Disclaimer : Tous les personnages et l'histoire sont la propriété de Stephenie Meyer
Aurora
Je m'appelle Cassandra Crow. J'ai l'apparence d'une jeune femme de 18 ans. Des yeux d'un vert vif, des cheveux noirs et soyeux qui tombent sur mes épaules, un sourire timide accroché au coin des lèvres. Je suis née dans une immense plaine aux senteurs de l'été, à une époque où les hommes préféraient encore le cheval aux machines de fer. Je n'ai vécu que peu de temps auprès des miens, et le secret qui me liait à eux, me hante encore aujourd'hui. Je suis une Quileute. Du moins j'aime encore à le croire.
Lycée
De toute mon existence, les premiers jours de lycée étaient la pire expérience que l'on puisse vivre. Nouveaux visages. Nouveaux ragots. Nouvelles prises de tête. Et ce jour-là n'allait pas déroger à la règle.
Je sortis de mon appartement. Le temps épouvantable me fit froncer les sourcils. Je n'allais pas aimer cette journée. Vraiment pas. J'enfonçais mes clés de voiture dans la portière et lançais mon sac de cours sur le siège passager sans aucun ménagement. L'Audi RS4, d'un gris anthracite, démarra sans broncher. Je m'élançais sur la quatre voies. Le lycée ne pouvait être que le long de cette route.
Je ne mis que quelques minutes à le trouver. Un panneau indiqué la fonction de la série de maisons identiques construites en briques bordeaux. Le tout était entouré d'une forêt d'arbres. Typique. Je me garais devant le premier bâtiment que je vis. Accueil. Je soupirais.
Comme à l'accoutumée, je répétais les mêmes gestes qui allaient me permettre de me fondre dans la masse. Je descendis de ma voiture, accueillie par une bruinasse et allais au secrétariat. Derrière le bureau, je la vis. Comme toujours, elle avait cet air bienfaiteur qui vous mettait tout de suite mal à l'aise. Je fis fasse à la secrétaire de l'établissement. Je ne dus pas attendre longtemps pour être assaillit par le flot de ses indications et de ses questions. Tout en répétant les informations qu'elle avait emmagasinées depuis des années, elle ne cessait de me dévisager de la tête aux pieds comme si j'étais la dernière attraction à la mode. Et elle n'allait pas être la dernière à agir de la sorte avec moi aujourd'hui. Je détestais les petites villes.
Une fois les papiers que je voulais en main, je repartis sous la fine pluie qui tombait continuellement depuis mon arrivée à Forks. Je suivis machinalement le flot d'élèves qui s'engouffraient déjà dans l'un des bâtiments où j'avais cours. Pour l'instant, je passais inaperçue. Aucun regard curieux ne détaillait mon anatomie et aucune pensée n'était tournée vers moi. J'étais pourtant déjà à bout de nerfs. La fatigue qui se lisait sur mes traits en était en grande partie responsable, mais ce n'était pas tout. Depuis mon arrivée, un certain malaise s'était emparé de moi, causant mon irritation du moment. Et les événements à suivre n'allaient rien arranger. Je savais exactement comment ma journée allait se passer aujourd'hui, et cela me rendait folle.
La froideur des couloirs disparut pour laisser l'air tiède de la salle de classe s'échapper. Je ne pris pas la peine de regarder mes camarades. Je ne cherchais aucunement à créer des liens, surtout pas aujourd'hui. A n'y pas louper, les premiers regards s'arrêtèrent sur moi. Je les ignorais. D'une façon un peu brusque, je tendis ma fiche de présence à mon professeur. Il fronça les sourcils en me découvrant. Ma pâleur de craie, mes yeux d'un vert trop brillant et mes larges cernes violacés le surprirent. J'avais tout d'une malade à peine remise d'une longue et douloureuse infection.
---Puis-je ? lui lançais-je promptement.
---Oui. Bien sûr… marmonna-t-il.
Il m'indiqua un siège libre devant un couple qui ne faisait rien pour se cacher. Lui, musculeux et mince, avec une tignasse désordonnée couleur cuivre ne cessait de la regarder. Elle, certes pas la plus jolie jeune femme qui fut, mais elle avait cette touche de je ne sais quoi qui faisait qu'on comprenait aisément pourquoi l'apollon l'aimait autant. Elle me sourit, timidement. Ma mine renfrognée devait y être pour beaucoup, mais je n'étais pas d'humeur à sympathiser. Lui, me foudroya du regard. Là encore, je m'en moquais. Il avait cette expression menaçante qui m'aurait fait éclater de rire si la situation avait été différente. Cependant, l'espace d'une seconde, je vis autre chose dans son regard. Une crainte que je n'arrivais pas à déchiffrer. Je n'y fis pas vraiment attention.
Je préférais me laisser tomber lourdement sur mon siège ne prenant même pas la peine de défaire mes affaires. Mon sac glissa le long du pied de ma table, et allait devoir se cantonner à cette place là. Pas besoin de mes livres, ni de prêter beaucoup d'attention au cours qui allait suivre. Je savais ce que le prof allait débiter mot pour mot. L'ennui total que j'allais bientôt éprouver n'allait pas aider ma fatigue. Je me préparais déjà, installant ma tête sur mon bras gauche tendue devant moi. Le blabla commença. Je sombrais à moitié.
---Melle Crow ? Melle Crow ?
Le ton irrité ne présageait rien de bon. Il marmonna encore quelques bribes de phrases que je n'eus aucun mal à distinguer. Tout en gardant les yeux clos, je répondis à sa question :
---Le héros n'est qu'un ingrat qui ne comprend pas la douleur de sa mère et se cantonne à justifier ses actes par un manque d'amour inexistant. Il est l'archétype d'un anti héros de ce genre de roman, où le personnage principal est quelqu'un de malsain pour lui et pour les autres. Il ne se doutera jamais de la réalité qui l'entoure mais malgré ça, certains des lecteurs vont l'aimer parce que justement, il reflète notre côté obscur. Ai-je oublié quelque chose, monsieur ?
Il fut décontenancé par la justesse de ma réponse et le ton respectueux dont j'avais fait preuve. Il se racla la gorge me faisant signe que je pouvais retourner à ma somnolence. Silencieusement, je l'en remerciais. Je devais passer pour une excentrique passablement asociale. Pas la meilleure réputation que j'avais eue, ni la plus discrète ! Mais à quoi bon.
La matinée se déroula de la même façon. Mêmes cours barbant, mêmes regards curieux, même insolence de ma part… La seule chose qui daigna accaparer mon attention, fut le couple qui s'était tenu derrière moi au tout début de ma journée. Bizarrement, nous nous retrouvions toujours dans la même classe. Je n'arrivais pas à me rappeler les visages des autres personnes qui avaient dû me côtoyer, pourtant, eux firent étrangement exception à la règle. Bella, c'était son nom, se décida enfin à m'adresser la parole à la fin de notre dernier cours.
---Excuse-moi ?
---Hmm.
---Bella Swan.
Elle me tendit une main timide que je saisis sans hésitation. La fatigue avait pris le pas sur l'énervement. En la regardant un peu plus attentivement, je me surpris à la trouver plus belle que la première fois. Et… je ne savais pas trop pourquoi, mais je me mis à éprouver de la tendresse pour elle. C'était absurde alors que je ne la connaissais que depuis quelques heures, mais j'avais appris à me fier à mon instinct. Faire sa connaissance me parut soudain une bonne chose. Un large sourire se dessina sur ses lèvres. Elle était heureuse de ma réaction. Son compagnon me fixait du coin de l'œil.
---Cassandra Crow.
---J'ai été nouvelle, il y a peu de temps, et… je sais que les gens d'ici peuvent être étranges, alors si tu as besoin d'un peu de calme pour le déjeuner, Edward et moi, pouvons te faire une petite place. Tu seras au moins avec des personnes qui ne t'assommeront pas de questions.
---C'est très gentil, merci. Mais…
---Tu n'es pas obligée, se précipita-t-elle.
---Non, ça me ferait plaisir, c'est qu'Edward n'a pas l'air enchanté.
Un rire clair et joyeux s'échappa de sa gorge. Elle me sembla encore plus attirante. Plus aimante envers cet être qui était si différent d'elle.
---Edward est assez méfiant envers les étrangers.
---Je ne risque pas d'aider. J'ai surtout envie de dormir.
---Oui… J'avais remarqué.
Elle ne voulut pas me poser cette question brûlante qu'elle avait sur le bout de la langue. Encore une fois, je glissais le même mensonge que je répétais inlassablement à chacune de mes arrivées dans une nouvelle ville.
---Avec le décalage horaire, je n'ai pas dormi depuis 72 heures. J'ai du mal à récupérer. Et je n'ai pas la meilleure santé qui soit, il faut l'avouer.
---Oh. Eh bien, nous serons heureux de te garder le peu de silence que nous pouvons.
Elle semblait sincère. Désireuse de m'accorder la paix qu'elle n'avait pas dû trouver à son arrivée ici. Encore une fois, je me décidais à laisser aller mes envies.
---C'est la meilleure offre qu'on m'ait faite de la journée !
Elle m'offrit un nouveau sourire sincère. Elle attendit que je récupère mes affaires, et voyant que je n'allais pas tenter de les semer, rejoignit Edward. Docilement, je les suivis tous les deux. Personne ne nous prêta attention à mon grand soulagement. Tout ce petit monde n'avait plus qu'une idée en tête à cette heure : se nourrir ! Ils se pressaient tous vers deux portes en contre plaqué qui ne pouvaient retenir l'odeur caractéristique des cantines scolaires. Je connaissais déjà tout cela, mais l'ouverture des portes battantes fut une expérience plus désagréable que dans mes souvenirs. Le bruit m'agressa avec une rare violence. Je comprenais mieux pourquoi Bella ne m'avait fait espérer qu'une bribe de silence. Je ne pris même pas la peine de prendre à manger, saisissant juste une bouteille de limonade. Edward était déjà assis à une table, regardant Bella avec insistance. Sans prêter attention à sa défiance envers moi, je m'affalais encore une fois sur la table. Le contact du métal froid me fit échapper un soupir.
Je sentis à peine Bella s'asseoir à côté de moi. Elle commença une conversation avec son compagnon, parlant doucement pour ne pas me gêner. Le bourdonnement continu me fit l'effet d'une berceuse. J'étais plus calme, plus détendue. Je m'aperçus d'ailleurs rapidement que mon malaise disparaissait. J'eus envie de laisser mon esprit vagabonder. Ne plus contrôler le flot de pensées de tous ces jeunes autour de moi que je m'efforçais à repousser. Juste une minute pour savoir si tout allait bien. Je pouvais rapidement refermer la connexion, alors pourquoi hésiter.
« … elle est bizarre.
---Pourquoi est-ce que tu dis ça ? Elle est fatiguée. Elle a donné une explication plus que probable à Bella.
---Alice, s'il te plait ! Elle est pâle comme un linge ! Ses cernes et… Je n'y arrive pas…
---Tu n'arrives pas à quoi ?
---Je ne peux pas lire en elle… »
Mes yeux s'ouvrirent brusquement. Je me redressais précipitamment cherchant du regard l'interlocutrice silencieuse d'Edward. Il ne me fallut que quelques secondes pour repérer Alice. Petite, mince à l'extrême, fine, elle pouvait faire penser à un lutin. Ses cheveux noir corbeaux coupés très court pointaient dans tous les sens. Elle se tenait à côté d'un homme blond, grand, élancé mais bien bâti. J'avais été beaucoup trop distraite. Je n'étais pas la seule à Forks. Comment avais-je pu manquer ce détail. La fatigue, rappelle-toi ! Tu n'es bonne à rien quand tu es comme ça ! Mes sens étaient en alerte, une angoisse me serrant la poitrine.
---Cassandra ? Tout va bien ?
Je foudroyais Bella du regard. Elle recula légèrement sous la frayeur. Comment pouvait-elle ne pas savoir ? Elle l'aimait. Elle devait savoir. Et eux, comment pouvaient-t-ils vivre parmi tant d'hommes, tant de victimes possibles ? Voyant qu'Edward et Bella me dévisageaient, je radoucissais mon expression.
---Un cauchemar. Désolée ! Je ferais mieux de rentrer.
---Oui, bredouilla Bella.
Je me levai précipitamment, passant devant Alice et Jasper, son compagnon, tout en gardant une allure humaine. Ils me regardèrent tous les deux aussi curieusement que le reste de la salle. Il fallait que je sorte. Que je réfléchisse calmement.
Sur le parking, ma voiture m'apparut comme une bénédiction. Je me glissais dans l'habitacle et verrouillais déjà la portière. C'était une bien maigre protection, mais c'était l'un de ses réflexes humains que j'avais gardés. Je me mis à respirer lentement, de plus en plus lentement. Mes yeux se fermèrent. La fatigue ne fut plus qu'un mauvais souvenir. Mes défenses contre les agressions du monde extérieur disparurent. Le flot de pensée me submergea aussi douloureusement qu'un coup de poignard. Je ne voulais me focaliser que sur quelques personnes. Rien qui ne me demanderait un gros effort.
Je m'apparurent tous les quatre. Ils s'étaient regroupés dès ma sortie. Edward n'avait pas cru à mon mensonge, et il s'inquiétait de plus en plus. Sa sœur et son frère essayèrent de le rassurer, mais le silence de Bella ne les aida pas. Autour d'eux, personne ne faisait attention à cette petite réunion, et de toute façon, personne ne me donnerait les renseignements que je voulais. Je n'aimais pas faire cela. Mais beaucoup trop de choses dépendaient de ce que j'allais découvrir. Je ne voulais pas me retrouver dans une situation où je devrais faire œuvre de toutes mes capacités.
Edward Cullen. Né en 1901. Transformé en 1918 par Carlisle Cullen, lui-même vampire depuis 1663. Alice Cullen. Née en 1901. Transformée en 1920 alors qu'elle était menacée par un vampire. James. Décédé. Jasper Hale. Né en 1843. Transformé en 1863. Marié à Alice Cullen. Isabella Swan. Née en 1987. Toujours humaine. Désire pourtant rejoindre ceux qu'elle considère comme sa deuxième famille.
Quelque chose me dérangea. Une grimace s'insinua sur mes lèvres. Ce n'était pas le fait qu'une humaine sache la vérité et veuille les rejoindre. Je pouvais comprendre cela. L'amour pouvait nous faire prendre des décisions insensées, je ne le savais que trop bien. Non. Mon problème résidait dans le fait que je ne pouvais lire en elle, comme chez les autres. Un voile s'interposait. Je ne réussissais à obtenir des informations sur elle que par le biais des trois autres. Je m'enfonçais un peu plus dans les esprits de mes hôtes involontaires. Esmée Cullen, Rosalie Hale, Emmett Cullen. Trois autres membres de la famille. Ils étaient beaucoup trop nombreux… Une telle famille ne pouvait existait sans être entourée par de sombres secrets. Ma respiration s'accéléra. Je réussis difficilement à reprendre le dessus de mon angoisse. Cependant, une information me fit vite reprendre mon calme. Là, au fond d'eux, je vis ce qui me soulagea. Ils ne se nourrissaient pas d'humains… Ce n'était donc pas une rumeur… Je n'étais pas la seule…
Je rouvris les yeux. Un léger sourire se dessina sur mes lèvres. Les petites villes n'étaient peut être pas aussi ennuyantes que cela après tout.