise. « Je ne crois pas que vous ayez vu ceci. Je le laisse là pour vous. Il y a une lettre en première page dans la Gazette de samedi qui pourrait vous intéresser. »

Je l'ignore. Ou j'essaye. Ce n'est pas facile avec l'incessant babillage qu'elle produit. Elle marche devant moi et lance de la poudre dans les flammes avant de s'y engouffrer. Elle disparaît et je suis une fois de plus laissé à mon isolation. Où j'appartiens.

Je n'ai pas d'utilité pour sa charmante petite fin.

Je toise les journaux qu'elle a laissés sur la table. Haineusement, j'en prends un. Je le déroule pour voir son portrait à onze ans, une main gantée tenant un vif d'or frétillant. Il me sourit comme s'il venait juste de sauver ce putain de monde.

Petit morveux satisfait.

Je laisse tomber le journal au sol et me lève de mon fauteuil. Je vais jusqu'à ma chambre. Dépassant son bureau, je remarque son journal avec une enveloppe dessus. 'Severus' est écrit d'une main soignée.

Je prends une grande inspiration et continue, enjambant le cratère que son sang à fait sur mon sol, me déshabillant en marchant. Je me glisse nu dans le lit, enfouissant ma tête dans l'oreiller et inhalant profondément pour débarrasser ma gorge de sa terrible douleur écrasante. J'imagine que je peux toujours le sentir—tout soleil et insolence.

Je me retourne et clos mes yeux fermement. Mon corps frissonne à cause des draps froids contre ma peau, à cause de l'absence du poids chaud m'enveloppant, la main tendue au-dessus de mon cœur comme pour le réassurer que je suis vivant.

Je suis vivant.

Il sera bientôt en bas, je me dis à moi-même. Il reviendra plus tard.

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Au monde Sorcier :

Dans quelques heures je vais essayer de faire quelque chose que beaucoup d'entre vous pensent que je ne devrais pas essayer. Vous avez probablement raison. Mais je suis connu pour faire les choses que je ne devrais pas faire. N'importe quel professeur de Poudlard pourrait vous dire ça. Un en particulier pourrait écrire un livre à ce sujet.

C'est à son sujet que je veux vous parler.

Il me jetterait probablement un sort s'il savait que je suis en train de faire ça—ou au moins aurait envie de me jeter un sort, bien qu'il ne ferait réellement jamais. Il fut un temps où je ne savais pas ça. Il fut un temps où j'étais certain qu'il me tuerait si on lui en donnait la chance. Mais je ne le connaissais pas alors. Je pense que je peux dire que je le connais maintenant. Mieux que la plupart des gens, au moins.

Le Professeur Severus Snape est un enseignant petit, désagréable et strict. N'importe qui ayant déjà été dans sa classe pourrait en attester. Il est sans merci quand il s'agit de s'assurer que ses élèves ne se blessent pas, eux ou d'autres, avec n'importe quelle potion ils sont en train de faire. Il ne pardonne pas les erreurs ou l'inattention, et il a probablement réduit le plus brave des Griffondors aux larmes. Il est souvent injuste sur le sujet des points de maison, bien qu'il ne soit pas si mauvais pour noter. Il peut d'habitude mettre de côté son parti pris pour Serpentard au temps des examens.

C'est le Snape que la plupart des gens connaissent, je pense. Mais ce n'est pas tout ce qu'il est.

Il m'a sauvé deux fois la vie. La première fois pendant un match de Quidditch quand mon balai était ensorcelé et puis juste après mon seizième anniversaire quand j'ai été empoisonné par Voldemort. Cela ne prend pas en compte la fois où il pensait me sauver de Sirius Black et toutes ces autres fois où il m'a attrapé dehors après le couvre-feu et brisant les règles mises en place pour me protéger.

Il m'a toujours protégé, même si je l'appréciais ou non. Il dirait que c'était son boulot de faire ainsi. Peut être que ça l'était, mais quand Dumbledore lui a demandé de sacrifier deux ans de sa vie pour me protéger, il aurait pu dire non. Et il ne l'a pas dit. A la place il a voué ses vacances et son temps libre pour me garder sain et sauf. Il a sauvé ma vie plus de fois même qu'il le sait. Il a rendu le peu de vie qui m'était alloué supportable.

Je ne sais pas ce qui arrivera dans les prochaines heures, mais je ne pense pas que je serais là demain. Je ne veux pas mourir en étant la dernière personne qui sache quel homme extraordinaire est Severus Snape. S'il y a un héros dans tout ce désordre, c'est lui.

Sincèrement,

Harry Potter.

Je cligne les yeux face à ce qui pourrait très bien être mon panégyrique. Et le sera probablement puisque j'ai désormais l'intention de me suicider.

Borné petit imbécile.

Ce n'était pas suffisant qu'il parte et plonge la tête la première, me laissant dans le silence tourmenteur et le froid ténébreux de mes foutus cachots ; il avait à détruire la réputation que j'avais construit avant même que le morveux soit né. Qu'importe le chagrin que j'ai pu ressentir, il est incinéré par une brûlante rage meurtrière.

Lui jeter un sort ? Non. Je ne voudrais pas lui jeter de sort. Je ne me sentirai pas satisfait avant d'avoir mes doigts enroulés autour de sa petite nuque maigrichonne.

C'est officiel. Harry Potter a ruiné ma vie.

Et maintenant je dois rejoindre des centaines de sorciers et de sorcières pleurnichant pour lui payer mon respect.

J'écrase le journal blasphémateur entre mes mains et le laisse étendu sur le sol près des autres.

La Grande Salle est remplie par des gens le temps que j'arrive. Elle a bien évidemment été agrandie pour accueillir tous les endeuillés. Je fais une pause pendant un instant à la porte, me reprenant avant de faire un pas en avant. Uniquement pour en faire un autre en arrière quand je suis ébloui par un grand flash de lumière blanche. Je cligne furieusement des yeux essayant de voir au travers de l'ombre noire, qui a été sculptée dans ma vision. Je me rends finalement compte d'un appareil photo attaché à un photographe et je cherche ma baguette. Mon bras est immobilisé. Je regarde par-dessus mon épaule pour voir McGonagall me lançant un regard d'avertissement.

« Il est là ! »

« Professeur Snape ! »

Des applaudissements tonitruants explosent dans la salle et pendant un instant je ne peux rien faire d'autre que regarder pétrifié quand les gens se mettent debout. Puis je peux sentir mon pouls dans ma tempe et je suis certain que mon visage est rouge de rage. Si ce misérable gamin avait encore survécu je le tuerai moi-même.

McGonagall accroche mon bras et me mène rapidement entre deux des trente tables à peu près alignées dans la salle. Je toise futilement les idiots qui ont l'audace de me sourire entre leurs larmes. J'ai commencé à grogner le temps que nous atteignons la Grande Table, qui a été allongée pour accueillir plusieurs sorciers et sorcières que je ne reconnais pas. Je regarde autour de moi pour voir que même Black applaudit. Je grogne vers lui. Il grimace en retour mais n'arrête pas sa gestuelle ridicule.

Je m'assois et soumets mon expression à une des plus dégoûtée que je peux maîtriser. Mon regard ratissant la foule, je souhaite silencieusement la lèpre à chacun d'entre eux. Mes yeux s'arrêtent sur une photographie gigantesque de lui accrochée au fond de la salle. Il est habillé de robes vert bouteille et son visage est plongé dans une expression concentrée et vaguement peinée. Il danse avec une Parvati Patil clairement ennuyée.

Je renifle avec dédain, me demandant comment il pourrait réagir à la vue d'un de ses moments les plus douloureux affiché aux regards du monde. Le garçon est mort et nous le remercions avec humiliation. C'est de la gratitude.

Je repars pour le haïr silencieusement quand l'attention est appelée pour le Ministre des Imbéciles ou quelque soit son nom. Il me vient à l'esprit que cela pourrait être un bénéfice de lire à nouveau la Gazette. Une fois par semaine à peu près. Juste pour apprendre le nom des politiciens que je méprise.

Il se tient derrière une chaire au centre de la table et éclaircit sa gorge avant de diriger sa baguette pour un charme d'amplification. Je m'empêche avec succès de m'affaler sur ma chaise insolemment quand il commence ce qui promet d'être un discours très long et criblé d'emphase.

« Nous sommes ici aujourd'hui pour célébrer la vie d'un jeune homme… »

Je grogne bruyamment. Foutaises. Nous sommes ici pour célébrer sa mort. Je referme mes lèvres quand le pied de McGonagall heurte mon tibia.

« A la surface, Harry Potter était un garçon ordinaire. Un garçon qui jouait au Quidditch et aux cartes explosives. Un garçon qui pouvait être vu chaque jour révisant ses cours ou se reposant avec ses amis autour d'un jeu d'échec sorcier. Un garçon qui était étrangement gauche auprès des jeunes et jolies filles… »

Il sourit et hoche la tête vers la photo au fond de la salle et je dois couvrir ma bouche pour m'empêcher de faire des commentaires. Un rire bouillonne du fond de ma gorge et je tousse pour l'éclaircir. Une main s'abat sur mon épaule. J'essaye de l'enlever en haussant l'épaule, mais McGonagall raffermit sa prise. Je soupire maussadement et fait glisser mes yeux le long de la table pour voir Lupin, ses doigts pinçant l'arête de son nez et sa tête penchée. Au premier coup d'œil on aurait pu croire qu'il tentait de regagner un contrôle sur ses émotions, mais je peux voir le coin de sa bouche tressaillir dans un sourire contenu. Je m'incline en arrière sur ma chaise, satisfait qu'au moins une autre personne sait à quel point le discours de l'homme est ridicule. Et puis il me vient à l'esprit d'être irrité que cette autre personne soit lui.

« … Harry Potter ne fut jamais ordinaire. Il était un garçon dont le nom était devenu légendaire avant même qu'il dise son premier mot. Un dont le nom ne sera pas de sitôt oublié… »

La foule applaudit à l'affirmation et c'est tout ce que je peux faire pour ne pas rouler des yeux. Les politiciens sont souvent aimés pour établir l'évidence. Je remue nerveusement sur ma chaise.

Il haïrait cela. Il plisserait ses lèvres et son nez et regarderait dans un silencieux entêtement.

« Qu'est ce qui arrive à un enterrement ? »

« Ils enterrent le mort. »

« Je sais ça. »

« Un idiot se lève et fait de toi la personne la plus formidable qui ait jamais vécue. Pendant que tous les autres pleurnichent et hochent la tête en agrément. »

« Et bien, je suis la personne la plus formidable qui ait jamais vécue. »

« Oh arrête de ricaner comme un idiot. Tu ferais mieux d'être prêt avant que ton parrain arrive. Je ne veux pas qu'il rôde par ici plus que nécessaire. »

La main de McGonagall sur mon bras me sort de ma méditation. J'arrache mon bras de sa main et serre les dents, essayant de me concentrer sur n'importe quoi d'autre que les paroles niaises que cet homme produit et les pensées inutiles dans ma propre tête.

« Le garçon est né pour être un héros, ses professeurs me l'ont dit. Il se mettait constamment en danger pour sauver les autres du préjudice. La Directrice McGonagall dit que sa bravoure surpassait souvent sa raison. Peut être que Harry lui-même l'a mieux dit dans sa lettre à cœur-ouvert dans la Gazette du Sorcier qu'il était connu pour faire des choses qu'il n'aurait pas dû faire. Seize ans plus tôt, Harry Potter n'aurait pas dû vivre. Cela dépassa notre entendement à cette époque qu'un jeune homme puisse défier les règles qui gouverner notre monde et survivre à un sort qui tua tragiquement ses parents et bien d'autres. Je frissonne maintenant à la pensée de ce que notre monde aurait pu devenir si Harry Potter avait fait ce qu'il n'aurait pas dû faire… »

Plus de reniflements et d'acquiescements, des applaudissements un peu partout. J'aimerais applaudir l'homme pour avoir juste dit à une salle pleine d'adolescents que la défiance est une qualité admirable. Je frémis intérieurement à la pensée de ce à quoi la liste des retenues de l'année prochaine ressemblera. De toutes les choses que le gamin était, il n'était sûrement pas un foutu model. Coucher avec son professeur et se faire tuer ne sont pas des actes admirables.

« Je regrette de n'avoir jamais eu la chance de rencontrer ce garçon remarquable. Un garçon courageux qui, connaissant les conséquences de son succès, s'est éteint vendredi soir, seize ans après sa miraculeuse survie, et a sauvé notre monde une fois de plus. Il n'aurait pas dû faire ça, mais je pense que chacun d'entre nous aujourd'hui saura remercier le ciel qu'il l'ait fait. »

Peut être pas tout le monde.

Opportunément, chacun d'entre eux a une fois de plus oublié que le gamin n'a pas seulement risqué sa vie, mais le monde entier. Au nom de son propre intérêt. Il ne voulait pas être enfermé. Mais qui suis-je pour les priver de leur attitude délusoire ?

Je lève mon verre avec le reste d'entre eux et bois à l'habilité infaillible du gosse à ignorer la conséquence de ses actions.

« Vous venez à la Cérémonie de Remerciement, » me siffle McGonagall. Je lui jette un regard noir alors qu'elle se lève puis me tape sur l'épaule avec insistance, me signalant sans subtilité que je devrais la suivre elle et le reste de la Grande Table vers les portes. Le reste de la foule se sépare ainsi nous pouvons passer entre. Le bruit incessant d'appareil photo remplit l'air. Je me retrouve accosté par une jeune sorcière en robe violette.

« Mr Snape, voulez vous commenter—

« Non, dégagez, » je grogne puis je suis traîné loin de n'importe quelle satisfaction que j'aurais pu tirer de l'expression de la jeune femme.

« Voudriez vous s'il vous plaît arrêter de me secouer ? » Je grogne à voix basse.

« Et voudriez vous gentiment vous comporter comme quelqu'un de votre âge ? » Murmure-t-elle en retour. « Essayez de vous rappeler que ces gens ne sont pas là pour vous tourmenter, Severus Snape. C'est au sujet d'Harry. »

Elle a tort, bien sûr. Ce n'est pas à son sujet. C'est au sujet d'une certaine nouvelle icône que le monde Sorcier peut célébrer et lui construire un piédestal. Pas qu'il n'est jamais était cela. Mais ce n'est pas à son sujet et je défis quiconque de prouver le contraire. Ces adorateurs d'idole ne le connaissaient pas. Ils se fichaient de sa vie. Ils sont concernés sur le fait qu'il a vécu autrefois et assez longtemps pour les sauver.

Pas même leur gratitude n'est sincère. Bien qu'ils puissent essayer, aucun d'entre eux ne pourrait imaginer ce que leur vie aurait pu être s'il avait échoué. Ils se sentent reconnaissant que quelqu'un est tué le Seigneur des Ténèbres. Leurs cœurs sont remplis d'empathie inexacte pour ce pauvre garçon. Mais aucun d'entre eux ne voudraient le reprendre. Ils sont contents qu'il soit mort.

Je m'arrête de marcher quand nous entrons dans la cours Est où son arbre a été planté et tremble maintenant sous la pluie froide. Et loin en dessous de l'arbre son corps est étendu froid et recourbé. Nu contre la terre qui l'appellera.

Je reproche ma soudaine difficulté à respirer à la longue marche depuis la Grande Salle et le froid de l'air. J'écoute placidement les pas maussades de la foule venant remercier le gosse pour être mort.

« Severus ? »

« Bordel, Minerva. Laissez moi tranquille, » je parviens à dire au travers de ma gorge compressée. Elle ressemble à quelqu'un qui pourrait arguer pendant un instant. Mais elle acquiesce seulement et se dirige vers le centre.

Je m'affale contre une colonne en pierre, hors du chemin du flot des endeuillés reconnaissants, et croise mes bras pour me défendre contre le froid de l'air et de l'indignation sévère des vents qui viennent les punir tous pour leur hypocrisie.

« J'ai aimé les arbres. C'était chouette. L'idée, je veux dire. »

« Assez. Plus grand était le sorcier, plus gros est l'arbre. Charmante idée. »

« Andouille. C'est mieux que ce que les Moldus font. Ils mettent ton nom sur une dalle de ciment et ils te rangent dans une sorte de petit alignement de gens morts, je préfère avoir un arbre. »

« Et je suis certain que ton arbre sera plus grand que tous les autres arbres. »

« Arrête. Je suis sérieux. »

« Moi aussi. »

« Bien que, ça n'est pas très juste, hein ? Je veux dire, si les gens ne savent pas toutes les grandes choses que tu as faites… »

« Et bien il n'y aura personne pour s'en faire et ça n'aura pas d'importance de toute façon. Après la mort tu ne seras pas jugé à la grandeur de ton arbre. »

Je suis surpris par une main sur mon épaule. Je lance ma tête sur le côté pour voir Lupin. Derrière son épaule, ressemblant à quelqu'un qui pourrait avoir un haut-le-coeur à tout moment, se tient Black. Il ne me regarde pas. Il fixe la foule à la place. Une faible douleur de pitié s'ajoute au chœur de toutes les autres peines qui me remplissent. Au moins quelqu'un dans cette foule pleurera sincèrement le gamin mort.

Mais cela ne sera pas moi.

« Est-ce que tu viens ? » demande Lupin d'une voix rêche.

« Va te faire foutre, » je réponds ne parvenant même pas à avoir une trace d'amertume contre lui. J'aurais tout aussi bien pu ne rien dire du tout et garder mon énergie. Il tapote mon épaule et ils rejoignent les cercles se formant autour de l'arbre, autour de son corps enterré profondément dans le sol froid et mouillé.

Je les déteste tous tandis que je les regarde tenir leurs mains. L'air devient épais par leur déception. L'arbre craque bruyamment comme s'il les maudissait tandis qu'il se gonfle et devient plus grand, nourrit par les mensonges dont ils se sont convaincus être vrais. Je hais même ceux qui l'aime pour avoir rejoint la farce que les autres ont fait de sa vie.

Et dans tout le vaste monde Sorcier une forêt d'Arbres Bénis est en train de pousser pour rendre la dernière défiance du gosse évidente. Des gens qui ne l'ont jamais vu le remercient pour avoir fait quelque chose dont il n'avait aucun autre choix sinon de le faire.

Je les hais tous.

Je me détache de la colonne et marche avec détermination jusqu'à mes cachots. Jusqu'au seul monde qui regrette vraiment sa perte.

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Le lendemain, le monde recommence. Et le temps se réamorce, chaque seconde l'engonçant plus fermement dans le passé jusqu'à ce qu'il soit une simple tâche dans la conscience de l'histoire. Un autre sujet avec lequel Binns devra se débrouiller pour bercer les générations futures jusqu'au sommeil.

Je ne sais pas comment je me débrouillerai. Le travail comme d'habitude. Je dois admettre que la perspective de continuer la farce de donner de l'importance à ma vie au jour le jour n'a jamais été aussi encombrante. Ironiquement, je ne l'ai jamais eu plus facile. Je n'ai qu'à répondre de moi-même maintenant. Mes dettes ont été payées, mes devoirs accomplis, mes ennemis défaits.

Sauf un.

Lucius Malfoy s'en sort indemne une fois de plus. Le Serpentard inhérent en moi est impressionné par son retour de veste. Plus que l'argent, ce sont les secrets que l'on garde qui lui ont donné du pouvoir et l'achat de son immunité. La liberté de Lucius est un rappel brutal qu'il n'y a aucune justice en ce monde. Et qu'il n'y en aura jamais.

Le Bien a triomphé sur le Mal et chacun ont péri sur la balance. Ceux d'entre nous qui s'inscrivent dans aucune catégorie attendent le moment de la prochaine bataille, quand nous serons forcés de choisir notre camps de nouveau et de nous battre pour une cause dont nous serons trop fatigués pour y accorder de l'importance. Un bouc-émissaire éclatant émergera pour tous nous sauver d'une ombre qui ne sera jamais vraiment conquise.

J'ai mal avec l'envie de dormir pendant tout cela. S'il y a une chose sur laquelle on peut compter c'est que l'histoire se répètera. Encore et encore jusqu'à l'infini. Le Seigneur des Ténèbres n'est pas mort. Il dort. Et le gamin héros renaîtra de nouveau pour le combattre quand il se réveillera.

Et je me fiche de tout cela. Ce qui me concerne c'est qu'il ne reviendra pas. Pas le héros. Le garçon. Le jeune homme qui pourrait être assis à mes pieds avec sa tête sur mes genoux, content d'être silencieusement caressé, se raccrochant à cette maigre écharde de paix comme si c'était la seule chose qui empêchait l'univers en entier de s'écraser sur lui.

Et ça l'était.

Mon doigt effleure l'encre qui forme mon nom sur l'enveloppe. Le journal, la preuve de son existence, est posé sur mes genoux, m'interdisant d'en lire son contenu sans la bonne clé. Je ne suis pas certain que j'ai la force de le lire de toute façon, excepté que je le lui dois pour quelque raison incompréhensible.

Je suppose qu'il mérite que l'on se souvienne de lui pour l'imbécile sentimental et sacchariné qu'il était et pas pour son accomplissement dramatique. Et comme je suis la seule personne à être autorisée à connaître ce que je suspecte être les songes d'un adolescent hormonal amoureux, je suis le seul sorcier qualifié pour être son confident.

Je prends une gorgée de scotch de mon verre et fait une pause pour me rappeler le goût de la chose sur son souffle. S'il avait vécu, il serait peut être devenu alcoolique.

Je brise le sceau de l'enveloppe et en sort la lettre, la dépliant. Un autre morceau de papier tombe sur mes genoux. Je le laisse là et je lis.

Cher Severus,

Je suppose que maintenant tu sais ce que j'ai fait. Je dirais que je suis désolé, mais tu me dirais juste de ne pas l'être. Et je ne crois pas qu'être désolé compte vraiment désormais de toute façon. Je ne peux pas le reprendre.

J'ai l'impression qu'il devrait y avoir plus dans cette lettre, mais je ne sais pas quoi dire. Je ne pense pas que je serais jamais capable de dire assez et je ne pense pas que mon vocabulaire est assez grand pour expliquer toutes ce que je veux que tu saches. C'est pour ça que je te laisse mon journal. Je ne m'attends à ce que tu le lises en entier. La plupart c'est stupide. Mais il y a beaucoup de choses là dedans que j'ai voulu te dire et ne pouvais pas pour une raison ou une autre.

De beaucoup de façons c'était le plus beau cadeau que j'ai jamais reçu. Je ne savais pas ça quand tu me l'as donné et je ne t'ai jamais remercié comme il faut pour ça. Même si la plupart des choses là dedans ne sont que des idioties barbantes, c'est moi. C'est la preuve que j'ai existé. Est-ce que ça a du sens ? Probablement pas. Peu importe, touche juste la côte avec ta baguette et dis 'Cher Severus'.

(Ne ris pas. Je ne savais pas quoi d'autre utiliser.)

Quand j'ai planifié tout ça dans ma tête, j'ai pensé que je pourrais être intelligent et finir par citer un des poèmes du livre que Hermione m'a offert. C'est le seul qui a du sens quand je le lis et il semble dire tout ce que je ressens beaucoup mieux que je le pourrais. Mais chaque chose formait un ensemble et je ne pouvais pas me décider où le couper.

Alors à la place je te dis juste que je t'aime et j'espère que tu comprendras ce que ça veut dire. La chose la plus dure que j'ai jamais faite était de te quitter. Et bien plus que ma peur de tout merder aujourd'hui, j'ai peur que tu regrettes tout. Me connaître. M'aimer. Parce que la plus grande chose que j'ai jamais faite c'est de t'aimer.

Arrête de grogner. C'est vrai.

Ça fait que ma vie entière semble un peu moins inutile. Est-ce que ça a du sens ?

Je vais finir tout ça avant de commencer à sonner comme un total imbécile. Alors au revoir et merci.

Je t'aime pour toujours,

Harry.

P.S : Peux tu t'assurer que Sirius ait ma malle ? Et pourrais tu aller à la volière pour voir Hedwige de temps en temps ? Je crois qu'elle se sent seule. J'aimerai que tu la gardes si tu veux.

Je suis forcé de m'arrêter de lire plusieurs fois pour prendre une gorgée de scotch salutaire et dégageant ma poitrine. Stupide gamin. La plus grande chose qu'il ait jamais faite était de m'aimer. Et comment il me récompense ? Avec la clé de ses angoisses adolescentes et une chouette ennuyeuse.

Santé.

Je continue à fixer la lettre longtemps après avoir fini de la lire. Je remarque qu'il y a des endroits où l'encre est plus forte et le parchemin est creusé. Des larmes, sûrement. Il semble avoir une réserve sans fin. Une surproduction de larmes déversées, je pourrais dire, car elles semblent être arrivée à des moments étranges. Non voulues et incontrôlables. Il aurait simplement commencé à déborder. Finalement cela devient une de ces bavures physiques que nous prétendons tous ne pas remarquer. Comme les mains transpirantes.

Je fais courir mon doigt sur l'un des endroits, fronçant un sourcil quand l'encre s'étale sur la feuille. Je lance un regard accusateur au scotch sur ma table basse qui reste là en toute innocence. J'imagine que j'ai dû en faire tomber un peu quand j'ai pris une gorgée. J'efface toutes les preuves potentielles du contraire de mon visage avec ma manche.

Me renfrognant maintenant, et en colère, je finis ce qui reste de mon verre et remets la lettre dans son enveloppe et la place sur la table basse près de moi. Je fixe le journal avec mortification. J'évite la chose en faveur de l'autre morceau de papier qui semble être une page arrachée d'un livre. Il me vient à l'esprit ce que cela doit être et je regarde entre ça et le journal avec le même dédain.

Il y a tellement d'émotions à déverser qu'un homme peut absorber en une seule fois, je décide. J'aurais le reste de ma vie pour visiter ses mémoires et lire ses pensées. Pour jouer le rôle d'une pensine personnelle à un gamin mort. J'opte pour lire les mots plus concis d'un joueur neutre. Des mots qui ne porteront pas avec eux le souvenir de sa voix. Et puis je me retirerai et me préparerai pour demain quand j'aurai à recevoir un monde peuplé de morveux détestables sans cicatrices et légendes et âmes torturées pour les distinguer.

Je place le journal sur la table à côté de la lettre et déplie la page. Je renifle quand le mot 'poème' retire tout espoir que le gosse ait eu un goût pour l'art littéraire. En ayant un long soupir, je lis.

Severus c'est le poème dont je t'ai parlé dans ma lettre. Je sais que c'est sentimental, mais c'est tout ce que je veux dire quand je dis que je t'aime. Harry.

'When I am feeling depressed and anxious sullen

All you have to dois take off your clothes

And all is wiped away revealing life's tenderness

That we are flesh and breathe and are near us

As you are really as you are I become as I

Really am alive an d knowing vaguely what is

And what is important to me above the intrusions

Of incident and accidental relationships

Which have nothing to do with my life

When I am in your presence I feel life is strong

And will defeat all its ennemies and all of mine

And all of yours and yours in you and mine in me

Sick logic and feeble reasonning are cured

By the perfect symmetry of your arms and legs

Spread out making an eternal circle together

Creating a golden pillar beside the Atlantic

The faint line of hair dividing your torso

Gives my mind rest and emotions their release

Into the infinite air where since once we are

Together we always will be in this life come what may.' (1)

oOoOoOo

« Est-ce que tu allais dire au revoir ? »

Je m'arrête rigide à la porte menant à mon échappatoire et me retourne pour voir Lupin, pour une fois sans son chien d'arrêt. J'ai perdu l'énergie requise pour combattre son insistance à des relations cordiales. Au moins Black a la décence d'être réticent à engager n'importe quelle conversation civile avec moi. Je commence à soupçonner que Lupin les recherche.

« Je n'en avais pas l'intention, mais si tu insistes. Au revoir. » J'acquiesce brusquement et me tourne de nouveau vers la porte.

« Severus. »

J'inspire calmement et laisse aller doucement avant de me retourner vers lui. « Lupin, j'ai attendu trois ans pour ces vacances et je préfèrerais les commencer le plus vite possible. »

« Tu reviendras, n'est ce pas ? »

Je fronce les sourcils et tente futilement de lire ce qui se cache derrière cette expression non descriptible. Est-ce que je reviendrais ? Bien sûr, que je reviens. Je suis un glouton pour les punitions, après tout, et ne saurais-je guère quoi faire avec moi-même si je ne perdais pas mon temps en essayant d'enseigner l'appréciation d'un art perdu, ou me soumettre au caractère inquiétant de la Directrice, ou travailler sans relâche au dessus d'un chaudron dans l'intérêt de garder une bête dangereuse passive. Oh…

Bien sûr.

« Pas d'inquiétude, Lupin. Il y a assez de Tue-Loup pour toi jusqu'à ce que je revienne. Comme je l'ai dit, tu as juste besoin d'ajouter des racines de limaces et le faire bouillir jusqu'à ce que la fumée perde son vert… »

Je me suspends quand je le vois sourire. Je rétrécis mes yeux. « J'ai laissé les instructions à Poppy, » je grogne et tente de m'échapper une fois de plus. Seulement pour être stoppé de nouveau. Je perds patience. « As-tu personnellement la charge de m'ennuyer sans cesse ? »

Son sourire devient un rictus et il y a quelque chose de suspicieux sur la façon dont il détourne le regard vers le sol. Je suis intrigué pendant un instant puis une horrible pensée me vient.

« Passes de bonnes vacances, » dit il et se retourne pour s'en aller.

« Lupin, tu n'es pas gay, n'est ce pas ? »

Il se retourne d'un coup, ses yeux s'écarquillant. Il postillonne pendant un instant et je suis certain que je ne l'ai jamais vu perdre son flegme auparavant comme ça. Cela me plairait si je n'étais pas terrifié par ce que pourrait être sa réponse. Je le regarde regagner sa capacité à parler.

« Quoi ? Non—pas en particulier. Pourquoi ? »

J'exhale un long soupir. La dernière chose dont j'ai besoin est de parer à un loup-garou excité. J'ai déjà assez eu mon lot de personnages tragiques. Je secoue la tête. « Rien du tout. Je te verrai en septembre, » dis-je et marche vers la porte. La foutue chouette ne cesse de hululer joyeusement tandis que je la mène au soleil.

Ce sera la première fois que je verrai le manoir depuis la deuxième venue de Voldemort. Ce sera également le premier été où j'y resterai seul depuis bien des années, je ne peux pas m'empêcher de me souvenir. Mais je me suis accoutumé à être seul durant ces derniers mois sans lui. Et parant les attaques occasionnelles de stupidité pleurnicheuse, je remarque même difficilement son absence.

Menteur.

Je pourrais bien la remarquer. Je pense à lui. C'est difficile de ne pas le faire sans son fan club toujours gémissant à l'école, et ce foutu trou dans mon sol qui me tuera sûrement une de ces nuits quand je parviens à me hisser hors de ce fauteuil pour aller au lit. Et il y a ce foutu oiseau. Le nouvel orphelin dont je suis obligé de m'occuper.

Il te manque.

Il me manque. La pensée ridicule est de rester là-dessus, on ne peut rien y faire. Il était une part de mon existence journalière pendant trop longtemps pour être facilement oublié. Il était mon habitude. Il était ma routine.

Tu l'aimais.

Je l'aime.

Bien sûr que je l'aime. C'est mon boulot.

Ça fait que sa vie semble un peu moins inutile.

oOoOoOo

Fin

oOoOoOo

(1): M'étant rendu compte après moult tentatives que je suis totalement insensible à la beauté poétique, j'ai préféré laisser le poème en anglais, tel qu'il était, plutôt que de le massacrer avec mes sabots. Je n'ai pas trouvé de traduction 'officielle' mais si ça vous intéresse, ce poème est de Franck O'Hara et s'intitule 'When I am feeling depressed'. Si vous avez l'esprit batailleur et que vous voulez proposer une traduction, je l'inclurai ici avec plaisir et reconnaissance.

Voilà, c'est la fin… j'espère que ça vous a plu et que vous vous remettrez vite.

Je remercie toutes les personnes qui ont laissé des messages. J'espère vous avoir tous répondu correctement.

Si vous voulez des nouvelles d'autres traductions que je pourrais faire, jetez un coup d'œil de temps en temps à mon profil, je vous indiquerai ce qu'il en est (il se peut que je fasse une petite pause, mon jardin ressemble à s'y méprendre à une forêt équatoriale).